mardi 30 avril 2019

Sara Lone, tome 4 : Arlington Day, de Erik Arnoux et David Morancho




22 novembre 1963, Dallas, Texas. La date est restée dans les mémoires : c'est celle du jour où JFK est assassiné par Lee Harvey Oswald.

Sara Lone a tourné la page de la pêcherie héritée de son père. Avec la mort du dernier compagnon d'armes de Ron Carruthers, plus rien ni personne ne la retient au Texas. Elle va pourtant y retourner sur l'ordre de Rip Vandoorne, avec lequel elle travaille toujours, mais de son plein gré, cette fois. Elle est envoyée en mission à Dallas pour y faire échouer un nouveau complot. Si JFK était très populaire à l'extérieur de son pays, il semble que ça n'ait pas été le cas à l'intérieur ! Toujours est-il que, de fil en aiguille, Sara se trouve mêlée sans trop le vouloir à ce sombre complot... et va pour une fois avoir quelques difficultés à accomplir sa mission : les choses ne sont pas toujours aussi simples qu'on le pense et, parfois, le passé refait surface au pire moment...
Sara Lone joue, sans le savoir, sa vie...

Ce dernier tome est tout aussi brillant que les précédents. Mais la fin laisse penser qu'une suite pourrait voir le jour... Affaire à suivre.

Ce quatrième tome est accompagné d'un dossier sur la série, sur JFK, son assassinat, ainsi que sur une autre fin, telle qu'imaginée par un auteur prolifique...

Paru aux éditions Sandawe, 2019. ISBN : 978-2-39014-248-5.

samedi 27 avril 2019

Le Siècle, tome 3 : Aux portes de l'éternité, de Ken Follett




Ce troisième tome de la trilogie « Le Siècle », « Aux portes de l’éternité », débute en 1961, à Berlin où le lecteur retrouve Rebecca, fille adoptive de Carla (fille de Maud et Walter von Ulrich) et de Werner Frank, industriel et ancien résistant. Rebecca est mariée, enseignante, et au moment où débute ce troisième opus, elle découvre que son mari est membre de la Stasi, la police secrète allemande, et qu’il a profité de sa situation pour mieux espionner la famille Frank, très engagée politiquement. La situation des Frank va singulièrement se compliquer avec la construction du Mur de Berlin et la fermeture de la frontière entre le monde communiste à l’Est et le monde capitaliste à l’Ouest.

Tout le roman se trouve finalement ancré dans cette opposition Est-Ouest.
En Allemagne, la famille Frank se retrouve coupée en deux par le mur, Lily (la jeune sœur de Rebecca et Walli) restant à Berlin Est avec ses parents. Contraint de fuir, Walli, le jeune frère de Rebecca, se retrouve à Hambourg chez sa sœur aînée, où il survit grâce à la musique. Il y rencontre Dave Williams, anglais, le fils de Lloyd et Daisy Williams, avec qui il va connaître le succès, en Europe et aux États-Unis.

Aux USA, au même moment, George Jakes, le fils illégitime de Greg Pechkov et de Jacky Jakes, serveuse noire, a terminé ses études de droit à l’université et il s’engage aux côtés de Robert Kennedy, ministre de la justice de son frère, John F. Kennedy, pour la défense des droits civiques. Dans l’Amérique des années 1960, être de couleur noire est en effet un sérieux handicap, en particulier dans les États du Sud. Les actions militantes de George le mèneront sur les traces de Martin Luther King et de son assistante, Verena Marquand, fille de riches mécènes noirs. George rencontre aussi Maria Summers, promise à une brillante carrière au sein de la haute administration à Washington.
De son côté, Woody Dewar, le fils de Gus, a eu deux enfants, Cameron et Ursula. Cameron s’engage lui aussi en politique, pendant que sa sœur fait la rencontre de Dave Williams et de Walli Frank.
C’est également en Amérique qu’on retrouve Jasper Murray, le fils d’Eva Murray, allemande expatriée en Angleterre (cf tome 2) et mariée à un officier anglais. Jasper est attiré par le journalisme alors qu’il est encore étudiant et s’expatrie en Amérique pour tenter sa chance à la télévision. Il va se retrouver, bien malgré lui, enrôlé dans l’armée américaine et envoyé au Vietnam où il découvrira tant les horreurs de la guerre que les mensonges proférés dans la presse pour éviter une prise de conscience de la population. Il n’aura de cesse, une fois démobilisé, de rétablir la vérité. Sa sœur, Anna, travaille, elle, dans l’édition où elle est spécialisée dans les œuvres littéraires de l’Est.
C’est grâce à elle que Tania Dvorkine, journaliste et petite-fille de Grigori Pechkov, parvient en secret à faire éditer les écrits d’un ami dissident. Son frère jumeau, Dimka, est conseiller au Kremlin et évolue rapidement vis-à-vis de l’idéologie communiste, appelant de ses vœux un assouplissement et une réforme du régime soviétique.

