mercredi 31 janvier 2018

Lefranc, 3 : Le Mystère Borg, de Jacques Martin



Dans ce troisième opus, nous retrouvons Lefranc et Jeanjean en Suisse, en plein hiver. Ils sont en route pour une station de sports d’hiver où doit se dérouler le championnat de ski des reporters européens, auquel Lefranc doit participer (je vous avais bien dit qu’il était le gendre idéal ! En plus de toutes ses qualités précédemment découvertes, on voit en lui un grand sportif ! Diantre, c’est pas juste !).

Comme d’habitude chez Jacques Martin, dès les premières vignettes, les choses se corsent. Ici, Lefranc croise une voiture bien dangereuse, suivie d’une deuxième qui manque de l’envoyer dans le décor. Plus tard, ils retrouvent la première voiture dans le fossé et cette dernière prend feu quand Lefranc essaie de comprendre ce qui s’est passé. Seul témoin de l’accident, il est bientôt soupçonné d’être à l’origine du drame qui a vu un homme mourir et se retrouve surveillé par la police à son arrivée dans la station.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Lefranc ne modifie pas son programme pour autant et se rend aux entraînements qui précèdent le criterium auquel il doit participer. Jeanjean, pendant ce temps, se fait un ami sur les pistes de ski de la station et c’est avec les deux enfants que Lefranc va mener son enquête. Car une série d’événements étranges se déroulent tant sur les pistes que dans la station et Lefranc va petit à petit se retrouver sur la piste d’une menace bactériologique au moins aussi peu réjouissante que celle à laquelle il a du faire face dans le premier tome de la série.

Pas de surprise ici : on est bien dans une série de Jacques Martin. C’est clair, balisé, solide et ça a fait ses preuves dans le temps. Une sorte de valeur sûre, donc, au même titre que Tintin ou Astérix (au moins dans les premiers, du temps d’Uderzo et Goscinny). L’aventure est au rendez-vous, ainsi que l’indéboulonnable Axel Borg que l’on retrouve en prince à Venise… et le commissaire Renard qui va, une fois de plus, profiter de la sagacité de Lefranc pour résoudre l’affaire.


Paru aux éditions Casterman, 1965. ISBN : 978-2-203-31401-6.

samedi 27 janvier 2018

Le Siècle, tome 1 : La Chute des géants, de Ken Follett



De Ken Follett, j'avais déjà lu un certain nombre d'ouvrages (Les Piliers de la Terre, La Marque de Windfield, Code Rebecca, Le Troisième Jumeau...) mais cela faisait des années que je n'avais plus ouvert un de ses livres. Je suis tombée sur La Chute des géants un peu par hasard, au supermarché, comme d'habitude et malgré le pavé (plus de 1000 pages), je me suis laissée tenter. Et pour être sûre d'arriver au bout de l'histoire, j'ai pris aussi les deux autres volumes de la trilogie Le Siècle. Je n'ai lu que le premier à l'heure où j'écris ces lignes, mais la suite est en marche.

Que dire d'un tel roman ? L'histoire d'abord. Elle commence à l'aube du XXe siècle, en Angleterre. On y rencontre de nombreux personnages d'un peu toutes les classes sociales (depuis l'aristocratie anglaise jusqu'aux ouvriers dans les mines de charbon). Assez vite, le lecteur est emmené également en Russie, où il fait la connaissance d'ouvriers dans la métallurgie et des grands du monde de l'époque. Les histoires de ces personnages, a priori sans rapport les uns avec les autres, vont pourtant s'entrecroiser au gré des soubresauts de l'Histoire, en France, en Allemagne, en Russie et aux États-Unis.
Ce premier volume se termine juste après la Première Guerre Mondiale. Les équilibres sont transformés, les forces en présence se sont recomposées, un nouveau monde est né de cette guerre fratricide.

J'ai été subjuguée par le récit. Par certains côtés, il m’a fait penser à la série Downtown Abbey dans ce qu’elle montre de l’aristocratie anglaise et des rapports que celle-ci entretient avec la classe ouvrière depuis l’avant-guerre jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Outre la Première Guerre, on traverse également dans ce roman les événements de 1917 en Russie et les tergiversations des puissances européennes avant la Grande Guerre. C'est bien écrit, foisonnant, passionnant, même. Et Ken Follett réussit le tour de force d'introduire des personnages historiques dans son roman, tout en rendant crédibles les personnages romanesques dans la grande histoire. On s'attache aux personnages, à leurs histoires personnelles et familiales, et ce sans a priori en fonction du camp d’appartenance des protagonistes. Ennemi ou ami n'a ici pas beaucoup de sens : ce que dépeint Ken Follett, c'est tout simplement la vie des personnages durant ces heures sombres de l’histoire. Des hommes pris dans la tourmente de la guerre… J’avais un peu peur de descriptions trop « crues » à mon goût, qui auraient pu gâcher le récit ou n’y apporter pas grand-chose. Il n’en est rien. Bien sûr, le ressort amoureux est très présent dans cette histoire, mais il sert très bien le récit, sans l’alourdir. Ce roman est une vraie fresque historique qui m’a apporté autant du point de vue historique que littéraire. J’espère que la suite sera à la hauteur !


