mercredi 18 décembre 2019

La Route d'Armilia et autres légendes du monde obscur, de François Schuiten et Benoît Peeters




La série « Les Cités Obscures » est une sorte d’OVNI dans la bande dessinée. J’avoue avoir un peu de mal à cerner la série, tout en étant subjuguée tant par les histoires que par le dessin, envoûtant, de François Schuiten.

La Route d’Armilia raconte l’histoire de Ferdinand, parti de Mylos, en dirigeable, pour apporter au professeur Pym, dans le Grand Nord, la formule capable de remettre en route les rouages du Temps et redonner ainsi vie au monde. Mi-journal de bord, mi-bande dessinée, cette histoire est foisonnante et particulièrement imaginative. Le lecteur est d’ailleurs bien en peine de déterminer où se situe la « vérité », si tant est qu’elle existe… Le voyage a-t-il réellement lieu ? S’agit-il de l’imagination débordante de Ferdinand qui parvient à lui donner corps et vie ?
Tout ce que je peux dire, en tant que lectrice, c’est que c’est très beau, très onirique et que cet ouvrage est capable de me transporter dans un autre monde, littéralement. On est à la fois dans l’ambiance de la fin du XIXe siècle et dans un monde futuriste où il est bien difficile de déterminer l’échelle de temps. Le pari de créer un autre monde est encore une fois relevé !

Les autres légendes du monde obscur présentes dans cet ouvrage de 110 pages quand même sont de la même veine. En particulier « Mary la penchée », où il est très difficile de savoir où se trouve la normalité et où commence la bizarrerie. Ou encore « Les Chevaux de la Lune », histoire sans parole magnifiquement illustrée, où tout se joue dans les regards, les lumières et le velouté du dessin.
« La Perle » est une sorte de conte moderne qui rappelle par nombre de côtés le conte « La Princesse au petit pois », la noirceur de la Reine Mère en plus…

Les éditions Casterman ont décidé une réédition des différents ouvrages composant la série « Les Cités Obscures » et cet album fait partie de la nouvelle mouture. N’ayant pas de points de comparaison (puisque je n’avais pas lu la version originale), je ne saurais dire si la réédition est mieux que la première version. Ce que je sais (et c’est un dépliant glissé dans le livre qui me l’apprend), c’est que les auteurs ne se sont interdit aucun repentir concernant la série, y compris en remaniant complètement les histoires si besoin. En tout cas, que ce soit sur l’édition elle-même (ajout d’histoires courtes, par exemple), ou sur la fabrication (amélioration du rendu d’impression) ou même sur le contenu, cette nouvelle édition de la série est très belle et mérite vraiment d’être redécouverte.

Paru aux éditions Casterman, 2010 (Les Cités Obscures). ISBN : 978-2-203-02093-1

mercredi 11 décembre 2019

Aquablue Tome 3 : Le Mégophias, de Thierry Cailleteau et Olivier Vatine




Cela faisait un moment que je voulais investir dans la suite de cette série (à l’heure où j’écris ces lignes, il semble qu’il existe 16 tomes, j’en suis donc très loin!!!). Parce qu’elle m’interpelle, d’autant plus avec le contexte actuel de réchauffement climatique…

Ici, nous sommes de retour sur Aquablue, ou plutôt dans le ciel d’Aquablue. Un aéronef est détruit par un étrange vaisseau spatial qui sème la terreur dans l’espace.
Sur Aquablue, Nao et ses amis sont témoins de la bataille spatiale qui se déroule juste au-dessus d’eux. En effet, la Texec vient de lancer ses chasseurs contre le vaisseau inconnu, avec des résultats pour le moins dramatiques pour la compagnie de Phlebs et de Morgenstern. La bataille se joue aussi sous l’eau, mais les ordres aberrants de la Texec contraignent le capitaine du sous-marin à faire sécession et à rejoindre les habitants d’Aquablue, qui ont déjà accueilli Rabah, magouilleur en tous genres qui s’est acoquiné avec le commandant du mystérieux vaisseau pirate, connu sous le nom de Mégophias, du nom de l’animal qui lui a fourni sa carcasse.

Les habitants d’Aquablue, Nao en tête, vont donc devoir louvoyer entre différents intérêts afin de préserver leur planète des appétits de la Texec, mais aussi de l’énigmatique commandant Lochshore, dont on ne sait pas au juste quelles sont les intentions. Crimes, trahisons… tout y passe dans ce jeu de dupes où, une fois de plus, les plus puissants tentent de faire main basse sur les ressources des plus faibles, en l’occurrence ici les natifs de la planète d’adoption de Nao.