Dans ce roman, on suit pas à pas la crise des missiles à Cuba, la lutte pour les droits civiques aux USA, le combat des Allemands de l’Est pour la liberté, la guerre froide entre les USA et l’URSS, la Glasnost et la Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, la chute du Mur de la Honte à Berlin et du Communisme en général… en même temps que l’on assiste à la mort de John F. Kennedy et de Martin Luther King et à l’avènement d’une société qui s’émancipe des carcans d’avant-guerre, une société de fête où règne la libération sexuelle, la libération des mœurs et l’usage immodéré des drogues… Le tour de force de l’auteur est de parvenir à mêler faits historiques, personnages réels et personnages de fiction. On imagine sans peine l’incroyable travail de documentation qui a présidé à une telle trilogie.

Cette partie du « Siècle » est foisonnante et m’a touchée, parce que je me souviens encore de certains de ces événements que j’ai pu vivre via la télévision : la chute du Mur de Berlin, en 1989, celle de Nicolae Ceausescu, l’élection de Jean-Paul II au trône de Saint Pierre, les luttes des Polonais de Solidarnosc pour la liberté, tous ces événements (qui en réalité ne concernent que les dernières pages du roman) sont gravés dans ma mémoire visuelle. Mais tous ces événements de la fin de la guerre froide résonnent aussi en moi parce que j’ai grandi, dans mes premières années, dans ce monde porteur de terreur où la menace nucléaire n’était jamais bien loin, même si le spectre de la guerre nucléaire s’éloignait à grands pas durant mon enfance. Ken Follett ne parle pas de Tchernobyl, ni du féminisme, ni de la construction européenne ou de la création de l’État d’Israël, par plus qu’il n’aborde les conflits du Moyen et du Proche-Orient qui ont endeuillé la fin du XXe siècle… Peut-être que ces « coupes » ont été rendues nécessaires pour une meilleure compréhension du contexte, sachant qu’à ce moment-là de l’Histoire, la mondialisation grandissante des échanges et des politiques rend le monde extrêmement complexe...
Sans doute aurait-il pu malgré tout évoquer le bouleversement connu par le monde lors des attentats du 11 septembre 2001. Ces attentats ont en effet fait basculer le monde entier dans un nouveau siècle, tout comme l’avait fait l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’empire Austro-Hongrois, à Sarajevo, un siècle plus tôt, propulsant le monde dans le premier conflit mondial…

Symboliquement, les dernières pages évoquent l’élection de Barak Obama, premier Président Noir aux États-Unis, comme le résultat d’une évolution lente et laborieuse vers plus d’égalité, plus de fraternité.
Avec le recul et les événements de ces dernières années (et, en France, de ces derniers mois), on ne peut que constater que rien n’est gagné. La corruption règne toujours, le pouvoir de l’argent est plus important que jamais, même si certaines manipulations semblent moins grossières et moins visibles qu’avant… Il y a encore du travail pour que ces rêves d’égalité et de fraternité, mais aussi de dignité pour tous, particulièrement pour les plus fragiles, deviennent réalité.

Ce livre se termine en fait comme un point virgule. L’histoire n’est pas achevée, contrairement à ce que les omissions volontaires dans les dernières décennies (entre 1989 et 2008) laissent entendre. L’histoire, elle, s’écrit jour après jours, sous nos yeux. Le monde est en mutation, tout comme il y a presque soixante ans. À l’heure où une nouvelle crise économique majeure se prépare, où notre niveau de vie et surtout nos modes de vie délirants doivent nous faire réfléchir à nos habitudes, sommes-nous prêts à faire les sacrifices qui s’imposent ? Quand on regarde l’urgence climatique, on se rend compte qu’il s’agit là sans doute d’une question de survie. Mais en avons-nous réellement conscience ?

