dimanche 31 décembre 2023

Jargonnier catholique de poche, de Edmond Prochain


Le livre n’est pas récent. Huit ans… j’aurais vraiment dû l’ouvrir avant, celui-là ! Une pépite, je ne vous dis que ça !

Alors pour les catholiques, c’est une bonne entrée en matière pour mieux comprendre (ou pas!) le langage ecclésial, et pour les autres, certaines définitions seront claires comme de l’eau de roche et les autres permettront une sympathique entrée en dialogue avec des cathos qui pourront leur expliquer la signification de la définition (les sous-entendus, les sous-titres, quoi!).

L’ouvrage regroupe de nombreux mots plus ou moins connus et usités, c’est comme un dictionnaire, mais en vraiment très drôle. Bravo à l’auteur, Edmond Prochain1 (oui, c’est un pseudonyme, ne cherchez pas). Ce livre instructif, mordant et drôle, pas méchant pour un sou (les catholiques en prennent pour leur grade, vous pouvez me croire, mais toujours gentiment et avec beaucoup de tendresse de la part de l’auteur) donne des définitions décalées (mais justes) des mots utilisés par les croyants et devenus incompréhensibles des non-croyants, compte-tenu de l’incroyable perte de culture religieuse dans notre société aujourd’hui. J’ai particulièrement ri à « Gloria » et « dicastère », mais j’aime bien aussi la définition de « démon » ou de « dimanche ». C’est aussi plus profond qu’il n’y paraît. Par exemple, la définition du mot « disciple » vient de me faire comprendre la différence entre « disciple » et « apôtre »… car il y en a une ! Si, si !

Bref. Un ouvrage à lire (et ça se lit vraiment très vite) pour rire un bon coup, se moquer gentiment des cathos (et un peu des autres aussi, mais jamais méchamment encore une fois). Le potentiel d’autodérision est très bon et permettra peut-être aux chrétiens d’obéir enfin au Pape : « Le chrétien doit offrir un visage joyeux, pas une face de piment au vinaigre. » (François)


Paru aux éditions de l'Emmanuel, 2015. ISBN : 978-2-35389-501-4.

1Edmond Prochain (pseud.) : Journaliste et auteur contemporain. Comme son nom l'indique, il essaie de suivre le Christ et de partager sa foi catholique, ce qui n'est probablement pas l'idée la plus brillante pour faire carrière, mais a l'avantage de suffire à son bonheur. Voilà. (Note de l'éditeur, 4e de couverture)

mercredi 6 décembre 2023

Histoire de Jérusalem, de Vincent Lemire et Christophe Gaultier


C’est un beau cadeau que mes parents m’ont fait là, à l’occasion de mon anniversaire et de ma réussite au Diplôme Universitaire d’aumônier. Je n’en suis pas peu fière, d’ailleurs ! (de mon DU, j’entends).

Cet ouvrage conséquent (253 p. quand même!) raconte l’histoire de la Ville Sainte, Jérusalem, depuis ses origines, il y a 4000 ans, à travers les yeux d’un olivier millénaire qui en a vu toute l’évolution, le développement, les conflits, les arrivées de populations…

L’histoire est divisée en chapitres selon un plan chronologique et racontée à travers des documents provenant d’auteurs et d’acteurs divers qui, tous, ont marché dans les rues de Jérusalem au fil de son histoire et des siècles. On sent là un grand travail de recherches historiques pour trouver les témoignages précis qui ont servi à décrire cette histoire.

J’ai mis du temps à lire cette bande dessinée. D’abord parce qu’elle est longue, et aussi parce qu’il ne s’agit pas d’une œuvre de fiction, mais d’un ouvrage qui se veut basé sur des documents historiques. Je connaissais quelques éléments, à cause de mes études depuis deux ans, mais j’ai découvert énormément de choses sur la ville, en particulier qu’elle n’a pas toujours été le lieu de conflits religieux comme on le voit aujourd’hui. Il fut un temps pas si éloigné de nous où les différentes communautés religieuses (juifs, chrétiens et musulmans) vivaient à peu près en bonne entente et sans s’entre-tuer ou se menacer continuellement de le faire, comme c’est le cas depuis quelques décennies.

L’histoire de Jérusalem n’est pas linéaire, loin de là. Les différentes communautés qui y vivent se remplacent, reviennent, repartent, se font la guerre et créent des alliances qu’elles vont ensuite remettre en question. On découvre à cette occasion que les uns et les autres, quelles que soient les confessions religieuses, sont tour à tour victimes et bourreaux, en fonction de la période historique, des enjeux de puissance et de pouvoir. La situation à Jérusalem n’a donc quasiment jamais été tranquille ni simple et l’histoire de la ville est extrêmement riche, ce qui n’a rien d’étonnant compte-tenu de sa longévité malgré de nombreuses destructions au fil des siècles.

Du point de vue visuel, la BD m’a plu aussi, grâce à un dessin efficace et beau, réaliste et précis sans faire carte postale ou tableau. Les auteurs ont pris soin d’insérer des plans afin que le lecteur puisse visualiser l’évolution de la ville dans le temps et de mieux situer les différents quartiers dont il est question. Cet aspect-là me parle particulièrement, à moi qui ai une formation de géographe à la base… L’utilisation des personnages pour raconter l’histoire en lieu et place de longs développements rédigés rend également le déroulement digeste et le découpage par périodes historiques permet des pauses dans la lecture et de s’y retrouver dans le temps. Résumer 4000 ans d’histoire en 250 pages était un pari un peu fou, qui a été relevé avec les honneurs. Et le récit étant basé sur des faits historiques, il est une très bonne entrée en matière pour qui veut tenter de comprendre ce qui se passe dans cette région du monde malmenée, comme on le voit encore aujourd’hui avec la guerre qui oppose depuis quelques semaines le Hamas et Israël.

Puissent de tels ouvrages élargir un peu la vision des hommes et leur rappeler qu’il n’en a pas toujours été ainsi et qu’à certains moments, les différents groupes religieux arrivaient à vivre relativement en paix dans la ville Sainte. Même si cette paix a toujours été très instable...


Paru aux éditions Les Arènes BD, 2022. ISBN : 979-10-375-0715-0.

lundi 20 novembre 2023

Jeanne d'Arc, le procès de Rouen, de Jacques Trémollet de Villers


Jacques Trémolet de Villers lit et commente dans cet ouvrage le procès de Rouen, durant les derniers mois de la vie de Jeanne d'Arc, procès qui va aboutir à sa condamnation et à sa mort sur le bûcher le 30 mai 1431. Je ne spoile personne : cette histoire est connue de tous et largement documentée depuis bientôt 600 ans. Il n'y a là aucun suspense.

L'intérêt de ce livre est ailleurs. Ce qui m'a beaucoup plu, ici, ce sont les commentaires de l’auteur, en petits caractères, sous le récit (qui se présente un peu à la manière d'une pièce de théâtre visuellement parlant). Jacques Trémolet de Villers est lui-même avocat au civil et au pénal. Il reprend les minutes du procès et les éclaire grâce à sa connaissance fine tant des procès et de leur déroulement que du langage employé et de la foi. Il explicite de manière très précise et très intéressante à la fois les enjeux, les joutes, les pièges tendus par les juges de Jeanne et les réponses de celle-ci, les raisons qui l'ont poussée à faire ce qu’elle a fait, son état d’esprit au moment des interrogatoires et les raisonnements qui ont pu ou du être les siens durant ces cent jours qui mèneront à sa mort. Ce qui est vraiment très beau, c'est le double regard juridique et religieux que l'auteur porte sur ce procès hors-norme.

Entre le 21 février et le 30 mai 1431, Jeanne est en prison à Rouen. Elle doit faire face à ses juges, des ecclésiastiques qui ont embrassé la cause des Anglais contre celle du roi de France légitime – et légitimé par les combats de Jeanne – Charles VII. L'action de Jeanne est avant tout politique : il s'agit de rétablir le roi de France sur le trône et d’en déloger le « roi de France et d’Angleterre » qui n’a rien à y faire.

Mais les juges ne peuvent rien contre Jeanne du point de vue temporel. C’est donc sur le plan spirituel qu’ils l’attaquent, la harcèlent, même, lui refusant tous les recours auxquels elle avait droit. Si la situation se répétait aujourd’hui, les conditions du procès lui-même rendrait invalide ce dernier quasiment dès son ouverture. Jeanne prend la main, décide sur quoi elle doit ou non dire la vérité, maîtrise le temps par l’intermédiaire des conseils qu’elle reçoit de ses voix (celles de Sainte Marguerite, Sainte Catherine et Saint Michel). Le tribunal ecclésiastique quitte donc la terre très rapidement pour se trouver dans une autre réalité, celle du Ciel et de la foi.

Ce procès hors normes à tout point de vue est le seul de ce type dans toute l’histoire de France (et sans doute du monde). Il a marqué notre pays, non seulement parce que c’est celui d’une jeune fille qui, par ses faits d’armes, a changé le cours de l’histoire de son pays, mais aussi parce que, d’un point de vue strictement juridique, il mêle comme aucun autre les questions judiciaires et spirituelles. Même pour un tribunal d’église, il est seul en son genre. C’est que Jeanne est jugée par l’Église, mais pour des faits militaires et politiques, par des hommes d’Église qui ont une mission politique. Ce mélange des genres ne se reproduira pas dans l’histoire.

C’est en tout cas une très belle lecture, avec la fin que l’on connaît (la pseudo abjuration de Jeanne, sa condamnation et sa mort sur le bûcher après sa rétractation). Mais le livre va plus loin en analysant les rapports de Jeanne avec son temps. Le procès peut en effet se lire à différents niveau, et l’auteur, à la fin, explore les relations de Jeanne avec le Roi (et l’identité de ce dernier, pour elle), mais aussi avec l’État, le droit, la langue française, la guerre, les miracles, l’Église, la laïcité, avant de laisser la porte ouverte sur une dernière question : et si Jeanne était docteur de l’Église ?

