J'ai une
tendresse particulière pour les récits de Delphine de Vigan. A
chaque fois, j'ai été quasiment subjuguée, et toujours, le récit,
l'écriture, le rythme des mots m'ont happée, emportée, au point de
me scotcher littéralement à mon canapé et de m'empêcher de le
quitter avant d'avoir terminé ma lecture. Ce livre-ci n'a pas fait
exception. Et pourtant, je m'en méfiais. J'ai toujours un peu de mal
avec les livres qui sont déjà des best-seller avant même d'être
sortis ou presque. Je crains toujours le coup marketing et j'attends
donc souvent longtemps avant de les lire. J'attends que l'attention
soit détournée vers un autre livre, pour voir s'il s'agit d'un
effet de mode ou si on continue à en parler. Et souvent, ensuite,
j'oublie, et me souviens du titre lorsqu'il sort en poche. Ce qui
explique aussi que je suis rarement déçue dans mes lectures !
Bref, ici,
donc, je me méfiais aussi, mais si je ne l'ai pas lu à sa sortie,
c'est aussi par manque de temps. Et puis nous l'avons commandé à la
bibliothèque où je travaille (dans le social), et j'en ai lu
beaucoup de bien sur les blogs. Il était aussi dans les propositions
pour les matchs de la rentrée littéraire (auxquels j'avais
participé en lisant 1Q84). Je n'en avais lu que du bien, et ma
collègue, qui l'a lu avant moi, ne m'en a dit que du bien. Je
n'avais donc plus aucune raison de le bouder.
Et je l'ai
ouvert, sans pouvoir ensuite le refermer avant d'arriver à la
dernière page (j'ai vraiment dû me faire violence pour aller me
coucher, le soir du vendredi saint, vous pouvez me croire !).
Delphine de
Vigan raconte ici avec beaucoup de détails mais aussi une certaine
réserve, avec des nuances, des précisions, souvent de l'humour
aussi et une immense tendresse, la vie de sa mère Lucile, depuis sa
petite enfance jusqu'à son décès. Elle raconte les drames
familiaux, la maladie, les suicides, la manière dont elle a vécu
les crises de sa mère, la solidarité familiale, les non-dits...
pour aller à l'essentiel, l'histoire d'une famille comme tant
d'autres. Non pas que toutes les familles ressemblent à celle-ci,
loin de là, mais toutes les familles connaissent leurs joies et
malheurs, leurs personnalités troubles ou lumineuses, et, surtout,
leurs difficultés, qu'elles soient d'ordre médical, financier,
professionnel, mental ou personnel... On rencontre ici des
personnages hors du commun, en commençant par Liane et Georges, les
parents de Lucile, et leurs nombreux enfants. Ce pourrait être une
famille presque normale, si elle n'était marquée par plusieurs
drames successifs, parfois assez rapprochés dans le temps
d'ailleurs, qui l'ont ébranlée sans pourtant la démolir
entièrement. De sacrées personnalités, donc, qui font face comme
ils peuvent à la souffrance, à la mort, à la maladie, et dont on
se demande comment ils arrivent à ne pas sombrer plus nombreux dans
la folie...
Mais
globalement, il s'agit d'une histoire de famille, qui serait presque
banale si ce n'était la construction du récit, ou plutôt le récit
dans le récit. Parce que l'auteur nous partage, en même temps
qu'elle nous fait découvrir la vie de sa famille, depuis ses
grands-parents jusqu'à sa propre histoire, comment elle est parvenue
à écrire ce texte, quelles étapes elle a dû traverser, quels
doutes elle a dû surmonter pour aller jusqu'au bout de l'écriture.
Écrire sur sa famille, je l'ai tenté aussi, et je sais à quel
point c'est difficile, à quel point on peut se mettre en danger
vis-à-vis de ses proches (ou moins proches, peut-être encore plus
d'ailleurs, parce qu'ils sont sans doute moins bien placés pour
comprendre). Finalement, ce que je retiens ici, c'est moins
l'histoire de Lucile que le processus d'écriture. On perçoit très
bien, à travers le récit, combien ce texte pouvait être nécessaire
à l'auteur, combien il était important pour elle de l'écrire.
Parce que l'écriture c'est ça, finalement, ce besoin de libérer
les mots, les émotions, les cris qui, sans cela, resteraient muets,
emprisonnés, étouffants, voire suffocants. Certains le font par la
musique, la peinture, ici, ce sont les mots, parfois violents, mais
toujours empreints de tendresse. J'ai littéralement été fascinée.
Et, du coup,
j'ai envie de m'y remettre. Un gros, gros coup de cœur !
Paru aux
éditions JC Lattès, 2011. ISBN : 978-2-7096-3579-0.
Je commence ce livre ce soir...j'ai beaucoup aimé "les heures souterraines " que j'ai lu il y a quelques semaines.
RépondreSupprimerJe viens de terminer " clair de femme de Romain Gary qui m'a bouleversé...je vais essayer de le chroniquer!
Alors bonne lecture, il est vraiment formidable, même si un peu dur.
RépondreSupprimerRomain Gary, je n'ai jamais lu, mais je crois qu'un jour, il faudra que je m'y mette : Asphodèle en dit tellement de bien !
Merci pour ton passage ici !
mêmes impressions que toi, j'ai été touchée et bluffée!
RépondreSupprimerOui, c'est ça : touchée... Merci de ton passage !
SupprimerJ'ai adoré aussi, même si c'est une lecture éprouvante. je compte aussi lire "Jours sans faim" aussi.
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec toi ! Et "Jours sans faim" s'éclaire d'un jour nouveau à la lecture de "Rien ne s'oppose à la nuit"... :)
SupprimerBeau billet ! Et livre superbe et émouvant !
RépondreSupprimerOh que oui !
Supprimer