Ce roman
porte le sous-titre « Une enquête du moine-soldat Galceran de
Born ». De fait, ce n’est que dans les dernières pages que
l’on comprend le lien avec le titre du livre.
Décidément,
je ne suis pas fan de Matilde Asensi. Pourtant, l’histoire avait de
quoi me plaire.
Galceran
de Born, moine-chevalier de l’ordre des Hospitaliers, est mandaté
par le Pape pour retrouver le trésor des Templiers, dont l’ordre
vient d’être dissout. L’intrigue se passe au début du XIVe
siècle. Galceran, surnommé le Perquisitore, est médecin et
un remarquable enquêteur. Sa renommée le met en première ligne et
il accepte la mission qui va le conduire de Rhodes à Avignon, puis à
Paris, pour aller ensuite jusqu’à Saint Jacques de Compostelle, et
même au-delà, afin de mener à bien la mission que lui a confiée
le Pape.
En route,
il rencontre Sara, une étrange jeune femme juive qui connaît tous
les arts de la magie. Il est aussi accompagné de Jonas, dont on
apprend très vite qu’il est le fils naturel de Galceran, né des
amours juvéniles de ce dernier avec Isabelle de Mendoza, que
Galceran s’est donné pour mission personnelle de retrouver.
Les
choses, bien sûr, vont se compliquer, sinon ce roman serait un peu
plat. Et j’avoue que l’intrigue est bien menée, bien écrite et
très prenante. En gros, on a vraiment envie de savoir ce qu’il va
advenir des personnages et de leur quête.
Seulement,
je suis déçue. Du point de vue de l’évolution des personnages,
j’ai simplement eu l’impression que l’auteur a repris la même
trame que pour Ottavia, la religieuse qui finit par quitter son ordre
pour vivre avec Farag, dans « Le Dernier Caton ». Même
chose ici : Galceran quitte les Hospitaliers pour vivre avec
Sara, renonçant à ses vœux.
Ce qui me
gêne ici, c’est la profonde immoralité du personnage principal,
qui devient, pour moi, un véritable « anti-héros »,
mais pas dans le sens où l’on entend habituellement ce terme. Ici,
il ne s’agit pas du tout du personnage principal qui n’a rien
d’un héros mais qui va quand même se retrouver dans l’obligation
de résoudre l’énigme malgré lui. Non, il s’agit là d’un
héros sympathique au départ, doté de facultés impressionnantes et
plutôt sympathique, avec des principes élevés, qui se retrouve
gagné par l’esprit du monde (tout comme Ottavia dans « Le
Dernier Caton »), et dont la figure héroïque se métamorphose
petit à petit en celle d’un homme banal, qui n’a plus rien de
l’homme exceptionnel qu’il était au départ. Galceran use et
abuse du mensonge, de la manipulation (à l’encontre de Jonas, en
particulier), sans parler du fait que l’auteur lui fait vivre des
choses contraires à son état de vie, tout en présentant ce
reniement comme une bonne chose pour l’épanouissement de son
personnage principal. Ce retournement est exactement le même que
dans « Le Dernier Caton » : l’auteur, à la fin de
son récit, montre le retournement de la situation comme un bien
objectif, alors même que l’histoire n’est que trahison,
revirements, manquements à la parole donnée et aux engagements
pris… On nage donc en plein relativisme, et cet aspect m’est
purement et simplement insupportable. Il est, hélas, bien dans
l’esprit du monde d’aujourd’hui où l’on veut faire passer
des choses intrinsèquement mauvaises pour des choses bonnes…
En creux,
Matilde Asensi dit qu’il n’est pas possible d’être pleinement
heureux si on ne vit pas une vie sexuelle épanouissante. De fait,
elle dénature la vocation religieuse et le célibat, qui n’est
sous sa plume qu’un pis-aller pour celui (ou celle) qui a donné sa
vie à Dieu, jusqu’à ce qu’il (ou elle) ait rencontré l’âme
sœur. C’est méconnaître totalement les conditions de vie et
d’accès à la vie religieuse et, surtout, les raisons pour
lesquelles des hommes et des femmes acceptent cet état de vie.
Je sais
bien que l’histoire se passe au Moyen-Âge. Et sans doute aurais-je
été moins catégorique si j’avais lu « Iacobus »
avant « Le Dernier Caton », parce qu’au Moyen-Âge, il
est possible que nombre de religieux et de religieuses n’aient pas
réellement choisi d’entrer dans les Ordres. Mais là, il se trouve
que Matilde Asensi utilise les mêmes ressorts pour des intrigues
différentes, dont l’une se situe au début du XXIe siècle, où la
crise des vocations dans l’Église, qu’il s’agisse des
vocations sacerdotales ou religieuses, fait penser qu’il ne s’agit
plus du tout d’un non-choix ou d’une erreur de parcours…
Alors soit
il s’agit d’ignorance de la part de l’auteur, mais j’en doute
fortement, si on regarde l’érudition dont elle fait preuve dans
ces deux romans, soit c’est une volonté délibérée et une sorte
de message que l’auteur veut faire passer.
Soit.
Je veux
bien que l’écriture, y compris de fiction, soit un moyen de faire
passer une idée. C’est finalement à cela que servent les livres.
C’est juste dommage que ce soit le même message plusieurs fois de
suite ! Je suis sûre que Matilde Asensi a bien d’autres
choses à dire…
Ceci
étant, j’ai beaucoup aimé la coïncidence qui a voulu que je lise
ce roman où les personnages sont sur le chemin de Compostelle au
même moment que le chemin que faisait ma cousine vers St Jacques…
Elle postait sur Facebook des photos de son périple et, plusieurs
fois, ces photos montraient les mêmes villages que ceux que
traversaient Galceran et ses compagnons… Marrant, non ?
Paru
aux éditions Gallimard (Folio Policier), 2007. - ISBN :
978-2-07-030088-4.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire