samedi 20 octobre 2018

Petite vie de Padre Pio, de Patrick Sbalchiero




Padre Pio, capucin, stigmatisé, doué du don de bilocation, capable de « voir » les péchés commis par ceux qu’il rencontrait, mystique qui avait des visions (Jésus, Marie, les démons, son ange-gardien…). Il est mort en 1968, à plus de quatre-vingts ans, après une vie de souffrances et de grâces immenses.
D’une humilité et d’une obéissance à toute épreuve, il a été donné comme « modèle » de sainteté à l’Église universelle lors de sa canonisation par Jean-Paul II, le 16 juin 2002. Jean-Paul II, à qui Padre Pio avait prédit qu’une jour, il serait pape…

Cette « Petite vie de... » se lit très vite et très facilement. De quoi en apprendre beaucoup sur la vie des saints de notre temps, donnés en modèle pour le monde, non pas en raison de leur perfection (parce qu’ils sont, comme tout un chacun, des pécheurs), mais en raison de leur chemin vers Jésus, vers la sainteté. Le Padre Pio était un homme libre dans l’obéissance, il avait à cœur de soulager les souffrances de ses frères. Pour cela, il utilisait tous les moyens à sa disposition, depuis la direction de conscience jusqu’à la confession, en passant par la construction d’un hôpital. Souffrant lui-même, il savait à quel point cela peut être difficile à vivre…
Sa vie est un modèle pour qui veut suivre, lui aussi, le Christ.

Paru aux éditions Desclée de Brouwer (Petite vie de…), 2011. ISBN : 978-2-220-05252-6.

mercredi 17 octobre 2018

La Tour, de François Schuiten et Benoît Peeters




J'ai eu de la chance, cet été, de tomber un peu par hasard sur cette BD chez un bouquiniste. « Les Cités Obscures », c'est une série mythique que, pour je ne sais quelle raison, je n'ai jamais cherché à compléter. À tort, sans doute, si on regarde le petit bijou qu'est « La Tour ». Un récit en noir et blanc, très onirique, où le vrai et le faux, l’invraisemblable et le probable se mêlent au point qu’il devient difficile, pour le lecteur, de savoir de quel côté du miroir il se trouve. C’est là, l’un des traits de génie des auteurs incroyables que sont François Schuiten et Benoît Peeters et qui font de cette série une sorte d’OVNI de la BD où il faut bien plus qu’une lecture pour saisir la portée du récit.

Le sous-titre de cette BD, c’est « l’Histoire véridique de l’homme qui la traversa ». Cette histoire est une quête, un mythe, où se mêlent récits biblique et historique propres à exalter le courage de l’homme. Si vous ne connaissez pas cet ouvrage, plongez-y ! C’est simplement superbe !

Paru aux éditions Casterman (Les Cités Obscures), 1987. ISBN : 2-203-33433-9.

samedi 13 octobre 2018

Le Garçon, de Marcus Malte




Conseillée par mon libraire préféré, j'ai mis beaucoup de temps à lire ce roman. Non pas par manque d'intérêt, mais par manque de temps essentiellement : trop de choses à faire, de lectures en retard... C'est que ce roman est un fourmillement, une plongée dans l'histoire qui nécessite un peu plus que trois minutes consécutives d'attention. J'ai donc pris le temps.

Le récit s'ouvre sur la vie quotidienne d'un enfant dont on ne sait ni le nom, ni celui du pays où il habite. On découvre peu à peu que ce garçon ne parle pas, que personne ne le connaît, qu'il vit totalement isolé depuis la mort de sa mère et qu'il n'a donc aucun nom, aucune histoire connue et aucune société, communauté à laquelle il peut se rattacher. Entièrement libre de ses mouvements, il se débrouille très vite seul et avance dans la vie au gré des rencontres plus ou moins bienveillantes qu'il va faire durant sa vie de pérégrinations. Marginal, c'est souvent parmi les marginaux, les exclus, qu'il va trouver la chaleur humaine dont il a besoin, comme tout être humain, pour vivre. Et ces expériences lui permettent de survivre, puis de s'adapter au monde dans lequel il vit et qui change très vite autour de lui.

La qualité d'écriture est au rendez-vous, le récit est prenant, haletant, intrigant, aussi. Le lecteur se laisse mener sur les routes en compagnie de cet étrange garçon, à la fois hors de la société, coupé du monde, et totalement acteur de ce monde qui lui est étranger et dans lequel, pourtant, il semble évoluer avec ce qui ressemble presque à de l'aisance. Le mystère qui l'entoure ne sera jamais réellement levé, mais, finalement, cela importe peu. Ce garçon, c'est un peu tous ces hommes anonymes qui, parce qu'ils étaient là, à cet endroit précis et à ce moment particulier, ont fait l'histoire, celle qui porte un grand « H » et celle, plus modeste, qui fut la leur.
Un roman exigeant, parfois cru, dérangeant, mais magnifique.

