mercredi 25 mars 2020

Brüsel, de Benoit Peeters et François Schuiten



Retour à cette série mythique des « Cités Obscures », dans la ville de Brüsel, cette fois. Abeel Constant, fleuriste, est en train de réaménager son magasin où il fait la part belle aux plantes en plastique, quand le Professeur Persenval débarque chez lui. Le Professeur est lui aussi un féru de plantes en plastique et cherche à faire affaire avec Abeel Constant pour « fleurir » le nouvel hôpital dont la ville va bientôt se doter. Il faut dire que Brüsel elle-même est en plein réaménagement ! Il faut faire table rase du passé. Place au progrès !

Dans l’immédiat, Abeel a des problèmes urgents à régler : l’eau a été coupée, le téléphone cesse bientôt de fonctionner et, pour couronner le tout, le fleuriste tousse de plus en plus. Il décide alors de se rendre au Palais, où il expose ses problèmes avec beaucoup de difficultés. C’est le règne de l’absurde dans la bureaucratie brüselloise… Heureusement, il y a Tina, qui a l’air de vouloir l’aider… sans beaucoup de succès malheureusement. Sa toux s’aggravant, Abeel se rend à l’hôpital et le délire dans lequel il était plongé au Palais se poursuit et, pire, s’accentue.

Brüsel, c’est l’histoire d’une ville en pleine mutation, aux prises avec les hommes politiques et leurs ambitions, accompagnés de savants fous qui n’ont en tête que le progrès, au point qu’ils en arrive à vouloir changer, transformer radicalement la ville en oubliant ceux pour qui elle a été bâtie.

Cette bande dessinée est extraordinaire en ce sens qu’elle emporte le lecteur vers une réalité alternative, ou bien un monde parallèle, c’est au choix, où la réalité, la vraie vie, est confrontée à l’absurdité des décisions politiques idiotes, des idéologies mortifères poussées jusqu’au bout qui, telles un rouleau compresseur aveugle, créent un monde où ne comptent plus que l’égo des décisionnaires qui ne vivent que pour voir le triomphe de leurs idées.
La ville se vide ainsi de sa substance pour ne devenir qu’un cadre dans lequel la vie et ses habitants n’ont plus aucune place.
Il faudra l’énergie d’Abeel et la ténacité de Tina pour leur permettre de sortir de ce piège gigantesque et tentaculaire qu’est devenue Brüsel.
Du grand art.

Paru aux éditions Casterman, 2008 (Les Cités Obscures). - ISBN : 978-2-203-01289-9.

mardi 24 mars 2020

Trilogie New-yorkaise, de Paul Auster




Je ne connaissais pas Paul Auster. Je ne sais plus quand et comment ce livre (ou plutôt ces livres, puisque l’ouvrage regroupe trois romans) est arrivé dans ma bibliothèque, mais peu importe. Il fait partie de ces ouvrages qu’on a du mal à lâcher, alors même qu’on ne sait pas trop pourquoi.

Le premier roman, intitulé « Cité de Verre », raconte l’histoire de Quinn, un écrivain qui utilise un pseudonyme dans son métier, qui se voit confier une mission de détective privé par téléphone, par quelqu’un qui le prend pour un certain Paul Auster. Quinn a beau tenter de refuser la mission, de rétablir la vérité et de montrer que le commanditaire ne s’adresse pas à la bonne personne, rien n’y fait : le voilà embarqué dans une histoire pour le moins étrange où il doit surveiller un homme qui arpente les rues de New York en y dénichant des objets abimés, cassés… Quinn essaie de rendre compte de ses recherches, tombe sur Paul Auster, qui n’est pas plus informé que lui de l’affaire… et perd la trace de son employeur.

Dans le deuxième roman, « Revenants », les personnages ont des noms de couleurs (Bleu, Brun, Noir…) qui font penser à des pseudonymes que l’auteur leur aurait donné pour brouiller les pistes. Là, un des personnages est chargé par un autre d’en surveiller un troisième et d’envoyer chaque semaine un compte-rendu. Là encore, le personnage va changer la règle du jeu en cours de route et faire des découvertes qui vont radicalement changer sa vision des choses.

Enfin, dans « La Chambre dérobée », le narrateur est chargé par une jeune femme de retrouver Fanshawe, un homme qui s’avère être un de ses amis d’enfance, après l’échec d’un détective privé du nom de Quinn (est-ce le même que dans la « Cité de Verre » ?) sur cette même mission. Cette recherche va l’amener à se replonger dans leur passé commun et à explorer et tenter de comprendre la vie de son ami qu’il n’a plus vu depuis bon nombre d’années.