Paru aux éditions LGF, 2016 (Le Livre de Poche), 1273 p. ISBN : 978-2-253-12597-6.

mercredi 24 avril 2019

Sara Lone, tome 3 : Sniper Lady, de Erik Arnoux et David Morancho




Mars 1962. Nous retrouvons Joy Carruthers, qui se fait désormais appeler Sara Lone, définitivement, en Virginie du Nord (ou dans le nord de la Virginie ? En tout cas, c'est dans le sud... des États-Unis) à la basse militaire d'Union Springs, où elle termine son entraînement et est devenue une tireuse d'élite. Elle y retrouve Rip Vandoorne, le mystérieux agent de l'USSS (United States Secret Service, les services secrets américains) qui lui sert d'ange gardien depuis deux tomes maintenant. Cette fois-ci, la série prend un nouveau cours. Le premier diptyque a en quelque sorte clos l'intrigue de départ (l'assassinat du père de Sara) et jeté les bases de la seconde, sans en dévoiler trop pour autant. Avec ce troisième tome, on entre directement (et ce dès les premières pages) dans la crise qui va secouer le monde en 1962 : la Crise des Missiles de Cuba.

Nous sommes en pleine guerre froide. Le Mur de Berlin a été érigé l'année précédente. Le monde est coupé en deux, sous domination des Russes, Communistes, à l'Est, et sous hégémonie américaine à l'Ouest. Dans cette nouvelle guerre, tous les coups semblent permis, depuis le bluff jusqu'aux complots, et peu importe si cette guerre engendre des pertes civiles. Après tout, « on en fait pas d’omelette sans casser des œufs »… Sara Lone va se retrouver au cœur de l’action mais de moins en moins à son corps défendant. Le personnage évolue, s’endurcit, mûrit, jusqu’à s’affranchir totalement de la tutelle exercée sur elle par son « ange gardien ».

Graphiquement, c’est toujours aussi beau, aussi bien, précis, réaliste. Le tempo est haletant, l’action toujours présente à chaque page avec nombre de rebondissements.
De la très bonne BD !

Paru aux éditions Sandawe, 2017. ISBN : 978-2-39014-188-4.



samedi 20 avril 2019

Le Siècle, tome 2 : L'Hiver du monde, de Ken Follett



Ce tome 2 du « Siècle » commence en 1933, soit environ dix ans après « La Chute des Géants ». On retrouve la famille Von Ulrich en Allemagne, où Maud et Walter vivent avec leur fils Erik et leur fille Carla. Maud est restée en lien avec Ethel Williams, son ancienne femme de chambre, qui s’est mariée avec un militant travailliste et qui vit à Londres avec leurs deux enfants, Lloyd et Millie. Du côté des États-Unis, nous retrouvons la famille Dewar. Gus, sénateur, s’est marié et a eu lui aussi deux enfants, Woody et Chuck. Lev Pechkov, immigré russe, s’est marié également et a une fille, Daisy. Il a également deux maîtresses et un fils illégitime, Greg.
En Russie, Grigori Pechkov, le frère de Lev, est un héros de la Révolution Russe. Marié à Katerina, l’ancienne petite amie de Lev, il élève leurs deux enfants, Vladimir (dit Volodia) et Ania.

Les familles sont dans des situations assez complexes, dans ce tome deux. Au niveau personnel : émigrés, enfants illégitimes, adultères, mais aussi d’un point de vue politique. 1933, c’est l’année de l’accession au pouvoir d’Hitler, avec son lot de violences et toutes les conséquences qui s’en suivront.
Entre restrictions des libertés personnelles, instauration de dictatures, lutte pour la liberté et la démocratie, pour survivre, aussi, tout simplement, les différents protagonistes se battent, se rebellent, cherchent (et parfois trouvent) des solutions à leurs difficultés.