Paru aux éditions Zulma, 2016. ISBN : 978-2-84304-760-2.

mercredi 10 octobre 2018

ICTUS tome 1 : La Fille du Temple, de Luc Borza et Bruno Martineau




Maria Valtorta est une mystique italienne qui aurait eu des visions de l’Évangile, un peu comme si elle avait été témoin de la vie de Jésus depuis la naissance de Marie jusqu'à la mort du Christ. Si l’Église catholique reste très prudente sur l'authenticité de ces écrits, les promoteurs de Maria Valtorta n'hésitent pas à vanter la justesse et la précision du récit. Polémique mise à part, cette bande dessinée est le premier tome d'une série tirée des écrits de Maria Valtorta, « L’Évangile tel qu'il m'a été révélé ».
Dans ce premier volume, le lecteur fait la connaissance d’Anne et Joachim, un couple juif âgé qui désespère d’avoir un jour un bébé. Après un pèlerinage à Jérusalem, Anne apprend qu’elle est enceinte alors qu’elle est déjà trop âgée pour être mère. Elle donne naissance à Marie, qui deviendra à son tour, de manière tout aussi mystérieuse, la mère de Jésus. Cette première partie relate l’histoire jusqu’au mariage de Marie avec Joseph de Nazareth, modeste charpentier de son état et descendant du roi David.

J’ai beaucoup apprécié le dessin et l’histoire de la naissance de Marie, jamais relatée dans les Évangiles. Pour qui s’intéresse un peu à l’histoire sainte, cette bande dessinée permet de s’approprier un peu plus le contexte dans lequel Jésus a grandi. Mais il ne faut pas oublier cette recommandation de l’Église catholique : Si ce récit semble fidèle aux écrits évangéliques, la Parole de Dieu suffit.

Paru aux éditions Maria Valtorta, 2016. ISBN : 978-2-36463-366-7.

mardi 21 août 2018

Le Renard des Grèves, une enquête de Mary Lester, de Jean Failler





Je suis « tombée » sur ce roman en deux tomes chez mes parents, en Finistère. Une fois n’est pas coutume, le roman du terroir est un roman policier, ce qui me va très bien, moi qui ai été nourrie à Agatha Christie et Charles Exbrayat…

Mary Lester est capitaine de la police nationale, à Quimper, dans le Sud-Finistère. Elle rentre d’une enquête à Nantes et fait son compte-rendu au commissaire divisionnaire qui l’envoie illico sur une autre enquête dans le Nord-Finistère, dans un petit port où, depuis quinze ans, une série de sabotages a cours. L’enquête de la gendarmerie piétine, la vindicte populaire a son coupable, le « Renard », mais aucune preuve ne vient étayer cette thèse. Mary Lester va donc devoir débrouiller cette affaire et se retrouve confrontée à un vieil ennemi en la personne de Charraz, déjà rencontré lors d’une précédente enquête à Camaret. De perquisitions en déconvenues, elle se rend compte alors que l'enquête est bien plus compliquée qu'il n'y paraît du premier abord. Elle rencontre les différents protagonistes de cette histoire où s'entremêlent jalousie, rancoeur et appât du gain et où les bons ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Où, d'ailleurs, il semble que rien ne soit aussi simple que "Radio léonarde" le dise...

J’ai lu très vite ces deux tomes, plutôt bien écrits. L’enquête est intéressante, émaillée de termes provenant du langage de la pêche et de mots bretons (traduits en notes, ne vous en faites pas!). C’est facile à lire, les personnages sont attachants et plutôt bien croqués, avec des caractères bien trempés. J'ai passé un excellent moment.
Bref, j’ai bien aimé et je recommande, si vous aimez les romans policiers et la Bretagne !

Paru aux éditions du Palémon, 2003. ISBN tome 1 : 2-907572-58-x ; tome 2 : 2-907572-59-8.

samedi 19 mai 2018

Underground Railroad, de Colson Whitehead




Une fois n'est pas coutume : je ne suis pas trop éloignée de l'actualité littéraire avec cette chronique sur l'ouvrage de Colson Whitehead paru l'an dernier. Il faut dire que j'ai eu de la chance : il était dans la hotte du Père Noël et j'ai eu la grippe, méchante maladie qui m'a clouée au lit pendant plusieurs jours sans rien d'autre à faire que de passer mes journées à lire !

L'histoire se passe en Amérique, au XIXe siècle. Cora a seize ans et est esclave dans une plantation de coton de Géorgie, avant la guerre de Sécession et l'abolition de l'esclavage.
Abandonnée par sa mère six ans plus tôt, elle survit à sa condition mais, quand Caesar, arrivé récemment à la plantation, lui propose de s'enfuir avec lui, elle n'hésite pas très longtemps avant de lui emboîter le pas.
Leur but : les États libres du Nord.
Je ne connaissais rien, ou presque, à propos de l'esclavage aux États-Unis, sinon la vision romanesque qu'en donne Margaret Mitchell dans Autant en emporte le vent, tout simplement parce que je n'avais jamais rien lu d'autre sur le sujet. J'avoue que c'est un peu light pour se faire une idée de la question. Au mois de janvier, la lecture de Bakhita m'avait fait entrer dans une vision plus réaliste de l'esclavage à laquelle j'avais pu rajouter ce que je savais, par mes cours d'histoire, sur la traite des Noirs et commerce triangulaire ainsi que sur le pillage des ressources du continent africain.
Mais j'ignore toujours beaucoup de choses sur la question du racisme et de l'esclavage aux États-Unis, en dehors de la lutte de Martin Luther King pour les droits des Noirs, ou encore du tristement célèbre Ku-Klux-Klan et de leurs actes racistes odieux. La lecture de ce livre a donc été salutaire de ce point de vue-là, puisqu'elle me permet d'ouvrir un peu mon horizon sur les horreurs que les hommes sont capables de faire subir à leurs semblables.
La distance temporelle et spatiale ainsi que l'angle abordé rendent l'histoire presque acceptable. Car si j'ai découvert là un visage dur, atroce, de ce que les hommes ont infligé à leurs frères humains simplement à cause de la couleur de leur peau, j’ai appris aussi que tout un réseau d’entraide clandestin s’est développé pour permettre aux esclaves en fuite de commencer une nouvelle vie ailleurs. Dans le roman, ce réseau clandestin est devenu une véritable voie ferrée souterraine, matérialisant de fait cette entraide, lui donnant corps, chair et existence « réelle », rendant palpable aussi les risques pris par ceux qui faisaient en sorte que ce réseau puisse vivre…

