Dernier
opus de la série, « Anges et Faucons » est un album
différent des autres, en ce sens qu’il comporte plus de pages que
les autres (64 contre 48 environ). Autre particularité : il
regroupe en fait deux histoires distinctes, que l’on peut
identifier dans le titre : la partie « Anges », où
l’histoire est centrée sur Emilia et Bonnie, et la partie
« Faucons », où Yoko est envoyée en mission par
« Milord », son employeur des services secrets anglais
dans « Message pour l’Éternité ».
Le
début de l’album se déroule dans le passé, où Emilia utilise la
machine à voyager dans le temps de son aïeul (« Le Maléfice
de l’Améthyste ») pour sauver deux enfants dont elle a
découvert les tombes dans « l’Enclos des anges » du
cimetière où repose sa tante Gloria.
Prévenue
par Bonnie, Yoko emprunte avec elle le module temporel pour venir en
aide à Emilia, en octobre 1935. C’est l’occasion pour Roger
Leloup de donner libre cours à sa passion pour les trains et les
avions : l’accident qui doit coûter la vie aux enfants est
provoqué par un train et l’intervention de Yoko, avec l’avion de
la fille de Sir Archibald, l’ancêtre d’Emilia, permettra de
résoudre la situation sans autre dégâts qu’une voiture écrasée
par une énorme pierre.
Après
leur retour, Yoko, Emilia et Bonnie découvrent « l’enclos
des anges »… où de nouvelles questions se posent pour Emilia
sur les effets de ses initiatives dan sle passé, qu’il vaut
peut-être mieux, parfois, laisser dormir…
À
peine rentrées, Yoko reçoit un appel téléphonique de « Milord »,
un officier des renseignements britanniques qui envoie Yoko en
mission très spéciale : une « princesse égyptienne »
doit être rendue à sa terre natale…
Yoko,
Vic et Pol se retrouvent alors, avec Emilia, au cœur d’une
intrigue où le Handley-Page « Horus » tient le rôle
principal. Yoko avait participé au sauvetage de cet avion, dans
« Message pour l’Éternité » Il est hébergé à la
S.A.C., une entreprise écossaise qui rénove des avions de seconde
main. Yoko et Emilia vont y rencontrer Dinah, la pupille du
propriétaire, qui cache un lourd secret.
Mystère,
ésotérisme, menaces, danger, trahison… tous les ingrédients sont
réunis pour faire de cette histoire une belle et prenante aventure.
Emilia
y gagne une amie qui viendra habiter le cottage à Loch Castle, sous
la tutelle de Cécilia, propriétaire du château.
Cet
album est le dernier-né de la série. Roger Leloup est né en 1933,
il a donc plus de 85 ans… et reste d’une grande tendresse envers
ses héros et héroïnes. Les deux histoires racontées ici parlent
bien de cette tendresse et de l’humanisme de Roger, sorte de fil
rouge de tous les albums écrits au fil de ces décennies (le premier
album est paru dans le magazine « Spirou », sous forme
d’épisodes, de mai à septembre 1971, il y a donc pas très loin
de 50 ans…).
Du
point de vue du dessin, les paysages et décors, les avions, trains
et voitures sont toujours superbes, précis et très détaillés,
comme Roger Leloup nous y a habitué au fil du temps. À eux seuls,
ces dessins sont d’une très grande précision et dignes de figurer
dans les notices techniques, si vous voulez l’avis d’une
non-experte…
Je
suis un peu plus réservée sur les personnages, qui perdent, au fil
des albums, de leur beauté, même si, dans certaines cases, ils
restent très beaux, tendres et réconfortants. Je ne sais pas trop à
quoi c’est dû : on ne peut pas suspecter Roger Leloup de
manquer de sûreté dans son trait, sinon cela se ressentirait aussi
dans les décors, les engins divers et variés… Peut-être une
évolution naturelle à laquelle j’ai du mal à m’habituer, moi
qui ai « grandi » avec la série, spécialement avec les
albums parus à partir de 1975, donc « Les Trois Soleils de
Vinéa » et les suivants…
J’ai
l’impression que Roger était dans une sorte d’urgence, en
écrivant cet album. Soit il n’avait pas le temps de développer et
de dessiner les deux histoires, soit il voulait absolument les écrire
avant, peut-être, de ne plus pouvoir le faire ? Je ne sais pas
dans quel état de santé il se trouve… J’espère simplement que
cet album n’est pas encore le dernier !