Paru aux éditions Librairie Générale Française, 2016. ISBN : 978-2-253-12595-2 (Le Livre de Poche).

mercredi 24 janvier 2018

Lefranc, 2 : L'Ouragan de Feu, de Jacques Martin



Dans ce tome 2, on retrouve le reporter Guy Lefranc à la gare Montparnasse où il accompagne Jeanjean, le jeune scout rencontré dans La Grande Menace. Jeanjean a passé des vacances avec Lefranc et celles-ci arrivant à leur terme, il rentre chez son oncle, à Dol de Bretagne. Mais voilà, les choses ne se passent pas comme prévu et le train à peine parti, Lefranc apprend par son majordome que l’oncle de Jeanjean n’est pas en mesure d’accueillir le garçon et même qu’il est en danger. Il demande à Lefranc de le garder avec lui.
Lefranc, n’écoutant que son courage, prend le parti de suivre le train afin de rattraper l’enfant et de le mettre en sécurité. Mais bien sûr, là encore, tout ne se passe pas comme il faudrait et Jeanjean est enlevé par la bande d’escrocs qui a forcé son oncle à disparaître.

Ce second volume est encore une fois bien ficelé et on y retrouve des têtes connues : outre Lefranc et Jeanjean, le commissaire Renard est de la partie, ainsi, bien sûr, que le grand méchant de la série, Axel Borg lui-même. Il est ici question de découverte scientifique majeure capable de mettre à mal tout un pan de l’économie, suscitant donc des réactions violente de la part des industriels potentiellement impactés par la découverte en question… Mais bien sûr, la sagacité de Lefranc va permettre de parvenir à un règlement de la situation qui, s’il n’est pas parfait, a au moins le mérite de mettre fin aux plans diaboliques des ennemis de Lefranc...


Paru aux éditions Casterman, 1975. ISBN : 978-2-203-31404-7.

samedi 20 janvier 2018

Pars vite et reviens tard, de Fred Vargas



J'ai eu de la chance, ces derniers mois. Un concours de circonstances a fait que les livres de ma bibliothèque étaient totalement inaccessibles pour cause de travaux en cours au rez-de-chaussée, mais que je n'ai pour autant pas manqué de lecture par la grâce du presbytère de la ville d'à côté, qui dispose d'une armoire de dépôt des livres qu'on a aimés et qu'on souhaite partager. Du coup, j'ai pioché dedans. Sans regrets !

L'histoire commence du côté de la gare Montparnasse, à Paris, où l'on rencontre Joss Le Guern, ancien marin reconverti comme « Crieur » public. Il a repris l’ancien métier de son arrière-arrière… grand-père (qui lui a soufflé l’idée un jour bien arrosé) en l’adaptant un tantinet au goût du jour. Il se poste donc tous les jours, trois fois par jour, sur la place pour y crier les annonces qu’il reçoit dans sa boîte, moyennant finances. Depuis les annonces de légumes à vendre jusqu’aux insultes, le travail de Le Guern consiste en premier lieu à trier ce qui est « criable » de ce qui ne l’est pas, puis de faire les annonces.
Petit à petit, le lecteur découvre sur cette place, autour du Crieur, une véritable communauté, depuis Damas et Marie-Belle jusqu’à Decambrais en passant par Lizbeth et Bertin qui tient le bar en face de l’immeuble où Decambrais loge Lizbeth et Eva. Les choses auraient pu en rester au pittoresque d’une vie de quartier peu banale mais, somme toute, pas dangereuse, mais c’était sans compter les velléités de vengeance d’un personnage qui se cache derrière des messages étranges que même le Crieur lui-même ne comprend pas toujours.

Dans le même temps, le commissaire Adamsberg vient d’être envoyé dans le quartier, où une Brigade homicide est sur le point d’ouvrir. Comme les travaux sont encore en cours, le commissaire ne peut pas encore accueillir de prévenus, alors il en profite pour beaucoup marcher dans le quartier. C’est devant l’immeuble de la police qu’il rencontre une femme qui lui fait part de tags bizarres sur les portes de l’immeuble où elle habite. Ces « tags » seront le début d’une enquête qui va mener le commissaire Adamsberg au cœur de la petite communauté du quartier Montparnasse, sur la piste d’un tueur en série pas comme les autres et insaisissable.