L’histoire de Cora pourrait être celle de dizaines, de centaines d’esclaves. On en rencontre d’ailleurs un certain nombre au fil du récit, depuis ceux qui échouent dans leur évasion et sont rattrapés puis durement punis par leurs maîtres jusqu’à ceux qui, trompés, tombent dans une forme de fausse liberté, une liberté surveillée où tout est fait pour garantir qu’ils n’auront pas d’enfants et ne propageront pas leur « race », en passant aussi par ceux qui n’ont plus la force, qui sont trahis, traqués, pourchassés… La fin du roman est ouverte, laissant le lecteur imaginer la suite. Que deviendra Cora dans le monde où elle va aller ? Quelles seront les difficultés qu’elle va devoir affronter ?

Ce livre est dur, dense, salutaire aussi, en ce qu’il met en lumière les travers de la société, celle d’avant l’abolition de l’esclavage, bien sûr, mais qui n’est pas sans rappeler certains aspects de la société d’aujourd’hui.
Colson Whitehead a reçu le prix Pulitzer pour ce roman plus que nécessaire aujourd’hui.

Paru aux éditions Albin Michel (Terres d'Amérique), 2017. ISBN : 978-2-226-39319-7.


samedi 12 mai 2018

Neige, de Maxence Fermine et Georges Lemoine




J'avais acheté ce petit livre à la librairie, au moment de sa sortie, attirée par l'illustration de couverture (je suis très visuelle).
Et, je ne sais pas pourquoi, j'ai oublié de le lire (oui, oui, ça m'arrive !). Il a donc fini par se perdre dans ma bibliothèque et je l'y ai retrouvé il y a quelques semaines à la faveur d'un réaménagement de ladite bibliothèque. Je l'ai enfin ouvert.

J'ai été très surprise par ce livre. Si c'est un roman, il est très court (118 pages), avec des chapitres extrêmement concis et elliptiques (certains d'entre eux font quelques lignes seulement, le plus long faisant un peu plus de deux pages). Le texte est richement illustré « à la japonaise », dans le style des estampes classiques. C’est un beau petit livre, visuellement soigné et coloré, agréable à lire et à feuilleter.

Quant au texte, il s’agit d’un récit, celui de la maturation d’un jeune japonais du XIXe siècle qui voit éclore sa vocation de poète. Il se spécialise dans son art en travaillant uniquement celui de l’écriture exigeante et difficile du haïku et en limitant les sujets de ses poèmes à la neige exclusivement.
C’est sa rencontre avec le poète officiel de la cour de l’empereur qui va le mettre en mouvement et le lancer dans la quête de la seule chose qui lui manque : la couleur. Et, bien sûr, il trouvera au près de son maître bien plus que ce qu’il était venu chercher.

J’ai lu ce livre en un peu moins d’une heure. Le style court et incisif, économe en mots comme en descriptions évoque plus qu’il ne le dit les faits, les atmosphères et les personnages, leurs actes comme leurs émotions. En fait, je pense que si un roman pouvait ressembler à un haïku, il serait sans doute dans ce style-là.
J’ai bien aimé cet ouvrage, même si je regrette son côté un peu abrupt. Pour ma part, j’ai besoin que l’auteur m’entraîne dans la tête des personnages. De ce point de vue, je suis un peu restée sur ma faim. Il n’en reste pas moins vrai que Neige est un livre très poétique, à l’atmosphère délicate, silencieuse et éthérée, comme la neige qui tombe doucement, le soir, sur la campagne endormie.

Paru aux éditions Arléa, 2010. ISBN : 978-2-8695-9925-3.

mercredi 28 mars 2018

Ar-Men : L'Enfer des enfers, d'Emmanuel Lepage



Nous sommes le 24 mars. J'ai encore quatre jours pour publier cette chronique. Quatre jours pendant lesquels je garde Ar-Men au fond de moi, avant de devoir partager avec les autres - parce que c'est ça, le jeu – ce que j'ai ressenti lors de cette lecture.

Ar-Men. L'un des phares les plus connus de Bretagne, au large de l'Ile de Sein.
Ar-Men, gardien protecteur des côtes et, surtout, des navires qui croisent à proximité, leur permettant de passer au large du Raz-de-Sein sans risquer de se heurter aux rochers et de faire naufrage. De nombreuses épaves ont, par le passé, échoué sur les côtes de Sein ou de la terre la plus proche, dans la baie, justifiant de ce fait son nom de « Baie des Trépassés ».

