mercredi 28 mars 2018

Ar-Men : L'Enfer des enfers, d'Emmanuel Lepage



Nous sommes le 24 mars. J'ai encore quatre jours pour publier cette chronique. Quatre jours pendant lesquels je garde Ar-Men au fond de moi, avant de devoir partager avec les autres - parce que c'est ça, le jeu – ce que j'ai ressenti lors de cette lecture.

Ar-Men. L'un des phares les plus connus de Bretagne, au large de l'Ile de Sein.
Ar-Men, gardien protecteur des côtes et, surtout, des navires qui croisent à proximité, leur permettant de passer au large du Raz-de-Sein sans risquer de se heurter aux rochers et de faire naufrage. De nombreuses épaves ont, par le passé, échoué sur les côtes de Sein ou de la terre la plus proche, dans la baie, justifiant de ce fait son nom de « Baie des Trépassés ».

À la lecture de cette bande dessinée magnifique, c'est toute mon enfance qui a défilé devant mes yeux: cette côte déchiquetée, les phares, les îles, les légendes, les noms des lieux porteurs d'enchantements ou de maléfices... C'est tout cela qu'Ar-Men a réveillé en moi, magnifiquement illustré par Emmanuel Lepage, un auteur que je ne connaissais pas.
Avec un « plus » par rapport aux autres bandes dessinées historiques que j'ai lues récemment : celle-ci part de la légende de la ville d’Ys pour arriver à l’histoire, celle du phare, de sa genèse, de sa construction, des difficultés rencontrées par ceux qui l’ont bâti, difficultés liées autant aux aléas de l’entreprise (marées, vents, matériaux, mise en œuvre elle-même) qu’au rejet des habitants de Sein, pour lesquels chaque naufrage apportait, malgré l’horreur, des fortunes diverses, allant des vivres aux matériaux, en passant, parfois, par le recueil de la vie…
L’histoire de Moïzez (Moïse, « sauvé des eaux »), est sans doute pure fiction, et la fureur des éléments est telle dans ce coin de « Finis Terrae » (la fin de la terre), qu’il y a fort à parier qu’elle est improbable, sinon impossible. Mais, après tout, parfois, la réalité peut être encore plus incroyable que la fiction. Alors, pourquoi pas ?

En tout cas, la bande dessinée est composée de plusieurs histoires qui s’entremêlent et qui s’éclairent mutuellement : l’histoire de Germain et de sa fille, celle de Louis, le gardien (avec un magnifique hommage au courage des Iliens durant la seconde guerre mondiale) ; l’histoire d’Ys, la ville mythique que le roi Gradlon construisit pour Dahut, sa fille, et qui finit engloutie par les flots, et l’histoire de Moïzez, bébé échoué sur Sein après un naufrage, qui participera à la construction d’Ar-Men avant d’en devenir le premier gardien. Finalement, c’est l’histoire des hommes qui vient raconter celle du phare lui-même à travers les époques, depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’au départ du dernier gardien de phare après l’automatisation d’Ar-Men.

Réalité, mythe, légende, fiction, tout se mêle ici pour donner un ouvrage dense, au dessin tendre et rude à la fois, où transparaît la vie difficile des gardiens de phare, mais aussi l’amour presque charnel de ce peuple pour la mer dont il connaît les dangers et dont il sait que, face à elle, il est bien petit… Le jeu des couleurs, des atmosphères, permet de passer en douceur d’un univers à un autre, de l’histoire de Germain à celle de Louis, d’Ys à Moïzez et à la fille de Germain.

J’ai rarement été autant touchée par une bande dessinée. Price Minister me demande de lui donner une note. J’ai longtemps hésité, mais comme il s’agit là d’un véritable coup de cœur pour moi, ce sera un 20/20.

Merci à Price Minister / Rakuten pour ce très beau cadeau qui m’a été fait, dans le cadre de cette opération « La BD fait son festival », de pouvoir découvrir cette petite merveille qu’est Ar-Men. Cette BD m’a littéralement transportée… Ailleurs.

Un petit bémol quand même : la BD est vendue normalement avec un DVD... que je n'ai pas eu. Dommage, apparemment, il y a beaucoup d'infos sur la création de la BD, sur l'auteur... j'aurais aimé en savoir plus...

Paru aux éditions Futuropolis, 2017. ISBN : 978-2-7548-2336-4.

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