mercredi 31 juillet 2019

Guillaume-Joseph Chaminade, fondateur de la famille Marianiste : Vivre l'Evangile avec Marie, de Marie Malcurat, Véronique Noël et Mariano Valsesia




Cette bande dessinée retrace la vie de Guillaume-Joseph Chaminade, prêtre du XVIIIe siècle, en pleine tourmente révolutionnaire. On suit le prêtre, ordonné en 1785, en exil en Espagne où il s'est réfugié pour échapper aux policiers parce qu'il refusait de prêter serment.
Il rentre cependant en France lors de l'arrivée de Napoléon Ier au pouvoir et peut alors suivre l'intuition qu'il a eue en Espagne : la création d’une nouvelle congrégation religieuse, sous un modèle différent de celles qui existent déjà. Cette nouvelle congrégation a pour vocation de rejoindre tout le monde : « religieux, religieuses, laïcs, hommes ou femmes, riches ou pauvres ». Le but est de faire connaître, aimer et servir Marie, la Mère de Dieu, avec l’objectif de rechristianiser la France, en pleine déroute spirituelle à la suite du traumatisme de la Révolution Française.
Grâce à ses amis, connaissances et réseaux, l’œuvre voit le jour et s’étend rapidement. Cette œuvre s’occupe en particulier de l’éducation des enfants pauvres, de les préparer aux sacrements, et de leur permettre de grandir dans la foi, sous le regard et la protection de Marie. Les femmes ne sont pas oubliées et la famille marianiste s’étoffe peu à peu (messes, visites aux prisonniers et aux malades, aide à ceux et celles qui en ont besoin…).
Parti de Bordeaux, le mouvement essaime à Agen et s’étend, malgré les persécutions et violences anti-cléricales des années 1830, sous le règne de Louis-Philippe.
Guillaume-Joseph Chaminade meurt en 1850 mais son œuvre continue de prospérer, dépassant les frontières de l’Hexagone pour s’installer sur tous les continents.

Les Éditions du Signe, à Strasbourg, éditent une importante collection de bandes dessinées historiques, avec en particulier une série intitulée « Cette histoire qui a fait l’Alsace », en douze tomes. On trouve aussi au catalogue des vies de saints (Saint Benoît, Sainte Rita…), des bandes dessinées sur l’histoire de monuments emblématiques, alsaciens ou non, religieux ou non.

C’est tout un travail de vulgarisation historique qui est mené, avec des écrivains et illustrateurs locaux (Vincent Wagner, Roger Seiter, Marie-Thérèse Fischer ou Christophe Carmona, pour ne citer que quelques noms parmi les alsaciens).
La qualité est toujours au rendez-vous, même s’il faut parfois s’accrocher. Il est en effet difficile de résumer en format bande dessinée des histoires de vies ou des périodes historiques parfois longues et complexes. Ces ouvrages ont le mérite d’exister et de mettre à portée de tous l’histoire de villes, régions, saints ou monuments importants (Notre-Dame de Paris, les Invalides, mais aussi l’histoire de la ville de Chamonix, de Saint-Tropez, les moines de Tibhirine ou encore Charles de Gaulle…). Un vrai travail éditorial, que les éditions strasbourgeoises ne sont d’ailleurs pas les seules à mener (je pense en particulier aux éditions du Triomphe et à Artège, dans le domaine de la bande dessinée en particulier).

Paru aux éditions du Signe, 2011. ISBN : 978-2-7468-2710-3.

samedi 13 juillet 2019

Jusqu'ici tout va (très) mal, de Tatiana Ventôse et Greg Tabibian




J’ai découvert Tatiana Ventôse, youtubeuse politique (mais pas que) il y a environ un an je pense, et j’ai trouvé tout de suite son propos logique, intéressant et pertinent.
Quelques mois plus tard, elle annonçait sur sa chaîne un « action » en lien avec le Système dans lequel nous sommes, quelle prétendait mettre en « PLS », c’est-à-dire en Position Latérale de Sécurité. La PLS, c’est la position dans laquelle on doit placer une personne qui a perdu connaissance dans le but de lui éviter d’avaler sa langue et de mourir étouffée… Ce qui suppose au préalable que le « système » soit « KO »…

À peu près au moment où elle annonçait cela, où ils mettaient le point final au manuscrit, la « crise des Gilets Jaunes » a éclaté. La concomitance des deux événements était assez spectaculaire !
En mars 2019 est sorti le livre lui-même, que j’ai hésité à acheter et sur lequel j’ai finalement craqué.

