lundi 22 décembre 2025

Le Drame intérieur de Jésus, de Raymund Schwager, s. j.


Ce livre m'a été offert il y a de cela plusieurs mois maintenant, par une de mes amies. Il s'agit d'une histoire que toute personne qui a lu les Évangiles, ou qui va régulièrement à la messe, connaît : celle de Jésus. Sa naissance, son enfance, sa vie publique, sa mort et sa résurrection. Rien de neuf, aucune originalité, aucun suspense attendu : tout est écrit depuis déjà près de 2.000 ans.

Mais alors ? Pourquoi ce livre ? Un nouveau bouquin sur la vie de Jésus ?

Oui. Et très intéressant d'ailleurs. Parce que celui-ci tente – et plutôt de manière convaincante – de nous raconter les Évangiles du point de vue de Jésus lui-même, alors que les récits qui nous en sont parvenus sont vus du point de vue de ses disciples, ou de ceux auxquels les disciples en ont fait le récit. Sans entrer vraiment dans sa psychologie (peut-on, réellement, imaginer savoir ce qui se passe dans les pensées, le cœur et le psychisme de Dieu?), l'auteur « imagine » les étapes par lesquelles Jésus est passé au cours de sa vie : comment il a vécu l'incompréhension de ses proches, l'appel de son Père, la trahison de ses disciples, leur incapacité à le comprendre... le tout non pas grâce à de la psychologie de comptoir, mais à travers les Écritures : ce que disaient de Jésus, bien avant sa naissance, les psaumes, les récits des prophètes, les écrits de la Bible avant les temps évangéliques.

Outre cet aspect intérieur qui met constamment en lien les récits des Évangiles avec les textes de l'Ancien Testament, ce livre m'a fait me poser de nombreuses questions qui n'étaient encore qu'en germe en moi : Jésus avait-il conscience, petit, d'être le Fils de Dieu, ou bien l'a-t-il compris en grandissant ? Et comment cette prise de conscience s'est-elle faite ? Est-ce le fruit de sa prière ? De son éducation ? De ses lectures dans la Bible ? Avait-il conscience d'être Dieu lui-même ? À partir de quand a-t-il fait la différence entre Joseph, son père terrestre qui l'a adopté et élevé, et son Père du Ciel ? Quand, à quel âge, a-t-il pris conscience de sa mission ? Savait-il dès le début où le mènerait sa prédication itinérante ? Avait-il compris qu'il allait mourir sur la croix ? Était-ce un choix délibéré ? L'acceptation de l'inéluctable ? Une révélation de son Père dans la prière ?

Ce livre me pose encore plus de questions qu'il n'en résout. Je ne suis d'ailleurs pas certaine d'avoir tout compris. Mais au moins, j'ai intégré le fait que, si les Évangiles nous donnent quatre récits différents de la vie de Jésus, ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas parce que les témoins se contredisent, ce qui pourrait inviter à en conclure que ce qu'ils racontent est faux, mais parce que la vie du Christ, sa mort et sa résurrection qui ont bouleversé le monde au point que la date approximative de sa naissance sert de point de départ et de point de référence à notre calendrier sont et restent un mystère insondable que personne, sur cette terre, ne parviendra jamais à élucider en totalité.

C'est d'ailleurs vrai pour chacun d'entre nous, finalement. Car qui, dans ce monde, peut se targuer de savoir réellement ce qui habite le cœur et l'âme de ceux qui vivent près de nous ?

Chaque être humain est et restera un mystère.


Paru aux éditions Salvator, 2011. - ISBN : 978-2-7067-0839-8


lundi 15 décembre 2025

La Femme de ménage voit tout, de Freida McFadden


Dans ce troisième et dernier tome de la saga, nous retrouvons Millie et Enzo Accardi, désormais mariés, après un long silence. Ils ont désormais deux enfants : Ada, 11 ans, et Nico, 9 ans, et déménagent dans une jolie maison sur Long Island, dans l’État de New York. Leur maison est située dans une impasse et ils ont pour voisins Suzette et Jonathan Lowell, à côté, et Janice et son fils Spencer, en face. Et tout de suite, Millie sent que quelque chose cloche : elle se sent observée – il faut dire que les fenêtres n'ont ni volets, ni stores – et un bruit étrange se fait entendre dans la maison. De côté du voisinage aussi, la situation est complexe : Janice est bizarre – elle tient son fils en laisse, par exemple – et Suzette regarde un peu trop Enzo, le mari si sexy de Millie. Les enfants vont à l'école, et là, les choses se corsent un peu : Nico, si gentil et sociable, devient agressif et Ada, timide et réservée, a du mal à se faire accepter dans sa nouvelle classe. Millie, désormais assistante sociale, jongle entre travail, enfants et inquiétude tant pour son mari (qui doit remonter son entreprise paysagère dans ce nouvel endroit) et sa propre santé.

Ce nouvel opus est juste formidable. J'avais des reproches à faire au second (en particulier des problèmes de forme, avec des fautes d'orthographe ou des mots en trop ou manquants par exemple, indiquant de sérieux problèmes de relectures ou de correction après la traduction en Français), mais ici, rien du tout. Si les recettes qui ont fait le succès de « La Femme de ménage » sont toujours bien présentes (en particulier le récit à la première personne avec le narrateur qui change en fonction de là où on en est de l'intrigue), la trame narrative, très copié-collé du tome 1 au tome 2, est ici bien différente (même si, au fond, les ressorts sont les mêmes). Les différents protagonistes sont tous aussi délicieusement suspects les uns que les autres, et encore une fois, le déroulement des faits est surprenant, avec une victime à laquelle on ne s'attend pas (ou seulement parce qu'on sait que ce sera la victime improbable) et tous les éléments se mettent ensuite en place.

Freida McFadden a vraiment l'art de camper des personnages très hauts en couleur et, en même temps, très crédibles et réalistes. De plus, elle parvient à intégrer, par petites touches, des rappels des histoires précédentes, sans que l'on soit réellement obligé de tout lire dans l'ordre. C'est vraiment très bien vu d'un bout à l'autre.

En achetant le tome 3, à cause de ma fille, j'avais un peu peur de relire encore la même histoire. Eh bien non ! Si ce n'est pas encore fait, foncez vite sur ce tome 3 (et les autres aussi, en fait), vous passerez un très bon moment. Attention toutefois : cette série de romans est très addictive. Préparez-vous à ne pas pouvoir faire autre chose avant d'avoir terminé votre lecture. Et c'est du vécu...


Paru aux éditions J'ai Lu, 2025. ISBN : 978-2-290-41563-4.


lundi 8 décembre 2025

Un Combat et autres récits, de Patrick Süskind


De Patrick Süskind, je ne connaissais que « Le Parfum », qui m'avait beaucoup impressionnée. Et en discutant avec un patient, celui-ci m'a rendue attentive à ses autres livres et, dans la foulée, m'a prêté ce recueil de nouvelles assez étranges, qui ont toutes les quatre pour point commun ce qu'on appelle aujourd'hui la « santé mentale », grande cause nationale, paraît-il.

La première nouvelle, « L'Exigence de profondeur », met en scène une jeune femme allemande, dont on ignore le nom, dessinatrice, qui écoute puis lit une critique de son art où il est dit qu'elle « manque de profondeur ».

« Le Combat » est le récit d'une partie d'échecs entre un jeune homme arrogant et inconnu et son challenger, Jean, que tous connaissent pour être un joueur classique qui ne commet jamais d'erreur.

Dans la troisième nouvelle, « Le Testament de Maître Mussard », c'est Jean-Jacques Mussard lui-même qui fait le récit de sa vie et, surtout, de sa découverte qui le conduit à la fin du monde. Rien que ça !

Enfin, dans « Amnésie littéraire », on suit les réflexions d'un grand lecteur qui se rend compte qu'il oublie chaque livre lu. Et que ça s'aggrave...

Il n'est pas question, ici, de folie, de maladies mentales, de troubles psychiatriques, comme on dit aujourd'hui, mais bien de ce que les méandres de la pensée peuvent nous faire vivre, y compris aujourd'hui. Comment une simple phrase, qui se voulait bienveillante, impacte à jamais la vie d'une jeune femme ; comment les réactions imprévisibles et imprévues d'un joueur d'échecs vont changer du tout au tout la vie d'un homme par la remise en question dont il est l'objet ; comment l'obsession d'un autre homme devient la pierre angulaire de sa vision du monde (comme d'autres, aujourd'hui, pensent que la terre est plate par exemple) ou enfin le devenir d'un homme dont la mémoire fait défaut et qui s'interroge sur le sens même de l'acte de lire...

C'est brillant, étrange, dérangeant à souhait !