Paru aux éditions Perrin, 2017 (Tempus). ISBN: 978-2-262-06780-9.

lundi 13 novembre 2023

L'Esprit de la liturgie, du Cardinal Joseph Ratzinger, suivi de L'Esprit de la liturgie, de Romano Guardini



Cet ouvrage, je l'ai lu en deux temps. Tout d'abord, il y a deux ans, lors de la reprise de mes études en théologie à l'université de Strasbourg, pour une fiche de lecture. A cette occasion, j'ai lu le livre de Romano Guardini, plus court que le premier (celui du Cardinal Ratzinger). D’autre part, il s'agit du livre qui a inspiré à Joseph Ratzinger l'écriture de son livre auquel il donne le même titre. Je voulais alors retourner aux « sources ».

Ce premier ouvrage a été écrit au début du XXe siècle, traduit en français en 1930. Donc avant la réforme liturgique initiée par le Concile Vatican II, au début des années 1960. Je pensais y trouver des réponses à mes questions, mais j’ai été déçue de ce point de vue. Le livre de Romano Guardini parle de liturgie, bien sûr, mais de manière à en donner le sens, la signification en tant que telle. Et non pas la signification des gestes, paroles, moments, lieux. J’ai beaucoup appris à la lecture de ce livre mais en ai retenu peu de choses, non pas parce qu’il est inintéressant (au contraire), mais parce qu’il est désormais trop éloigné de ce que je vis en tant que fidèle lorsque j’assiste à la messe. D’autant plus que je n’avais pas les « clés » pour comprendre ce qu’il disait et qu’il parlait, fort logiquement, de la liturgie telle qu’elle était célébrée avant le Concile. Il faudrait donc que je le relise, maintenant que j’ai lu celui de Joseph Ratzinger.

En effet, le livre de celui qui deviendra le pape Benoît XVI par la suite est très différent, même s’il parle, finalement, de la même chose. Tout d’abord, le Cardinal Ratzinger a un style littéraire (même traduit de l’allemand au français) bien plus facile à lire que celui de Romano Guardini ou d’un autre pape comme Jean-Paul II par exemple. Le propos est clair, construit de manière logique et cohérente, avec un vocabulaire accessible au commun des mortels (il n’y a pas besoin d’avoir fait de la théologie pour comprendre), avec un plan simple à suivre et à comprendre. Ratzinger sait où il veut aller et emmener le lecteur et cela se sent dans sa manière de composer un livre sur un sujet qui peut, de prime abord, sembler plutôt aride ou difficile.

J’ai donc lu, pour une autre fiche de lecture, dans le cadre du premier semestre de la licence de théologie que j’ai entamée cette année, cet ouvrage de Ratzinger qui, lui, répond parfaitement aux questions que je me posais il y a deux ans. Comme quoi, j’aurais sans doute du commencer par celui-là !

Dans ce livre, en quatre parties, Ratzinger aborde la liturgie et sa signification sous le double prisme des Écritures et de l’Histoire sainte, l’un n’allant pas sans l’autre en ce domaine. Il en donne, dans la première partie, une signification spirituelle qui rappelle ce que disait Guardini. Dans la deuxième partie, il aborde les questions du temps et de l’espace dans la liturgie. C’est dans cette partie notamment qu’il parle de la question du lieu où l’on prie, de l’histoire des églises, mais surtout de leur agencement intérieur, de leur orientation, et qu’il donne la signification du bâtiment, de l’autel, de la réserve eucharistique et du calendrier liturgique. La troisième partie est consacrée à l’art dans la liturgie, et Ratzinger en fait un cheminement historique tant en ce qui concerne l’image que la musique. La dernière partie est consacrée à la forme de la liturgie elle-même : le rite et tous les gestes qui le composent, où une part très importante est laissée à la place du corps et de la manière dont il est utilisé pour prier.

Ce livre m’a permis de mieux comprendre ce qui se passe durant la messe (sans en épuiser le mystère, bien entendu), afin de mieux y entrer, de mieux la vivre aussi. Une lecture ne suffit pas, bien sûr, mais c’est déjà une première approche qui m’aide beaucoup dans ma pratique personnelle. Ne serait-ce que comprendre pourquoi on se met debout, à genoux ou assis durant la messe est une aide pour entrer dans la profondeur du mystère qui se déroule sous nos yeux quand on assiste à la messe. Rien que ça, c’est déjà un grand pas : cela confirme certaines de mes intuitions et m’aide à y voir plus clair. Par ailleurs, le futur Benoît XVI se montre plutôt critique sur certaines des conséquences de la réforme liturgique voulue par le Concile, non pas parce que cette réforme ne serait, selon lui, pas juste ou utile, mais parce qu’elle a été très mal comprise et donc très mal mise en œuvre. On s’est attaché à la forme en perdant beaucoup du sens de la réforme (et donc de la liturgie). La suite de sa vie, et notamment certaines de ses décisions en matière de liturgie (mais on peut dire la même chose de Jean-Paul II et du pape François) montrent que la question de la liturgie est loin, très loin d’être figée ou close. Au contraire : l’Église existe depuis deux mille ans et cela fait à peu près autant de temps qu’elle se réforme en permanence...

Paru aux éditions Artège, 2019. ISBN : 979-10-336-0919-3.

mercredi 18 octobre 2023

Le Nom de la Rose, Livre Premier, de Milo Manara et Umberto Eco

 

Alors cette bande dessinée, je ne l'attendais pas. Mais alors pas du tout. J'avais déjà lu le roman d'Umberto Eco, bien sûr, et c'est un de mes romans favoris, j'avoue. De la même manière, j'ai aussi vu et revu le film de Jean-Jacques Annaud, sorti en 1986. Oui, c'est un vieux film, mais on ne se lasse que difficilement des chefs-d’œuvre !

Bref, tout ça pour dire que quand j'ai vu cette bande dessinée dans la vitrine de ma librairie préférée, je l'ai immédiatement achetée. Parce que, franchement, associer Umberto Eco et Milo Manara, il fallait y penser ! Bref.

Je ne ferai à personne l'injure de teaser (comme on dit aujourd'hui) l'intrigue (tout le monde la connaît, je suppose !). Mais j'étais curieuse de voir ce que ça donnerait en bande dessinée. Et je n'ai pas été déçue (au moins pour ce premier tome, on verra pour la suite quand elle sortira en librairie).

Au dessin, Milo Manara, connu surtout pour des bandes dessinées plutôt osées (érotiques, donc, puisqu'il vaut mieux appeler un chat, un « chat »), fait des merveilles. Beaucoup de délicatesse, de finesse dans le trait, de subtilité dans les personnages… Bref, visuellement, ça fait mouche. Et ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est que le dessinateur, sans chercher à copier les traits des acteurs du film, a glissé chez certains personnages secondaires des ressemblances permettant de mieux les reconnaître. De la même manière, il a aussi réinterprété à sa « sauce » les décors, somptueux sous son trait, il faut bien le dire.

Par ailleurs, le dessin permet d’explorer autrement certaines parties de l’intrigue, laissées bien plus dans l’ombre dans le film ou simplement évoquées dans le roman, en particulier les enluminures de l’un des premiers moines victimes de meurtre dans l’abbaye. L’imaginaire foisonnant d’Adelme d’Otrante n’a rien à envier à celui de Milo Manara, pour le coup ! On retrouve donc là la « patte » de Manara, mais sans que l’ensemble ne tourne au vulgaire.

L’esprit du roman comme celui du film est respecté, tout en jouant avec bonheur des codes de la bande dessinée qui permettent certaines libertés propres au support (tout comme le film en permettait vis-à-vis du roman d’ailleurs). Comme quoi, chaque art a son intérêt, et l’adaptation d’une œuvre majeure comme celle du roman d’Umberto Eco, si elle est risquée tant l’œuvre est connue, peut conduire, en cas de réussite, à une véritable redécouverte.

Si vous n’avez jamais entendu parler du « Nom de la Rose », vous n’avez donc plus aucune excuse pour ne pas vous y mettre : roman, film ou bande dessinée, il y a de quoi faire !

Paru aux éditions Glénat, 2023. ISBN : 978-2-344-04975-4.


lundi 16 octobre 2023

Monnaie de sang, de Patricia Cornwell


Cela faisait longtemps que je n'avais plus lu de roman de Patricia Cornwell (en tout cas de la série « Kay Scarpetta »). Tellement longtemps, que quand j’ai acheté ce roman, j’avais oublié… que je l’avais déjà. Eh oui… J’ai donc deux exemplaires de ce livre, mais comme il est bien, je vais le donner dans une des boîtes à livres du coin, histoire d’en faire profiter quelqu’un d’autre. Voilà pour le livre lui-même.

Pour l’histoire, nous sommes dans une classique enquête de Kay Scarpetta, médecin légiste, mariée à Benton Wesley, profiler du FBI. Elle est aidée par Pete Marino, policier de son état, et par sa nièce lesbienne Lucy, tête brûlée hyper-douée en informatique, mais aussi en pilotage d’engins divers et variés, allant de la Ferrari à l’hélicoptère, en fonction de ses envies.