Ce qui m’a le plus gênée, en débutant ce deuxième tome, ça a été le changement de personnages. Les protagonistes du tome 1, devenus adultes et parents, se retrouvent au second plan de l’intrigue, qui laisse la place aux enfants, quasiment sans transition (si ce n’est le fait de refermer le tome 1 pour ouvrir le tome 2). J’ai trouvé cela assez violent, parce que je m’étais attachée aux personnages. Après, l’intrigue aidant, j’ai pu m’attacher également aux « nouveaux » personnages principaux, avec toutefois le regret de ne presque plus rien savoir de leurs parents. Ceci dit, ce tome comporte, lui aussi, plus de mille pages… Sans doute fallait-il faire des choix.
Comme dans le tome 1 (et les autres ouvrages de Ken Follett), c’est bien écrit, avec nombre de rebondissements dans l’intrigue, que ce soit sur le plan de l’histoire ou celui des personnages et de leurs histoires personnelles. Et comme d’habitude, je suis gênée par la propension de l’auteur à mettre beaucoup trop de sexe dans ses textes, même si ces scènes sont bien amenées et apportent quelque chose au récit. Mais je me demande si l’obsession des personnages de savoir quand et comment ils pourront mettre une femme dans leur lit ne finit pas, à la longue, par nuire quelque peu au récit...

Paru aux éditions Librairie Générale Française, 2013 (Le Livre de Poche), 1068 p. ISBN : 978-2-253-12596-9.

mercredi 17 avril 2019

Sara Lone, tome 2 : Carcano Girl, de Erik Arnoux et David Morancho




Avril 1961. On en sait un peu plus sur le contexte de cette série. Et tout de suite, j'ai un souci. Afin d'avoir plus de détails sur le contexte, j'avais cherché la date de la sortie d' Unchained Melody sur Internet. Et, à moins d'une erreur, il semblerait que Unchained Melody soit sortie en... 1965. Dommage pour l'anachronisme. Ceci dit, c'est juste un léger détail qui ne gâche en rien l'histoire.

L'histoire, vraiment, est bien faite. Bien montée. On retrouve Sara Lone, neuf mois après la mort de son père, qui a repris la pêcherie de crevette dont elle a hérité à sa mort. Elle tente de la sauver de la faillite en partant à la recherche d'un trésor que son père et ses deux amis avaient trouvé par hasard.
De son côté, son « ange gardien », Rip Vandoorne, est aux abonnés absents, trop occupé à essayer de régler un problème lié à l’élection du dernier Président, John Fitzgerald Kennedy.
Enfin, le voile se lève peu à peu sur ce qui s’est réellement passé le soir de la mort du père de Sara/Joy, Ron Carruthers.

Dans l’Amérique des années 60, il n’est pas bon être noir de peau… surtout dans un état comme le Texas ! Le Klan tire savamment les ficelles, n’hésitant pas à user d’intimidation, de trafic, voire de meurtres pour arriver à ses fins…

Un certain nombre de questions restent en suspens, dans ce deuxième tome. Si l’on connaît maintenant l’origine du trésor et le mobile des meurtriers de Ron Carruthers, on n’en sait pas beaucoup plus sur les motivations de Rip Vandoorne, l’ « ange gardien » de Sara…
En tout cas, je suis bien heureuse d’avoir commandé les quatre tomes en une fois. Attendre la suite eut été difficile !

Paru aux éditions Sandawe, 2015. ISBN : 978-2-930623-29-0.

samedi 13 avril 2019

Requiem pour Nagasaki : Biographie de Takashi Nagai, le « Gandhi japonais », de Paul Glynn




Mon ancien accompagnateur spirituel m’avait demandé, au mois d’octobre dernier, de me renseigner sur Takashi Nagai, médecin militaire japonais, mort quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. J’ai bien sûr commencé par Internet, en première exploration : qui était cet homme ? Avait-il écrit des ouvrages ? Une biographie existait-elle ? Et j’ai trouvé immédiatement beaucoup de réponses. Takashi Nagai, radiologue, a survécu à l’explosion de Fatman, la bombe qui est tombée sur la ville de Nagasaki, le 9 août 1945, trois jours après celle qui a détruit en grande partie Hiroshima.
De mes souvenirs d’histoire, je gardais en mémoire la martyre d’Hiroshima, les images de l’horreur absolue, la colère face aux destructions et surtout à l’atroce massacre d’innocents, immédiat, mais aussi à retardement, lié aux radiations. Jamais je n’avais osé ouvre cette fenêtre, ne voulant pas voir l’horreur en face.
Et voilà que ça m’était demandé par mon accompagnateur spirituel, comme quelque chose qui me permettrait d’avancer dans la foi.
Le « jeu », dans l’accompagnement, consiste, pour moi, à obéir à ce qui m’est demandé et de voir où cela me conduit, quitte à tout arrêter si c’est trop dur ou à différer si je ne suis pas prête. Ces arrêts, définitifs ou temporaires, font partie d’ailleurs de l’accompagnement.
Concernant Takashi Nagai, j’ai d’abord lu des résumés de sa vie et des extraits de son livre « Les Cloches de Nagasaki », me familiarisant peu à peu avec cet homme. Jusqu’à commander ce livre d’occasion, puisque introuvable neuf à des prix raisonnables.