Et cela pose, en creux, la question de la frontière, toujours floue, entre la santé et la maladie, entre une vision saine et une vision altérée de la réalité. C'est assez « taquin » que ce livre soit arrivé entre mes mains par l'intermédiaire d'un patient en psychiatrie, d'ailleurs ! Comme si le message, derrière, c'était que les plus fous ne sont pas toujours ceux qu'on croit...


Paru aux éditions LGF, 2024. - ISBN : 978-2-253-14192-1


lundi 1 décembre 2025

Dilexit nos = Il nous a aimés, lettre encyclique sur l'amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ, du Pape François


J'ai décidé au moment où j'ai commencé mes études de théologie, de lire certains des textes des papes récents (et de papes plus anciens aussi, mais ils sont plus « confidentiels » me^me s'ils sont très accessibles sur le site du Vatican). En tout cas, quand cette encyclique est parue, quelques mois avant la mort du Pape François, je me suis empressée de l'acheter. D'autant plus que ces petits livres sont très accessibles financièrement parlant, autour de 5 ou 6€ la plupart du temps, soit le pris d'un livre de poche, et parfois moins. Ici, le prix est de 4,50€, ce qui le met à la porte de beaucoup. Bref.

J'aime bien les écrits du Pape François, parce qu'il est très clair et se lit facilement. Il écrit des choses très profondes dans un langage compréhensible par la brebis bien petite que je suis !

Cette lettre s'adressant à toute l’Église ne fait pas exception. Le propos est centré sur le Cœur de Jésus et est construit en cinq parties :

  • L'importance du cœur,

  • Des gestes et des paroles d'amour,

  • Voici le cœur qui a tant aimé, (sur l'adoration, l'amour du cœur de Dieu),

  • L'amour qui donne à boire (une partie historique sur la dévotion au Sacré-Cœur depuis le Moyen-Age)

  • Amour pour Amour (qui élargit la question à nos pratiques et montre que cette dévotion est loin d'être dépassée et qu'elle reste actuelle et pertinente pour notre monde).

Le pape fait dans la dernière partie le lien avec Fratelli tutti, une autre de ses lettres encycliques, sur la fraternité humaine.

C'est étrange, parfois, comme certaines lectures résonnent avec nos vies quotidiennes. J'ai acheté celui-ci il y a un an mais je n'avais pas eu le temps (pris le temps?) de la lire auparavant. Et puis là, successivement, je suis allée au cinéma pour voir le film « Sacré-Cœur » des époux Sabrina et Steven Gunnell, et dans le même temps, je travaille un cours de théologie spirituelle qui détaille la spiritualité, entre autres, de Saint François de Sales, l'un des apôtres du Sacré-Cœur, qui précède dans le temps Sainte Marguerite-Marie Alacoque et Saint Claude la Colombière, eux-mêmes précurseurs de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de Saint Charles de Foucauld.

Je pense que j'aurai besoin de relire ce texte plus tard, afin de l'approfondir. Mais une chose est sûre : le Pape François a d'ores et déjà dépoussiéré l'image et l'idée que je m'étais faite de cette dévotion que je ne comprenais pas, en la réactualisant et en la débarrassant du côté doloriste très XVIIIe-XIXe siècles. Car, finalement, la source de l'amour... c'est le cœur de Jésus, cœur à la fois divin et humain. Et c'est tout ce qui compte.


Paru aux éditions Artège, 2024. ISBN : 979-10-336-1630-6


lundi 24 novembre 2025

La Femme de ménage se marie, de Freida McFadden


Ce très court texte (une nouvelle plus qu'un roman), se lit très bien et très vite (une heure ou deux maximum en fonction de la vitesse de lecture). Et de l'aveu même de l'écrivain, il a pour but de combler un « trou » dans le récit constitué par « La Femme de ménage », « Les Secrets de la Femme de ménage » et « La Femme de ménage voit tout ». Il s'agit donc du tome 2.5.

Millie et Enzo sont sur le point de se marier. Le matin des noces, Millie reçoit un appel sur son portable, et l'homme qui l'appelle ainsi dès le matin lui en veut, au point de la menacer de mort. Millie ne s'en fait pas vraiment, jusqu'à ce que les appels se répètent et que les dires de l'homme se fassent plus précis. Il semble qu'il l'observe.

Dans le même temps, Millie doit régler un problème de robe, un problème d'objet ancien et un différend avec ses parents. La journée est donc bien occupée... Elle n'arrive même pas à parler à Enzo de ces appels téléphoniques. Et puis, il faut dire qu'elle ne veut pas gâcher la journée...

Une nouvelle sympathique, bien écrite, efficace, qui utilise les ressorts des tomes 1 et 2 qui ont fait le succès de la saga. Pas indispensable non plus pour comprendre la série, mais plutôt sympa pour mieux comprendre les relations entre Enzo et Millie. Une lecture facile, détente, un petit livre à lire au coin du feu pendant une soirée hivernale.


Paru aux éditions City (Poche), 2025. ISBN : 978-2-8246-2942-1


mercredi 19 novembre 2025

Les Piliers de la terre : tome 1 : Le Rêveur de cathédrales, de Didier Alcante et Steven Dupré


J'ai lu « Les Piliers de la Terre » durant l'année 1999. J'étais tombée sur ce roman de Ken Follett dans une librairie, à une époque où je ne connaissais pas du tout cet auteur. Avant ce blog, avant même que j'aie accès à internet depuis chez moi. Depuis, j'ai lu beaucoup de livres de cet auteur, et je suis vraiment fan, même si parfois, le langage est assez « cru », si vous voyez ce que je veux dire.

Quand cet été, au Mont Saint-Michel où nous passions nos vacances avec ma famille, je suis tombée sur cette bande dessinée, j'ai un peu halluciné, parce que je ne savais pas qu'une adaptation de ce roman avait été faite. Un peu comme pour « Le Nom de la Rose » d'Umberto Eco, j'ai directement acheté les deux tomes disponibles et j'ai enfin pris le temps de lire le premier.

Et je ne suis pas déçue.

L'adaptation de Didier Alcante et Steven Dupré est magnifique, visuellement. Les dessins sont somptueux, alliant les classique cases de bande dessinée et des illustrations en pleine page faisant la part belle à l'architecture, aux décors, à la cathédrale en particulier. Il faut dire que cette cathédrale, même si ce n'est pas encore le cas dans le premier tome, est le personnage principal du roman. Et que, tout comme le roman a nécessité pour Follett d'amples recherches historiques, la bande dessinée a aussi nécessité, pour les auteurs, des recherches approfondies pour restituer l'ambiance et les décors possibles de l'Angleterre du début du XIIe siècle.


L'histoire commence en mer, par un naufrage, où l'on apprend que l'héritier du roi d'Angleterre a péri. Puis, focus sur une ville où un homme est pendu. Une jeune femme enceinte s'approche et maudit tous ceux qui ont ordonné l'exécution. Sur la double page suivante, on découvre Earlscastel, le fief du comte de Shiring, où Aliéna, la fille du Comte Bartholomew, refuse d'épouser William Hamleigh qui espère de ce mariage la possibilité de monter dans l'échelle sociale, la jeune Aliéna étant d'un rang supérieur au sien dans la noblesse anglaise. Enfin, le lecteur découvre Tom, avec sa famille, sa femme Agnès, enceinte, et leurs enfants Alfred et Martha. Tom est bâtisseur, et il a un rêve : bâtir une cathédrale. Il a déjà travaillé sur un tel chantier, mais celui-ci a été arrêté faute d'argent. Depuis dix ans, Tom parcourt le pays et vit pauvrement, en offrant ses bras d'un petit chantier à un autre, avec toute sa famille. Le chantier actuel est celui de la future maison de William Hamleigh. Sauf que ce dernier vient brutalement y mettre fin, son mariage étant tombé à l'eau.

Voici le point de départ de cette histoire monumentale, comme l'est un chantier de cathédrale. Les choses sont en place : un chantier à trouver, une famille en difficulté, une malédiction, une crise de succession et un bébé qui doit venir au monde. On est au cœur du comté de Shiring et très bientôt, les choses vont se gâter pour Tom et sa famille, pris dans des enjeux de pouvoir où plusieurs groupes s'affrontent et défendent leurs intérêts, depuis les plus « nobles » jusqu'aux plus faibles, en passant par tous ceux qui, tels les moines de l'histoire dont nous n'avons pas encore parlé, dépendent tous d'un plus « grand » qu'eux-mêmes. Les moines de la communauté de Kingsbridge, justement, viennent de perdre leur prieur. Le responsable d'une petite communauté qui est rattachée à Kingsbridge, le frère Philip, est envoyé par son frère auprès de l'évêque pour lui porter un message. Ce message est important, car il est à même de modifier substantiellement la vie du prieuré et de l’Église du sud du Comté de Shiring. Encore une histoire de pouvoir et d'enjeux politiques...

