samedi 13 mai 2023

Les Gratitudes, de Delphine de Vigan


J'aime beaucoup ce qu'écrit Delphine de Vigan (et d'ailleurs, il y a déjà sur ce blog plusieurs recensions de ses ouvrages, comme ici, ici, ou encore ). Dans cet opuscule récent (à mon échelle bien sûr, étant donnée mon incapacité chronique à suivre l'actualité littéraire), il est question d'une femme âgée, Michka, d'une jeune femme, Marie et d'un jeune homme, Jérôme, trois personnages très attachants. Le récit est à trois voix, chacun des personnages prenant tour à tour la parole, et s'attaque justement à cette question de la parole, des mots pour se dire, pour s'exprimer, pour dire les maux de la vie...

Michka est le personnage principal de ce roman. Femme âgée, elle éprouve une grande tendresse pour Marie, sa jeune voisine, qui a quasiment grandi à ses côtés, dont elle a pris soin en l'absence des parents. Une fois arrivée à l'âge adulte, c'est Marie qui a pris soin d'elle, lui rendant ce que Michka avait fait pour elle. Une forme de gratitude, comme le dit si bien le titre. Un remerciement, en quelque sorte, mais bien plus qu'un simple merci : un attachement affectif profond et sincère, qui permet d’aller au-delà des maux et des mots.

Jérôme, le troisième personnage-clé de ce récit, intervient plus tardivement dans l’histoire de ces deux femmes. Mais son rôle est lui aussi déterminant à bien des égards. Orthophoniste, il intervient auprès de Michka pour l’aider à ne pas perdre trop vite les mots qui commencent à lui faire défaut. Et, tout comme Marie avant lui, il s’attache peu à peu à cette patiente drôle, indisciplinée, mais aussi intéressée et inquiète de ce qu’il devient, de ses relations complexes avec son père. Autant il soutient Michka dans sa perte d’autonomie, autant Michka le titille pour lui permettre de voir, dans le quotidien complexe et rapide dans lequel il est pris, ce qui compte le plus, en définitive.

J’ai découvert ce livre lors d’une formation sur la fin de vie, en lien avec mon nouveau travail d’aumônier à l’hôpital. Bien sûr, il parle de la fin de vie. De maison de retraite, de perte d’autonomie, de vieillissement, de sénilité… il parle de tout cela, mais il parle aussi – et surtout – de rapports humains, de liens noués, renouvelés, dénoués aussi. Il aborde toutes ces questions avec beaucoup de pudeur et de retenue, pas mal d’humour aussi (notamment dans le choix des mots de Michka!) alors que ce qui est décrit pourrait faire peur.

Parce que le vieillissement fait partie de l’histoire normale de chacun, parce que la vieillesse n’est pas forcément synonyme de tristesse ou de déliquescence, Delphine de Vigan aborde ce thème, très intime et personnel, avec beaucoup de pudeur, je l’ai déjà dit, mais aussi avec beaucoup de tendresse. Ce livre fait du bien, vraiment. Il donne à voir le vieillissement non pas comme une catastrophe, mais comme une nouvelle étape de la vie, d’une part, et comme une phase préparatoire au grand passage dans l’au-delà. Il se dégage de ce livre beaucoup de douceur, de calme, de paix. Et donne à voir la mort un peu autrement, comme une fin de cycle, oui, et comme aussi une promesse de renouvellement, de continuation autrement, dans les mémoires, les souvenirs, des personnes qui ont connu le(la) défunt(e). C’est un livre qui fait vraiment du bien.

Paru aux éditions LGF (Le Livre de Poche), 2021. ISBN : 978-2-253-93428-8.

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