Le jour de l’anniversaire de Kay, un meurtre est commis juste à côté de chez elle, mettant un terme aux préparatifs des vacances qu’elle avait prévu de passer avec son mari. Une fois sur place, les premières constatations montrent que ce crime n’a pas pu être commis comme il semble l’avoir été, tant les indices corporels contredisent le récit « officiel » de la police. Par ailleurs, il apparaît très vite que quelqu’un est intervenu dans l’appartement de la victime, effaçant un certain nombre d’indices et modifiant sérieusement les lieux, brouillant ainsi la compréhension des enquêteurs sur place. L’affaire est donc plus complexe qu’il y paraissait au premier abord et a des ramifications – Kay, Benton, Lucy et Pete le découvriront plus tard – plus larges que ce qui était attendu après les premières constatations.

J’ai bien apprécié ce roman, même si certains aspects m’ont gênée, comme par exemple l’insistance, surtout au début, sur la vie intime de Kay et de son mari (dont on se fiche un peu, en réalité, tant ça n’apporte que peu de choses au récit, à ce moment-là de l’intrigue en tout cas). Par ailleurs, le récit est, comme d’habitude avec cet auteur, parfaitement bien mené, laissant la surprise et le suspense jusqu’à la dernière ligne, invitant le lecteur à lire le tome suivant, bien entendu.

J’aimerais bien… le problème, c’est qu’il me manque déjà les dix tomes précédents… et voilà pourquoi je n’ai découvert le mariage de Kay et Benton que dans ce volume-là… Mais vous l’aurez compris, cela n’a au final pas beaucoup d’importance, et heureusement, pour comprendre l’intrigue de ce livre. Sinon qu’il fait appel à certains personnages des romans précédents (et que, cette fois-ci, j’avais lus ! Yaisse!).

Bref, un bon moment de lecture, qui vide bien la tête quand on est fatigué des études, de l’actualité ou du quotidien hyper-angoissant que nous vivons en ce moment. Des fois, cela fait du bien de s’évader de la réalité !

Paru aux éditions LGF, 2016 (Le Livre de Poche). ISBN : 978-2-253-16403-6.

lundi 2 octobre 2023

Dialogues des Carmélites, de Georges Bernanos

Pour une raison que j'ignore, je suis attirée par les écrits de Bernanos, tout en ayant comme une certaine appréhension à les lire, non pas parce que j'aurais peur du contenu, mais parce que j'ai l'impression de ne pas être assez « douée » pour comprendre cet auteur. Un peu comme si je n’osais pas m’attaquer à ce monument littéraire, de peur de ne pas être digne de l’auteur ou de ne pas être capable d’en saisir le sens, la saveur ou la beauté. C'est très bizarre, vous en conviendrez. Cet ouvrage ne fait pas exception à la règle : je l’ai acheté durant l’été et j’ai mis plus d’un mois (alors que je le cherchais depuis longtemps et que j’avais hâte de le lire!) avant de l’ouvrir… Bref.

En 1774, la Marquise de la Force donne naissance à une petite fille, Blanche, mais meurt en couches. Quinze ans plus tard, en avril 1789, la jeune Blanche de la Force entre au Carmel de Compiègne où elle pense trouver sécurité et bonheur dans un monde en plein bouleversement. Paris est à feu et à sang : la Révolution Française vient de commencer.

Par la suite, les révolutionnaires édictent des lois interdisant aux prêtres de célébrer la messe et confisquant les biens des congrégations religieuses, allant même, plus tard, jusqu’à mettre à mort les religieux et religieuses qui refusent d’abjurer leur foi en Christ et d’embrasser la nouvelle religion.

Quand les religieuses de Compiègne sont arrêtées, Blanche parvient à s’enfuir. La peur revient maintenant que le calme et la paix du couvent lui sont retirés. Blanche craint pour sa vie, bien sûr, mais elle sait également que ses sœurs, elles, depuis leur prison, ont peu de chance d’en réchapper…

Cet ouvrage est construit pour un scénario cinématographique. Georges Bernanos y a écrit les indications de cadrage, de décors… et le tout est présenté comme une pièce de théâtre, avec tableaux et scènes où les décors changent, les personnages évoluent, le temps passe.

D’une lecture très aisée, cet ouvrage, économe en descriptions du fait de sa construction, va à l’essentiel : ce que se disent les carmélites durant cette période bouleversée de la Révolution. Et c’est tout simplement magnifique. Magnifiquement écrit, tout d’abord, bien sûr (l’auteur est vraiment, vraiment un grand écrivain), magnifique aussi dans le contenu (c’est d’une très grande profondeur spirituelle) et dans la concision (le livre se lit très, très vite) et il est très court (154 petites pages).

C’est une lecture époustouflante, vraiment, qui parle de renoncement, de sacrifice, de la peur, bien sûr, de la mort et du courage d’y faire face. Pour le croyant, tout est là : ce à quoi nous amène la foi, c’est ça : le dépouillement, le renoncement à mener sa vie soi-même, l’acceptation d’un plus grand dessein que le mien, l’acceptation aussi de renoncer à faire ma volonté pour que celle d’Un Autre se fasse en moi et à travers moi. Jusqu’au don total, le don de sa vie, si les circonstances l’exigent.

C’est tout simplement bouleversant.


Paru aux éditions du Seuil (Points), 1996. ISBN : 978-2-02-028542-1.

lundi 18 septembre 2023

Enfance déchirée : Espoir pour les victimes d'abus sexuels durant l'enfance, de Dan Allender.

 


Ce livre m'a été conseillé par une de mes amies, religieuse américaine engagée dans notre diocèse pour lutter contre les abus sexuels dans l'Eglise. Vaste programme, mission difficile et engageante s'il en est. Et sans aide extérieure, sans l'espérance donnée par la foi, il est très difficile de regarder ce problème, ces drames, avec ne serait-ce qu'un minimum d'optimisme et d'espoir que les victimes puissent s'en sortir.

C'est pourtant le regard que propose Dan Allender, théologien américain engagé dans la relation d'aide. L'auteur décrit avec beaucoup de prudence et de délicatesse, mais sans aucune concession, la réalité des abus commis sur les enfants, afin d'aider ceux qui vont devoir les aider à leur tour et les soutenir dans leur chemin de guérison à mieux comprendre la réalité des abus.

Qu'est-ce qu'un abus sexuel sur mineur ? De quoi parle-t-on exactement quand on parle d'abus ? Quelle différence entre un attouchement et un viol ? Quels impacts sur les enfants qui sont victimes de ces abus ? Quelles en sont les conséquences réelles sur la personnalité, le développement de l'enfant ? Sur ses relations postérieures, dans sa vie d'adulte en particulier ?

Toutes ces questions, et bien d'autres, je me les suis posées et ce livre a pu m'aider à y répondre. Car pour pouvoir aider un enfant abusé, encore faut-il savoir exactement de quoi on parle et quelles sont les conséquences de l'abus subi par l'enfant. Comprendre le pourquoi du comportement de la victime permet déjà à celui qui se trouve en position de devoir l'aider, ou simplement de vivre à ses côtés, de faire le tri entre ce qui relève de sa personnalité propre et ce qui est la conséquence de l'abus. Et malheureusement, la plupart du temps, en ce qui concerne les très jeunes victimes en particulier, les deux sont parfaitement intriqués...

On a parfois l'impression, à la lecture de ce livre, que tout espoir est interdit concernant la victime : elle semble n'avoir aucune possibilité de s'en sortir, et, pire, il semble même qu'elle soit condamnée à reproduire, d'une certaine manière, non pas l'abus, mais des relations toxiques avec son entourage, afin, tout simplement, de prévenir tout nouvel abus sur elle. Elle entre alors dans une logique implacable de contrôle de soi et des autres, surtout, engendrant des relations au mieux compliquées et difficiles avec ses proches ou dans ses relations à l'âge adulte, relations conjugales ou relations parents-enfants en particulier.

Pourtant, l'espoir est permis. C'est le grand apport de ce livre qui se place sous le regard de Dieu. Dan Allender propose, dans la dernière partie de son ouvrage, une méthodologie, dans la foi, pour restaurer l'intégrité de la victime. Moyennant un exigeant travail sur soi, il s'agit là de prendre conscience de l'abus, de sa condition de victime, de sa non-responsabilité dans l'acte lui-même mais de sa responsabilité concernant les actes commis par la suite et qui sont la conséquence du mécanisme d'auto-protection mis en place par la victime pour survivre à l'enfer qu'elle a vécu.

Trois étapes pour se remettre à vivre après cette terrible épreuve :

- la sincérité : le fait de regarder en face la réalité tant de l'abus que de ses conséquences sur la victime ;

- la repentance : demander pardon, non pas pour l'abus (la victime est vraiment victime et n'est en aucun cas responsable de l'abus qu'elle a subi), mais pour le mal commis par la suite, conséquence indirecte de l'abus ;

- le courage d'aimer : apprendre à aimer en vérité, en décidant en premier lieu de lâcher les sécurités que la victime a mises en place pour éviter un nouvel abus, s'en protéger.

C'est tout un chemin qui est proposé ici, mais un chemin de vie et d'espérance, sous le regard de Dieu.

Paru aux éditions La Clairière, 1994. ISBN : 978-2-9803370-1-3.        

lundi 11 septembre 2023

Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban, de J. K. Rowling



Troisième volet des aventures d’Harry Potter, le célébrissime magicien qu’on ne présente plus. Je reprends la lecture de cette saga, environ dix ans après avoir lu les deux premiers volumes. C’est que pendant tout ce temps, je n’ai pas pris du tout le temps de le faire. Trop de travail, quatre enfants… bref, pas le temps de chercher ces livres, d’autant plus que je n’avais pas à l’époque les moyens d’investir dans des ouvrages pour enfants qui n’intéressaient pas les miens. De plus, le succès aidant, les romans avaient pris beaucoup de valeur dans leurs éditions récentes. Et j’avais bien d’autres urgences financières à cette époque !