À la lecture de cette bande dessinée magnifique, c'est toute mon enfance qui a défilé devant mes yeux: cette côte déchiquetée, les phares, les îles, les légendes, les noms des lieux porteurs d'enchantements ou de maléfices... C'est tout cela qu'Ar-Men a réveillé en moi, magnifiquement illustré par Emmanuel Lepage, un auteur que je ne connaissais pas.
Avec un « plus » par rapport aux autres bandes dessinées historiques que j'ai lues récemment : celle-ci part de la légende de la ville d’Ys pour arriver à l’histoire, celle du phare, de sa genèse, de sa construction, des difficultés rencontrées par ceux qui l’ont bâti, difficultés liées autant aux aléas de l’entreprise (marées, vents, matériaux, mise en œuvre elle-même) qu’au rejet des habitants de Sein, pour lesquels chaque naufrage apportait, malgré l’horreur, des fortunes diverses, allant des vivres aux matériaux, en passant, parfois, par le recueil de la vie…
L’histoire de Moïzez (Moïse, « sauvé des eaux »), est sans doute pure fiction, et la fureur des éléments est telle dans ce coin de « Finis Terrae » (la fin de la terre), qu’il y a fort à parier qu’elle est improbable, sinon impossible. Mais, après tout, parfois, la réalité peut être encore plus incroyable que la fiction. Alors, pourquoi pas ?

En tout cas, la bande dessinée est composée de plusieurs histoires qui s’entremêlent et qui s’éclairent mutuellement : l’histoire de Germain et de sa fille, celle de Louis, le gardien (avec un magnifique hommage au courage des Iliens durant la seconde guerre mondiale) ; l’histoire d’Ys, la ville mythique que le roi Gradlon construisit pour Dahut, sa fille, et qui finit engloutie par les flots, et l’histoire de Moïzez, bébé échoué sur Sein après un naufrage, qui participera à la construction d’Ar-Men avant d’en devenir le premier gardien. Finalement, c’est l’histoire des hommes qui vient raconter celle du phare lui-même à travers les époques, depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’au départ du dernier gardien de phare après l’automatisation d’Ar-Men.

Réalité, mythe, légende, fiction, tout se mêle ici pour donner un ouvrage dense, au dessin tendre et rude à la fois, où transparaît la vie difficile des gardiens de phare, mais aussi l’amour presque charnel de ce peuple pour la mer dont il connaît les dangers et dont il sait que, face à elle, il est bien petit… Le jeu des couleurs, des atmosphères, permet de passer en douceur d’un univers à un autre, de l’histoire de Germain à celle de Louis, d’Ys à Moïzez et à la fille de Germain.

J’ai rarement été autant touchée par une bande dessinée. Price Minister me demande de lui donner une note. J’ai longtemps hésité, mais comme il s’agit là d’un véritable coup de cœur pour moi, ce sera un 20/20.

Merci à Price Minister / Rakuten pour ce très beau cadeau qui m’a été fait, dans le cadre de cette opération « La BD fait son festival », de pouvoir découvrir cette petite merveille qu’est Ar-Men. Cette BD m’a littéralement transportée… Ailleurs.

Un petit bémol quand même : la BD est vendue normalement avec un DVD... que je n'ai pas eu. Dommage, apparemment, il y a beaucoup d'infos sur la création de la BD, sur l'auteur... j'aurais aimé en savoir plus...

Paru aux éditions Futuropolis, 2017. ISBN : 978-2-7548-2336-4.

vendredi 23 mars 2018

Mauvaise base, de Harlan Coben



Je suis "tombée" sur ce roman un peu par hasard : il se trouvait dans une de ces boîtes où l'on peut déposer les livres que l'on a aimés afin de les partager avec d'autres. Je n'avais lu qu'un ouvrage de cet auteur, c'était donc un peu une découverte. Et après ma lecture, mon avis est plutôt mitigé.
Myron Bolitar, agent sportif, s'est mis "au vert" dans une île privée des Caraïbes, après sa dernière aventure (c'est donc un personnage récurrent). Son ami Win le rejoint et lui apprend que son associée, Esperanza, est accusée du meurtre d'un de leurs clients, un star de base-ball sur le déclin. Myron rentre alors pour prouver l'innocence d'Esperanza et se retrouve à mener l'enquête, alors même que son associée ne le souhaite pas et refuse de lui donner la moindre information.

Le commentaire de "Femmes d'aujourd'hui", sur la quatrième de couverture du livre, dit ceci : "Un petit bijou d'humour, mi-vache, mi-tendre, basé sur une structure policière en acier trempé et des personnages impeccables qu'on aimerait avoir pour amis... ou pas !"
Bon, c'est Femmes d'aujourd'hui qui pense ça. Pour ma part, j'ai surtout trouvé que ce livre était truffé de grossièretés, de figures de style répétitives, drôles quand il s'agit de la première fois mais rapidement pénibles et lassantes par la suite (les descriptions de Big Cindy m'ont particulièrement énervée...).
Quant à l'intrigue, elle est effectivement bien ficelée, avec pas mal de possibilités, de fausses pistes qui ne m'ont pourtant pas convaincue. J'ai attendu le moment où mon intérêt basculerait... et ce moment n'est pas venu.
Une lecture mitigée, donc, et je ne regrette pas d'avoir emprunté ce roman plutôt que de l'avoir acheté... Cela m'a permis de découvrir un peu l'univers de cet auteur. Mais je vais me concentrer sur un autre écrivain : Colson Whitehead, que je viens de découvrir aussi. Son Underground Railroad m'attend ! Je vous en reparle bientôt.