Encore une fois, l'adaptation est brillante, magnifique. Même l'objet lui-même est beau : le récit s'étale sur 96 pages de beau papier épais, sans compter la préface et la postface. Le format est un peu plus grand que celui d'une bande dessinée classique, permettant au lecteur de savourer les images. Si vous ne connaissez pas encore cette adaptation du roman phare de Ken Follett, foncez, le premier tome vaut vraiment le détour. Et, petite cerise sur le gâteau, sans trahir l'esprit du livre, il s'agit de la vision personnelle d'Alcante, ce qui fait de cette bande dessinée une œuvre à part entière, et non pas une simple mise en image du roman de Follett. Et c'est réjouissant.


Paru aux éditions Glénat et Robert Laffont, 2023. - ISBN : 978-2-344-04327-1/006.


lundi 17 novembre 2025

Journal de la fin de vie de Claire Fourcade


J'ai acheté ce livre il y a quelques mois, en mars, un peu après sa sortie. J'avais entendu parler de Claire Fourcade dans le cadre de mon travail d'aumônier à l'hôpital psychiatrique. Même si je ne suis pas directement concernée par la fin de vie, c'est une question qui habite tous les soignants ces dernières années, et dans le cadre de ma formation continue à la pastorale de la santé, nous avons été sensibilisés à cette question, aux enjeux qui se trouvent derrière, aux questions qui se posent, tant pour les patients, les premiers concernés bien sûr, que pour leurs familles et bien entendu, pour les soignants, qui sont d'ores et déjà confrontés à ces questions.

Ce que j'ignorais, parce qu'on n'en parle pas, bien sûr, c'est que l'euthanasie était une pratique qui existait en France, même si elle était interdite. Et c'est la loi Kouchner de 1999, si j'ai bien compris, qui a mis un terme à ces pratiques délictueuses et qui a promu les soins palliatifs. En relisant l'historique de cette question, je suis frappée de voir combien la proposition de loi actuelle est finalement non pas un progrès, mais un véritable retour en arrière et, finalement, un constat d'échec sociétal, puisque la question de l'euthanasie revient sur le tapis parce que les soins palliatifs ne sont pas assez développés en France, et que de ce fait, des situations inacceptables pour des patients en fin de vie qui n'y ont pas accès perdurent. Il est donc important de faire quelque chose, mais pas n'importe quoi non plus. Si l'euthanasie a été interdite, ce n'est pas par cruauté envers les plus faibles, les plus fragiles, mais par souci d'humanité. Il n'est même pas explicitement question ici de la morale chrétienne et du « Tu ne tueras pas » biblique, même si c'est cette règle-là qui sous-tend notre modus vivendi et les lois de notre société, qui permettent justement un vivre ensemble possible. Le message porté par Claire Fourcade, c'est finalement de faire attention à ne pas nous tromper de cible. L'euthanasie n'est pas une question de soin. Le soin, c'est l'attention portée au patient, à sa parole, à sa souffrance et à celle de sa famille. Il faut écouter le patient, sa fatigue, sa peur de la mort, bien légitimes. Et y apporter non seulement l'attention mais la réponse que cette parole mérite. Que peut-on faire face à cette souffrance, à ces angoisses ? Comment les accompagner jusqu'au bout, pour que la vie de cette personne soit vécue pleinement jusqu'à la fin ?

La loi Léonetti, de 2005 et la loi Clays-Léonetti de 2016 ont été des réponses adaptées à ces douloureuses questions de la fin de vie. Et si l'euthanasie et le suicide assistés reviennent sur le devant de la scène, c'est parce que ces deux dernières lois, dans leur volet « soins palliatifs », n'ont pas été suffisamment dotées de moyens, financiers et humains. Les soins palliatifs sont malheureusement le parent pauvre de notre système de santé, déjà bien mal en point en général.

Dans ce livre, Claire Fourcade fait le récit des événements concernant le projet de loi actuel sur la fin de vie, et qui comprend deux volets : soins palliatifs et euthanasie/suicide assisté. Mois après mois, quasiment jour après jour de septembre 2020 à la dissolution de l'Assemblée Nationale en juillet 2024, elle relate les différentes étapes, les rencontres avec les politiques, le groupe de travail, les désillusions. Elle raconte aussi le quotidien dans le service de soins palliatifs de Narbonne où elle exerce, les situations rencontrées, les difficultés rencontrées avec les patients, notamment quand, faute d'accès aux soins palliatifs, ceux-ci sont pris en charge trop tard pour que la confiance s'installe entre les équipes et les patients...

Finalement, le message qui est distillé derrière, c'est « nous serons là ». Nous ne laissons pas tomber les patients, ni maintenant, ni plus tard. Et parce que les soignants ne laissent pas tomber leurs patients, ils ne peuvent pas être ceux qui donneront la mort, et qui choisiront « qui doit vivre et qui peut mourir ». Même si les députés décident que c'est maintenant possible. Pas parce que la demande du patient n'a pas trouvé d'oreille pour être écoutée, mais parce qu'il est inconcevable pour un soignant d'être d'un côté celui qui « panse », qui « soigne », qui « recoud », et de l'autre celui qui administre un produit létal pour faire mourir. Euthanasier un patient, ce n'est pas le soigner. Administrer la mort n'est pas un soin. Et ne le sera jamais.


Paru aux éditions Fayard (Choses vues), 2025. ISBN : 978-2-213-73173-5.


mercredi 12 novembre 2025

Les Cités Obscures : Souvenirs de l’Éternel Présent : Variation sur Taxandria de Raoul Servais, de François Schuiten et Benoît Peeters


Aimé, le dernier enfant de Taxandria, se réveille pour commencer sa journée, la même journée que la précédente et que la suivante. La même journée que tous les jours, en réalité. Il est le dernier enfant de Taxandria, ville dévastée où le temps ne passe plus, où il n'y a plus de futur, plus de passé. Uniquement le présent.

Cependant, ce matin-là n'est pas tout à fait comme les autres matin. Ce jour-là, Aimé tombe par hasard sur un livre illustré qu'il prend le temps de lire avant d'aller à l'école, où l'attend, inquiet, M. Bozon, l'instituteur. Aimé est en retard, mais il est le seul élève... alors son retard n'a que peu d'importance. Ce qui est important, pour Aimé, ce matin, c'est uniquement le livre qu'il vient de trouver. Car ce livre raconte l'origine du cataclysme qui a dévasté Taxandria. Et cette histoire ouvre l'avenir et l'horizon de l'enfant, avec les questions qu'il commence à se poser. Où est sa mère ? Où sont les femmes de Taxandria ? Pourquoi le temps qui passe est-il devenu tabou ?

L'enfant part en quête, et son voyage n'aura pas de retour.

On retourne aux Cités Obscures, et c'est toujours un enchantement et une grande surprise. Les œuvres de Schuiten et Peeters sont de véritables œuvres d'art. Et un peu aussi des OVNIs dans le monde de la BD... Tout d'abord du point de vue graphique : les cases de cette bande dessinée ressemblent davantage à des aquarelles et à des œuvres d'art indépendantes qu'à des cases classiques de bande dessinée. Les images sont grandes, larges, avec parfois seulement une ou deux cases par page, ce qui permet de pouvoir admirer le dessin, sa beauté et sa précision. Et puis, ces scènes sont loin du style graphique de la BD belge traditionnelle : ici, il s'agit de dessins quasi monochromes, où on voit presque le coup de crayon de papier, et où le grain du papier « Canson » fait partie intégrante du rendu final de l'image. On a envie de toucher la page, de la « sentir » avec le bout des doigts... D'autant plus que l'édition que j'ai dans les mains est faite avec un beau papier très épais, sans le grain du papier à dessin de notre enfance, mais avec la même épaisseur, ou presque... Cela donne un bel objet, un ouvrage qui s'apparente plus aux beaux-livres qu'à une bande dessinée...

Du côté du récit, son histoire est elle aussi très intéressante. Et elle est révélée à la fin de l'album, après la bande dessinée elle-même, dans un dossier écrit qui en révèle la genèse. Peeters et Schuiten ont repris ici « Taxandria », un long métrage d'animation du réalisateur Raoul Servais, entamé en 1987 et sorti en 1994, avec de multiples modifications de scénario, des reprises et changements dans le tournage, avec la particularité d'utiliser un appareil inventé par Servais lui-même permettant d'allier les décors d'un film d'animation et les prises de vue réelles pour l'action des personnages, le tout complété par les effets spéciaux, débutants à l'époque, réalisés par informatique. Il s'agissait aussi d'un projet européen, les différentes étapes de la réalisation de l'oeuvre utilisant des technologies et des lieux de tournages présents dans plusieurs pays. Un projet complexe, qui n'a pas rencontré de succès à sa sortie, y compris pour son propre réalisateur. Il semble que Servais n'ait pas « reconnu » son œuvre, après tous les bouleversements, modifications de scénario et réécritures successives qu'elle a rencontré durant sa production.