J’ai beaucoup ri en lisant ce roman. J’ai beaucoup aimé en particulier les caractères des personnages, principaux et secondaires, de cette histoire quelque peu loufoque mais pas plus impossible ou improbable qu’une autre. Je n’avais plus lu Fred Vargas depuis un bon bout de temps, et j’ai retrouvé avec joie le commissaire Adamsberg et ses acolytes hauts en couleurs. En fait, j’ai vraiment eu l’impression que chaque nouveau personnage était encore un peu plus loufoque que le précédent. Et j’avoue que j’aime bien les petits grains de folie de la vie quotidienne… J’ai été totalement emportée par l’histoire ! Ce livre va donc retourner rapidement dans la boîte où je l’ai trouvé : il n’y a pas de raison qu’il n’enchante pas un(e) autre lecteur(trice) !


Paru aux éditions J'ai Lu, 2007. ISBN : 978-2-290-34931-1.

mercredi 17 janvier 2018

Lefranc 1 : La Grande Menace, de Jacques Martin



Ah, la série « Lefranc » ! Évidemment, ce n’est pas une découverte. Je me souviens d’avoir lu des pages dans un des hebdomadaires que recevaient mes parents (peut-être « La Vie » ?) quand j’étais petite, tout comme j’avais lu « La Vallée des Cobras » (série Jo, Zette et Jocko, d’Hergé), en attendant semaine après semaine la page suivante. Mon cher mari a eu la bonne idée de m’offrir les trois premiers épisodes de cette série et je vais bien sûr commencer ces chroniques par le premier d’entre eux, « La Grande Menace ».

D’emblée, j’ai été happée par l’histoire, qui se déroule tout près de chez moi, en commençant par Bâle, à la frontière entre la Suisse et l’Alsace. On y suit d’abord une voiture bleue, contrôlée à la frontière, qui va s’avérer avoir à son bord des personnages bien plus dangereux qu’ils ne le laissent paraître au premier abord. D’entrée de jeu, Guy Lefranc, reporter de son état, se retrouve mêlé à l’histoire et aide la police à retrouver la voiture des fuyards. L’histoire se poursuit côté français, en Alsace donc, tout près, vraiment tout près de chez moi, puisque la plus grande partie de l’histoire se déroule du côté du Château du Haut-Koenigsbourg, situé à quelques kilomètres seulement de là où j’habite. Dans la suite de l’histoire, on rencontre Axel Borg, le grand méchant, qui va donner du fil à retordre aux autorités. Il menace en effet de détruire la ville de Paris si le gouvernement ne lui donne pas ce qu’il veut, à savoir une rançon exorbitante dans un délai ridiculement faible. Et bien sûr, pour les autorités, il n’est pas question de céder au chantage...

Outre l’aspect sympathique de voir sa région dans une bande dessinée, j’ai plutôt bien accroché à ce premier volume de la série, même si, comme toujours chez Jacques Martin, pour les besoins du scénario, l’histoire est bourrée d’invraisemblances. Mais si on arrive à passer au-dessus, l’histoire a son charme, le charme un peu désuet de la bande dessinée franco-belge des années soixante, dans la veine des Tintin, Alix et autres Blake et Mortimer. Je dois bien avouer que, de mon côté, ce charme opère à plein et que j’en redemande.
Guy Lefranc est un héros rassurant, le genre « gendre idéal », beau, intelligent, fort et élégant, capable d’aider la police sans faire passer ses membres pour des imbéciles ni les prendre de haut. Je ne suis pas certaine qu’on puisse dire qu’il sait rester à sa place, mais, au moins, il a le mérite de les laisser faire leur travail, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce type de bande dessinée, où le héros est un peu un concurrent direct de l’inspecteur en chef qui finit toujours par passer pour l’imbécile du coin. Rien de cela ici, heureusement, et c’est plutôt un tandem improbable qui se met en place avec l’inspecteur Renard que l’on rencontre ici pour la première fois, mais qui va devenir un personnage récurrent, au moins dans les premiers volumes.

Une bonne redécouverte de cette série, donc, avec un petit bémol, mais qui ne me surprend guère et qui est un peu la marque de fabrique de Jacques Martin : des textes longs, très longs (et aujourd’hui bien trop longs). Mais c’est à ce prix que l’histoire peut se développer sur plus de soixante pages (et non pas cent-trente…).