Et j’ai commencé ma lecture.
Paul Glynn livre là plus qu’une biographie, puisqu’il retrace (succinctement, puisque ce n’est pas l’objet premier du livre) les vies du grand-père et du père de Takashi Nagai, vies indispensables à connaître pour comprendre Takashi lui-même. Mais il donne également de nombreuses clés pour permettre à l’occidentale que je suis de pouvoir un peu comprendre aussi la mentalité japonaise. Sans ces éléments, le récit brut de la vie de Takashi Nagai serait totalement incompréhensible, tant la mentalité japonaise du milieu du XXe siècle est éloignée de la nôtre, occidentaux.

Takashi Nagai est un jeune étudiant en médecine, athée, au moment où éclate la guerre sino-japonaise durant les années trente. Juste avant sa mobilisation, il avait trouvé un logement dans la maison des parents de Midori, à Nagasaki, dans le quartier chrétien d’Urakami. Cette famille, chrétienne, sera le point d’ancrage de Takashi et lui permettra de vivre un début de conversion au catholicisme à Noël 1932, quelques temps avant d’être envoyé comme médecin militaire sur le front chinois.
Après la guerre sino-japonaise, Takashi se convertit et épouse Midori. De leur union naîtront un fils puis une fille.

Takashi Nagai est ensuite devenu médecin radiologue, qui travaille d’arrache-pied pour permettre aux nombreux malades de la tuberculose de pouvoir bénéficier, grâce aux radios thoraciques récemment mises au point, d’être diagnostiqués puis traités à temps. Il étudie du même coup les radiations elles-mêmes et, le 8 août 1945, il apprend à sa femme, Midori, qu’il est atteint de leucémie, contractée suite à une trop grande et trop fréquente exposition aux radiations. Il n’a plus qu’une espérance de vie très limitée mais il repart à l’hôpital pour y assurer sa garde qui doit durer jusqu’au lendemain soir.
Le lendemain matin, 9 août, c’est l’explosion de la bombe sur Nagasaki, dont les effets vont être dévastateurs.
Takashi est à l’hôpital au moment de l’explosion, dont il va être protégé des effets directs, contrairement à nombre d’étudiants et, surtout, à Midori qui a été brûlée vive à 11h, ce matin-là.

Ce qui m’a frappée dans ce récit, c’est la personnalité de Takashi. Toute sa vie, après la bombe, a été éclairée par sa foi lumineuse. Takashi Nagai a, dans un premier temps, porté secours aux malades et aux mourants au sein même des ruines de l’hôpital où il se trouvait au moment de l’explosion. Ce n’est qu’au bout de trois jours qu’il a pu se rendre à l’endroit où se trouvait auparavant sa maison, où il n’a retrouvé que les cendres de son épouse, ainsi que son chapelet, intact. Par la suite, le docteur Nagai a organisé les secours dans les villages alentours, puis la reconstruction, en commençant par la cathédrale d’Urakami, lieu important pour la population de la ville, à majorité chrétienne. Son intervention et sa foi ont aussi permis que la haine n’envahisse pas les cœurs des survivants. À tel point que la perception du drame, sans en oublier ni en minimiser l’horreur, a été durablement différente de ce qui s’est passé à Hiroshima.

« Hiroshima crie, Nagasaki prie. »

Aujourd’hui encore, plus de soixante-dix ans après, cette vision pacifique de Takashi Nagai imprègne encore les lieux mémoriels de Nagasaki.

