mardi 26 juin 2012

La Terre des mensonges, de Anne B. Ragde




Une de mes collègues m'a mis ce livre entre les mains, en me disant que c'était drôlement bien et que si je ne connaissais pas, il était temps de m'y mettre.
Eh bien je n'ai pas regretté !

L'histoire se passe en Norvège, dans une ferme délabrée de Trondheim. Anna Neshov, mère tyrannique, est en train de mourir. Ses trois fils, leur père et Torunn, son unique petite-fille, se retrouvent alors pour la première fois pour une confrontation qui laissera éclater les drames secrets sur lesquels leurs vies ont été tissées. (Ca, c'est la présentation de l'éditeur, ou presque, mais je la trouve très bien faite alors je ne vois pas pourquoi je me priverais et m'obligerais à en réécrire une qui ne ferait que redire la même chose en moins bien...).

La Terre des Mensonges est un roman qu'on pourrait qualifier de "psychologique", je pense. On plonge dans les histoires de famille, dans les univers de ces trois fils, si différents les uns des autres. L'aîné, célibataire, responsable d'une entreprise de pompes funèbres, est un homme ombrageux, silencieux, et pourtant très attentif aux membres de sa famille. Tor, qui vit dans la ferme familiale avec sa mère et son père, est touchant dans sa solitude et ses habitudes, toutes tournées autour de sa mère et de ses bêtes (il a transformé l'exploitation laitière en exploitation porcine sous la houlette de sa mère, qui jugeait cette production plus rentable que le lait). Il apprend au cours de ces jours funestes à connaître Torunn, sa fille, qui a toujours vécu avec sa mère et débarque dans sa famille paternelle pour des raisons obscures, qui lui échappent sans doute tout autant qu'à son père. Et enfin, le cadet a quitté la Norvège depuis une vingtaine d'années, ses choix de vie n'étant pas du tout au goût de sa mère...
Ces personnages que rien ne rapproche vont pourtant se retrouver autour du lit de la mourante, puis dans sa maison. Il faut faire face aux formalités, au deuil, à l'hiver, aux fêtes de Noël qui arrivent, aux inimitiés et incompréhensions qui ont scellé les différends au point de murer les protagonistes dans leurs certitudes. C'est l'arrivée de Torunn qui va bouleverser les schémas établis et permettre à la parole de se faire jour, dénouant ainsi la situation qui pourrissait sous le joug que la mère avait mis en place.

J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce roman en forme de chronique familiale acérée. Ca se lit bien, vite, et on pénètre dans cette Norvège reculée, agricole, rurale profonde où le dépaysement est garanti. Il y a là comme une urgence, mais aussi comme un arrêt du temps. Un entre-deux, un espace où tout peut s'arrêter et d'où aucun des protagonistes ne ressortira indemne. Ce titre est le premier de la série, et je vais, je pense, tenter de trouver la suite, tant cette histoire m'a interpellée.

Paru aux éditions 10/18 (Domaine étranger), 2011. ISBN : 978-2-264-05128-8.

dimanche 24 juin 2012

Sherlock Holmes et le mystère du Haut-Koenigsbourg, de Jacques Fortier



En 2010, je suis allée une fois de plus au château du Haut-Koenigsbourg, avec des amis. La raison officielle était de faire une belle ballade, et de leur faire découvrir le château, mais la vraie était que Jacques Fortier, journaliste aux Dernières Nouvelles d'Alsace, l'un des deux quotidiens régionaux, y était pour une séance de dédicaces à l'occasion de la parution de son roman mettant en scène Sherlock Holmes et le Docteur Watson en Alsace.
J'ai donc sauté sur l'occasion et ai acheté le roman, avec la ferme intention de le lire très, très vite (j'aime beaucoup la version originale de Sir Arthur Conan Doyle, et j'avais hâte de voir ce que ça donnerait sous la plume d'un auteur régional). Comme de bien entendu, j'ai mis du temps, beaucoup de temps, à me plonger dans ce roman, mais je dirais que ça valait le coup !

Nous sommes en 1909. L'Allemagne a annexé l'Alsace et la Lorraine, et Guillaume II investit dans la ruine qu'est devenu le château du Haut-Koenigsbourg pour le restaurer et lui redonner son faste et sa splendeur d'antan.
L'intrigue est classique : un mystère entoure le château, un mystère qui remonte aux Croisades, et Sherlock Holmes, aidé de ce bon Docteur Watson, va devoir mettre tous les atouts de son côté pour le mettre à jour.

J'ai bien aimé ce roman, malgré quelques appréhensions au début. J'avais peur de ne pas retrouver le personnage de Sir Arthur Conan Doyle, peur que le récit ne soit pas à la hauteur de l'enthousiasme communicatif de l'auteur... peur d'être déçue, quoi. Et ce ne fut pas le cas. Certes, il ne s'agit pas ici de la plume de Conan Doyle, mais j'aurais sans doute été déçue si ça avait été le cas : il n'y a rien de pire à mes yeux qu'un auteur essayant de copier un autre auteur, quitte à mettre de côté sa propre personnalité. On entre là dans quelque chose qui devient insipide à force de ne pas vouloir trahir le personnage originel, et heureusement, Jacques Fortier a su éviter cet écueil en donnant à son Sherlock une personnalité qui ne dénature pas celle que lui avait attribuée Conan Doyle.
Passées les premières pages, j'ai vite été happée par l'histoire, bien montée, pleine de mystères, avec des faits étranges, des traitres, des espions... et le grand esprit de déduction du détective anglais. Mais bizarrement, tout cela m'a laissé un sentiment de tiédeur, comme si justement le modus operandi de Sherlock Holmes était quelque peu fade...
Heureusement, l'histoire est bien ficelée. Du coup, j'ai été embarquée dans l'intrigue et me suis retrouvée à Strasbourg, Sélestat, Orschwiller, au château aussi... et comme c'est justement un endroit que je connais bien, j'ai pu m'immerger dans le décor sans aucun problème. C'est là le principal atout de ce roman bien écrit par ailleurs que de permettre au lecteur de « voir » au-delà du décor habituel, d'imaginer ce que les apparences pourraient bien cacher. Pour ce qui est de l'intrigue et de la manière dont Sherlock Holmes résout le problème, j'avoue avoir été légèrement déçue, comme si cette enquête aurait pu être menée par un tout autre détective que Sherlock...

Il reste que ce livre est un bel hommage au cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Sir Arthur Conan Doyle, qui vaut malgré tout le déplacement pour le cadre somptueux de l'intrigue ! Et puis l'Alsace allemande du début du siècle est plutôt bien décrite !

Paru aux éditions Le Verger (Enquêtes Rhénanes), 2010. ISBN : 978-2-84574-084-6