Edit : J'ai relu la chronique que j'avais écrite au sujet de Tu me manques, du même auteur, et si j'avais beaucoup apprécié l'histoire, j'avais émis quelques réserves... Apparemment, elles se confirment, mais comme Mauvaise base est antérieur à Tu me manques, il faut sans doute en conclure qu'entre-temps, l'auteur s'est bonifié (du moins de mon point de vue)...

mercredi 7 février 2018

Memphis, de Rodolphe et Marchal





Encore une découverte grâce aux fêtes de Noël (c’est chouette, les fêtes de Noël !) : mon petit frère m’a offert cette série en trois tomes (ouf, il n’y aura pas besoin de chercher les suivants !) et j’avoue avoir été agréablement surprise par cette série. D’emblée, la couverture ne m’a pas forcément beaucoup parlé, je la trouvais un peu glauque et noire, un peu trop « urbaine » pour moi. Pas assez de rêve, quoi. Mais j’ai vite changé d’avis en lisant les premières planches.

2012. Roosevelt et Louis, deux jeunes américains moyens, travaillent pour le journal local de la ville de Memphis et semblent y être heureux. Mais voilà qu'ils remarquent autour d'eux un certain nombre de détails étranges, absurdes, incompréhensibles, qui remettent en cause leurs certitudes. Ils se mettent alors à chercher ce qui « cloche » et, plus ils cherchent, plus le mystère s’épaissit (forcément, hein). Au cours de leur quête, ils rencontrent Kate, jeune stagiaire au journal, avec qui ils partagent leurs questionnements et qui les suit dans leurs recherches.

Bien sûr, les choses ne sont pas simples. Bien sûr aussi, la vérité est plus difficile à appréhender que l’idée erronée que s’en faisaient Roosevelt et Louis, sinon, ce serait trop simple…

J’ai particulièrement accroché à cette bande dessinée. Si le style m’a posé quelques problèmes au début, c’est tout simplement parce que ce sont des auteurs que je ne connaissais pas et que je découvrais avec ce triptyque. On est loin, très loin, de la ligne claire et du style de Jacques Martin (voir articles précédents). Le graphisme est bien sûr plus moderne et actuel que ce que j’ai pu lire juste avant, la mise en page reste classique mais le récit est bien plus rapide, dynamique. Bien dans son temps, donc. Pourtant, il y avait dans les dessins un petit quelque chose de suranné, que j’ai eu du mal à définir. L’impression d’un décalage… Il faut dire que je n’avais pas tout compris de l’histoire, mon esprit étant encore bien embrumé par la fièvre de la grippe… Ce décalage fait entièrement partie de l’histoire et lui donne tout son sens, bien sûr. Parce que, dans ce type de bande dessinée, rien n’est laissé au hasard…

Si jamais vous aimez la science fiction, ces bandes dessinées sont faites pour vous ! Pour moi, c’est une très bonne découverte.

Trois tomes parus aux éditions Glénat :
1 – Le Monde truqué, 2013. ISBN : 978-2-7234-8689-7.
2 – La Ville morte, 2014. ISBN : 978-2-344-00206-3.

3 – Le Pays sans nom, 2016. ISBN : 978-2-344-01033-4.

mercredi 31 janvier 2018

Lefranc, 3 : Le Mystère Borg, de Jacques Martin



Dans ce troisième opus, nous retrouvons Lefranc et Jeanjean en Suisse, en plein hiver. Ils sont en route pour une station de sports d’hiver où doit se dérouler le championnat de ski des reporters européens, auquel Lefranc doit participer (je vous avais bien dit qu’il était le gendre idéal ! En plus de toutes ses qualités précédemment découvertes, on voit en lui un grand sportif ! Diantre, c’est pas juste !).

Comme d’habitude chez Jacques Martin, dès les premières vignettes, les choses se corsent. Ici, Lefranc croise une voiture bien dangereuse, suivie d’une deuxième qui manque de l’envoyer dans le décor. Plus tard, ils retrouvent la première voiture dans le fossé et cette dernière prend feu quand Lefranc essaie de comprendre ce qui s’est passé. Seul témoin de l’accident, il est bientôt soupçonné d’être à l’origine du drame qui a vu un homme mourir et se retrouve surveillé par la police à son arrivée dans la station.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Lefranc ne modifie pas son programme pour autant et se rend aux entraînements qui précèdent le criterium auquel il doit participer. Jeanjean, pendant ce temps, se fait un ami sur les pistes de ski de la station et c’est avec les deux enfants que Lefranc va mener son enquête. Car une série d’événements étranges se déroulent tant sur les pistes que dans la station et Lefranc va petit à petit se retrouver sur la piste d’une menace bactériologique au moins aussi peu réjouissante que celle à laquelle il a du faire face dans le premier tome de la série.

Pas de surprise ici : on est bien dans une série de Jacques Martin. C’est clair, balisé, solide et ça a fait ses preuves dans le temps. Une sorte de valeur sûre, donc, au même titre que Tintin ou Astérix (au moins dans les premiers, du temps d’Uderzo et Goscinny). L’aventure est au rendez-vous, ainsi que l’indéboulonnable Axel Borg que l’on retrouve en prince à Venise… et le commissaire Renard qui va, une fois de plus, profiter de la sagacité de Lefranc pour résoudre l’affaire.