La bande dessinée qui a finalement été tirée de ce projet reprend une partie des images créées par Schuiten durant l'élaboration du projet initial, mais également de nouveaux décors, pour environ la moitié d'entre eux. La reprise de ces images vieilles de 40 ans, ou presque, pour certaines, fait penser à une sorte de « bouclage » du projet, une manière de le mener à bien et de le sortir de la confidentialité dans laquelle « Taxandria » est restée depuis sa sortie. Il s'agit également de reprendre l'idée originale, il me semble, purifiée de tous les ajouts scénaristiques et épurée des modifications pour revenir à l'idée originale (ou presque) de Servais. Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je découvre l'existence de ce projet en lisant cette bande dessinée... L'histoire de ce livre est donc tout à fait singulière, et m'interpelle, à une heure où la création va plutôt dans l'autre sens : en général, les films qui sortent en salle en ce moment sont souvent des biopics ou des films tirés de romans. L'inverse existe, bien sûr, avec nombre de bandes dessinées tirées de romans, comme par exemple l'adaptation des « Piliers de la Terre », de Ken Follet, dont nous parlerons bientôt, ou encore celle du roman d'Umberto Eco, « Le Nom de la Rose », que j'ai chroniquée ici. Mais là, le projet semble assez différent : il ne s'agit pas d'adapter en bande dessinée un roman qui a connu un succès phénoménal en librairie, comme les deux que je viens de citer, mais d'exhumer un long métrage d'animation plutôt expérimental qui a été, en plus, un échec à sa sortie, et en tirer la substantifique moelle pour en faire une magnifique bande dessinée. Il fallait bien le talent des auteurs des Cités Obscures pour y parvenir. Décidément, cette série recèle bien des surprises et des trésors...


Paru aux éditions Casterman, 2025. ISBN : 978-2-203-29612-1


mardi 11 novembre 2025

Lefranc, tome 6 : Opération Thor, de Jacques Martin et Gilles Chaillet


Lefranc et Jeanjean (quel nom!!!) sont sur une route de Norvège. Ils ont un rendez-vous, mais ratent le bac qui doit les conduire de l'autre côté du fjord. Contraints d'attendre le prochain, le lendemain, les deux jeunes hommes cherchent un hébergement et trouvent une auberge où ils prennent un dîner avant de se préparer à passer la nuit sur place.

Mais bien sûr, tout ne va pas être aussi simple que prévu. Durant la nuit, un « commando » les drogue afin de les endormir, puis les enlève, avec leurs bagages, afin de les embarquer dans un mystérieux sous-marin qui a une « mission » à remplir. Lefranc retrouve à bord un ennemi bien connu : Axel Borg...

Alors évidemment, c'est une aventure de Lefranc, signée Jacques Martin. C'est donc une histoire où le héros est un vrai héros, et le méchant un vrai méchant... mais qui donne du fil à retordre au gentil héros. Ici, le périple du sous-marin et du cargo qui le soutient (au sens propre comme au sens figuré d'ailleurs) emmène toute la troupe jusqu'aux USA, où Borg a une mission à remplir, l'Opération Thor. Que je ne vous dévoilerai pas ici pour ne pas spoiler les quelques personnes qui ne connaissent pas encore cette bande dessinée ou qui, comme moi, la redécouvrent.

Jacques Martin, en BD, c'est un peu une valeur sûre. Comme Hergé ou Leloup, quoi. Et ça fait du bien de revenir de temps en temps à des fondamentaux.

J'ai passé un bon moment, avec cette BD !


Paru aux éditions Casterman, 1979. ISBN : 978-2-203-31406-1


lundi 10 novembre 2025

Les Secrets de la Femme de ménage, de Freida McFadden


Nous retrouvons Millie, quelques années après le premier récit. Elle est embauchée chez Amber et se fait virer parce qu'Olive, la fille d'Amber, appelle Millie « Mama »... sa mère n'étant pas vraiment présente pour la petite fille de moins d'un an. Millie, une fois de plus, se retrouve sans emploi, et finit par être embauchée par Douglas Garrick, un richissime entrepreneur, pour faire le ménage et la cuisine chez lui. Tout semble parfait, l'appartement, un penthouse au cœur de New York, est magnifique et le salaire très élevé.

Oui mais.

Wendy, la femme de Douglas, reste enfermée dans sa chambre et Douglas interdit à Millie de la déranger. Serait-elle malade ? Bien sûr, Millie est tentée d'en savoir plus. Et sa curiosité, une fois de plus, va lui jouer un bien vilain tour...

Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler, d'autant plus que, pour une fois, il s'agit d'un livre récent. Donc un certain nombre de lecteurs ne l'ont peut-être pas encore lu (sait-on jamais?). Alors si j'ai dévoré ce livre, j'avoue être un peu déçue parce qu'il reprend presque à l'identique la trame du premier opus. Du coup, je n'ai pas forcément envie de lire les autres romans de la série. Je viens de faire une petite recherche sur Internet, et « Les Secrets de la Femme de ménage » est le deuxième livre, après « La Femme de ménage ». Le troisième, c'est  « La Femme de ménage voit tout » et le 2,5 (oui je sais c'est bizarre !) « La Femme de ménage se marie », paru en 2025 (et pas encore en poche, si j'ai bien tout compris, peut-être même pas encore traduit en français non plus d'ailleurs). 

Donc petite déception parce que j'ai l'impression que Freida McFadden a repris exactement les mêmes ressorts que pour le premier, qui avaient, il est vrai, parfaitement bien fonctionné. Au final, l'histoire se tient bien, elle est conforme à ce qu'en attend le lecteur. Il est toutefois nécessaire d'avoir lu le premier pour s'y retrouver, sinon on ne comprend pas bien qui est qui et d'où ça sort, tout ça...

L'histoire est bien ficelée et la toute fin (l'épilogue) réserve quand même une surprise à demi-mot, qui change un tant soit peu la perception de l'intrigue, donc je sors de cette lecture très contente quand même. J'aime bien aussi quand il y a des non-dits, des suggestions, qui permettent au lecteur de se faire sa propre idée et de compléter l'histoire comme c'est possible ici. Si vous n'avez pas encore dévoré cette série et que vous aimez les romans à suspense, foncez !


Paru aux éditions J'ai Lu, 2025. ISBN : 978-2-290-39119-8


samedi 8 novembre 2025

Les Mondes de Thorgal : La jeunesse, tome 3 : Runa, de Roman Surzhenko et Yann


Nous retrouvons Thorgal, désormais jeune homme, en train de s'entraîner au maniement des armes. Au village viking, l'année a été bonne et clémente, et les récoltes abondantes. Les Vikings préparent la fête du Sumarblöt, le sacrifice d'été, pour remercier les dieux de leur clémence. Aaricia, la jeune fille du chef Gandalf-le-Fou, est amoureuse de Thorgal et vient le voir pour lui montrer la nouvelle robe brodée que son père a ramenée lors de sa dernière expédition. Thorgal lui fait brusquement prendre conscience de sa naïveté et que les intentions de son père ne sont peut-être pas aussi pures que ce que croit la jeune fille...

Les faits donnent raison à Thorgal : Aaricia découvre assez vite les projets de son père. La fête va commencer et les seigneurs du coin ont tous été invités. L'enjeu, c'est de trouver un mari à Aaricia, mari qui, bien sûr, devra donner à son père des biens, des terres, des cadeaux prestigieux qui feront de lui un roi encore plus puissant. Aaricia découvre qu'elle est une marchandise, simplement...

Sauf que les choses vont se passer un peu différemment du plan de Gandalf-le-Fou, par l'intervention d'une certaine Runa, Vierge-guerrière qui va donner bien des soucis au roi des Vikings du Nord...

Les deux héros de cette histoire, Thorgal et Aaricia, ont grandi et sont maintenant des jeunes gens amoureux, mais soumis aux règles de leur état : fille de roi, pour Aaricia, et bâtard sans biens ni fortune, sans famille, pour Thorgal. Tout s'oppose à leur union et il est clair qu'ils vont devoir se battre pour gagner le droit de s'aimer et de vivre ensemble. Ici encore, le scénariste a fait appel aux légendes et aux traditions scandinaves pour construire son intrigue. C'est vraiment intéressant et instructif, parce que, peu à peu, on pénètre ainsi plus avant dans la « mentalité » de ce peuple malgré tout plutôt méconnu et sujet de beaucoup de fantasmes.