Alors, ce livre ?
Tout d’abord, sur la forme.
Tatiana et Greg s’y expriment à l’écrit comme ils le font à l’oral, dans leurs vidéos. Le langage y est « fleuri », émaillé de ce que mes enfants qualifieraient de gros mots. C’est assez surprenant, mais soit. C’est du langage parlé couché sur le papier, un parti-pris qu’on peut regretter d’un point de vue littéraire, mais qui a l’avantage d’être le reflet réel et fidèle des auteurs. Et ce livre n’est pas un livre de littérature au sens strict du mot, d’ailleurs.

Sur la forme toujours, à l’écrit, les auteurs réutilisent tous les codes des réseaux sociaux – particulièrement Twitter et Facebook – avec des « interventions » de « comptes » divers et variés, comme si ce livre était lu en ligne et commenté en direct. Et c’est souvent très drôle, avec un côté à la fois tout à fait à propos et complètement décalé.
Même sur la quatrième de couverture, on a une « citation » d’un certain Christophe C., « Ministre à l’écoute des Français », qui dit : « Ce livre est un condensé de complotisme et de démagogie. Il constitue une menace pour notre démocratie. Ne l’achetez pas ! »
On aura tous reconnu l’identité de « l’auteur » de ces propos très « second degré », comme beaucoup de ces pseudos-twitts dans le livre. Et c’est drôle.

Sur le fond, peu de surprises pour ceux qui suivent Tatiana Ventôse et Greg Tabibian sur leurs chaînes respectives. Le discours est clair, bienveillant envers les gens « normaux » et tire à boulets rouges sur nos « élites », qu’elles soient politiques ou économiques.
La première partie dresse un constat du chaos qui règne dans notre pays, exemples à l’appui, où les auteurs situent, avec beaucoup d’humour et de recul, les fractures à l’œuvre en France.
Dans la deuxième partie, ils montrent en quoi les « solutions » actuelles (politiques, idéologiques, inclusives, communautaristes… et j’en passe) font partie du problème et ne peuvent rien résoudre.
Enfin, dans la dernière partie, ils proposent des solutions avec « 100 mesures à prendre pour reconstruire le pays », prémisses d’une sorte de programme politique permettant de « reprendre le pouvoir » à ceux qui l’ont confisqué. Rien que ça, oui.
Alors, en ce qui me concerne, j’ai dévoré ce livre, qui se lit d’ailleurs très facilement, comme un antidote à celui de Juan Branco, qui m’avait laissé une bonne impression, mais avec le sentiment diffus d’un tel verrouillage par les « élites » du système que ça devenait impossible d’en sortir. Là, Tatiana et Greg proposent simplement de changer de paradigme et d’imaginer les choses autrement, en remettant tout à plat pour agir, enfin, pour le bien de la population de ce pays et non pour celui des auto-proclamées élites dirigeantes de la France. Au passage, leur discours bienveillant est capable de remettre certaines pendules à l’heure afin de ne pas se tromper d’ennemi : nous ne sommes pas en lutte contre ceux qui pensent les choses différemment (gauche vs droite, catholiques vs agnostiques vs athée vs musulman vs…, ouvriers vs employés, familles nombreuses vs familles peu nombreuses…), mais contre ceux qui confisquent les richesses du pays tout en nous montant artificiellement les uns contre les autres alors que nous pourrions tout à fait vivre sereinement les uns avec les autres, dans le respects des choix de vie et des idées de chacun.

Ce programme est-il réaliste ? Sans doute, parce qu’il permet de redonner, avec des moyens simples que sont la répartition équitable des richesses et une bonne dose de bon sens, des moyens de vivre à ceux qui font « tourner » le pays.
Quant à savoir s’il est possible de le mettre en œuvre, c’est une autre histoire. Car, pour cela, il faudrait que ses auteurs et promoteurs parviennent à prendre ce pouvoir pour mettre en place les mesures qui permettraient de changer le système, justement. Ce qui suppose d’éjecter des sièges les plus hauts placés (Gouvernement, Parlement, Sénat…) ceux qui n’ont rien fait d’autre dans leurs vies que de tout faire pour y faire carrière…
En gros, il faudrait une sorte de remise à plat du système, comme un « reset » politique de nos institutions, mais je doute que cela soit possible tout de suite, sauf si on compte sur les Gilets Jaunes (on y revient) dont l’un des principaux objectifs est la destitution d’Emmanuel Macron et la mise en place d’une véritable démocratie par le peuple via le Referendum d’Initiative Citoyenne. En fait, en écrivant ces lignes, je me rends compte que les deux démarches semblent complémentaires, avec d’un côté l’élaboration d’un plan de bataille pour changer enfin les choses qui ne vont pas dans notre pays et de l’autre les personnes déterminées qui sont peut-être capables d’amener un renouveau en France par une action visible, directe et concrète. On pourrait reparler des Gilets Jaunes, de la violence de part et d’autre, mais c’est un tout autre sujet.