Seulement voilà, ma dernière fille (celle qui est née et que j’allaitais au moment où j’ai lu les tomes 1 et 2 de la saga) m’a demandé les livres pour son dixième anniversaire. Excellente occasion donc pour lire enfin la suite !

Que dit ce livre ? Harry Potter entre en troisième année à Poudlard, et il est immédiatement mis en garde par le ministre de la magie himself contre Sirius Black, un dangereux criminel qui s’est échappé de la forteresse d’Azkaban. A priori à l’abri à Poudlard, grâce aux défenses magiques qui l’entourent et à la présence des Détraqueurs dépêchés sur place par le Ministère pour y traquer Syrius, Harry fait la connaissance du Professeur Lupin, le nouveau professeur de Défense contre les forces du mal qui va l’aider durant cette année de cours. Année qui révèle d’ailleurs à Harry nombre de réalités sur son passé et celui de sa famille. Car, bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples qu’il y paraît !

J’ai beau être adulte depuis un certain nombre d’années, lire enfin ces livres (oui, j’ai relu les tomes un et deux pendant les vacances, après avoir vu les huit longs métrages!) me fait du bien. Je n’ai pas terminé, loin de là, puisqu’il me reste à découvrir, à l’heure où j’écris ces lignes, les quatre volumes suivants. Mais j’avoue qu’avoir ce genre de lecture détend bien et permet une évasion bienvenue quand le quotidien est compliqué (ce qui est quasiment inévitable dans une vie d’adulte!). Donc c’est bien écrit (et bien traduit!), captivant même si c’est une lecture facile. Une bonne saga, une bonne histoire, efficace et prenante, avec des héros attachants et une intrigue plus complexe qu’il y paraît au premier abord… tous les ingrédients sont réunis pour un bon moment de lecture… sans prise de tête !


Paru aux éditions Gallimard Jeunesse (Folio Junior), 1999. ISBN : 2-07-052818-9.

lundi 21 août 2023

Histoire d'une âme, de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face


Ce livre, comme bien d’autres, fait partie de ceux que je voulais lire depuis très, très longtemps. Le tirage que j’ai date de… 2006. Oui. Rien que ça.

Alors je me dis qu’il faut un temps pour tout, et celui de lire « Histoire d’une âme » était sans doute venu. Peut-être d’ailleurs que je n’étais pas prête avant à me prendre une claque magistrale comme celle que je viens de prendre. Peut-être que, lu plus tôt, je serais passée à côté de ce remarquable petit livre, très court (286 p., notes et table des matières incluses). Et sans doute que cette lecture, dont on m’avait dit tant de bien, me faisait un peu peur jusque là. J’avais peut-être peur de ne pas comprendre, de ne pas en saisir la portée, de ne pas être à la hauteur des exigences spirituelles qu’il demande… Je me trouve toujours des tas d’excuses pour ne pas lire un livre quand je ne veux pas être dérangée par lui !

Alors j’ai fini par l’ouvrir, ce livre, et je comprends mieux l’engouement qu’il a provoqué. C’est une mine d’or spirituelle. Ce qui m’a frappée en premier lieu, c’est la maturité de Sainte Thérèse quand elle l’a écrit. Il s’agit d’une autobiographie, écrite par la sainte elle-même à la demande de sa sœur (biologique et en religion, 4 des 5 sœurs Martin étant entrées au Carmel de Lisieux), au moment où cette dernière (Mère Agnès de Jésus en religion) était la Supérieure du Carmel de Lisieux. Thérèse commence par ses souvenirs d’enfance (Manuscrit A) puis sa vocation (Manuscrit B) et enfin sa vie de carmélite (Manuscrit C). En complément, des documents comme le billet de profession de Thérèse, et des lettres de Thérèse à Sœur Marie et inversement.

Ce qui est frappant (et ce n’est pas pour rien que Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face est docteur de l’Église), c’est la « petite voie » proposée par Thérèse, expérience d’humilité, de petitesse et de confiance face à la tendresse infinie de Dieu. Une expérience qui nourrit depuis plus d’un siècle maintenant la foi de nombreux croyants qui y ont vu, dès la mort de la sainte, un vrai chemin de sanctification accessible à tous.

Ce livre est, contrairement à mes craintes absurdes, très, très facile à lire ! Et donc accessible à tous.


Paru aux éditions Pocket, 1998. ISBN : 2-266-08342-2.

lundi 14 août 2023

Le Combat d'hiver, de Jean-Claude Mourlevat

 


J'ai trouvé ce livre un jour dans ma bibliothèque et il m'a fallu un certain temps pour comprendre comment il était arrivé là. C'est ma fille de 16 ans qui m'a donné la solution à cet épineux problème : il s'agit d'un livre qu'elle devait lire au collège... et qui donc avait du être acheté il y a quelques années, puisqu’elle entre en terminale en septembre...

Souvent, je suis assez méfiante avec la littérature jeunesse, le meilleur côtoyant parfois le pire. J'ai donc ouvert de roman avec quelques doutes, avant de me retrouver prise dans l'intrigue au point de ne pas pouvoir lâcher ce roman. À bien des égards, il m'a fait penser à un autre roman dystopique, « La Servante Écarlate », chroniqué ici. Pas au regard de l'intrigue, non, mais pour le monde désespéré dans lequel se déroule l'histoire et les rôles assignés à certaines catégories de personnes.

L'histoire commence à l'internat où une jeune fille, Helen, demande à voir sa « consoleuse ». On s’aperçoit très vite que l’internat est plus une prison qu’autre chose et que sans les « consoleuses », les enfants et jeunes qui s’y trouvent désespéreraient totalement. Les « consoleuses » sont des femmes qui habitent la colline surplombant le village où se trouve l’internat et ont pour rôle, trois fois par an, maximum, d’accueillir les enfants et les jeunes qui le demandent afin de les réconforter, leur offrir un vrai et bon repas… et jouer le rôle de la maman de l’enfant qui n’en a plus. Une véritable affection se développe donc entre le jeune et sa « consoleuse », et c’est cette soupape de sécurité et d’affection qui permet aux jeunes de supporter les dures conditions de vie à l’internat.

Dans ce monde froid, tout est organisé pour obliger le jeune à revenir à l’internat : l’enfant ne sort jamais seul, toujours accompagné d’un autre élève de son âge. Et pour décourager toute tentative de fuite, un autre élève est désigné pour être envoyé au cachot si l’un des deux élèves ne rentre pas dans un délai de trois heures après sa sortie. C’est un monde violent, dur, où la solidarité entre élèves prime, avec ses règles tacites qui font que tout se passe comme le souhaitent les responsables de l’internat.

Seulement voilà, cette fois-ci, rien ne se passe comme prévu et cette sortie est le point de départ d’une véritable épopée qui va entraîner Helen et Milena, son accompagnatrice, sur les routes et dans une aventure où elles vont devoir faire face à la cruauté de la Phalange, le parti qui a pris le pouvoir dans ce pays imaginaire. Ces deux jeunes ne seront pas seules et feront des rencontres plus ou moins importantes et fugitives, mais toujours décisives : le médecin Josef, Bartolomeo, Milos, les « hommes-chevaux », les « hommes-chiens », Basile, Paula… et bien sûr les hommes lancés à leurs trousses afin de les ramener à l’internat. Ce sera aussi l’occasion pour Milena de renouer avec un passé douloureux et d’envisager autrement l’avenir.

Si j’ai littéralement plongé dans ce roman et l’ai dévoré d’un bout à l’autre, j’ai malgré tout été quelque peu déçue par certains de ses aspects, notamment un certain manque de réalisme qui en fait un récit un peu pâle au regard d’autres dystopies. Est-ce la multiplicité des personnages, des lieux, des situations ? Le roman perd en partie de sa force, d’autant plus qu’il laisse un certain nombre de questions en suspens, en allant un peu vite sur la résolution des pistes lancées par l’auteur. L’univers est foisonnant, riche et très bien construit, mais je suis restée sur ma faim quant à son exploitation par l’auteur. Une petite déception, donc, qui conforte mon impression première concernant certains livres de littérature jeunesse. Dommage. Toutefois, je redis une chose : j’ai malgré tout été happée par cette histoire et n’ai pas pu la lâcher. On ne s’ennuie pas à la lecture de ce livre, mais ce n’est clairement pas le meilleur du genre que j’aie eu entre les mains.


Paru aux éditions Gallimard Jeunesse, 2010. ISBN : 978-2-07-069576-8.

samedi 1 juillet 2023

Le Chemin des estives, de Charles Wright


Tombée sur ce livre à l'automne 2022, alors que je cherchais un cadeau de Noël pour ma maman, il est à nouveau revenu vers moi au début 2023 et, j'avoue, j'ai craqué. Je pensais d'abord qu'il ne me plairait que moyennement, mais qu'il me permettrait de m'évader un peu, alors que l'année s'annonçait studieuse (je suis à nouveau étudiante) et difficile (je viens de démarrer un nouveau travail.

Et puis,... non. Ce livre est tout simplement magnifique.

Il retrace le mois d'été vécu par deux novices de la Compagnie de Jésus, les « Jésuites », à l’issue de leur première année. L’un, Benoît de Parsac, est prêtre. L’autre, le narrateur, a « écumé les noviciats, les monastères, les ermitages » apparemment sans but précis autre, peut-être, que l’errance elle-même ?

Toujours est-il que ces deux jeunes hommes se trouvent obligés de faire route ensemble depuis Angoulême, sans le sou bien sûr, avec pour objectif de traverser à pieds le Massif Central d’Ouest en Est jusqu’à l’abbaye de Notre-Dame des Neiges, en Ardèche. Le tout en un mois.

