lundi 19 mai 2025

Le Maître de la Terre : la crise des derniers temps, de Robert Hugh Benson


Contrairement aux apparences, ce roman a 115 ans au moment où j’écris ces lignes. Ecrit en 1910 par Robert Hugh Benson, prêtre élevé dans l’anglicanisme converti au catholicisme, ce roman est dans la même veine que « Le Meilleur des Mondes » et « 1984 ». Il s’agit d’un roman dystopique dont l’action se situe quelque part après une année 1959 qui n’a rien à voir avec celle que nous avons vécue, dans un monde multipolaire où se joue un conflit qui n’est pas sans rappeler une situation que nous connaissons aujourd’hui : celle de la foi contre l’athéisme, le second ayant largement supplanté la première.

J’ai entendu parler de ce roman pour la première fois il y a quelques années, par le Pape François qui en conseillait la lecture, en particulier aux prêtres et aux futurs prêtres. Ce qui est étonnant, ici, c’est l’actualité des questions abordées, malgré le temps et le côté dystopique de l’oeuvre. En France, en 2025, on s’interroge sur l’opportunité d’une loi au sujet de l’euthanasie et du suicide assisté. Ce roman met cette loi en exergue, même si elle n’existait pas encore, bien sûr, ni en France, ni en Angleterre, en 1910. Dans ce monde, l’athéisme a gagné une nouvelle religion est née, avec son culte, ses temples, sa liturgie, ses prêtres. La foi catholique subsiste toujours, mais perd du terrain, jusqu’à être réduite à peau de chagrin.

Un homme providentiel est est apparu récemment. Felsenburgh semble s’imposer naturellement comme leader mondial charismatique. Olivier Brand ne dira pas le contraire : sceptique jusqu’à ce qu’il le rencontre, il devient, avec sa femme, l’un de ses plus fidèles soutiens.

Dans le même temps, la mère d’Olivier, fervente catholique, mais en cachette de son fils pour ne pas jeter sur lui l’opprobre et le discrédit, est en fin de vie. Elle fait venir chez elle, en l’absence de son fils et de sa belle-fille, un prêtre, pour se confesser, Percy Jackson. Mais Olivier rentre plus tôt que prévu et, stupéfait, rencontre chez lui Percy, qui ressemble étrangement à Felsenburgh.

C’est un combat à mort qui se joue ici, combat entre le Christ et l’Antéchrist. Nous sommes à l’heure de l’Apocalypse, la « Révélation ». C’est magistral. Et fort bien écrit.


Paru aux éditions Pierre Téqui, 2024. ISBN : 978-2-7403-2630-5.


mercredi 14 mai 2025

La Flèche ardente, de Jean Van Hamme, Etienne Schréder et Christian Cailleaux


Cette bande dessinée reprend les personnages créés par Edgar P. Jacobs dans « Le Rayon U », dont elle constitue la suite.

Dans un monde étrange, mi-lacustre, mi-souterrain dont on ne saurait préciser ni l’époque, ni l’emplacement réel (terrestre ? Extra-terrestre?), deux empires s’affrontent, l’Empire d’Austradia et celui de Norlandia, au détriment d’un troisième, celui qui a pour dieu Puncha Taloc, le gardien du gisement d’Uradium dont a besoin le professeur Marduk, de Norlandia, pour finaliser le « Rayon U ». Marduk rêve de créer une arme puissante, pour mettre au pas l’Austradia. Mais pour accéder au gisement, dont personne ne connaît l’emplacement exact, il faut affronter Puncha Taloc et le peuple qui lui est soumis, et donc le chef est le prince Nazca.

Dans ce récit se mêlent histoire (invasion des peuples d’Amérique latine et centrale par les Espagnols en particulier), science-fiction (le monde à conquérir est rempli d’animau ayant, sur terre, déjà disparu au moment où l’homme fait ses premiers pas vers l’intelligence), et de multiples références, tant à Napoléon qu’au projet Manathan par exemple.

Malgré ce florilège, l’histoire parvient à rester cohérente, si l’on accepte la simultanéité des dinosaures avec les avions de combat et la technologie du XXe siècle en matière d’espionage.

La parenté entre les personnages principaux et ce qui deviendra par la suite la série Blake et Mortimer est elle aussi évidente : on peut retrouver, sous les traits de Marduk, le Professeur Mortimer (en version machiavélique), Calder est un pré-Francis Blake plutôt convainquant, quant à Dagon, il préfigure Olrik et sa capacité à renaître de ses cendres indéfiniment. Adji, enfin, semble être le prototype de Nasir, le fidèle serviteur de Philipp Mortimer.

Dans « Le Rayon U » et la suite imaginée récemment, ce sont donc les ingrédients de « Blake et Mortimer » qui sont déjà présents, y compris les thèmes récurrents comme l’aviation, les conflits entre états, la technologie utilisée à mauvais escient, les incursions dans le domaine de la science-fiction, de l’étrange et de l’apocalyptique. Le tout avec un côté un peu suranné qui, malgré la parution récente (2023), donne le sentiment de se trouver face à une histoire et des planches bien plus anciennes, au moins dans le style graphique.

Si c’était là l’objectif, je dirais qu’il fonctionne parfaitement pour moi. Maintenant… j’avoue ma grande préférence pour « Le Rayon U » d’une part et, surtout, pour « Blake et Mortimer »...


Paru aux éditions Blake et Mortimer, 2023. ISBN : 978-2-8709-7311-0