Paru aux éditions Casterman, 1965. ISBN : 978-2-203-31401-6.

samedi 27 janvier 2018

Le Siècle, tome 1 : La Chute des géants, de Ken Follett



De Ken Follett, j'avais déjà lu un certain nombre d'ouvrages (Les Piliers de la Terre, La Marque de Windfield, Code Rebecca, Le Troisième Jumeau...) mais cela faisait des années que je n'avais plus ouvert un de ses livres. Je suis tombée sur La Chute des géants un peu par hasard, au supermarché, comme d'habitude et malgré le pavé (plus de 1000 pages), je me suis laissée tenter. Et pour être sûre d'arriver au bout de l'histoire, j'ai pris aussi les deux autres volumes de la trilogie Le Siècle. Je n'ai lu que le premier à l'heure où j'écris ces lignes, mais la suite est en marche.

Que dire d'un tel roman ? L'histoire d'abord. Elle commence à l'aube du XXe siècle, en Angleterre. On y rencontre de nombreux personnages d'un peu toutes les classes sociales (depuis l'aristocratie anglaise jusqu'aux ouvriers dans les mines de charbon). Assez vite, le lecteur est emmené également en Russie, où il fait la connaissance d'ouvriers dans la métallurgie et des grands du monde de l'époque. Les histoires de ces personnages, a priori sans rapport les uns avec les autres, vont pourtant s'entrecroiser au gré des soubresauts de l'Histoire, en France, en Allemagne, en Russie et aux États-Unis.
Ce premier volume se termine juste après la Première Guerre Mondiale. Les équilibres sont transformés, les forces en présence se sont recomposées, un nouveau monde est né de cette guerre fratricide.

J'ai été subjuguée par le récit. Par certains côtés, il m’a fait penser à la série Downtown Abbey dans ce qu’elle montre de l’aristocratie anglaise et des rapports que celle-ci entretient avec la classe ouvrière depuis l’avant-guerre jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Outre la Première Guerre, on traverse également dans ce roman les événements de 1917 en Russie et les tergiversations des puissances européennes avant la Grande Guerre. C'est bien écrit, foisonnant, passionnant, même. Et Ken Follett réussit le tour de force d'introduire des personnages historiques dans son roman, tout en rendant crédibles les personnages romanesques dans la grande histoire. On s'attache aux personnages, à leurs histoires personnelles et familiales, et ce sans a priori en fonction du camp d’appartenance des protagonistes. Ennemi ou ami n'a ici pas beaucoup de sens : ce que dépeint Ken Follett, c'est tout simplement la vie des personnages durant ces heures sombres de l’histoire. Des hommes pris dans la tourmente de la guerre… J’avais un peu peur de descriptions trop « crues » à mon goût, qui auraient pu gâcher le récit ou n’y apporter pas grand-chose. Il n’en est rien. Bien sûr, le ressort amoureux est très présent dans cette histoire, mais il sert très bien le récit, sans l’alourdir. Ce roman est une vraie fresque historique qui m’a apporté autant du point de vue historique que littéraire. J’espère que la suite sera à la hauteur !


Paru aux éditions Librairie Générale Française, 2016. ISBN : 978-2-253-12595-2 (Le Livre de Poche).

mercredi 24 janvier 2018

Lefranc, 2 : L'Ouragan de Feu, de Jacques Martin



Dans ce tome 2, on retrouve le reporter Guy Lefranc à la gare Montparnasse où il accompagne Jeanjean, le jeune scout rencontré dans La Grande Menace. Jeanjean a passé des vacances avec Lefranc et celles-ci arrivant à leur terme, il rentre chez son oncle, à Dol de Bretagne. Mais voilà, les choses ne se passent pas comme prévu et le train à peine parti, Lefranc apprend par son majordome que l’oncle de Jeanjean n’est pas en mesure d’accueillir le garçon et même qu’il est en danger. Il demande à Lefranc de le garder avec lui.
Lefranc, n’écoutant que son courage, prend le parti de suivre le train afin de rattraper l’enfant et de le mettre en sécurité. Mais bien sûr, là encore, tout ne se passe pas comme il faudrait et Jeanjean est enlevé par la bande d’escrocs qui a forcé son oncle à disparaître.

Ce second volume est encore une fois bien ficelé et on y retrouve des têtes connues : outre Lefranc et Jeanjean, le commissaire Renard est de la partie, ainsi, bien sûr, que le grand méchant de la série, Axel Borg lui-même. Il est ici question de découverte scientifique majeure capable de mettre à mal tout un pan de l’économie, suscitant donc des réactions violente de la part des industriels potentiellement impactés par la découverte en question… Mais bien sûr, la sagacité de Lefranc va permettre de parvenir à un règlement de la situation qui, s’il n’est pas parfait, a au moins le mérite de mettre fin aux plans diaboliques des ennemis de Lefranc...


Paru aux éditions Casterman, 1975. ISBN : 978-2-203-31404-7.

samedi 20 janvier 2018

Pars vite et reviens tard, de Fred Vargas



J'ai eu de la chance, ces derniers mois. Un concours de circonstances a fait que les livres de ma bibliothèque étaient totalement inaccessibles pour cause de travaux en cours au rez-de-chaussée, mais que je n'ai pour autant pas manqué de lecture par la grâce du presbytère de la ville d'à côté, qui dispose d'une armoire de dépôt des livres qu'on a aimés et qu'on souhaite partager. Du coup, j'ai pioché dedans. Sans regrets !

