mercredi 1 mars 2023

La Voix de Zazar, de Geoffroy Monde


Cette bande dessinée est un cadeau de mon frère, pour Noël, et je dois dire que l'avertissement qu'il m'en a donné (à savoir : « Ne t’arrête pas au graphisme, ça a l’air enfantin, mais le thème de l’histoire ne l’est pas du tout. ») m’a intriguée et en même temps un peu déstabilisée.

J’ai finalement ouvert cette bande dessinée, qui est plutôt un roman graphique, je dirais, constitué de différents chapitres au graphisme effectivement épuré, et qui fonctionne visuellement sur des unités de couleurs. Par exemple, le premier chapitre, où on rencontre le personnage de Carol, est essentiellement en noir et rouge, à l’exception des moments de flashbacks… Un grand classique, me direz-vous.

Alors, de quoi ça parle, « La Voix de Zazar » ? Eh bien de Carol, justement. Il est parti sur un vaisseau spatial, en croisière, en même temps que sa femme, mais en clandestin. Et quand il se réveille de son sommeil léthargique, il découvre qu’il est seul à bord, à l’exception des cadavres qui jonchent les sols du vaisseau. Il s’aventure peu à peu de plus en plus avant dans le vaisseau, parvient à trouver de quoi survivre (et c’est assez déroutant, je dois bien le dire), puis à se faire connaître d’un vaisseau de sauvetage qui finit par le retrouver. Commence alors la période de récupération du naufragé, sa réadaptation au monde des vivants, et ce n’est pas simple non plus compte-tenu du temps où il est resté seul à bord du vaisseau fantôme, dans l’obscurité la plus complète. Il apprend aussi peu à peu ce qui s’est passé à bord du vaisseau, où sont passés les autres passagers (et sa femme en particulier), ce qu’ils sont devenus, et à qui ils doivent cette situation.

Je ne vous raconterai pas la fin, pour ne pas « spoiler » les lecteurs qui découvriraient cet album. Je vais en revanche vous donner mon avis.

C’est effectivement une bande dessinée pour adultes, et pour adultes exclusivement. Ne la mettez pas dans les mains d’enfants, ils pourraient être choqués par certaines choses, et notamment par la manière employée par Carol pour survivre seul dans le vaisseau.

Ce qui m’a semblé particulièrement intéressant, dans cette histoire, c’est le côté psychologique du personnage. Avec peu de mots, avec quelques images et un graphisme plutôt simple, l’auteur dessine un personnage perturbé, qui tente de sortir du traumatisme qu’il a vécu lors de son isolement forcé dans l’espace. Il est très souvent difficile, au cours de la lecture, de savoir à quel niveau on en est. Est-ce la réalité ? Le présent ? Le délire de Carol que nous avons sous les yeux ?

En réalité, j’ai eu l’impression de plonger directement dans l’esprit dérangé d’un homme profondément traumatisé, qui a perdu pied avec la réalité et semble s’être construit sa propre réalité, son propre monde, ce qui le pousse par la suite à aller jusqu’au bout de la vengeance… ou de l’amour, selon le point de vue que l’on adopte.

J’ai été pas mal perturbée au début par le graphisme et l’univers de l’auteur (que je ne connaissais pas du tout). L’ambiance est plutôt noire, même s’il y a par moment des bulles de respiration et de rire, mais c’est plutôt sombre et désespérant dans l’ensemble. Ceci dit, j’ai vraiment beaucoup apprécié cette bande dessinée, cette histoire… elle fait sans doute un peu écho à ce que je vis personnellement en ce moment (non, je ne suis pas partie en croisière intergalactique, rassurez-vous!) au niveau de mon travail : depuis le 1er janvier, j’ai changé de métier et je suis devenue aumônier dans un hôpital psychiatrique pas très loin de chez moi. Alors je suis amenée à rencontrer et à échanger avec de nombreuses personnes qui ont, elles aussi, vécu des traumatismes. Et comme dans cette bande dessinée, la réalité et la fiction peuvent s’interpénétrer…

Ah oui… et Zazar ? Il s’agit d’un personnage de publicité. Mais aussi de la « voix » de celui qui accompagne Carol tout au long de cette histoire… Il devait bien en avoir une, pour Carol, non ?

Paru aux éditions Atrabile. ISBN : 978-2-88923-122-5.

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