Notre-Dame des Neiges, c’est une abbaye trappiste où Saint Charles de Foucauld, autre errant vagabond pèlerin itinérant célèbre, a passé sept mois avant d’aller voir plus loin.

Le récit de ce voyage est donné par le narrateur qui livre au lecteur de très belles pages sur la spiritualité, l’errance, la solitude, la vie au grand air, la simplicité, mais aussi sur l’être humain, son aptitude au pire comme au meilleur. Ce voyage est donc avant tout une initiation spirituelle. Un moyen pour les Jésuites d’envoyer leurs novices d’un an se confronter à eux-mêmes, deux par deux, comme les disciples envoyés par Jésus proclamer au monde la Bonne Nouvelle du Royaume, sans argent, sans manteau, avec pour seul secours celui du Père… et la bienveillance de ceux qu’ils rencontreront.

École de vie, école d’humanité également. Et je ne résiste pas à citer un passage qui m’a beaucoup touchée :

- Alors comme ça, vous voulez devenir religieux ? s’extasie Liliane. […] Moi aussi j’aurais voulu faire cela, mais Paul m’a mis le grappin dessus, puis j’ai élevé nos enfants, rit-elle.

- Vous savez, rebondit Parsac, moi, l’aspirant consacré, je suis à genoux devant le degré d’oubli de soi, la générosité et le service de la vie dont les mères sont capables Votre abnégation vaut bien la nôtre !

- N’empêche, insiste-t-elle, ce que vous avez enduré pendant ce pèlerinage est édifiant !

Parsac et moi baissons la tête, gênés. Après un mois passé à marcher ensemble, à nous connaître dans nos quelques grandeurs et nos immenses bassesses, impossible de bomber le torse. L’un et l’autre savons l’imposteur que nous sommes, le fond de médiocrité qui nous constitue. D’ailleurs, c’est peut-être pour cela que le Christ envoie ses disciples deux par deux. Car lorsqu’un étranger débarque seul dans un endroit, tout auréolé de mystère, il est inconnu, on l’admire. Mais l’équipier qui vous supporte chaque jour sait, lui, que vous n’êtes pas cet étranger séduisant, ce passant considérable. Son regard vous maintient dans l’humilité, il vous empêche de vous draper dans la posture du grand personnage. (pp. 324-325)


Ce livre fait du bien. Par le récit du dépaysement que l’on y lit. Par les compagnons de route des deux marcheurs rencontrés au fil des pages également : les habitants des villages traversés, bien sûr, mais aussi les paysages, les volcans, la solitude, la nature, les vaches… et Charles de Foucauld, Arthur Rimbaud ou encore Thomas A. Kempis, l’auteur présumé de « L’imitation de Jésus-Christ », que le narrateur a emmené avec lui dans son sac à dos.

Ce livre est une invitation à reprendre souffle. À ralentir. À débrancher, aussi, nos téléphones portables, nos écrans de télévision qui occupent si bien l’espace disponible de nos cerveaux, pour faire place à l’Essentiel. Et cet Essentiel ne se manifeste pas tout à fait de la même manière pour nos deux pèlerins. Et pourtant, Il leur donne le bonheur. La Vie.


Paru aux éditions J'ai lu, 2022. ISBN : 978-2-290-36245-7.

mercredi 28 juin 2023

XIII : Tome 26 : 2132 mètres, par Iouri Jigounov et Yves Sente.


Dans ce 26e album, XIII se rapproche de Janet Fitzsimmons, la veuve du président Sheridan. Tous deux compte parmi les derniers héritiers du Mayflower et ont donc des intérêts communs (voir ici et ). Derrière, bien entendu, des enjeux financiers, mais surtout de pouvoir.

Jason Mac Lane, « XIII », doit être testé pour un tir à longue portée. Il ignore tout du but et de la cible de la mission, mais se voit contraint de l’accepter, sous peine de voir deux enfants subir les terribles conséquences d’un refus de sa part.

Parallèlement, le Colonel Jones et le Général Carrington, revenus de captivité, bénéficient du programme de protection des témoins, que le Colonel Jones a beaucoup de mal à accepter. Il faut dire qu’elle n’est pas sortie indemne de la période de captivité qu’elle et le Général ont connue…

Cet épisode, et notamment le test du tir à longue portée, renvoie directement le lecteur – et ce dès la première page de l’album, au tout premier épisode de la série. Un bon point pour les auteurs, soit dit en passant. Parce qu’indépendamment de l’histoire elle-même et des péripéties de chaque album, le lecteur a sans doute parfois du mal à voir la cohérence et la suite logique entre les deux cycles.

Ce rappel a pour effet de réinscrire le second cycle dans la série (en tout cas pour moi, qui suis dans l’impossibilité pratique de relire tous les albums de la série les uns après les autres afin d’y puiser la cohérence intrinsèque).

Bref, cet album répond parfaitement aux codes du genre et s’achève, comme toujours, sur un « cliffhanger » où le lecteur apprend avec stupeur l’identité de la « cible » de XIII. Il va tirer. Quelles seront les conséquences de cet acte ? Et pourquoi lui ? Pourquoi cette cible en particulier ? Quels sont les enjeux derrière cet attentat et les personnes qui tirent réellement les « ficelles » ?

Paru aux éditions Dargaud, 2019. ISBN : 978-2-5051-1963-0.

mercredi 21 juin 2023

Blake et Mortimer, tome 12 : Les 3 formules du Professeur Satô, tome 2 : Mortimer contre Mortimer, de Edgar P. Jacobs et Bob de Moor


Le 2e opus de ce diptyque s’ouvre sur l’arrivée de Blake à l’aéroport de Tokyo. Les plans d’Olrik pour s’emparer des 3 formules mises au point par Akira Satô pour faire fonctionner son invention sont pour l’heure contrecarrés par cette arrivée de l’agent secret britannique. Mais le piège dans lequel est tombé Mortimer est redoutable : ce dernier a disparu et Blake ignore tout de l’affaire et du « double » androïde du savant, qu’Olrik tente d’utiliser afin de faire disparaître Blake définitivement.

Heureusement, Philipp Mortimer et Akira Satô sont pleins de ressources et tout peut encore arriver.

Dans cet album, le dernier réalisé par Edgar P. Jacobs, le mal se déchaîne une fois de plus à travers la haute technologie inventée par les êtres humains. L’une des constantes de cette série est évidemment en rapport avec cette question de l’usage que peut faire l’être humain de la technologie à sa disposition. Comme lors de la seconde guerre mondiale, durant laquelle les Américains ont développé le Projet Manhattan suite à une lettre de Albert Einstein les alertant sur l’avancée des travaux allemands concernant l’atome. La suite, on la connaît. Hiroshima et Nagazaki, et la destruction instantanée de centaines de milliers de Japonais, sans compter tous ceux qui ont succombé dans les jours, les semaines, les années suivantes (voir à ce sujet le livre sur Takashi Nagaï).

Dans ses albums, Edgar P. Jacobs semble être obnubilé par le risque que représente une technologie quelconque, neutre au départ et par définition, dans le cas où elle tomberait entre de mauvaises mains. Et si les personnages principaux – Blake et Mortimer, bien sûr, mais aussi Olrik et Sharkey – ne meurent jamais, c’est sans doute parce que le combat du Bien contre le Mal n’a jamais de fin, puisque la créativité humaine en la matière est sans limite...

Paru aux éditions Blake et Mortimer, 1990. ISBN : 978-2-8709-7176-5.

samedi 20 mai 2023

Apprendre à écouter, de Joël Pralong

« Joël Pralong est prêtre du diocèse de Sion (Suisse). Infirmier en psychiatrie de formation, il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages qui utilisent le double éclairage de la psychologie et de la spiritualité »1. J’ai découvert ce livre dans le cadre de ma formation d’aumônier, commencée en octobre dernier. Il faut dire que, de mon côté, je démarre dans ce métier, justement en hôpital psychiatrique. Ce double regard psychologique et spirituel est donc la matière première, quasiment la base de mon métier. Et dans les rencontres avec les patients, l’écoute est primordiale. Comment écouter ? Qu’est-ce qu’écouter veut dire réellement ? Quelles sont les attitudes à adopter ? Pourquoi ? Quels sont les pièges à éviter ? Quels sont les risques, aussi, tant au niveau de la personne écoutée (« l’écouté(e) ») que de celui(celle) qui écoute (« l’écoutant ») ?

Toutes ces questions (et beaucoup d’autres !) sont abordées dans ce livre qui se lit très vite (deux-trois heures en ce qui me concerne). Lors de ma lecture, j’ai été particulièrement interpellée par le premier chapitre, celui qui, là où j’en suis actuellement de ma formation et de mon expérience « d’écoutante », m’a le plus parlé et a le plus fait écho aux erreurs et difficultés que j’ai déjà rencontrées. Parce que oui, quand on démarre dans ce ministère d’accompagnateur/écoutant, la pratique est immédiate et est une sorte de « crash-test » permanent. C’est en faisant des erreurs qu’on apprend le plus (malheureusement, ou heureusement!).

Le premier chapitre m’a particulièrement intéressée aussi parce qu’il donne une belle définition de ce que veut dire « écouter ». Et ce qu’il en dit est parfaitement conforme à ce que j’ai eu la possibilité d’expérimenter, justement : écouter, c’est faire preuve d’empathie et de compassion.

Empathie, parce que bien écouter, c’est savoir se mettre à la place de l’autre.

Compassion, parce que bien écouter, c’est aussi souffrir avec l’autre, souffrir avec celui qui souffre.