L'histoire commence du côté de la gare Montparnasse, à Paris, où l'on rencontre Joss Le Guern, ancien marin reconverti comme « Crieur » public. Il a repris l’ancien métier de son arrière-arrière… grand-père (qui lui a soufflé l’idée un jour bien arrosé) en l’adaptant un tantinet au goût du jour. Il se poste donc tous les jours, trois fois par jour, sur la place pour y crier les annonces qu’il reçoit dans sa boîte, moyennant finances. Depuis les annonces de légumes à vendre jusqu’aux insultes, le travail de Le Guern consiste en premier lieu à trier ce qui est « criable » de ce qui ne l’est pas, puis de faire les annonces.
Petit à petit, le lecteur découvre sur cette place, autour du Crieur, une véritable communauté, depuis Damas et Marie-Belle jusqu’à Decambrais en passant par Lizbeth et Bertin qui tient le bar en face de l’immeuble où Decambrais loge Lizbeth et Eva. Les choses auraient pu en rester au pittoresque d’une vie de quartier peu banale mais, somme toute, pas dangereuse, mais c’était sans compter les velléités de vengeance d’un personnage qui se cache derrière des messages étranges que même le Crieur lui-même ne comprend pas toujours.

Dans le même temps, le commissaire Adamsberg vient d’être envoyé dans le quartier, où une Brigade homicide est sur le point d’ouvrir. Comme les travaux sont encore en cours, le commissaire ne peut pas encore accueillir de prévenus, alors il en profite pour beaucoup marcher dans le quartier. C’est devant l’immeuble de la police qu’il rencontre une femme qui lui fait part de tags bizarres sur les portes de l’immeuble où elle habite. Ces « tags » seront le début d’une enquête qui va mener le commissaire Adamsberg au cœur de la petite communauté du quartier Montparnasse, sur la piste d’un tueur en série pas comme les autres et insaisissable.

J’ai beaucoup ri en lisant ce roman. J’ai beaucoup aimé en particulier les caractères des personnages, principaux et secondaires, de cette histoire quelque peu loufoque mais pas plus impossible ou improbable qu’une autre. Je n’avais plus lu Fred Vargas depuis un bon bout de temps, et j’ai retrouvé avec joie le commissaire Adamsberg et ses acolytes hauts en couleurs. En fait, j’ai vraiment eu l’impression que chaque nouveau personnage était encore un peu plus loufoque que le précédent. Et j’avoue que j’aime bien les petits grains de folie de la vie quotidienne… J’ai été totalement emportée par l’histoire ! Ce livre va donc retourner rapidement dans la boîte où je l’ai trouvé : il n’y a pas de raison qu’il n’enchante pas un(e) autre lecteur(trice) !


Paru aux éditions J'ai Lu, 2007. ISBN : 978-2-290-34931-1.

mercredi 17 janvier 2018

Lefranc 1 : La Grande Menace, de Jacques Martin



Ah, la série « Lefranc » ! Évidemment, ce n’est pas une découverte. Je me souviens d’avoir lu des pages dans un des hebdomadaires que recevaient mes parents (peut-être « La Vie » ?) quand j’étais petite, tout comme j’avais lu « La Vallée des Cobras » (série Jo, Zette et Jocko, d’Hergé), en attendant semaine après semaine la page suivante. Mon cher mari a eu la bonne idée de m’offrir les trois premiers épisodes de cette série et je vais bien sûr commencer ces chroniques par le premier d’entre eux, « La Grande Menace ».

D’emblée, j’ai été happée par l’histoire, qui se déroule tout près de chez moi, en commençant par Bâle, à la frontière entre la Suisse et l’Alsace. On y suit d’abord une voiture bleue, contrôlée à la frontière, qui va s’avérer avoir à son bord des personnages bien plus dangereux qu’ils ne le laissent paraître au premier abord. D’entrée de jeu, Guy Lefranc, reporter de son état, se retrouve mêlé à l’histoire et aide la police à retrouver la voiture des fuyards. L’histoire se poursuit côté français, en Alsace donc, tout près, vraiment tout près de chez moi, puisque la plus grande partie de l’histoire se déroule du côté du Château du Haut-Koenigsbourg, situé à quelques kilomètres seulement de là où j’habite. Dans la suite de l’histoire, on rencontre Axel Borg, le grand méchant, qui va donner du fil à retordre aux autorités. Il menace en effet de détruire la ville de Paris si le gouvernement ne lui donne pas ce qu’il veut, à savoir une rançon exorbitante dans un délai ridiculement faible. Et bien sûr, pour les autorités, il n’est pas question de céder au chantage...

Outre l’aspect sympathique de voir sa région dans une bande dessinée, j’ai plutôt bien accroché à ce premier volume de la série, même si, comme toujours chez Jacques Martin, pour les besoins du scénario, l’histoire est bourrée d’invraisemblances. Mais si on arrive à passer au-dessus, l’histoire a son charme, le charme un peu désuet de la bande dessinée franco-belge des années soixante, dans la veine des Tintin, Alix et autres Blake et Mortimer. Je dois bien avouer que, de mon côté, ce charme opère à plein et que j’en redemande.
Guy Lefranc est un héros rassurant, le genre « gendre idéal », beau, intelligent, fort et élégant, capable d’aider la police sans faire passer ses membres pour des imbéciles ni les prendre de haut. Je ne suis pas certaine qu’on puisse dire qu’il sait rester à sa place, mais, au moins, il a le mérite de les laisser faire leur travail, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce type de bande dessinée, où le héros est un peu un concurrent direct de l’inspecteur en chef qui finit toujours par passer pour l’imbécile du coin. Rien de cela ici, heureusement, et c’est plutôt un tandem improbable qui se met en place avec l’inspecteur Renard que l’on rencontre ici pour la première fois, mais qui va devenir un personnage récurrent, au moins dans les premiers volumes.