Il existe sur Youtube des chaînes pour tout, et depuis quelques années, j'en suis une particulièrement, où le vidéaste est plutôt fan de cette civilisation viking. Il a même écrit plusieurs ouvrages, sous forme de bande dessinée d'ailleurs, pour rétablir certaines vérités et séparer les mythes de la réalité. Par ailleurs, Arte a sorti il y a quelques années aussi une série de vidéos sous forme de série d'animation sur les mythes et légendes vikings, qui permettent de mieux connaître cette mythologie très riche. Les différents supports à notre disposition permettent donc d'élargir les horizons et d'approfondir, pour ceux qui le souhaitent, les connaissances dans ces domaines. Et pour qui s'intéresse à l'histoire et à la mythologie, c'est passionnant ! Le même type de série existe d'ailleurs pour la mythologie grecque.


Paru aux éditions Le Lombard, . ISBN : 978-2-.


vendredi 7 novembre 2025

Les Mondes de Thorgal : La jeunesse, tome 2 : L'oeil d'Odin, de Roman Surzhenko et Yann


Nous retrouvons le jeune Thorgal dans les neiges du Nordland. Il recherche l'Enclume de Thor, afin de trouver un antidote pour libérer les trois sœurs Minkelsönn de la malédiction de Frigg. Mais, perdu dans la neige, il ne sait plus où il doit aller. Il croise alors un cygne qu'il tue pour pouvoir manger... Sauf que ce cygne est en réalité une Walkyrie. Cette Walkyrie donne à Thorgal une autre solution : inciter Frigg à lever elle-même la malédiction, en lui donnant une « piste » sur ce qui pourrait la convaincre : « l’œil ». L’œil de quoi ? De qui ?

La suite va mettre Thorgal sur la voie et le jeune homme remplit tout à fait la mission... et au passage, il prend une bonne leçon : celle de l'humilité.

Une bande dessinée qui, comme la précédente, nous ramène aux légendes scandinaves. Et je suis, pour ma part, séduite par cette orientation : les auteurs parviennent à intégrer les légendes traditionnelles à l'histoire d'un garçon issu d'un « peuple des étoiles » qui s'avère, dans d'autres albums, être le peuple Atlante... On passe du fantastique au légendaire, et les auteurs ont eu la bonne idée de ne pas trop mélanger les genres, tout en ayant une toile de fond utilisant de multiples références. Ici, on retrouve la légende de l’œil d'Odin et de la fontaine de Mimir. La légende raconte qu'Odin voulait avoir un regard sur les neuf mondes, mais ne pouvait voir aussi loin. Il a donc sacrifié un de ses yeux à Mimir, afin d'obtenir ce don. C'est cet œil que Thorgal va devoir récupérer pour faire plaisir à Frigg, qui a du mal à regarder le visage borgne de son mari... C'est bien trouvé, c'est bien mené, et j'aime le fait de se servir de la mythologie pour construire une histoire dans un autre genre. Il ne s'agit pas, ici, de raconter les mythes scandinaves, mais de les utiliser pour créer de nouvelles histoires...


Paru aux éditions Le Lombard, 2014. ISBN : 978-2-8036-3206-0

jeudi 6 novembre 2025

Les Mondes de Thorgal : La jeunesse, tome 1 : Les trois sœurs Minkelsönn, de Roman Surzhenko et Yann


Cette série, comme « Louve » (voir les chroniques des deux premiers albums ici et ), fait partie des trois séries issues de l'univers de Thorgal, avec celle qui est consacrée à Kriss de Valnor. Comme son titre l'indique, il est ici question de la jeunesse de Thorgal, esquissée dans l'album « L'Enfant des Etoiles », sous forme de trois courts récits. Ici, on est au début d'un cycle d'aventures, qui reprend l'histoire là où « L'Enfant des Etoiles », et surtout « Aaricia » l'avaient laissée.

Thorgal, scalde du village des Vikings du Nord, est mis à part. Le chef, Gandalf-le-Fou, est parti en mer avec les hommes pour une campagne de pillages, afin de procurer aux Vikings de la nourriture. En effet, l'hiver se prolonge anormalement, et les réserves de nourriture sont à sec. Les habitants qui restent (les femmes, les vieillards et les enfants) doivent se serre la ceinture. Mais Thorgal, lui a été exclu des partages des dernières réserves par Björn, le fils de Gandalf et frère d'Aaricia, par pure haine de ce dernier. Aaricia, qui en tant que fille du chef, bénéficie d'une ration plus importante, partage sa nourriture avec Thorgal.

Un soir, les deux jeunes gens voient arriver dans la baie trois baleines, attirées par le chant de Thorgal. Ces trois baleines sont une bénédiction pour le village, une promesse d'une nourriture de bonne qualité, et surtout abondante, qui mettra tous les habitants du village à l'abri de la famine pendant des mois. Sauf que Thorgal perçoit chez l'une d'elles quelque chose d'étrange : elle lui « parle » dans sa tête et lui raconte leur histoire. Elle et ses deux compagnes n'ont pas toujours été des baleines : elles étaient des femmes, transformées en baleines par la jalousie de la déesse Frigg.

Thorgal promet à Servane, l'une des sœurs, de les aider à reprendre forme humaine.

Voici le début de cette nouvelle histoire, qui conduit le jeune homme à prendre des risques inconsidérés, au cœur de l'hiver scandinave. Il est bien sûr la proie de personnes sans scrupules, tout aussi affamées et gelées que lui !

J'aime bien cette nouvelle aventure, où on retrouve les fondamentaux de la série-mère. Cette mini-série vient combler un trou dans l'histoire du héros, et permet de mieux appréhender le couple Thorgal-Aaricia. Elle donne aussi à Aaricia une place légèrement différente de celle qu'elle a au début de la série-mère, par les propos que la déesse Frigg tient à son sujet. Mais chut ! Je ne vais rien dévoiler ici : j'en ai déjà trop dit !


Paru aux éditions Le Lombard, 2013. ISBN : 978-2-8036-3130-8


mercredi 5 novembre 2025

Sherlock Holmes contre Arsène Lupin, tome 1 : La Quête d'éternité, de Roger Vidal et Denis-Pierre Filippi

 


Cette nouvelle série commence avec Sherlock Holmes, retiré dans son cottage, approché par Mycroft, son frère, qui lui demande son aide pour protéger une cargaison qui doit aller en train de Douvres à Londres le lendemain. Moriarty est mort, mais quelqu'un qui se réclame de lui a décidé de s'en prendre à cette cargaison.

Dans la nuit suivante, à Paris, un cambriolage est commis à la bibliothèque de l'Arsenal. Arsène Lupin est dans le coup, et il est aidé en cela par une jeune femme, qui ne va pas tarder à le trahir.

Les deux hommes se retrouvent alliés de circonstance, ayant tous les deux intérêt à mettre fin aux agissements de la jeune femme et de sa complice.

J'ai découvert cette nouvelle série totalement par hasard, en allant à la librairie, lieu que j'évite en ce moment parce que j'ai bien trop de lectures en retard. Mais comme on ne se refait pas... Je suis très contente, parfois d'avoir transigé avec mes principes ! Et cette fois-ci, j'ai eu raison. Une bonne bande dessinée, bien rythmée, avec un beau dessin, ce qui est tout aussi important que le scénario dans un ouvrage de ce type ! L'histoire est bien menée, donc et je ne sais pas trop si elle est fidèle aux romans qui ont servi de base à cette histoire, mais dans ce cas, je m'en fiche un peu : c'est comme pour une adaptation au cinéma : le respect de l'oeuvre originale est certes important, mais il ne doit pas devenir un principe intangible au point d'avoir peur de prendre des libertés avec l'oeuvre de départ. Dans une adaptation, un auteur rencontre un autre auteur. Et lui rend hommage à sa manière, avec son propre regard, sa vision personnelle de l'oeuvre initiale. Et pour le coup, ces adaptations donnent, finalement, de nouvelles œuvres originales qui, elles aussi, ont leur intérêt et leurs qualités propres... Bref, j'ai hâte de lire la suite, si suite il y a. Mais vu qu'il y a noté « 1 », ça suppose au moins un « 2 »...

Paru aux éditions Le Lombard, 2025. ISBN : 978-2-8082-1253-3

lundi 3 novembre 2025

Puissance de la gratitude : vers la vraie joie, de Pascal Ide


Ce livre m'a été offert par une amie, à l'occasion de mes 50 ans. Un livre plutôt face à lire pour qui est un tant soit peu familier de la foi catholique, mais qui s'appuie beaucoup sur des études scientifiques et statistiques afin d'étayer et de justifier le propos. Ce que dit Pascal Ide sur la gratitude ne vient donc pas du cerveau illuminé d'un prêtre issu d'une communauté de « dévisseurs d'ampoules », comme sont parfois qualifiés les membres des communautés du Renouveau Charismatique et des groupes de prière. L'auteur appartient en effet à la communauté de l'Emmanuel et sa biographie fait état d'un triple doctorat en médecine, philosophie et théologie. Il s'agit donc d'un chercheur, a priori sérieux. On est donc loin de l'illuminé, et il semble être de ceux qui savent allier foi et raison et qui se servent de leur raison pour étayer leur foi. Ce qui est, somme toute, le minimum syndical quand on écrit sur ces sujets, me semble-t-il.