Ce qui m’a frappée, c’est en particulier la lumière et la paix qui émaillent toute la vie de Takashi Nagai, en dépit des drames auxquels il a du faire face. Loin d’une sorte de « méthode Coué » qui l’aurait empêché de voir la réalité en face, il a observé, durant les cinq ans qui lui restaient à vivre après l’explosion de la bombe, en scientifique, les effets des radiations tant sur les sols que sur la végétation, les animaux ou les êtres humains. Et il s’observait lui-même en premier… Il était donc parfaitement conscient de ce qui se passait autour de lui, et en lui. Pourtant, cette paix intérieure et cette joie ne l’ont pas quitté. À la fin de sa vie, il s’est installé dans un minuscule abri tout proche de l’épicentre de l’explosion, où il n’a cessé d’écrire et de recevoir des visiteurs. Il était lumineux. Sa vie et celle de Midori disent beaucoup, en creux, de ce que peut être une réponse à la vocation des époux chrétiens. Ou comment la Foi parvient à transcender l’horreur absolue.

Paru aux éditions Nouvelle Cité, 1994. ISBN : 2-85313-267-6.

mercredi 10 avril 2019

Sara Lone, tome 1 : Pinky Princess, de Erik Arnoux et David Morancho




Cela faisait un moment que j'entendais parler de cette série sur le site de Sandawe, dont j'ai déjà lu certains ouvrages. Le travail d'un éditeur, en résumé, c'est de parier sur un auteur, de passer à la fabrication du livre puis d'en assurer la promotion et les ventes (et, normalement, de rémunérer les auteurs).
Ici, l'éditeur, ce sont des personnes, des lecteurs lambda comme vous et moi qui prennent sur leurs deniers pour financer la sortie d'un album, moyennant des contreparties (BD, version papier et/ou électronique, ex-libris, affiches, édition numérotée, tirage d'art...) en fonction de la somme investie. Et ça marche. Nombre de BD sont éditées de cette manière-là, et de ce que j'en ai vu, ce procédé a l'avantage non négligeable de permettre aux lecteurs-éditeurs d'entrer en contact direct avec le(s) auteur(s) et d'être partie prenante de l'aventure de la création d'un album.

Dans le cas de cette série, les édinautes semblent ne pas s'être trompés, puisque le tome 3 (sur 4) porte un autocollant disant : « Sara Lone, « meilleure série BD » du festival « Polar » de Cognac ». Ce qui veut dire qu’il ne s’agit pas seulement de la persévérance de copains des auteurs qui auraient voulu aider un ami à sortir une BD, mais d’une véritable reconnaissance d’une série, éditée certes de manière non conventionnelle, mais qui a fini par voir ses qualités reconnues dans le monde de l’édition de la BD et qui, de fait, fait jeu égal avec les autres circuits d’édition. Un travail de qualité, donc, couronné par plusieurs prix. Et, d’après ce que j’ai lu pour l’instant, avec raison !

Je n’ai lu que le premier tome avant de rédiger cette chronique, afin de ne pas voir mon jugement perturbé par la lecture du reste de la série.

Ce premier tome est en effet très prometteur. L’histoire se passe dans l’Amérique des années 60, ce qu’on peut évaluer grâce aux magnifiques dessins de David Morancho. Dès les premières pages, nous sommes dans l’ambiance.

Une plage, de nuit. Une voiture s’arrête sur la dune, un jeune homme et une jeune femme en sortent au son de Unchained Melody. Ils s’ébattent sur la plage avant de découvrir un cadavre enterré dans le sable, cadavre dont la tête, séparée du corps, semble les observer.
Commence alors l’enquête policière, menée par l’enquêteur Curtis. Cette enquête le conduit tout d’abord à la Nouvelle Orléans, où se trouve la fille du défunt, Joy Carruthers, connue sous le nom de scène de Sara Lone.
La jeune femme se trouve alors entraînée dans une sordide histoire de meurtre, dont elle est accusée à tort.
On suit donc en parallèle l’enquête de la police et la cavale de Sara/Joy, durant laquelle elle rencontre un homme dont on ne sait rien, sinon qu’il a le bras long, qu’il travaille pour le gouvernement, qu’il devient son « agent traitant » et qu’il se nomme lui-même « Janus ».

À ce stade de l’histoire, on peut penser à un programme de protection de témoin, moyennant une contrepartie dont Joy/Sara n’a pas connaissance pour le moment. Ce qui est certain, c’est que son père n’est pas, et de loin, le seul mort dans cette histoire… Nous voilà donc embarqués dans un polar à l’américaine bien ficelé, avec tout ce qu’il faut de charme, d’aventure, d’action et de mystère pour tenir en haleine le lecteur.

Édité sur le site Sandawe.com, après avoir été financé par des lecteurs, 2013. ISBN : 978-2-930623-19-1.