Ce troisième tome se referme sur la découverte, sous l’eau, d’une sorte de cité engloutie… dont nous ne saurons rien avant le tome 4…

Cette série, bien qu’ancienne (ce tome 3 date quand même de 1990) est vraiment intéressante. Elle reprend, en les déplaçant dans d’autres univers, les pires travers de nos sociétés en poussant leurs conséquences assez loin pour nous faire entrevoir des mondes potentiellement invivables… car gangrenés par l’appât du gain, l’absence totale de compassion et la réduction de la valeur de la vie humaine à rien du tout… En observant l’actualité, j’ai de plus en plus l’impression que ce cynisme est encore plus visible aujourd’hui qu’il ne l’était il y a bientôt trente ans. Où cela va-t-il nous mener ?

Paru aux éditions Delcourt, 1990. ISBN : 978-2-906187-55-9

mardi 3 décembre 2019

Le Fiasco du Labrador, de Margaret Atwood.




Je n’avais jamais lu, je crois, de livre de Margaret Atwood. Et si j’ai eu ce livre entre les mains, c’est qu’il faisait partie d’une offre promotionnelle sur le mode « Un livre offert pour deux livres achetés », je ne sais plus exactement à quel moment. Il faut dire que je ne suis pas spécialement rapide dans mes lectures et, surtout, que je fonctionne au coup de cœur, autant au moment de l’achat qu’au moment de la lecture et que, pour le coup, les deux ne sont pas forcément simultanés ou consécutifs. En gros, je peux avoir un coup de cœur en librairie et ne lire le livre que six ou sept ans plus tard… Les mystères insondables de mes comportements étranges en matière de lecture m’étonneront toujours…

Découverte, donc.
Et plutôt bonne, je dirais. Et pourtant, ce n’était pas gagné. Parce que ce « Fiasco du Labrador », que je croyais être un roman (j’ai omis de lire la quatrième de couverture, ou bien j’ai oublié entre le moment où je l’ai acheté et le moment où j’ai ouvert le livre, ce qui est tout aussi probable que la première option) est en réalité un recueil de nouvelles. Or je lis surtout des romans, même si j’écris moi-même pas mal de nouvelles. Mais contrairement à ce qui se passe dans les recueils de nouvelles que j’ai lus par le passé (il y en a quand même quelques-uns), les histoires racontées ici sont toutes en lien les unes avec les autres et racontent par épisodes la vie d’une seule personne à différents moment de sa vie, celle de Nell.

J’ai été pas mal déroutée lors de ma lecture, par plusieurs faits. Tout d’abord, les nouvelles ne sont pas forcément dans l’ordre chronologique. Dans la première nouvelle, Nell est déjà adulte. La seconde la voit petite fille, les autres sont des tranches de vie où on la voit grandir, devenir adolescente, jeune fille, jeune femme… jusqu’à un âge très avancé. En fait, Nell, dans ce recueil, traverse le vingtième siècle sous les yeux du lecteur.
Ce qui m’a troublée, c’est que certaines de ces nouvelles (notamment les premières) sont écrites à la première personne du singulier, et la narratrice n’est autre que Nell elle-même. Sauf qu’elle n’est quasiment pas nommée dans les premiers textes, ce qui fait que je n’ai compris qui parlait qu’à la troisième ou à la quatrième histoire, je ne sais plus. Et je n’ai compris le lien entre les différents récits que grâce aux recoupements et aux mentions des personnages secondaires qu’on retrouve dans les différentes nouvelles, du moins en partie.
Ce n’est que lorsque le point de vue narratif a changé, passant de la première personne à un narrateur omniscient que j’ai mieux compris le contexte, les personnages principaux… avant d’être de nouveau perdue quand le narrateur est redevenu une femme, mais pas la même qu’au début… Bref. C’est moi et mon « cerveau lent »… Je dois m’y faire !

J’ai toutefois trouvé que c’était un bon recueil, malgré mes égarements livresques. La qualité d’écriture est au rendez-vous, les histoires sont cohérentes entre elles et le principe d’une nouvelle par tranche d’âge permet de suivre l’évolution de l’héroïne sans se « farcir » sa vie sur le mode biographique, qui pourrait être assez ennuyeux.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire et découvrir la vie de cette femme qui traverse le siècle, depuis son enfance jusqu’à sa mort, en passant par son mariage, ses aventures amoureuses…
Une agréable découverte, oui !

Paru aux éditions 10/18, 2012. - ISBN : 978-2-264-06565-0.