Ce livre de 245 pages (hors notes et bibliographie), est construit en trois parties, dont les deux premières ont pour objet de définir la gratitude : positivement dans la première, et négativement dans la seconde, par rapport en particulier aux joies illusoires que nous apporte notre monde et notre société d’hyper-consommation. Où l'on voit en quoi vivre la gratitude au quotidien est bénéfique pour soi... et pour les autres.

La troisième partie, la plus conséquente, aborde la « voie de la gratitude » avec des moyens plus ou moins concrets pour parvenir à cette joie promise dans les six premiers chapitres.

En trois étapes – Reconnaître, Ressentir et Agir – l'auteur donne des pistes pour vivre dans la gratitude tout au long de la vie. Il ne s'agit pas d'un nouvel avatar de la Méthode Coué, mais d'un cheminement pour « reconnaître » et comprendre ce qu'est la gratitude, en plusieurs étapes : Partant de l'émotion du plaisir, il s'agit de reconnaître l'objet de ce plaisir, puis le don de cet objet, puis le donateur de ce don, et enfin l'amour qui a conduit le donateur à faire ce don.

La deuxième étape, très pratique, invite à « goûter la joie du don », puis à décrire en détail ce don. On s'interroge ensuite sur la possibilité d' « éprouver de la gratitude dans l'épreuve » et de « louer Dieu dans la nuit de la foi ».

Enfin, la troisième étape invite à passer du remerciement à la louange, puis au don, avant d'observer la « puissance transformante de la gratitude ».

Chaque chapitre est illustré d'une vidéo, la plupart du temps un extrait de film. Je n'ai pas encore eu le temps de visionner tous ces extraits, mais je trouve le concept multimédia intéressant.

C'est un livre qui m'a fait du bien, parce qu'il m'a permis de comprendre un peu mieux combien l'amour de Dieu pour moi est grand, et combien je le considère le plus souvent comme acquis, au point de, parfois, ne plus m'émerveiller devant cette gratuité de l'amour du Père. Pourtant, Dieu me donne tout, chaque jour, sans aucun mérite de ma part. Et je m'autoriserais à faire la fine bouche ou à ne plus m'en réjouir, comme une petite fille pourrie gâtée ? Dieu m'aime infiniment, c'est une certitude.

Béni et loué soit Dieu !


Paru aux éditions Emmanuel, 2017. - ISBN : 978-2-35389-6454-7.

 

mercredi 29 octobre 2025

Thorgal, tome 41 : Mille yeux, de Frédéric Vignaux et Yann


Thorgal, Jolan et Boréale, la dernière représentante du peuple des étoiles, rentrent des Mers gelées, où Thorgal est parvenu à détruire le vaisseau Atlantia. Sur la route du retour, en mer, ils sont surpris par une tempête et obligés de se réfugier sur un îlot rocheux, leur barque ayant été prise dans les récifs. Les trois rescapés arrivent sains et saufs sur l'îlot, mais il n'y a rien à manger et à boire, aussi Thorgal décide-t-il de partir à la nage vers le rivage pour y trouver une embarcation afin de ramener sains et sauf son fils et la jeune fille dont il est tombé amoureux.

En arrivant, Thorgal tombe sur une famille entière pendue à un arbre, et apprend rapidement qu'ils ont subi là le sort réservé aux braconniers : le seigneur du coin semble être du modèle sanguinaire... C'est pourtant à lui que Thorgal va devoir s'adresser afin de venir en aide aux deux jeunes gens. Le seigneur local lui promet son aide, mais il attend de Thorgal qu'il lui ramène un échantillon d'une roche particulière qui se trouve au fond d'une grotte. Thorgal accepte le marché, même s'il découvre assez rapidement qu'il ne peut avoir confiance en personne sur cette île.

Cet album est finalement le troisième d'un cycle qui met en scène les Atlantes, même si, dans celui-ci, on repart allègrement dans les légendes locales. Le procédé narratif a aussi quelque peu changé depuis deux ou trois épisodes, avec des flash-back réguliers qui donnent un autre rythme au récit, même s'ils en compliquent aussi parfois la compréhension. La fin de l'album laisse à penser que l'on n'en a pas tout à fait fini avec Aniel et sa mère...


Paru aux éditions Le Lombard, 2023.ISBN : 978-2-8082-1085-0

mardi 28 octobre 2025

Thorgal, tome 40 : Tupilaks, de Frédéric Vignaux et Yann


Deuxième partie de cette aventure (en deux tomes, finalement, semble-t-il), nous retrouvons Thorgal dans la salle de commandement d'Atlantia, le vaisseau Atlante qui a conduit ses parents, Varth et Haynée sur terre. Avec ce diptyque, se concluent plusieurs arcs narratifs : celui de « La Magicienne trahie » et de « L'Île des mers gelées » d'une part, celui du « Royaume sous lesable » d'autre part.

Neokòra, l'intelligence artificielle d'Atlantia, a été réactivée par Thorgal, et cette réactivation est à l'origine d'une réaction en chaîne qui va conduire à l'anéantissement total du vaisseau. Face à ce danger dont il ignore au départ absolument tout, Thorgal se retrouve obligé de s'allier avec les Slugs, le peuple que Slive et ses dominants avaient réduits en esclavage des années plus tôt. Les Slugs, menacés de famine et d'extinction par les Skraëlings, un autre peuple de la région affamé et à la recherche de nourriture, quitte à recourir au cannibalisme pour cela, ont à leur tête un Shaman qui maîtrise le contrôle des Tupilaks, des « créatures » inanimées, faites d'os et de peaux de bêtes, mais capables de tuer les humains qu'elles rencontrent.

Aidés de Slive, Thorgal et Jolan vont pouvoir prêter main forte aux Slugs, en espérant que les uns et les autres survivront à ce qui va venir.

Un épisode qui fait penser à une fin de cycle ou de règne, et qui, subtilement, démontre à la fois le pouvoir des intelligences artificielles, leur dangerosité, leur inaptitude aux sentiments humains et à la compassion, mais aussi, en creux, qui montre l'importance du bon sens humain. Un espoir peut naître...


Paru aux éditions Le Lombard, 2022. ISBN : 978-2-8082-0347-0


samedi 25 octobre 2025

Thorgal, tome 39 : Neokòra, de Frédéric Vignaux et Yann

Thorgal est sur le chemin de retour, une fois de plus. Il rentre des îles Féroé, avec Jolan et après avoir retrouvé Louve. Ils emmènent aussi avec eux Gilli et Ava, les enfants de Grimur, désormais orphelins. Mais durant leur voyage de retour, ils sont attaqués par un monstre mystérieux, fait d'ossements, et découvrent à bord du bateau d'où est sorti ce monstre, un homme qui connaît Thorgal depuis bien des années, seul rescapé de l'équipage du bateau.

Ils finissent par regagner le village, mais c'est pour découvrir que tous les habitants semblent sous l'emprise d'une drogue ou d'un charme, et se retrouvent obligés de travailler à une mine pour en extraire des pierres de construction. En suivant le chargement, ils découvrent que l'auteur de ce charme n'est autre qu'Aniel, aidé par Kriss de Valnor, sa mère, qui a échappé à la mort.

Celle-ci est toujours à la recherche d'armes lui permettant de prendre le pouvoir à grande échelle pour y bâtir son empire... et se sert des villageois dans ce dessein. Arison, l'homme que Thorgal a sauvé dans le bateau, a apporté avec lui une arme Atlante, semblable à celle qu'avait Ogotaï et que Kriss avait volée lors de son voyage avec Thorgal et Aaricia au Pays Qâ. Et il promet à Kriss de lui montrer où en trouver d'autres identiques.

Retour au deuxième album de la série, où on découvrait Slive et ses dominants, à bord du vaisseau qui les avait amenés sur Terre... Et dont Thorgal est le seul à pouvoir ouvrir les portes.

Avec cet album, j'ai l'impression que nous entrons dans un nouveau cycle d'aventures, qui reprend l'arc narratif abandonné après « Le Royaume sous le sable ». Le « peuple des étoiles » reprend du service, et pour l'instant, c'est plutôt convainquant. Un premier épisode de ce nouveau cycle qui met un peu de temps à se mettre en place, mais qui permet de bien poser le nouveau décor.