Cela ne veut pas dire qu’il faut porter ses souffrances, ni qu’on sait exactement ce que vit l’autre (ça, c’est purement et simplement impossible!). Mais faire preuve d’empathie et de compassion, cela me permet de mettre de côté mes propres sentiments et émotions, afin de mieux cerner et comprendre celles de la personne que j’accompagne ou écoute.

Du côté des dangers et problèmes liés à l’écoute, il en est un qui m’a sauté aux yeux lors d’un entretien avec un patient : c’est l’emprise que l’écoutant peut rapidement avoir sur la personne écoutée. Bien écouter une personne suppose donc d’une part une grande discrétion, mais aussi beaucoup de délicatesse. Quand la personne vient parler, elle ne vient pas forcément pour avoir des conseils, contrairement à ce qu’on pourrait penser, mais pour trouver quelqu’un qui va écouter vraiment ce qu’elle a à dire. Donner des conseils, des recettes, même ce qui a fonctionné pour moi dans une situation qui me semble similaire, c’est prendre le pouvoir sur elle et l’empêcher, en quelque sorte, de trouver en elle ses propres réponses. L’écoutant n’est donc pas quelqu’un qui va donner des réponses, mais qui, comme un miroir, permet à la personne écoutée de mettre des mots sur ce qu’elle vit, de clarifier sa pensée, son vécu, de l’ordonner et donc de trouver son propre chemin. Si l’écoutant dépasse ce cadre, il risque de devenir rapidement le « gourou » de la personne écoutée, de prendre l’ascendant sur elle, de l’enfermer dans sa manière de penser. On peut peut-être voir là justement une partie des problèmes qui se sont fait jour dernièrement dans certaines communautés, comme à l’Arche ou chez les Frères de Saint Jean, où de nombreux abus spirituels ont eu lieu et font encore aujourd’hui des dégâts sur les personnes qui en ont été victimes, alors même que ces abus ont cessé…

D’autres dangers existent, comme par exemple s’écouter soi-même au lieu d’écouter la personne, ou encore la manipuler, ne pas la comprendre si l’écoutant ne fait pas l’effort de prendre conscience de ses propres biais, sentiments et émotions...

Écouter est donc quelque chose de difficile, si on veut le faire bien. Écouter avec son cœur, avec compassion, empathie, amour pour l’autre, en particulier pour celui qui souffre, cela demande beaucoup d’énergie. C’est fatigant, épuisant, même, à cause en particulier de la concentration que demande cet exercice.

L’auteur aborde donc l’écoute sur différents plans : écouter Dieu pour agir, l’écoute « affectueuse », la solitude, l’écoute en famille, l’écoute dans l’Église, la contemplation… Sans être tout à fait un manuel pratique, parce qu’il ne donne pas un « mode d’emploi » de ce qu’est « écouter », ce livre est très intéressant par les points délicats qu’il fait surgir dans la pratique de l’écoutant, les points d’attention à observer, afin qu’écouter ne soit plus synonyme d’emprise ou d’abus… C’est indispensable, en particulier en ce moment !

Je suis heureuse d’avoir lu cet ouvrage au tout début de ma pratique professionnelle (je suis en poste depuis un peu moins de cinq mois à l’heure où ce billet est publié), parce que d’emblée, il met en mots les écueils que j’avais déjà remarqués, les risques et problèmes susceptibles de se poser dans la pratique. Avertie et mieux préparée, j’espère que cette lecture me permettra de mieux accueillir la parole de l’autre. Parce qu’ « écouter, c’est aimer ».

Paru aux éditions Artège, 2023. ISBN : 979-10-336-1377-0.

1Extrait de la quatrième de couverture.

mercredi 17 mai 2023

Blake et Mortimer, tome 11 : Les 3 formules du Professeur Satô, tome 1 : Mortimer à Tokyo, de Edgar P. Jacobs


 

Je poursuis ma relecture des aventures de Blake et Mortimer. Ici, je parle bien de relecture, parce que je me souviens très bien des conditions de ma première découverte de cette bande dessinée. J'avais environ dix ou onze ans, et ma sœur était abonnée au magazine pour enfants « Fripounet » qui, sur le même modèle que « Le Journal de Tintin » ou « Spirou magazine », publiait des bandes dessinées par épisodes. Je ne me souviens pas de grand-chose de cette bande dessinée, sinon que le fait qu’elle se passait au Japon m’avait beaucoup plu, parce que ça complétait, en quelque sorte, ma découverte parcellaire de ce pays que j’avais déjà entamée via une autre bande dessinée, la série « Yoko Tsuno », que j’ai déjà chroniquée sur ce blog. Ce dont je me souviens très bien, en revanche, c’est de ma fascination pour les paysages, les temples, les maisons… particulièrement bien dessinés ici, comme c’est d’ailleurs aussi le cas par Roger Leloup.

L’histoire commence de nuit, à l’aéroport d’Haneda, à Tokyo, au Japon. La tour de contrôle règle les derniers départs et arrivées des avions de la Japan Air Lines et d’Air France, quand un spot insolite apparaît sur l’écran radar. Les opérateurs tentent d’entrer en communication avec le mystérieux appareil, sans aucune réponse de sa part. Après avoir mis les avions en approche en sécurité dans leur zone d’attente, les opérateurs préviennent la Surveillance aérienne qui envoie des chasseurs pour intercepter l’intrus. Et c’est là que l’impensable se produit. L’appareil n’est ni un avion, ni un hélicoptère ou un ennemi, ni même une soucoupe volante, comme les opérateurs l’ont pensé faute de mieux, mais un Ryu, un dragon légendaire.

Voici le point de départ de cette nouvelle aventure qui va une fois de plus réunir les héros de cette bande dessinée. Mortimer, présent justement à Kyoto pour une tournée de conférences. Il est appelé pour avis à Tokyo par son ami, le Professeur Satô. Mais il n’est pas le seul à y venir : bien vite, d’autres personnages que les lecteurs connaissent bien vont se retrouver également partie prenante de cette histoire, et dans un premier temps, c’est plutôt pour le pire que pour le meilleur…

Dans cette première partie de l’histoire, Blake est totalement absent. En Asie lui aussi, à Hong-Kong, il ne peut pas se joindre immédiatement à l’enquête que Mortimer entreprend avec son ami le Professeur Satô. C’est donc un album centré surtout sur Mortimer, comme le sous-titre le laisse penser. Il s’agit ici d’installer l’intrigue, de mettre en place tous les éléments sans trop en dévoiler tout de même. Les enjeux sont posés, il s’agit ni plus ni moins qu’une question d’honneur et de courage, mais également de sûreté nationale. Car le Ryu est le fruit d’une technologie qui, comme beaucoup d’autres technologies, si elle est mal utilisée, peut se transformer en une terrible arme de guerre… Le rôle de Mortimer va être de déjouer le piège dans lequel ils sont tombés, son ami et lui, afin d’empêcher les desseins maléfiques d’Olrik (oui, bien sûr, encore et toujours lui!) et de ses sbires. Mais l’album se referme alors que Mortimer est en fâcheuse posture…

J’ai été très heureuse lorsque mon mari m’a offert ces deux albums à l’occasion de mon anniversaire. L’occasion de compléter la série (il n’en manque plus que un ou deux désormais!), et j’ai bien aimé me replonger dans cette histoire qui a réveillé des souvenirs d’enfance particulièrement heureux. L’histoire est comme toujours bien construite, le dessin est fidèle à ce à quoi les lecteurs de Jacobs sont habitués… Oui, cet album tient toutes ses promesses de mon point de vue en tout cas !

Paru aux éditions Blake et Mortimer, 2021. ISBN : 978-2-8709-7175-8.

samedi 13 mai 2023

Les Gratitudes, de Delphine de Vigan


J'aime beaucoup ce qu'écrit Delphine de Vigan (et d'ailleurs, il y a déjà sur ce blog plusieurs recensions de ses ouvrages, comme ici, ici, ou encore ). Dans cet opuscule récent (à mon échelle bien sûr, étant donnée mon incapacité chronique à suivre l'actualité littéraire), il est question d'une femme âgée, Michka, d'une jeune femme, Marie et d'un jeune homme, Jérôme, trois personnages très attachants. Le récit est à trois voix, chacun des personnages prenant tour à tour la parole, et s'attaque justement à cette question de la parole, des mots pour se dire, pour s'exprimer, pour dire les maux de la vie...

Michka est le personnage principal de ce roman. Femme âgée, elle éprouve une grande tendresse pour Marie, sa jeune voisine, qui a quasiment grandi à ses côtés, dont elle a pris soin en l'absence des parents. Une fois arrivée à l'âge adulte, c'est Marie qui a pris soin d'elle, lui rendant ce que Michka avait fait pour elle. Une forme de gratitude, comme le dit si bien le titre. Un remerciement, en quelque sorte, mais bien plus qu'un simple merci : un attachement affectif profond et sincère, qui permet d’aller au-delà des maux et des mots.

Jérôme, le troisième personnage-clé de ce récit, intervient plus tardivement dans l’histoire de ces deux femmes. Mais son rôle est lui aussi déterminant à bien des égards. Orthophoniste, il intervient auprès de Michka pour l’aider à ne pas perdre trop vite les mots qui commencent à lui faire défaut. Et, tout comme Marie avant lui, il s’attache peu à peu à cette patiente drôle, indisciplinée, mais aussi intéressée et inquiète de ce qu’il devient, de ses relations complexes avec son père. Autant il soutient Michka dans sa perte d’autonomie, autant Michka le titille pour lui permettre de voir, dans le quotidien complexe et rapide dans lequel il est pris, ce qui compte le plus, en définitive.

