J'ai reçu
ce livre dans le cadre d'un partenariat avec
Newsbook et l'éditeur
Gallmeister. J'aurais dû publier ce billet le 13, mais voilà, j'ai quelques jours de retard, pour des raisons tout à fait personnelles (grosse surcharge la semaine dernière, tant au travail qu'à la maison), et une autre liée au livre lui-même, vous comprendrez en lisant la suite. Toutes mes excuses, donc, à l'éditeur et à Newsbook.
Alors, ce
livre ?
Un mot me
vient à son évocation : paradoxe.
Ce roman est
un vrai paradoxe à lui tout seul. Il s'agit d'un roman d'aventures,
mais le rythme de l'histoire est lent. Le style est rapide, incisif,
mais j'ai trouvé le récit quelque peu poussif. Il est plein de
bonnes choses, mais avec des détails qui ne m'ont pas beaucoup plu.
L'intrigue de départ est sympa et prometteuse, mais ce n'est pas
elle qui est la plus intéressante. Même la fin ne clôt pas
l'histoire comme on s'y attend, laissant un goût d'étrangeté. En
fait, j'ai vraiment l'impression d'être passée à côté de
l'intrigue principale tout au long de ma lecture, comme si je n'avais
rien compris du tout... Bref, vous l'aurez compris, mon bilan sur
cette lecture est très mitigé, sans que je puisse dire s'il s'agit
d'une bonne ou d'une mauvaise surprise. Étonnant, non ?
Pourtant,
l'histoire est potentiellement passionnante en soi. Switters, le
héros, agent peu conventionnel de la CIA, est envoyé en mission en
Amazonie. Il profite de son voyage pour faire une course pour
Maestra, sa grand-mère, qui lui a demandé de libérer son perroquet
âgé et bavard dans la jungle. Mais tout ne se passe pas comme
prévu : Switters se retrouve marqué par une malédiction, un
sort jeté par un chaman à tête en forme de pyramide. Comment
va-t-il faire pour vivre malgré cette malédiction (il risque quand
même la mort !), et pour s'en débarrasser (parce qu'il est dans la
force de l'âge, et qu'il a un tel tempérament qu'on ne le voit pas
cloué à vie dans un fauteuil roulant...) ?
La trame est
donc relativement simple, et les péripéties sont en revanche,
elles, particulièrement nombreuses, au point de faire oublier au
lecteur le but de Switters.
La première
partie installe l'intrigue : il s'agit du voyage de Switters en
Amazonie. La seconde partie le voit à son retour à Seattle,
transformé par la malédiction dont il est l'objet. Dans la
troisième partie, il repart, mais pas du tout dans la bonne
direction par rapport au problème qui l'occupe... il se retrouve en
Syrie, dans un couvent d'ex-bonnes sœurs excommuniées parce
qu'elles demandent au Pape de revoir sa position au regard de la
contraception. On peut discuter du bien-fondé de cette règle de
l'Église, la question n'est pas là du tout : le lecteur suit
Switters dans ses pérégrinations et ses errements, et c'est plutôt
drôle.
Le récit
est inattendu, foisonnant, bourré de choses totalement incroyables,
voire complètement absurdes : une course de bateaux dans le
caniveau du marché, un tableau de Matisse, une discussion
surréaliste avec des fondamentalistes islamistes... Les personnages
sont aussi hauts en couleurs : Switters, qui n'aime que les
jeunes filles mais tombe sous le charme d'une religieuse plus âgée
que lui ou presque ; sa grand-mère, hackeuse confirmée ;
son ami Bobby Case et ses conseils de bon sens que Switters ne suit
jamais ; sa demi-sœur Susy, pour qui il éprouve des penchants
coupables, parce qu'elle est bien trop jeune pour lui, mais c'est
elle qui le titille ; les indiens d'Amazonie, Belle-Masquée,
l'abbesse du couvent ; Domino et les autres sœurs toutes aussi
déjantées les unes que les autres... tous ces personnages sont
intéressants, loufoques, particulièrement bien croqués, et tout à
fait attachants. Il est aussi question de Marie (la mère de Dieu),
du Vatican, de bédouins, d'échasses, du T.O.P. Club, de Finnegans
Wake et de blues afro-américain. Un beau cocktail, qui ne
pouvait que m'intéresser !
Ce qui m'a
le plus surprise dans ma lecture, c'est le temps. Étonnamment, le
temps semble comme suspendu. Il y a quand même, semble-t-il, une
urgence. Urgence pour le héros à retourner en Amazonie pour tenter
au moins de faire lever la malédiction. Mais au lieu de cela, il va
remplir une mission au Moyen-Orient et part faire du tourisme en
Syrie juste parce qu'il a entendu des rires de jeunes filles dans le
désert. Tout cela, bien sûr, en fauteuil roulant. Il y a là
quelque chose de totalement absurde, de déjanté, de surréaliste
aussi.
En résumé,
j'ai eu un a priori très favorable à propos de ce livre, parce que
j'ai une prédilection pour l'absurde. De ce point de vue, je ne suis
pas du tout déçue. En revanche, je trouve que cette question du
temps finit par desservir l'intrigue elle-même : ce n'est pas
seulement le temps dans le récit, c'est aussi le temps de la
lecture, le temps du récit. La seconde partie, en particulier, est
très longue alors que l'histoire n'avance quasiment pas. Ceci dit,
je dois avouer que c'est quand même un tour de force, d'écrire plus
de 100 pages alors qu'il ne se passe rien, ou presque, si ce n'est
l'attente.
Un bilan
mitigé donc, parce que la seconde partie est plutôt lente, la
troisième semble totalement hors de l'histoire, et du coup, la
dernière est quasiment trop courte... et assez déséquilibrée par
rapport au reste de l'histoire. En fait, les intrigues secondaires,
résolues plus rapidement, sont presque plus intéressantes que
l'intrigue principale ! En tout cas, la surprise est au
rendez-vous à chaque page. L'auteur a ce don d'emmener le lecteur là
où il ne s'attend pas du tout à aller, redonnant de l'intérêt à
son histoire (parce que, quand même, même si par certains côtés,
Switters est un odieux personnage, il est aussi foncièrement
attachant et on veut savoir ce qu'il advient de lui et de sa
malédiction !) Petit avertissement quand même : pour ceux
qui seraient à la recherche d'un roman d'aventures réaliste, vous
passerez votre chemin : ce n'est pas là que vous le trouverez,
vous l'aurez compris.
(C'est
marrant, en relisant ce que je viens d'écrire, je me rends compte
que je n'arrive pas à me décider : ai-je ou non aimé ce
livre ? C'est l'une des premières fois que je ressens ça :
avoir hâte de le finir, mais n'avoir pas envie d'arriver à la fin
parce que pas envie de quitter ce personnage fascinant... Étonnant
et paradoxal, vous disais-je...)
Un très
grand merci à Newsbook et aux éditions Gallmeister pour cet étrange
partenariat, qui, au moins, aura recelé pas mal de surprises,
jusqu'à la fin !
Paru aux
éditions Gallmeister, 2012 (Totem). ISBN : 978-2-35178-515-7.