
Au village
viking, Louve est rentrée de ses aventures (c'est la série
parallèle « Louve » dont j'ai chroniqué les deux
premiers épisodes ici et là), et discute avec Yasmina, petite
guenon qui, visiblement, n'en est pas une (mais je ne sais pas trop
comment elle est devenue guenon, c'est dans la suite des aventures de
Louve que je le lirai). Un bateau arrive au port, pour des
réparations. Louve, qui attend sur le port le retour de Thorgal et
de Jolan parus à la pêche, discute avec un enfant qui vient de
descendre de ce bateau, où tout le monde porte un habit bleu et un
pendentif en forme d'oiseau. Le jeune garçon explique à Louve qu'il
attend d'être assez grand pour passer l'épreuve au rocher de
Skellingar, mais Louve ne le prend pas au sérieux. Thorgal et Jolan
rentrent de la pêche et accostent juste à côté du bateau qui fait
escale pour réparations. Une jeune fille est toujours à bord :
elle est vêtue d'un long manteau bleu et observe Thorgal de loin. Ce
dernier n'y fait pas attention, mais il est rude avec Jolan, comme
s'il était en colère ou énervé. On comprend ensuite pourquoi :
il fait continuellement un cauchemar, où il doit se battre contre
Shaïgan-sans-merci, c'est-à-dire contre lui-même.Et visiblement,
ce cauchemar le met à cran. Mais au cours de cette même nuit, il
est réveillé par le cri perçant de la petite guenon, juste avant
qu'une ombre ne vienne poignarder. Yasmina intervient et, son coup
raté, l'ombre s'enfuit dans la nuit, poursuivie immédiatement par
Thorgal et Jolan, bien décidés à ne pas laisser cette personne
recommencer plus tard.
L'ombre
court vite, et Thorgal n'a d'autre choix que de l'empêcher de
continuer en la blessant à l'aide d'une flèche. Mais la jeune fille
tombe alors de la falaise où elle se trouvait et Jolan ne peut rien
faire : les dégâts sont trop importants. Elle va mourir très
vite. Thorgal a le temps d'écouter ce qu'elle a à dire : elle
voulait le tuer car Shaïgan-sans-merci a tué sous ses yeux toute sa
famille.
En
l'écoutant, Thorgal comprend aussi que les membres du groupe
religieux dont elle fait partie sont persécutés par le Jarl
Ivarr-le-Glacé et, pour réparation, elle demande le prix du sang :
la vie d'Ivarr contre la sienne. Thorgal promet, et prend la mer pour
tenir sa promesse.
C'est ainsi
que commence cet album, plus « classique » que les
précédents en ce qu'il se résout en une histoire. Mais il sert
aussi de transition. Au cours de cette histoire, Thorgal mène une
quête, une quête intérieure pour combattre l'ennemi intérieur qui
l'habite depuis qu'il a retrouvé la mémoire. Il souffre en effet de
la culpabilité énorme que lui impose la mémoire des actes de
Shaïgan-sans-merci et semble « bloqué » et tiraillé
par ses actes passés.
Encore une
histoire où il est question de foi, et d'une foi aliénante cette
fois-ci. Les adeptes d'Yngvi, l'ermite qui se trouve sur le rocher de
Skellingar où a lieu la fameuse épreuve dont parlait l'enfant à
Louve au début de l'histoire, sont en effet totalement tournés vers
leur « dieu » et en arrivent à négliger leurs tâches
quotidiennes, comme les cultures, la pêche, le soin de leurs
bêtes... C'est la raison des persécutions du Jarl. Comme toujours,
et c'est cet aspect-là que j'apprécie particulièrement dans cet
album, tout n'est pas blanc ou noir. Les motivations des uns et des
autres s'entendent et se respectent, mais les solutions trouvées par
les deux clans sont toutes les deux extrêmes. La présence de
Thorgal permet d'envisager une troisième voie, plus respectueuse et
pacifique. La figure « christique » du héros se précise,
sauf que Thorgal doit passer lui-même par la case « rédemption »,
ce qui n'est bien sûr pas le cas de Jésus...
Un bon cru,
cet album. Visiblement, le changement tant de dessinateur que de
scénariste peut apporter un nouveau souffle à la saga. D'autant
plus que Vignaux respecte tout à fait le style de Rosinski : on
sent que le passage du père de la BD à son successeur s'est fait
dans le respect de l'idée de départ. À voir si cela se confirme
dans la suite de la saga.
Un dernier
mot sur la couverture : Visiblement, c'est Grzegorz Rosinski qui
s'en charge toujours. Peut-être pour préserver l'unité graphique ?
Paru aux
éditions Le Lombard, 2019. ISBN : 978-2-8036-7372-8