Les auteurs sont d’ailleurs passés à l’acte en créant le « Mouvement V » (pour « Victoire »?), avec l’objectif d’obtenir un représentant au Parlement Européen, afin de connaître cette institution de l’intérieur pour mieux informer les électeurs du fonctionnement plutôt opaque de l’UE. Malheureusement, à la veille des élections du mois de mai, ils n’avaient pas pu franchir le premier barrage imposé dans notre système politique, à savoir l’obligation d’ouvrir un compte en banque pour le Mouvement V… Exit donc la participation de « V » aux élections européennes, mais je suppose que Greg et Tatiana ne s’arrêteront pas en si bon chemin ! En tout cas, leur démarche, même si elle me paraît pour l’heure totalement utopique, me semble particulièrement intéressante, en ce qu’elle permet de penser la politique autrement et en particulier en arrêtant de s’en remettre aux seuls « hommes politiques » carriéristes de tous poils qui nous gouvernent actuellement et qui semblent vouloir nous faire croire qu’en-dehors d’eux, il n’y a pas de salut. Or, la première constatation que font les auteurs de ce livre réjouissant, c’est précisément que cela fait des décennies qu’ils sont au pouvoir et que, visiblement, ils n’arrivent pas à faire en sorte que notre société fonctionne au mieux. C’est le constat de cet échec patent qui est à l’origine de leur travail de youtubeurs ainsi que de ce livre.

Paru aux éditions Plon, 2019. ISBN : 978-2-259-27718-1.

mercredi 3 juillet 2019

Silo Générations, de Hugh Howey




Ce troisième tome est la conclusion des deux précédents. On y retrouve en effet les personnages principaux du tome 1 (Juliette) et du tome 2 (Solo et Donald). Finalement, dans ce troisième opus, les histoires des trois silos concernés (le Silo 1 où se trouvent Donald et sa sœur Charlotte, le Silo 18 où se trouvent Juliette, son père et leurs amis et le Silo 17, où l'on retrouve Solo/Jimmy et les enfants) se superposent, se rencontrent et se complètent.

À la suite d'un soulèvement, le Silo 18 se retrouve face à une nouvelle donne : Tout en bas, Juliette et les travailleurs des Machines ont découvert une excavatrice qui va leur permettre de creuser un tunnel jusqu'au silo voisin, où Juliette a pu se rendre dans le tome 1 et où se trouvent pris au piège Solo et plusieurs enfants. Juliette parvient à faire la jonction entre les deux silos, mais elle se heurte à son retour à l'angoisse de ses « administrés » qui craignent pour la sécurité de leur propre silo. Devant la fronde, dont les habitants du Silo 1 ont eu vent, la liquidation du Silo 18 est décidée et ce n'est qu'en passant par le tunnel nouvellement créé que Juliette et les survivants du silo vont pouvoir échapper à la mort.
La suite est une question de survie, une histoire de vengeance. Et la recherche de la vérité, à laquelle vont s'atteler tant Donald et Charlotte dans le Silo 1 que Juliette dans le Silo 18 puis le Silo 17.

Comme pour les deux premiers tomes, le récit est bien monté, bien écrit, haletant. J’ai toutefois eu durant la lecture l’impression d’une lassitude. Comme s’il fallait terminer l’histoire, joindre les différents fils tirés par l’auteur au fur et à mesure du récit. Ce troisième tome est également plus court que les autres (un peu moins de 500 pages contre plus de 1000 pour le tome 2). Cependant, j’ai apprécié d’être arrivée à la fin de la trilogie. En effet, le récit est pesant, oppressant, très noir en ce qu’il décrit l’horreur dont les êtres humains sont capables par bêtise, volonté de pouvoir et de main-mise sur l’autre… Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler les questions qui se posent aujourd’hui et la question de la véracité ou non des informations qui sont à notre disposition. Où se situe la vérité ? Où se trouve la limite entre ce que nos gouvernants disent aux populations et ce qu’ils leur cachent, pour des raisons évidentes de sécurité et de maintien de l’ordre, mais aussi pour d’autres, moins avouables, de maintien de la main-mise sur les peuples. Un peuple qui ne sait pas ce qui se passe, qui est maintenu dans l’ignorance, est bien plus malléable...

Paru aux éditions Actes Sud (Babel), 2016. - ISBN : 978-2-330-06442-6.