J’ai découvert ce livre lors d’une formation sur la fin de vie, en lien avec mon nouveau travail d’aumônier à l’hôpital. Bien sûr, il parle de la fin de vie. De maison de retraite, de perte d’autonomie, de vieillissement, de sénilité… il parle de tout cela, mais il parle aussi – et surtout – de rapports humains, de liens noués, renouvelés, dénoués aussi. Il aborde toutes ces questions avec beaucoup de pudeur et de retenue, pas mal d’humour aussi (notamment dans le choix des mots de Michka!) alors que ce qui est décrit pourrait faire peur.

Parce que le vieillissement fait partie de l’histoire normale de chacun, parce que la vieillesse n’est pas forcément synonyme de tristesse ou de déliquescence, Delphine de Vigan aborde ce thème, très intime et personnel, avec beaucoup de pudeur, je l’ai déjà dit, mais aussi avec beaucoup de tendresse. Ce livre fait du bien, vraiment. Il donne à voir le vieillissement non pas comme une catastrophe, mais comme une nouvelle étape de la vie, d’une part, et comme une phase préparatoire au grand passage dans l’au-delà. Il se dégage de ce livre beaucoup de douceur, de calme, de paix. Et donne à voir la mort un peu autrement, comme une fin de cycle, oui, et comme aussi une promesse de renouvellement, de continuation autrement, dans les mémoires, les souvenirs, des personnes qui ont connu le(la) défunt(e). C’est un livre qui fait vraiment du bien.

Paru aux éditions LGF (Le Livre de Poche), 2021. ISBN : 978-2-253-93428-8.

samedi 6 mai 2023

Les Familles : enjeux et défis pour aujourd'hui, de Yves-Marie Blanchard, Olivier Bonnewijn, Philippe Link et alii.


En 2021 a eu lieu l'année Famille Amoris Laetitia, sur le thème de la famille, donc, en lien avec l'exhortation apostolique du même nom, sur l'amour dans la famille, écrite par le Pape François et publiée en 2016.

Ce livre est le résultat de deux journées de réflexions et de rencontres autour de la mission des familles chrétiennes dans le monde, journées qui ont eu lieu les 26 et 27 octobre 2019 dans le diocèse de Strasbourg, afin de préparer cette année « Famille ». Y ont participé les pères Yves-Marie Blanchard, Olivier Bonnewijn, Philippe Link, Jean-Paul Aka-Brou, Christophe Lamm et Paul Noma Bikibili, ainsi que Mesdames Elisabeth Clément et Lucie Legat. Leurs contributions abordent différents aspects de la famille aujourd’hui, d’un point de vue statistique, théologique, biblique, pastoral…

La préface est signée par Monseigneur Luc Ravel (l’archevêque du diocèse de Strasbourg au moment où j’écris ces lignes) et la postface du Cardinal Théodore-Adrien Sarr, qui offre ici un regard distancié, puisqu’il fait une ouverture sur les réalités et enjeux de la famille en Afrique.

J’avoue que lorsque Philippe Link m’a offert ce livre, j’ai eu quelques doutes sur ma capacité à le comprendre. Je venais certes d’entamer des études de théologie (j’étais en plein DU à ce moment-là), mais ce type de lecture ne m’est pas du tout familier : j’ai surtout l’habitude des fictions, bandes dessinées et autres témoignages/récits de vie, mais pas vraiment des colloques, conférences et ouvrages de théologie. Eh bien le moins que je puisse dire, c’est qu’une fois de plus, je me suis faite avoir par mes préjugés absurdes, tant sur le contenu du livre que sur mes propres capacités cognitives (et ça, c’est plutôt rassurant quelque part).

Donc, ce livre d’environ 200 pages regroupe les interventions des auteurs cités plus haut, lors de ces deux jours de rencontres et de réflexions d’octobre 2019. Non seulement c’est très accessible d’un point de vue intellectuel, ce qui rend la lecture plutôt facile, mais en plus, c’est très intéressant parce qu’on a ici un panorama sans concession sur l’état de la famille en France, avec un aperçu à la fois statistique (nombre de mariages et de divorces par exemple) mais aussi des forces et des fragilités que l’on peut observer actuellement concernant la cellule de base de la société. La deuxième intervention fait la part belle au message du pape Jean-Paul II, qui a particulièrement écrit sur et pour les familles, avec sa Lettre aux familles, en 1994, mais aussi son exhortation apostolique Familiaris consortio pour ne citer que deux documents sur ce thème (il en existe bien d’autres, écrits par d’autres papes bien sûr). La quatrième intervention parle de la « Famille chrétienne évangélisée et évangélisatrice », justement à partir de Familiaris consortio entre autres, puis il est question du Nouveau Testament et de son regard sur la famille, des actualités pastorales concernant la question des divorcés-remariés, point particulièrement attendu et débattu suite à la parution d’ Amoris Laetitia, mais aussi de l’enjeu de la transmission de la foi et des valeurs chrétiennes au cœur des familles, et enfin de la question du pardon, à travers un autre texte, une lettre d’Ambroise de Milan.

De toutes ces interventions, très riches, je retiens surtout celle d’Olivier de Bonnewijn, concernant Sarah (la femme d’Abraham, dans le livre de la Genèse), intitulée « Sarah, de l’aube au crépuscule. Donner vie ». Ce texte m’a bouleversée et éclairée sur ce personnage très important de la Bible et dont, finalement, on parle assez peu, sinon pour souligner son incrédulité face à la promesse des trois visiteurs d’Abraham au chêne de Mambré. Pourtant, le personnage mérite vraiment qu’on s’intéresse davantage à elle, parce que son histoire révèle beaucoup de choses sur la femme, sur son statut, sa place dans la société et met à mal nombre de représentations qu’on a pu avoir sur ces questions et ce qu’on a pu faire dire à la Bible à ce sujet.

Le personnage de Sarah est beaucoup plus complexe et intéressant que ce qu’on en retient d’habitude, et son évolution, retracée à travers cette intervention, la fait passer d’une femme sans aucun droit, sans aucune place en dehors de celle de « fille de » ou de « femme de », à celle d’une femme émancipée, autonome, grande, pleinement mère et épouse, responsable aussi. Une véritable mère de famille qui certes vit dans une société où la femme est déconsidérée, mais qui parvient à trouver sa place, selon le dessein bienveillant de Dieu. Ce texte m’a littéralement scotchée par son intelligence, sa finesse, sa lumière sur la condition et la place de la femme dans la société et en particulier dans la Bible. En gros, les féministes font aujourd’hui pâle figure à côté de cette évolution étonnante de Sarah ! Je tenais à le souligner, parce que ce qu’on entend souvent dire, à propos de la Bible et de la place qu’y tiennent (ou plutôt n’y tiennent pas) les femmes, est très loin d’être vrai, quand on s’attache à lire la Bible en détail, en y cherchant un véritable sens, une vraie voie de Salut. Et ce qui fait du bien aussi, c’est de voir que l’épisode où Sarah se sert d’Agar, la servante d’Abraham comme mère porteuse pour avoir un enfant, loin de la grandir, l’avilit au contraire. Ce qui fait d’elle une véritable femme, digne, grandie, c’est bel et bien la maternité, après son chemin de foi, de confiance en Dieu. C’est un beau pied-de-nez à certaines demandes de PMA/GPA d’aujourd’hui, finalement. Et c’est d’autant plus savoureux que ce texte de la Genèse a été écrit il y a plusieurs millénaires maintenant…

Bref, vous l’aurez compris, si vous cherchez de beaux textes sur la famille, sur la foi, sur la place de la famille croyante dans la vie d’aujourd’hui, sur son rôle aussi tant dans l’Église que dans l’évangélisation, cet ouvrage peut être une belle entrée en matière. En plus, il est vraiment accessible (je le répète parce que ce n’est pas forcément le cas avec les livres de ce type) et il fait aussi beaucoup de bien ! (alors merci Philippe pour ce beau cadeau ! :) )

Paru aux éditions Saint-Léger, 2021. ISBN : 978-2-36452-731-7.

samedi 29 avril 2023

L'Insoumis, de John Grisham

 



Sebastian Rudd est avocat. Mais un avocat qui semble quelque peu borderline : sur liste rouge, il sort armé, son bureau est dans un van blindé et son chauffeur lui sert aussi de garde du corps, d’assistant juridique et, accessoirement, est son unique ami. Divorcé et père d’un jeune garçon, il est perpétuellement en conflit avec son ex-femme, avocate elle aussi et lesbienne, concernant la garde de l’enfant. Sebastian part du principe que tout accusé, coupable ou non, doit être défendu au mieux et il accepte donc les clients dont aucun avocat ne veut assurer la défense : les junkies, chefs mafieux, personnes visiblement coupables…

J’ai été quelque peu déroutée par ce roman. Non pas par l’histoire elle-même, mais par sa construction. J’ai d’abord eu l’impression que le roman était en fait une suite de nouvelles sans rapport les unes avec les autres, à l’exception du personnage principal, Rudd, donc, et de Partner, son chauffeur-assistant-garde du corps-ami. Sauf que… non. Pas vraiment.

Pourtant, c’est bien de plusieurs histoires qu’il s’agit, et en elles-mêmes, elles sont vraiment intéressantes, bien écrites, au rythme enlevé et soutenu, avec un certain nombre de rebondissements, imprévus et tout ce qu’il faut pour en faire de bons récits addictifs.

Sauf qu’il y a une sorte d’histoire dans l’histoire. Ou plus exactement, le propos réel de l’auteur semble être ailleurs que dans le récit de ces histoires personnelles.

