Nous
retrouvons Yoko, Emilia, Rosée, Vic, Pol, Mieke et Angela en Écosse,
dans le cottage que Cécilia a mis à la disposition de Yoko et de
ses amis afin qu’ils aient un pied-à-terre discret. C’est
apparemment là que toute la bande a élu domicile depuis « La
Servante de Lucifer », et Khany connaît bien l’endroit pour
y avoir retrouvé Yoko et rencontré Emilia. Là encore, Khany
revient de l’espace et s’invite dans la nuit écossaise, après
la destruction par Emilia d’un robot qui survolait la propriété
et s’en est pris à Yoko. L’engin explose en vol et fonce droit
dans le lac où Khany et Yoko vont le récupérer. Apparemment, ce
robot prend Yoko pour Khany et celle-ci est inquiète pour la
sécurité de son amie, d’où son arrivée nocturne.
Khany
explique ainsi à Yoko qu’elle a découvert un programme lancé par
Karpan (voir « Le Trio de l’Étrange » et « La
Forge de Vulcain ») et dont un sujet est présent au sein d’une
section d’adolescents en léthargie que Lâthy et Khany étaient
chargées de vérifier. Or ce programme consiste en une purification
de la terre en y éliminant microbes et bactéries, afin de permettre
aux Vinéens alliés à Karpan de conquérir la surface terrestre
sans danger. Ce programme a bien sûr été arrêté, car il
détruirait toute vie sur Terre. Mais il était enregistré dans la
mémoire d’une surdouée que, par prudence, les Vinéens ont alors
maintenue en léthargie. Sauf que l’adolescente en question s’est
échappée de son étui et a utilisé une navette pour se rendre sur
Mars, où elle compte profiter d’un « accélérateur-lanceur »
pointé vers la Terre pour y activer le programme. Le danger de voir
la vie s’éteindre sur Terre est donc réel, aux dires de Khany, et
celle-ci invite Yoko à se joindre à elle pour aller sur Mars
récupérer l’adolescente et le programme afin de préserver leurs
vies à tous.
Yoko
décide d’accepter la mission, en emmenant avec elle Vic, Pol,
Emilia et Rosée. Poky et Lâthy font bien sûr partie du voyage et
l’équipage se met rapidement en route. Mais Yoko découvre
rapidement que Khany ne lui a pas tout dit sur l’origine de
l’adolescente qu’elles sont chargées de récupérer. En réalité,
cette jeune fille est issue de manipulations génétiques : il
s’agit d’un « être hybride aux vertus vinéennes et
terriennes capable de résister aux agents pathogènes qui infestent
la Terre. » Seulement cet être biologique artificiel n’est
pas capable de réflexion et uniquement programmé pour exécuter le
plan qui lui a été inculqué…
Les deux
jeunes femmes mettent les pieds sur Mars et y sont accueillies par
des robots qui les emmènent dans le sous-sol de la planète Rouge où
elle vont découvrir un complexe d’origine vinéenne ainsi que le
fameux lanceur. Elles y rencontrent aussi Têvy, la jeune hybride,
mais Khany devient très vite l’otage de Gorka, le second de
Karpan, qui poursuit le projet de son ancien maître et veut se
servir de Khany pour éviter la destruction, par les Vinéens, du
module qu’il va envoyer sur Terre afin d’y détruire toute vie…
Du côté
visuel et graphique, c’est toujours inventif et le jeu des
couleurs, entamé depuis quelques albums sur le mode du camaïeu, est
vraiment magnifique. Certains personnages ont des visages un peu trop
anguleux à mon goût… confirmant encore une fois que cette
évolution dans le dessin n’est pas ma préférée dans la série.
Cet album
est plutôt étrange et ma première pensée, quand je l’ai lu, a
été qu’il commence à y avoir beaucoup de monde dans cette série.
Heureusement, Roger a la sagesse de ne donner une place « active »
qu’aux personnages réellement indispensables à l’intrigue, ou
qui ont une raison vitale d’y être. En l’occurrence, les enfants
(Rosée et Emilia) n’ont qu’une place secondaire dans l’histoire,
mais les laisser sur Terre aurait été dangereux, puisque Khany
était la véritable cible de l’attaque que Yoko a essuyée et que,
de fait, les enfants auraient été en danger si elles étaient
restées seules sur Terre…
Si
l’intrigue change de lieu au fil des albums (on passe de Vinéa au
sous-sol terrestre puis à Mars), les univers graphiques vinéens
restent très facilement identifiables. Comme une sorte de repère
visuel qui confère aussi son identité à l’histoire. Cependant,
les différents « mondes » créés par Roger Leloup
s’interpénètrent de plus en plus, complexifiant toujours
davantage l’intrigue et l’atmosphère de la série.
Cependant,
les mêmes principes restent toujours valables : malgré les
circonstances qui, dans notre monde actuel et notre culture
américanisée, auraient justifié un meurtre de la part de Yoko
envers Gorka, c’est toujours son respect de la vie qui prime. Quand
mort il y a, ce n’est pas elle qui en est la cause. Ici, en
l’espèce, c’est Myna qui appuie sur le bouton qui déclenche la
bombe qui tue Gorka, Yoko ne pouvant moralement pas s’y résoudre.
Faut-il y voir une sorte de « pirouette » de l’auteur
afin que son héroïne ne se salisse pas les mains ? Ou bien une
distinction entre la morale et la conscience d’un être humain doté
d’une éthique et la logique froide et pratique d’un robot,
fût-il « intelligent » ?
En tout
cas, Roger parle ici, en creux, du respect de la vie, et de toute
vie, même de celle d’un hybride conçu à des fins meurtrières, à
partir du moment où cette vie existe. Même si ce n’est sans doute
pas la volonté de l’auteur, j’y vois très nettement une notion
qui est importante pour nombre de croyants aujourd’hui : le
respect de la vie dès sa conception et le combat pour le droit à
vivre, contre l’avortement et l’euthanasie. Sans doute est-ce
aller un peu loin en ce qui concerne Roger Leloup, qui s’est
toujours bien gardé de lancer ses héros dans des aventures
politiques, mais il est de mon droit de lectrice de faire les
parallèles… tout en sachant parfaitement d’où ils viennent.
C’est-à-dire de ma propre réflexion. Roger, si vous lisez ce
billet, j’espère que vous ne vous méprendrez pas sur mes
intentions ! :)
En tout
cas, la série reste fidèle à ce qui a fait son succès et aux
valeurs humanistes de Yoko : le respect de la vie, l’abnégation,
le courage, qui peut aller, comme dans le cas de Khany et de Têvy,
jusqu’à la volonté de donner sa vie pour sauver celles des
autres…
Comme pour
chacun des derniers albums, depuis « Le Septième Code »,
celui-ci a été l’objet d’une édition en grand format, intitulé
« Esquisses d’une œuvre ». Qualité irréprochable,
comme toujours !
Paru
aux éditions Dupuis, 2015. ISBN : 978-2-8001-6339-0
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire