Changement
brutal, de lieu, d'ambiance, de ton, de style, avec ce second roman
policier sorti du même carton que Le Meurtre de Roger Ackroyd.
Ici, le ton est sec, rapide, les phrases parfois lapidaires, voire
inexistantes dans leur forme classique, avec un sentiment d'urgence
qui pointe à chaque ligne. Effet de style, l'auteur utilise les
phrases nominales pour décrire les situations dans lesquelles il
place ses personnages, comme pour mieux plonger le lecteur dans
l'urgence et le stress de l'enquête. Et ça fonctionne plutôt bien.
Jeanne
Korowa est une juge d'instruction parisienne de 35 ans. Elle est
dépressive, vit seule, mange peu, est carencée et névrosée...
mais compétence. Une affaire financiaro-politique lui est confiée,
mais elle se laisse vite déborder par ses ennuis personnels et
franchit les lignes déontologiques que son métier lui interdit de
transgresser... De toute façon, cette enquête ne l'intéresse pas
plus que cela. Celle sur laquelle son collègue François Taine
travaille, en revanche, l'interpelle grandement et justifie à ses
yeux les nombreuses entorses qu'elle fait aux règles qui prévalent
dans son métier.
Le roman est
construit en trois parties. Dans la première, le lecteur assiste à
l'enquête « officielle » et aux débordements de
l'héroïne. Pour ma part, j'ai trouvé cette partie un peu agaçante
dans la mesure où Jeanne semble dotée de tous les pouvoirs, de tous
les droits, et, surtout, de toutes les capacités. C'est un peu une
héroïne de bande dessinée façon « vengeur masqué »,
loin des personnages que l'on rencontre d'habitude dans les romans
policiers.
Dans les
deuxième et troisième parties du roman, on bascule carrément dans
le roman d'aventures et, pour le coup, même si c'est encore plus
abracadabrantesque qu'au début, au moins, j'ai eu le sentiment que
l'auteur assumait le caractère et les frasques de son héroïne (ou
peut-être me suis-je attachée à elle entre les deux ?).
Toujours est-il que j'ai apprécié ce côté aventureux, même si
j'ai eu l'impression d'un certain manque de crédibilité parfois...
86 chapitres
au total, mais heureusement pour moi, en cette période de grande
fatigue, ces chapitres sont très courts et le rythme est rapide,
tant celui du récit que celui de la langue. Aucun risque, donc, de
s'endormir.
Malgré les
quelques petites réserves évoquées plus haut, j'ai été bluffée
devant les recherches que ce livre doit avoir nécessité. On en
apprend pas mal sur, pêle-mêle : l'Amérique latine,
l'autisme, la psychanalyse, les conflits internationaux, les juntes
militaires dans l'histoire sud-américaine, le cannibalisme, la
génétique, l'anthropologie, voire la paléo-anthropologie... Oui,
j'ai pris plaisir à découvrir ces univers, même si c'est
finalement au travers d'un périple assez improbable.
Au final, ce
roman, sans être un coup de cœur, est quand même un très bon
divertissement, que j'ai eu beaucoup de mal à lâcher pour dormir
durant les deux jours qu'il m'aura fallu pour « dévorer »
les 628 pages...
Paru aux
éditions LGF, 2011 (Le Livre de Poche). ISBN : 978-2-253-15848-6.
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