vendredi 17 février 2012

Féroces infirmes retour des pays chauds, de Tom Robbins

J'ai reçu ce livre dans le cadre d'un partenariat avec Newsbook et l'éditeur Gallmeister. J'aurais dû publier ce billet le 13, mais voilà, j'ai quelques jours de retard, pour des raisons tout à fait personnelles (grosse surcharge la semaine dernière, tant au travail qu'à la maison), et une autre liée au livre lui-même, vous comprendrez en lisant la suite. Toutes mes excuses, donc, à l'éditeur et à Newsbook.


Alors, ce livre ?
Un mot me vient à son évocation : paradoxe.
Ce roman est un vrai paradoxe à lui tout seul. Il s'agit d'un roman d'aventures, mais le rythme de l'histoire est lent. Le style est rapide, incisif, mais j'ai trouvé le récit quelque peu poussif. Il est plein de bonnes choses, mais avec des détails qui ne m'ont pas beaucoup plu. L'intrigue de départ est sympa et prometteuse, mais ce n'est pas elle qui est la plus intéressante. Même la fin ne clôt pas l'histoire comme on s'y attend, laissant un goût d'étrangeté. En fait, j'ai vraiment l'impression d'être passée à côté de l'intrigue principale tout au long de ma lecture, comme si je n'avais rien compris du tout... Bref, vous l'aurez compris, mon bilan sur cette lecture est très mitigé, sans que je puisse dire s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise surprise. Étonnant, non ?
Pourtant, l'histoire est potentiellement passionnante en soi. Switters, le héros, agent peu conventionnel de la CIA, est envoyé en mission en Amazonie. Il profite de son voyage pour faire une course pour Maestra, sa grand-mère, qui lui a demandé de libérer son perroquet âgé et bavard dans la jungle. Mais tout ne se passe pas comme prévu : Switters se retrouve marqué par une malédiction, un sort jeté par un chaman à tête en forme de pyramide. Comment va-t-il faire pour vivre malgré cette malédiction (il risque quand même la mort !), et pour s'en débarrasser (parce qu'il est dans la force de l'âge, et qu'il a un tel tempérament qu'on ne le voit pas cloué à vie dans un fauteuil roulant...) ?
La trame est donc relativement simple, et les péripéties sont en revanche, elles, particulièrement nombreuses, au point de faire oublier au lecteur le but de Switters.
La première partie installe l'intrigue : il s'agit du voyage de Switters en Amazonie. La seconde partie le voit à son retour à Seattle, transformé par la malédiction dont il est l'objet. Dans la troisième partie, il repart, mais pas du tout dans la bonne direction par rapport au problème qui l'occupe... il se retrouve en Syrie, dans un couvent d'ex-bonnes sœurs excommuniées parce qu'elles demandent au Pape de revoir sa position au regard de la contraception. On peut discuter du bien-fondé de cette règle de l'Église, la question n'est pas là du tout : le lecteur suit Switters dans ses pérégrinations et ses errements, et c'est plutôt drôle.
Le récit est inattendu, foisonnant, bourré de choses totalement incroyables, voire complètement absurdes : une course de bateaux dans le caniveau du marché, un tableau de Matisse, une discussion surréaliste avec des fondamentalistes islamistes... Les personnages sont aussi hauts en couleurs : Switters, qui n'aime que les jeunes filles mais tombe sous le charme d'une religieuse plus âgée que lui ou presque ; sa grand-mère, hackeuse confirmée ; son ami Bobby Case et ses conseils de bon sens que Switters ne suit jamais ; sa demi-sœur Susy, pour qui il éprouve des penchants coupables, parce qu'elle est bien trop jeune pour lui, mais c'est elle qui le titille ; les indiens d'Amazonie, Belle-Masquée, l'abbesse du couvent ; Domino et les autres sœurs toutes aussi déjantées les unes que les autres... tous ces personnages sont intéressants, loufoques, particulièrement bien croqués, et tout à fait attachants. Il est aussi question de Marie (la mère de Dieu), du Vatican, de bédouins, d'échasses, du T.O.P. Club, de Finnegans Wake et de blues afro-américain. Un beau cocktail, qui ne pouvait que m'intéresser !
Ce qui m'a le plus surprise dans ma lecture, c'est le temps. Étonnamment, le temps semble comme suspendu. Il y a quand même, semble-t-il, une urgence. Urgence pour le héros à retourner en Amazonie pour tenter au moins de faire lever la malédiction. Mais au lieu de cela, il va remplir une mission au Moyen-Orient et part faire du tourisme en Syrie juste parce qu'il a entendu des rires de jeunes filles dans le désert. Tout cela, bien sûr, en fauteuil roulant. Il y a là quelque chose de totalement absurde, de déjanté, de surréaliste aussi.
En résumé, j'ai eu un a priori très favorable à propos de ce livre, parce que j'ai une prédilection pour l'absurde. De ce point de vue, je ne suis pas du tout déçue. En revanche, je trouve que cette question du temps finit par desservir l'intrigue elle-même : ce n'est pas seulement le temps dans le récit, c'est aussi le temps de la lecture, le temps du récit. La seconde partie, en particulier, est très longue alors que l'histoire n'avance quasiment pas. Ceci dit, je dois avouer que c'est quand même un tour de force, d'écrire plus de 100 pages alors qu'il ne se passe rien, ou presque, si ce n'est l'attente.

Un bilan mitigé donc, parce que la seconde partie est plutôt lente, la troisième semble totalement hors de l'histoire, et du coup, la dernière est quasiment trop courte... et assez déséquilibrée par rapport au reste de l'histoire. En fait, les intrigues secondaires, résolues plus rapidement, sont presque plus intéressantes que l'intrigue principale ! En tout cas, la surprise est au rendez-vous à chaque page. L'auteur a ce don d'emmener le lecteur là où il ne s'attend pas du tout à aller, redonnant de l'intérêt à son histoire (parce que, quand même, même si par certains côtés, Switters est un odieux personnage, il est aussi foncièrement attachant et on veut savoir ce qu'il advient de lui et de sa malédiction !) Petit avertissement quand même : pour ceux qui seraient à la recherche d'un roman d'aventures réaliste, vous passerez votre chemin : ce n'est pas là que vous le trouverez, vous l'aurez compris.

(C'est marrant, en relisant ce que je viens d'écrire, je me rends compte que je n'arrive pas à me décider : ai-je ou non aimé ce livre ? C'est l'une des premières fois que je ressens ça : avoir hâte de le finir, mais n'avoir pas envie d'arriver à la fin parce que pas envie de quitter ce personnage fascinant... Étonnant et paradoxal, vous disais-je...)

Un très grand merci à Newsbook et aux éditions Gallmeister pour cet étrange partenariat, qui, au moins, aura recelé pas mal de surprises, jusqu'à la fin !



Paru aux éditions Gallmeister, 2012 (Totem). ISBN : 978-2-35178-515-7.

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