samedi 29 avril 2023

L'Insoumis, de John Grisham

 



Sebastian Rudd est avocat. Mais un avocat qui semble quelque peu borderline : sur liste rouge, il sort armé, son bureau est dans un van blindé et son chauffeur lui sert aussi de garde du corps, d’assistant juridique et, accessoirement, est son unique ami. Divorcé et père d’un jeune garçon, il est perpétuellement en conflit avec son ex-femme, avocate elle aussi et lesbienne, concernant la garde de l’enfant. Sebastian part du principe que tout accusé, coupable ou non, doit être défendu au mieux et il accepte donc les clients dont aucun avocat ne veut assurer la défense : les junkies, chefs mafieux, personnes visiblement coupables…

J’ai été quelque peu déroutée par ce roman. Non pas par l’histoire elle-même, mais par sa construction. J’ai d’abord eu l’impression que le roman était en fait une suite de nouvelles sans rapport les unes avec les autres, à l’exception du personnage principal, Rudd, donc, et de Partner, son chauffeur-assistant-garde du corps-ami. Sauf que… non. Pas vraiment.

Pourtant, c’est bien de plusieurs histoires qu’il s’agit, et en elles-mêmes, elles sont vraiment intéressantes, bien écrites, au rythme enlevé et soutenu, avec un certain nombre de rebondissements, imprévus et tout ce qu’il faut pour en faire de bons récits addictifs.

Sauf qu’il y a une sorte d’histoire dans l’histoire. Ou plus exactement, le propos réel de l’auteur semble être ailleurs que dans le récit de ces histoires personnelles.

En réalité, ce que John Grisham fait à travers ce roman, c’est surtout pointer, pour le lecteur, un certain nombre de questions qu’on est en droit de se poser concernant la justice américaine. Et il n’y a pas à dire : tout le monde, ici, en prend pour son grade, depuis la police jusqu’aux juges et avocats, sans compter le procureur bien sûr…

Insoumis, Rudd l’est réellement, face aux dérives du système judiciaire de son pays. Mais il le connaît si bien qu’il n’hésite pas non plus à l’utiliser pour le bien de son client, c’est-à-dire pour obtenir pour lui, s’il est coupable, la plus petite peine possible, ou, s’il est innocent, pour le faire acquitter. Il n’y a là rien de répréhensible : c’est exactement comme ça que devrait fonctionner la justice : en punissant les coupables et en libérant les innocents. Et Rudd a cette honnêteté de prévenir ses clients (ceux qui sont coupables) qu’une libération est inenvisageable, mais aussi de se battre bec et ongles pour épargner la prison à un client qu’il sait être innocent, allant jusqu’aux limites du droit pour ce faire.

Je ne connais pas assez le système judiciaire américain pour avoir un avis quant à la véracité de ce que dénonce John Grisham dans ce livre, mais je suppose qu’on peut lui faire un large crédit dans ce domaine : il a travaillé pendant dix ans comme avocat avant de devenir célèbre pour ses romans comme La Firme ou L’Affaire Pélican, parmi d’autres, tous deux portés à l’écran et qui comptent parmi les films qui m’ont marquée. (J'avoue que j'ignorais totalement qu'au départ, il s'agissait de romans de John Grisham, dont je connaissais pourtant le nom. L'étendue de mon inculture me surprend sans cesse... !)

J’ai, vous l’aurez compris, pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, qui me semble à la fois assez noir pour mériter sa qualification de « Thriller », sans être gore pour autant. Bien écrit, je l’ai déjà dit, il donne à voir un système judiciaire qui pourrait être rébarbatif à décrire, tant les procédures sont longues en général (la séquence de la sélection des jurés civils par exemple s’étale sur plusieurs semaines), mais qui réussit ce tour de force de les présenter de façon captivante sans donner pour autant une image excessivement dramatique ou extravagante, hors du réel comme ça arrive trop souvent dans nos histoires, films et séries policières. Bref, une bonne lecture, pour ceux qui ne connaissent pas encore !

Paru aux éditions LGF, 2017 (Le Livre de Poche). - ISBN : 978-2-253-08651-2.

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