Une bonne redécouverte de cette série, donc, avec un petit bémol, mais qui ne me surprend guère et qui est un peu la marque de fabrique de Jacques Martin : des textes longs, très longs (et aujourd’hui bien trop longs). Mais c’est à ce prix que l’histoire peut se développer sur plus de soixante pages (et non pas cent-trente…).


Paru aux éditions Casterman, 1966. ISBN : 978-2-203-31402-3.

dimanche 14 janvier 2018

Bakhita, de Véronique Olmi



Ce livre a fait partie des sélections pour les prix décernés chaque année à la rentrée littéraire, au mois de septembre. D'habitude, je ne fais pas mes achats en fonction des sélections, ni même de la rentrée littéraire, tout simplement parce que j'ai trop peu de temps pour lire et qu'il m'est donc extrêmement difficile de suivre l'actualité littéraire. Pour tout dire, un des livres, conseillé par mon libraire, attend encore que j'aie le temps de l'ouvrir. Depuis un peu plus d'un an.

Bakhita a été enlevée à sept ans pour être vendue à des marchands d'esclaves. Dès le début, elle subit l'horreur et elle va y survivre, ainsi qu'à toutes celles qui vont suivre. Sans rentrer dans les détails, l'auteur donne à voir les souffrances subies par la petite fille puis l'adolescente. Pendant des années en effet, passant d'un maître à l'autre au gré des ventes et des marches forcées, elle va voir l'humanité dans ce qu'elle a de plus dur, de plus horrible, de plus noir.
Un point commun à toute sa vie : les enfants. Enchaînée très rapidement à une petite fille de son âge, elles seront vendues ensemble et feront de concert leurs premiers pas d'esclaves, jusqu'à la première séparation. Il y aura d'autres maîtres, d'autres enfants, d'autres tortures, d'autres souffrances, jusqu'à ce qu'un jour, en plein conflit au Darfour, le consul Italien l'achète lorsqu'elle est adolescente. Sa vie va alors changer progressivement pour la mener vers la lumière. Les enfants resteront des êtres proches d'elle, y compris lorsqu'elle sera devenue religieuse.

Ce roman m'a bouleversée à plus d'un titre. En premier lieu par l'histoire de Bakhita, cette petite fille dont on ne saura jamais le nom véritable, celui que lui ont donné ses parents, parce qu'elle-même l'a oublié dans son exil et sa marche forcée. Cette absence de nom, c'est aussi une volonté de la part des marchands d'esclaves. Pas de nom, pas d'identité, pas d'existence. Le nom marque l'existence même de celui ou de celle qui le porte. D'ailleurs, l'existence de Bakhita aura pris un tournant décisif lors de son baptême, plusieurs années après son arrivée en Italie, avec son nouveau nom.
Le troisième aspect qui m'a marquée, c'est l'omniprésence du langage, de la langue, comme marqueur d'appartenance. Si Bakhita avait su son prénom, le Consul d'Italie aurait pu, grâce à un ami connaisseur de la plupart des dialectes du Darfour, retrouver son ethnie, son village, sa famille. Mais la mémoire de Bakhita avait été effacée par la souffrance et les seuls mots dont elle se souvenait étaient ceux qu'elle avait appris au cours de sa captivité, son mélange, sabir connu d'elle seule où se mêlent des mots arabes, turcs, puis italiens et, plus tard, vénitiens et latins. La question du langage m'interpelle, parce que c'est par le langage qu'on acquiert la pensée, la réflexion. Sans langage, peut-il y avoir une conscience ? Je pensais que non. Mais l'histoire de Bakhita m'a montré que cette question est bien plus complexe que ce que je pensais (comme d'habitude !), puisque, malgré la perte de sa langue maternelle et sans que personne n'ait jamais pris le temps de lui apprendre à parler correctement une autre langue (il y a bien des essais, notamment avec le Vénitien, qu'elle arrivera à parler presque correctement à la fin de sa vie), une langue dans laquelle elle pouvait s'exprimer librement, Bakhita a pu développer un trésor au fond de son coeur et être touchée par la grâce. La question du langage est donc importante, mais pas nécessairement le seul moyen d'entrer en relation avec les autres (évidemment, on peut entrer en relation par le toucher, par les autres sens...), mais là, Bakhita utilise encore d'autres moyens, en en privilégiant un parmi tous les autres à sa disposition : l'amour qu'elle a pour les plus petits, pour les enfants. C'est cet amour immense, inconditionnel, qui la sauve de la barbarie et lui permet de survivre à l'enfer.

Sainte Bakhita fait partie de ces personnes qui ont tout souffert et qui ont fini par trouver dans le Christ leur sauveur. Sa vie est un exemple de foi et de simplicité, d'humilité et de droiture. J'ai été frappée par la formidable capacité de Bakhita à avancer malgré les difficultés et les souffrances, peut-être malgré elles d'ailleurs. Je ne connaissais pas du tout la vie de cette femme, j'en ai été profondément bouleversée. L'auteur a su évoquer et saisir toute la profondeur de l'âme et de la personnalité de Sainte Bakhita et en restituer l'incroyable destin.


Paru aux éditions Albin Michel, 2017. ISBN : 978-2-226-39322-7.