Paru aux éditions Casterman, 1966. ISBN : 978-2-203-31402-3.

dimanche 14 janvier 2018

Bakhita, de Véronique Olmi



Ce livre a fait partie des sélections pour les prix décernés chaque année à la rentrée littéraire, au mois de septembre. D'habitude, je ne fais pas mes achats en fonction des sélections, ni même de la rentrée littéraire, tout simplement parce que j'ai trop peu de temps pour lire et qu'il m'est donc extrêmement difficile de suivre l'actualité littéraire. Pour tout dire, un des livres, conseillé par mon libraire, attend encore que j'aie le temps de l'ouvrir. Depuis un peu plus d'un an.

Bakhita a été enlevée à sept ans pour être vendue à des marchands d'esclaves. Dès le début, elle subit l'horreur et elle va y survivre, ainsi qu'à toutes celles qui vont suivre. Sans rentrer dans les détails, l'auteur donne à voir les souffrances subies par la petite fille puis l'adolescente. Pendant des années en effet, passant d'un maître à l'autre au gré des ventes et des marches forcées, elle va voir l'humanité dans ce qu'elle a de plus dur, de plus horrible, de plus noir.
Un point commun à toute sa vie : les enfants. Enchaînée très rapidement à une petite fille de son âge, elles seront vendues ensemble et feront de concert leurs premiers pas d'esclaves, jusqu'à la première séparation. Il y aura d'autres maîtres, d'autres enfants, d'autres tortures, d'autres souffrances, jusqu'à ce qu'un jour, en plein conflit au Darfour, le consul Italien l'achète lorsqu'elle est adolescente. Sa vie va alors changer progressivement pour la mener vers la lumière. Les enfants resteront des êtres proches d'elle, y compris lorsqu'elle sera devenue religieuse.

Ce roman m'a bouleversée à plus d'un titre. En premier lieu par l'histoire de Bakhita, cette petite fille dont on ne saura jamais le nom véritable, celui que lui ont donné ses parents, parce qu'elle-même l'a oublié dans son exil et sa marche forcée. Cette absence de nom, c'est aussi une volonté de la part des marchands d'esclaves. Pas de nom, pas d'identité, pas d'existence. Le nom marque l'existence même de celui ou de celle qui le porte. D'ailleurs, l'existence de Bakhita aura pris un tournant décisif lors de son baptême, plusieurs années après son arrivée en Italie, avec son nouveau nom.
Le troisième aspect qui m'a marquée, c'est l'omniprésence du langage, de la langue, comme marqueur d'appartenance. Si Bakhita avait su son prénom, le Consul d'Italie aurait pu, grâce à un ami connaisseur de la plupart des dialectes du Darfour, retrouver son ethnie, son village, sa famille. Mais la mémoire de Bakhita avait été effacée par la souffrance et les seuls mots dont elle se souvenait étaient ceux qu'elle avait appris au cours de sa captivité, son mélange, sabir connu d'elle seule où se mêlent des mots arabes, turcs, puis italiens et, plus tard, vénitiens et latins. La question du langage m'interpelle, parce que c'est par le langage qu'on acquiert la pensée, la réflexion. Sans langage, peut-il y avoir une conscience ? Je pensais que non. Mais l'histoire de Bakhita m'a montré que cette question est bien plus complexe que ce que je pensais (comme d'habitude !), puisque, malgré la perte de sa langue maternelle et sans que personne n'ait jamais pris le temps de lui apprendre à parler correctement une autre langue (il y a bien des essais, notamment avec le Vénitien, qu'elle arrivera à parler presque correctement à la fin de sa vie), une langue dans laquelle elle pouvait s'exprimer librement, Bakhita a pu développer un trésor au fond de son coeur et être touchée par la grâce. La question du langage est donc importante, mais pas nécessairement le seul moyen d'entrer en relation avec les autres (évidemment, on peut entrer en relation par le toucher, par les autres sens...), mais là, Bakhita utilise encore d'autres moyens, en en privilégiant un parmi tous les autres à sa disposition : l'amour qu'elle a pour les plus petits, pour les enfants. C'est cet amour immense, inconditionnel, qui la sauve de la barbarie et lui permet de survivre à l'enfer.

Sainte Bakhita fait partie de ces personnes qui ont tout souffert et qui ont fini par trouver dans le Christ leur sauveur. Sa vie est un exemple de foi et de simplicité, d'humilité et de droiture. J'ai été frappée par la formidable capacité de Bakhita à avancer malgré les difficultés et les souffrances, peut-être malgré elles d'ailleurs. Je ne connaissais pas du tout la vie de cette femme, j'en ai été profondément bouleversée. L'auteur a su évoquer et saisir toute la profondeur de l'âme et de la personnalité de Sainte Bakhita et en restituer l'incroyable destin.


Paru aux éditions Albin Michel, 2017. ISBN : 978-2-226-39322-7.