En réalité, ce que John Grisham fait à travers ce roman, c’est surtout pointer, pour le lecteur, un certain nombre de questions qu’on est en droit de se poser concernant la justice américaine. Et il n’y a pas à dire : tout le monde, ici, en prend pour son grade, depuis la police jusqu’aux juges et avocats, sans compter le procureur bien sûr…

Insoumis, Rudd l’est réellement, face aux dérives du système judiciaire de son pays. Mais il le connaît si bien qu’il n’hésite pas non plus à l’utiliser pour le bien de son client, c’est-à-dire pour obtenir pour lui, s’il est coupable, la plus petite peine possible, ou, s’il est innocent, pour le faire acquitter. Il n’y a là rien de répréhensible : c’est exactement comme ça que devrait fonctionner la justice : en punissant les coupables et en libérant les innocents. Et Rudd a cette honnêteté de prévenir ses clients (ceux qui sont coupables) qu’une libération est inenvisageable, mais aussi de se battre bec et ongles pour épargner la prison à un client qu’il sait être innocent, allant jusqu’aux limites du droit pour ce faire.

Je ne connais pas assez le système judiciaire américain pour avoir un avis quant à la véracité de ce que dénonce John Grisham dans ce livre, mais je suppose qu’on peut lui faire un large crédit dans ce domaine : il a travaillé pendant dix ans comme avocat avant de devenir célèbre pour ses romans comme La Firme ou L’Affaire Pélican, parmi d’autres, tous deux portés à l’écran et qui comptent parmi les films qui m’ont marquée. (J'avoue que j'ignorais totalement qu'au départ, il s'agissait de romans de John Grisham, dont je connaissais pourtant le nom. L'étendue de mon inculture me surprend sans cesse... !)

J’ai, vous l’aurez compris, pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, qui me semble à la fois assez noir pour mériter sa qualification de « Thriller », sans être gore pour autant. Bien écrit, je l’ai déjà dit, il donne à voir un système judiciaire qui pourrait être rébarbatif à décrire, tant les procédures sont longues en général (la séquence de la sélection des jurés civils par exemple s’étale sur plusieurs semaines), mais qui réussit ce tour de force de les présenter de façon captivante sans donner pour autant une image excessivement dramatique ou extravagante, hors du réel comme ça arrive trop souvent dans nos histoires, films et séries policières. Bref, une bonne lecture, pour ceux qui ne connaissent pas encore !

Paru aux éditions LGF, 2017 (Le Livre de Poche). - ISBN : 978-2-253-08651-2.

samedi 22 avril 2023

Voyage en Amérique, de Charles Dickens


De Charles Dickens, je connaissais surtout Oliver Twist et David Copperfield. Mais pas ce livre ici, que j'ai du mal à qualifier de « roman »… ce qu’il n’est d’ailleurs pas. Et pourtant, le récit pourrait en constituer la trame !

Voyage en Amérique est un récit de voyage, que Dickens a fait alors qu’il avait 30 ans, en 1842. Il commence par la traversée, puis détaille, chapitre après chapitre, son épopée en passant d’une étape à l’autre, d’une ville à l’autre. Dans son avant-propos, Timothée de Fombelle parle de l’humour ravageur de l’auteur, et je vais tout de suite y venir, afin de régler cette question. Oui, le texte est écrit avec force traits d’esprit… mais j’avoue y avoir été quelque peu hermétique. Sans doute une question de culture ou de connaissance de l’auteur, de son univers littéraire ? Je n’ai eu que peu d’occasions de lire Dickens et je ne connais que très peu de choses au monde anglophone et nord-américain. Sans doute me manque-t-il là des références pour apprécier cet humour à sa juste valeur… Mais que le lecteur de ces lignes se rassure : cela ne m’a aucunement empêchée d’y prendre beaucoup de plaisir.

Plus que l’humour, ce que j’y vois, c’est plutôt une grande attention aux détails, aux ambiances. Une très belle description des endroits, des conditions de vie et de voyage, et alors qu’à ma grande honte, je me rends compte que je n’ai en réalité jamais lu un roman de Dickens en entier (je n’ai eu sous les yeux que des extraits, sans jamais aller jusqu’à lire les œuvres), je découvre un grand auteur (il était temps… Hem !:) )

Pour en revenir au récit lui-même, j’ai beaucoup apprécié la narration. Ce livre a été écrit il y a plus de 180 ans et en le lisant, je me faisais la réflexion que ce type de voyage n’existe quasiment plus. Aujourd’hui, ce qui compte, c’est la destination : je me rends de tel endroit à tel autre endroit, pour des raisons aussi diverses que les affaires, les vacances, la famille, les fêtes de Noël ou d’anniversaires… mais pas pour le voyage en lui-même, exception faite des voyages luxueux de type croisière ou des pèlerinages religieux qui peuvent entrer encore (mais de moins en moins malheureusement) dans ce cadre.

Ici, ce qui compte n’est pas tant la destination que le voyage en lui-même. Les pages décrivant les divers moyens de transport empruntés par l’auteur et ses compagnons de route occupent une très grande place dans le récit. Entre chaque voyage à proprement parlé, le lecteur suit Dickens durant ses escales et ses visites, où il ne manque pas de décrire ce qu’il voit, avec semble-t-il une prédilection pour les endroits qu’on aurait plutôt tendance à éviter a priori (prisons, orphelinats, hôpitaux…). D’après l’avant-propos, lorsqu’il fait ce voyage, Dickens était déjà connu du monde anglophone, des deux côtés de l’Atlantique. C’est donc un personnage public et une célébrité qui débarque en Amérique, et pourtant, comme le souligne Timothée de Fombelle, il n’y a aucun détail concernant les modalités d’accueil : réceptions, cotillons, fêtes en son honneur… comme si Dickens, finalement, n’était qu’un voyageur lambda, n’en avait strictement rien à faire du décorum et se focalisait sur ce qui lui semble essentiel : l’humain, et en particulier le petit, le pauvre, le malade, le malmené par la vie. En cela, on retrouve un peu Oliver Twist dans les pauvres et les marginaux croisés durant ce récit de voyage. Mais ce livre va encore plus loin. Même s’il semble bienveillant pour le pays qui l’accueille ainsi, Dickens n’hésite pas à intégrer à son ouvrage une charge impressionnante contre l’esclavage, question qui occupe à elle seule un chapitre entier, à la fin du livre. Écrit comme un appendice, un ajout au récit lui-même, il laisse entendre au lecteur que cette question de l’esclavage n’est pas un problème ou une situation isolée géographiquement, circonscrite à un endroit précis (et qu’il aurait pu intégrer à un chapitre sur telle ou telle ville par exemple), mais bien un problème de fond qui gangrène toute la mentalité du pays. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas tendre. Dickens, dans ce chapitre, reproduit sur plusieurs pages les petites annonces des journaux, où les propriétaires décrivent leurs esclaves en fuite, avec toutes les particularités physiques de ceux-ci, révélant du même coup l’étendue des sévices qu’ils leur ont fait subir et qui, pour le lecteur d’aujourd’hui (mais également pour Dickens visiblement aussi), sont tout simplement abjects.

J’ai mis du temps à lire cet ouvrage, parce que le temps est une denrée très rare de mon côté, tout simplement. Parce que sinon, ce livre se dévore très vite et il est passionnant. Certains passages sont en effet très drôles (notamment la description de la traversée depuis l’Angleterre jusqu’aux États-Unis) et, surtout, lu aujourd’hui, il introduit le lecteur dans un autre rapport au temps, justement.

Je le soulignais plus haut, le voyage, entendu comme le fait de se déplacer physiquement d’un point à un autre, fait ici pleinement partie du séjour en tant que tel. Il est tout aussi passionnant et épique que ce qui se passe pour l’auteur dans les villes où il se rend successivement.

Ce rapport au temps, au déplacement, m’a beaucoup donné à réfléchir, dans un monde, le nôtre, celui du XXIe siècle, où tout déplacement physique est devenu une contrainte qu’on accepte à la double condition qu’elle soit indispensable et la plus courte possible. Entre les TGV, les avions et le télétravail, nos déplacements ont acquis une sorte de statut d’impondérable tout juste acceptable si on ne peut faire autrement. Le télétravail, depuis la pandémie, devient pour certains un moyen d’aller plus vite et « plus loin », en ce sens qu’il n’est même plus nécessaire, pour assister à une conférence ou à une formation, par exemple, de se rendre physiquement sur place. Les réunions « Zoom » et autres plate-formes de formation en ligne font très bien l’affaire, tant qu’on se concentre sur le contenu de la conférence ou de la formation.

En revanche, aucune réunion « Zoom » ou formation en ligne ne remplacera jamais les liens fraternels et interpersonnels qui se tissent entre les participants à une conférence ou à une formation « en présentiel »… et c’est bien cela qui a été le plus dur à vivre pendant le confinement strict de 2020 : l’absence de l’autre, l’absence de contacts, de liens fraternels. Les appels téléphoniques, les « apéros WhatsApp » et autres visios n’en étaient que des ersatz qui ont peut-être permis à certains de prendre la mesure du besoin de contact « en chair et en os » que nous avons tous. Ce n’est pas pour rien que l’être humain a un corps...

Ce livre m’a en quelque sorte renvoyée au monde « d’avant ». Avant la pandémie, bien sûr, mais aussi avant le TGV, avant Internet. Un temps où, quand nous partions en vacances avec mes parents, le trajet pouvait prendre deux jours rien que pour traverser la France, parce qu’on s’arrêtait au passage pour visiter un château, pour manger chez des amis, y dormir… le voyage, là aussi, faisait partie des vacances et du séjour lui-même. Puissions-nous redécouvrir, quand c’est possible, ces moments de grâce, de joie et de fête en prenant réellement le temps de voir l’autre, de le visiter, d’échanger en profondeur avec lui.

Merci, M. Dickens !

Paru aux éditions Libretto, 2021. ISBN : 978-2-36914-593-6.