Paru aux éditions Le Lombard, 2021. ISBN : 978-2-8036-8031-3


vendredi 24 octobre 2025

Thorgal, tome 38 : La Selkie, de Frédéric Vignaux et Yann


Au village viking, c'est l'inquiétude : Louve a disparu. Elle est emprisonnée dans une cage, et peu à peu, Thorgal et Jolan, qui sont partis à sa recherche, apprennent qu'elle a été enlevée par un homme venant des îles Féroé. Les deux hommes (parce que Jolan est maintenant un homme) prennent le bateau, aidés par un marchand qui vient de là-bas, pour aller la chercher.

Tout ne va bien sûr pas se passer si facilement, sinon, il n'y aurait pas toute un album pour raconter cette histoire. Louve a été enlevée par Grimur, le chef du village de Mikladalur, sur l’île Kalsoy. Cet homme est cruel, il a plusieurs enfants, dont deux garçons issus d'un premier mariage. Le plus jeune, Gilli, cherche à aider Louve à s'échapper. Mais Grimur vit maintenant avec une femme, surnommée « La Selkie », en référence à une femme-phoque légendaire qui prend une apparence de femme, mais qui ne peut retourner à l'eau que si elle peut remettre sa peau de phoque la retransformant en phoque. C'est de cette femme qu'est née la petite Ava, demie-sœur de Gilli.

L'une des coutumes de pêche de cette île fait directement référence à la légende de la Selkie, et Thorgal et Jolan arrivent précisément au moment du Grindadrap, le massacre de tous les phoques autour de l'île. Le but de cette opération est de tuer la Selkie à l'origine d'une malédiction qui fait mourir les habitants de l'île...


J'ai bien aimé cette histoire, en ce qu'elle permet de découvrir des légendes scandinaves. Mais l'album recèle des scènes d'une grande violence, comme d'autres d'ailleurs, ce qui en fait une bande dessinée plutôt noire. Et à ne pas mettre entre toutes les mains... comme tout le reste de la série, d'ailleurs.


Paru aux éditions Le Lombard, 2020. ISBN : 978-2-8036-7718-4


jeudi 23 octobre 2025

Thorgal, tome 37 : L'Ermite de Skellingar, de Frédéric Vignaux et Yann


Au village viking, Louve est rentrée de ses aventures (c'est la série parallèle « Louve » dont j'ai chroniqué les deux premiers épisodes ici et là), et discute avec Yasmina, petite guenon qui, visiblement, n'en est pas une (mais je ne sais pas trop comment elle est devenue guenon, c'est dans la suite des aventures de Louve que je le lirai). Un bateau arrive au port, pour des réparations. Louve, qui attend sur le port le retour de Thorgal et de Jolan parus à la pêche, discute avec un enfant qui vient de descendre de ce bateau, où tout le monde porte un habit bleu et un pendentif en forme d'oiseau. Le jeune garçon explique à Louve qu'il attend d'être assez grand pour passer l'épreuve au rocher de Skellingar, mais Louve ne le prend pas au sérieux. Thorgal et Jolan rentrent de la pêche et accostent juste à côté du bateau qui fait escale pour réparations. Une jeune fille est toujours à bord : elle est vêtue d'un long manteau bleu et observe Thorgal de loin. Ce dernier n'y fait pas attention, mais il est rude avec Jolan, comme s'il était en colère ou énervé. On comprend ensuite pourquoi : il fait continuellement un cauchemar, où il doit se battre contre Shaïgan-sans-merci, c'est-à-dire contre lui-même.Et visiblement, ce cauchemar le met à cran. Mais au cours de cette même nuit, il est réveillé par le cri perçant de la petite guenon, juste avant qu'une ombre ne vienne poignarder. Yasmina intervient et, son coup raté, l'ombre s'enfuit dans la nuit, poursuivie immédiatement par Thorgal et Jolan, bien décidés à ne pas laisser cette personne recommencer plus tard.

L'ombre court vite, et Thorgal n'a d'autre choix que de l'empêcher de continuer en la blessant à l'aide d'une flèche. Mais la jeune fille tombe alors de la falaise où elle se trouvait et Jolan ne peut rien faire : les dégâts sont trop importants. Elle va mourir très vite. Thorgal a le temps d'écouter ce qu'elle a à dire : elle voulait le tuer car Shaïgan-sans-merci a tué sous ses yeux toute sa famille.

En l'écoutant, Thorgal comprend aussi que les membres du groupe religieux dont elle fait partie sont persécutés par le Jarl Ivarr-le-Glacé et, pour réparation, elle demande le prix du sang : la vie d'Ivarr contre la sienne. Thorgal promet, et prend la mer pour tenir sa promesse.

C'est ainsi que commence cet album, plus « classique » que les précédents en ce qu'il se résout en une histoire. Mais il sert aussi de transition. Au cours de cette histoire, Thorgal mène une quête, une quête intérieure pour combattre l'ennemi intérieur qui l'habite depuis qu'il a retrouvé la mémoire. Il souffre en effet de la culpabilité énorme que lui impose la mémoire des actes de Shaïgan-sans-merci et semble « bloqué » et tiraillé par ses actes passés.

Encore une histoire où il est question de foi, et d'une foi aliénante cette fois-ci. Les adeptes d'Yngvi, l'ermite qui se trouve sur le rocher de Skellingar où a lieu la fameuse épreuve dont parlait l'enfant à Louve au début de l'histoire, sont en effet totalement tournés vers leur « dieu » et en arrivent à négliger leurs tâches quotidiennes, comme les cultures, la pêche, le soin de leurs bêtes... C'est la raison des persécutions du Jarl. Comme toujours, et c'est cet aspect-là que j'apprécie particulièrement dans cet album, tout n'est pas blanc ou noir. Les motivations des uns et des autres s'entendent et se respectent, mais les solutions trouvées par les deux clans sont toutes les deux extrêmes. La présence de Thorgal permet d'envisager une troisième voie, plus respectueuse et pacifique. La figure « christique » du héros se précise, sauf que Thorgal doit passer lui-même par la case « rédemption », ce qui n'est bien sûr pas le cas de Jésus...

Un bon cru, cet album. Visiblement, le changement tant de dessinateur que de scénariste peut apporter un nouveau souffle à la saga. D'autant plus que Vignaux respecte tout à fait le style de Rosinski : on sent que le passage du père de la BD à son successeur s'est fait dans le respect de l'idée de départ. À voir si cela se confirme dans la suite de la saga.

Un dernier mot sur la couverture : Visiblement, c'est Grzegorz Rosinski qui s'en charge toujours. Peut-être pour préserver l'unité graphique ?


Paru aux éditions Le Lombard, 2019. ISBN : 978-2-8036-7372-8


mercredi 22 octobre 2025

Thorgal, tome 36 : Aniel, de Grzegorz Rosinski et Yann


Nous retrouvons toute la bande sur le bateau, mais en mer, et non dans les airs. Sans doute ne peut-il pas voler... Ce qui aurait été plus rapide, mais nous aurait privés d'une nouvelle aventure. Alors qu'ils sont en mer et presque morts de faim, la santé d'Aniel se dégrade encore, mais Lehla à ce moment-là, voit enfin une terre et ils accostent dans le royaume de Zhar, où Thorgal et sa famille s'étaient déjà retrouvés (voir « Le Mal bleu »). Le concours des Myrm va leur être précieux, mais Thorgal va découvrir que la situation a beaucoup changé depuis son dernier passage. EN effet, une tribu de femmes, les Yenhaas, a pris le pouvoir dans la région et il faudra l'inventivité et le courage de Thorgal et de Petrov pour en venir à bout. Cette situation permet à Thorgal de trouver une solution pour sauver Aniel, toujours malade Le temps presse, et le savant Armenos va pouvoir apporter son aide...

Un épisode de « retour » : retour de Thorgal et Aniel au village, retour de Jolan... mais sans qu'on ne sache rien de ses aventures dans l'Entremonde depuis « Le Bateau-Sabre ». C'est un peu frustrant, mais sans doute l'explication viendra-t-elle dans l'un des épisodes suivants ?


Paru aux éditions Le Lombard, 2018. ISBN : 978-2-8036-7217-2


mardi 21 octobre 2025

Thorgal, tome 35 : Le Feu écarlate, de Grzegorz Rosinski et Xavier Dorison


Thorgal et Petrov, son compagnon, ont été faits prisonniers par les magiciens rouges et leurs adeptes. Ces derniers ont maintenant pris le pouvoir à Bag-Dadh, après la défaite du Calife. Mais celui-ci n'a pas dit son dernier mot, puisqu'il a fait appel à l'empereur d'orient Magnus et à ses croisés. Pris dans cet étau, Thorgal et ses amis essaient tant bien que mal de sauver leurs vies, et il se trouve qu'il ne leur reste qu'une solution pour cela : fuir. Heureusement, les « croisés », nommé aussi les « infidèles » par les habitants de Bag-Dadh, se sont aussi alliés au Chaams qui sont venus en renfort avec leurs bateaux volants... C'est bien pratique(!) Salouma a un plan pour leur permettre de fuir, mais Thorgal va découvrir au cours du temps qu'elle n'est pas tout à fait aussi honnête qu'elle en a l'air !

