samedi 6 mars 2021

Nickel Boys, de Colson Whitehead


Floride, années 1960. Elwood Curtis, un jeune idéaliste afro-américain, croit en l’éducation pour s’en sortir. Courageux, travailleur et pacifiste, pétri du message de paix de Martin Luther King qu’il écoute en boucle sur un disque noir, il est sur le point d’entrer à l’université quand, à la suite d’une erreur judiciaire, il est envoyé à la Nickel Academy, une maison de correction pour jeunes garçons, blancs et noirs séparés, dont la volonté affichée est de faire de ces jeunes délinquants des « hommes honnêtes et honorables ».

La réalité est aux antipodes des brochures officielles. Et Elwood, comme les autres jeunes incarcérés avec lui, va en faire la triste et douloureuse expérience. Dans cet univers de douleur, de corruption de tortures où règnent la délation, la loi du plus fort et la terreur, Elwood trouve toutefois en Turner, un jeune détenu dans le même bâtiment que lui, un précieux allié. Une idée germe peu à peu : quitter les lieux, à tout prix…

J’avais déjà lu l’excellent « Underground Railroad », du même auteur, sur un thème voisin, celui de l’esclavage. Ici, il est surtout question de la ségrégation raciale aux États-Unis et du combat que les Afro-Américains, pourtant nés sur place, ont du mener pour avoir seulement le droit d’exister en tant qu’êtres humains au pays de l’Oncle Sam. Même si le roman est centré sur les États-Unis dans les années 1960, il n’en est pas moins d’actualité un peu partout dans le monde. J’écris ces lignes le jeudi 4 mars 2021. Et hier, le mercredi 3 mars, la France a admis, par la bouche de notre président Emmanuel Macron, sa responsabilité dans l’assassinat de l’avocat algérien Ali Boumendjel en 1957, défenestré après avoir été torturé. Le sujet développé par Colson Whitehead est donc brûlant d’actualité… Et la France, pays des droits de l’homme, n’est pas plus vertueuse que les États-Unis ou d’autres pays du monde en la matière…

Ce livre est passionnant. Très bien écrit, très bien documenté aussi, il relate, sous couvert de fiction, des événements bien réels, eux. C’est ce qui fait sa force : le roman met les faits à distance pour les rendre supportables, tout en en dénonçant sans fard les horreurs. Les mots décrivent parfaitement l’abjecte réalité de ces maisons de correction, véritable double peine pour les jeunes délinquants qui, en plus, ont eu le malheur de naître avec la mauvaise couleur de peau.

Puisse cet ouvrage ouvrir les yeux de ceux qui le liront sur l’horreur de ce véritable fléau qu’est, depuis toujours, le racisme...

Paru aux éditions Albin Michel, 2020 (Terres d’Amérique). - ISBN : 978-2-226-44303-8.


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