Comme
tous les nouveaux albums depuis « Le Septième Code »,
celui-ci sort au début du mois d’octobre dans la version grand
format. J’ai commandé cet ouvrage, mais à l’heure où j’écris
ces lignes, je ne l’ai pas encore reçu… Je compléterai donc ce
billet quand je l’aurai entre les mains !
Edit
du 21 octobre : J'ai reçu l'album il y a quelques jours, la
période étant compliquée, je ne l'ai lu qu'hier soir. Eh bien, je
suis plutôt bluffée. Comme dans les autres « Grands
formats », cet album-ci gagne réellement à être lu « en
grand ». Le dessin y semble plus doux, par exemple.
Et
puis, je me suis fait la réflexion suivante : les premiers
albums, à force de les lire et de les relire, je les connais plus
que par cœur. Je les comprends aussi bien mieux que les derniers que
je n'ai lu que deux fois maximum. Or Roger Leloup n'écrit jamais des
intrigues simplistes. Loin de là. Au contraire, il fait réellement
vivre à ses personnages des histoires où les interactions, souvent
nombreuses, complexifient les aventures, où les sentiments des uns
et des autres entrent vraiment en ligne de compte et où les ressorts
des intrigues sont le plus souvent masqués et ne peuvent être
découverts qu'après une lecture très attentive et soutenue. Tout,
en effet, est important : les dialogues, bien sûr, les textes
dans les cases, évidemment, mais aussi les expressions des
personnages, les décors, les détails (et ils sont nombreux) des
cases...
Ce
grand format possède un cahier graphique de 32 pages, comme les
autres grands formats de la série et c'est un véritable bonus pour
le lecteur, qui peut ainsi entrer plus rapidement dans ce qui fait le
fonds de l'histoire, ce qui a déclenché son écriture (ici, les
souvenirs d'enfance de l'auteur). On entre aussi plus vite dans la
manière dont il a pensé l'intrigue, les difficultés techniques,
liées au format BD par exemple, où la place de l'image est
prépondérante et où beaucoup d'éléments doivent passer par le
dessin, sinon l'intrigue risque de tourner au mauvais roman... En
bref, à moins de lire et de relire les bandes dessinées des
dizaines de fois pour en sortir toute la substance et toutes les
subtilités, la version « grand format » est un véritable
bonus pour le lecteur et pour entrer plus profondément dans l’œuvre.
Finalement,
tout ce que je dis là est très basique et je le comparerais
volontiers à la contemplation d'une œuvre picturale contemporaine.
Il est aisé d'y mettre ce que l'on veut, d'y voir ce que l'on
cherche à voir. Mais l’œuvre elle-même devient bien plus
intéressante si on a l'auteur pas trop loin et qu'on peut discuter
avec lui pour entrer dans ce qui fait son essence... on gagne du
temps ! Et, cerise sur le gâteau, on risque moins le
contresens...
Heureusement
que j'ai plus de 40 ans et que j'ai grandi avec cette bande dessinée.
Parce que, hormis pour « La Frontière de la vie », il
n'existe d'albums grand format que pour les derniers... sauf pour
« L'Astrologue de Bruges », le vingtième épisode, lui
aussi doté, tel un galop d'essai, de quelques pages de croquis et de
textes de la main du Maître sur l’histoire de la bande dessinée
et de ses héros principaux...
Dupuis
a toutefois eu la bonne idée, avec Roger Leloup, d'éditer des
intégrales de la série, en format classique, mais augmentées d'un
dossier conséquent sur les trois albums qui composent chaque volume.
De quoi rattraper les choses et entrer davantage dans la philosophie
de la série.
Paru
aux éditions Dupuis, 2019. ISBN : 978-1-0347-3803-8.
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