C'est marrant... le fait d'étudier la théologie me permet, depuis quelques épisodes, de faire des rapprochements avec la vraie vie. L'empereur Magnus, comme je l'avais noté dans la chronique précédente, c'est l'empereur romain d'orient. Les croisés, ce sont... les croisés, des soldats – et des croyants ayant pris les armes pour aller délivrer la ville de Jérusalem des musulmans. Et Aniel joue le rôle de l'incarnation dévoyée du prophète Muhammad, ou Mahomet, le « fondateur » de l'Islam, qui, comme le mage rouge de cette histoire, a reçu des mains d'un dieu – ou d'un ange ? - le « livre », le Coran. Le parallèle ici est évident. Ce cycle est en fait une charge contre les religions monothéistes, toutes trois mélangées, puisque le dieu de Magnus n'est pas le Père des Chrétiens, bon et miséricordieux, mais Yavhus, avatar du Yahvé des juifs... Un beau mélange, quoi, pour envoyer un message percutant : les religions sont mauvaises, car elles entraînent les hommes à la violence, à l'intolérance, et Thorgal, lui, est là pour montrer la voie de l'humanisme pacifique. C'est « beau », mais... faux. Mais là n'est pas le problème. Autre point : l'intervention des Chaams (qu'on ne voit d'ailleurs pas, mais qui sont présents grâce aux bateaux volants) tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Dorison semble avoir pris la série en entier et avoir pioché dans celle-ci de quoi permettre au héros de sauver une fois encore sa vie et celles de ses amis, après s'être arrangé dans le scénario pour que la situation soit critique et qu'une sortie autre que la mort soit impossible. Bref, j'ai un peu de mal avec cette histoire et la violence qui en découle. Mais j'aurais dû m'y préparer : les autres scenarii de Dorison m'avaient pourtant habituée à cette violence, à ce sang et à tout ces carnages qu'on voit dans cette bande dessinée. Décidément, cette saga prend un tour de plus en plus glauque et malsain...

Côté graphique, cet album est bien plus noir que le précédent, et on a l'impression d'une descente aux enfers. C'est bien sûr voulu : le « feu écarlate » n'est autre qu'un avatar du feu de l'enfer, et il faut la mort d'un homme pour le contenir et sauver le monde. Et de préférence cette mort doit être donnée par la main de l'« élu », en l'occurrence Thorgal, seul héros capable de sauver le monde. Il joue ici la figure d'un autre Christ, faisant passer l'amour des hommes, y compris de ses ennemis, avant tout le reste. C'est malgré tout bien vu, même si les attaques gratuites contre la religion dans la bande dessinée et la littérature, le cinéma ou les séries commencent sérieusement à m'ennuyer, parce que cela prouve que les détracteurs de la foi chrétienne n'ont tout simplement rien compris à la foi... Mais bon.


Paru aux éditions Le Lombard, 2016. ISBN : 978-2-8036-3548-1

lundi 20 octobre 2025

La Femme de ménage, de Freida McFadden


Millie a absolument besoin de trouver du travail. Elle vient d'être congédiée de son emploi de serveuse au bar où elle travaillait, parce qu'elle a provoqué du grabuge. Ses patrons ne veulent pas lui faire d'ennuis, mais elle doit partir. Elle n'a pas le choix. Millie, ex-taularde, dort dans sa voiture et répond aux petites annonces. Elle postule pour des entretiens d'embauche et est prête à tout pour obtenir un emploi. Elle sait que, dès qu'un employeur potentiel se renseignera sur elle, le travail lui passera sous le nez : qui embaucherait une jeune femme qui sort de prison ?

A sa grande surprise, Nina Winchester l'embauche. Millie sera sa femme de ménage-gouvernante-nourrice pour la fille de Nina, Cecelia, huit ans. Elle va travailler dans une riche et belle maison, dormir dans un lit de camp (c'est mieux que la banquette de sa voiture!) et avoir un salaire. Pour elle, c'est inespéré. Et puis, il y a Andrew Winchester, le beau et riche mari de Nina. Tout semble parfait...

Mais...

Bien sûr qu'il y a un « mais », sans quoi il n'y aurait pas d'histoire. Le « mais », c'est que Nina se comporte comme une folle. Et semble s'ingénier à rendre Millie folle, elle aussi. Heureusement, Andrew est là...


Ce roman est vraiment captivant. Bien écrit, bien construit, même si j'en ai compris assez vite certains ressorts, il tient le lecteur en haleine, de bout en bout.

Et pose de nombreuses questions au passage : que veut Nina ? Qu'a donc fait Millie pour risquer la prison à la moindre incartade ? Pourquoi Andrew aime-t-il toujours sa femme, compte-tenu de l'état de laisser-aller dans lequel elle s'est laissée glisser ? Jusqu'où Millie ira-t-elle ? Et Nina ?

D'autres questions, aussi, mais que je ne formulerai pas pour ne pas gâcher la lecture de ceux et celles qui n'ont pas encore découvert ce roman, se posent. Plus morales, éthiques que les premières.

Je lis beaucoup en ce moment, et j'ai eu beaucoup de mal à ne pas poursuivre ma lecture toute la journée, toute la nuit : il faut bien manger, dormir, travailler...

Mon fils aîné m'a offert ce roman il y a quelques temps, et je l'en remercie ! On passe ici du récit léger de type « New Romance » au thriller psychologique et c'est très bien amené.

La construction aussi est intéressante, avec un récit à deux voix, se complétant l'une l'autre. Deux point de vue sur la même histoire. C'est un très, très bon roman, et son succès est tout à fait mérité ! Si vous ne l'avez pas encore lu, foncez !


Paru aux éditions J'ai Lu, 2023. ISBN : 978-2-290-39117-4


samedi 18 octobre 2025

Thorgal, tome 34 : Kah-Aniel, de Grzegorz Rosinski et Yves Sente


Les magiciens rouges qui ont enlevé Aniel à ses parents arrivent avec l'enfant en vue des côtes où ils devront abandonner leur navire pour poursuivre leur route vers Bag-Dadh à travers le désert. Durant le voyage, l'un de ces mages a enseigné à Aniel beaucoup de choses, en particulier à lire et à écrire.

De leur côté, Thorgal et ses compagnons naviguent toujours en direction de Bag-Dadh eux aussi, et Thorgal profite du voyage pour interroger Salouma, la jeune femme qui lui a parlé du funeste destin qui attend Aniel à son arrivée à destination : la mort. Mais Salouma est plus précise : plus que la mort, Aniel va devenir la réincarnation de Kah-Aniel. Et Salouma en profite pour expliquer à Thorgal ce qui concerne les Magiciens rouges et leur rôle dans l'équilibre des pouvoirs à Bag-Dadh.

Là encore, deux histoires parallèles, mais intimement liées. D'une part le périple de Thorgal et de ses compagnons, d'autre part l'arrivée d'Aniel avec les mages rouges et leur projet de réincarnation de l'enfant. Thorgal arrivera-t-il à temps pour récupérer son fils ?


Graphiquement, l'album est très beau, et le jeu des couleurs permet d'alterner les parties « racontées » par Salouma et la « réalité » vécue par les personnages. Du point de vue narratif, l'intrigue est de plus en plus complexe, avec de nombreuses incursions narratives dans le récit, mais aussi des va-et-viens entre le trajet suivi par Thorgal, celui suivi par Aniel, et la troisième « équipe » de ce tome : un complot est en cours contre le Calife, complot ourdi par son épouse avec l'aide de son Wazir. Et puis il y a ce personnage qui suit comme une ombre les autres, et dont on ne sait encore rien, sinon qu'il communique par pigeons voyageurs. Un espion, quoi. Il va falloir attendre l'album suivant pour en savoir plus.

Moins d'enthousiasme, de ma part, dans cet album pourtant très beau graphiquement. J'ai l'impression que l'intrigue s'enlise, et les relations de Thorgal et Salouma ne me semblent pas dignes du héros amoureux de sa femme Aaricia... Je n'aimerais pas que cette série tombe dans le vulgaire et le convenu, avec des intrigues amoureuses indignes de la belle relation des deux époux... C'est bien cette relation qui fait l'originalité de cette série, ce serait dommage qu'elle soit gâchée par de vulgaires coucheries...


Paru aux éditions Le Lombard, 2013. ISBN : 978-2-8036-3345-6