Ces trois romans me laissent un sentiment étrange, où la perplexité le dispute à la frustration et à l’enthousiasme.
J’ai l’impression qu’il y a des liens entre les trois romans (ce qui semble évident, sinon, ils ne seraient pas regroupés en un seul volume sous le nom de « Trilogie New-yorkaise »), mais j’ai du mal à les trouver, exception faite de certains points communs qui semblent plutôt accessoires : la présence de Quinn (1 et 3), d’écrivains (Quinn dans 1, Fanshawe et le narrateur dans 3), la surveillance d’une personne (1 et 2), de détectives (dans les trois romans), le dépouillement, la rue, la perte, la descente aux enfers, le déclassement… et New York.
Il y a aussi des passages étranges où l’on a l’impression, dans « La Chambre Dérobée », que Fanshawe raconte quelque chose qui s’est passé dans « Revenants »… Des liens existent effectivement, donnant l’impression que ces trois récits se complètent, alors que, pris séparément, ils racontent trois histoires distinctes, avec certains points communs, donc. Si j’osais une interprétation, je dirais que le premier roman est la quête, malgré lui, de Fanshawe par Quinn, que le deuxième est le jeu du chat et de la souris de Fanshawe vis-à-vis de Quinn et du narrateur du troisième roman, tandis que le troisième roman serait le récit « complet », mais selon le point de vue du narrateur, de toute cette histoire… Ce serait donc le même récit, vu sous trois angles différents, sans qu’aucun des personnages des deux premiers romans ne comprenne rien de ce qui se passe en réalité, de ce qu’ils font, de l’identité de celui qu’ils surveillent et des raisons de cette surveillance. Un peu tordu, mais ça pourrait quand même se tenir.

En tout cas, aussi étrange que soit cette Trilogie, j’ai beaucoup aimé m’y plonger, même si je m’y suis parfois perdue. C’est tout simplement très bien écrit ! Paul Auster (l’auteur, cette fois!) a un sens de la narration que je lui envie...

Paru aux éditions Actes Sud, 2002 (Babel). - ISBN : 978-2-7427-3791-8.

lundi 23 mars 2020

Largo Winch tome 21 : L'Etoile du matin, de Philippe Francq et Eric Giacometti




Ce nouveau diptyque débute à Saint-Pétersbourg, avec le résumé d’un roman, « Les Voiles rouges », lors d’une conversation entre un financier américain et un mystérieux investisseur américain… qui a l’air d’en vouloir à Largo Winch.
Six mois plus tard, nous retrouvons ce dernier au Yucatan, avec Simon Ovronaz, où il tente de comprendre pourquoi Saïdée, dont il était tombé amoureux, a été tuée (voir le diptyque précédent, ici et ici). Pour cela, il « interroge » un Russe qui ne survivra pas, assassiné avant de pouvoir répondre aux questions de Largo.

Au même moment, à New York, la Bourse de Wall Street est victime d’un « Flash Krach », une chute brutale et passagère des valeurs boursières, qui perdent mille points en quelques minutes, avant de remonter à leur niveau précédent tout aussi rapidement. La SEC, Security and Exchange Commission, est rapidement au travail pour déterminer les causes de ce krach… et remonte très vite à un courtier en bourse.
Au Yucatan, Largo assiste à un forum accompagné de Cathy Blackman, chargée des œuvres de bienfaisance de la Fondation Winch. Largo y rencontre divers magnats russes et autres, avant d’être rappelé à Chicago, où l’enquête sur le krach vient de révéler l’implication d’une des sociétés dont il est le propriétaire.
Commence alors une double enquête, celle du FBI et de la SEC, qui veulent charger Largo et celle, non officielle, de Largo qui cherche le véritable responsable.

Cet opus est centré sur les mécanismes de trading à haute fréquence, ces opérations boursières menées par des ordinateurs aux capacités de calcul phénoménales.
Ce qui me semble intéressant, ici, c’est que les auteurs utilisent à très bon escient l’actualité plus ou moins récente (des faits réels dans le domaine financier sont mentionnés, tout comme la crise des Subprimes, de triste mémoire, en 2008), avec des explications plutôt claires sur le fonctionnement de tout cela. Les explications sont vraisemblablement très succinctes, mais elles permettent malgré tout de ne pas être totalement perdu dans cette jungle qu’est devenue la finance internationale en général et la Bourse en particulier.

Largo mène l’enquête, découvre une coupable qui s’avère avoir en réalité été piégée. Elle tente de se blanchir en allant chercher des preuves au cœur même du système. Mais, comme toujours, les choses dérapent et Largo et la jeune femme, Mary, se retrouvent en bien mauvaise posture…

Il va donc falloir que je trouve la suite qui, je suppose, est maintenant parue. Parce que ça me ferait un peu mal au cœur de ne pas savoir si Largo va se sortir du traquenard dans lequel il est tombé, et qui risque de lui faire tout perdre...

Paru aux éditions Dupuis, 2017. - ISBN : 978-2-8001-6861-6.