J’écris
cette chronique le 20 septembre 2019, soit une dizaine de jours
seulement avant la sortie du prochain album de la série. Elle ne
sera publiée qu’au mois d’octobre, afin de ne pas perturber la
parution des autres billets sur la série, que je souhaite publier
dans l’ordre de parution des albums. Celle-ci est donc la dernière,
du moins temporairement.
Une fois
n’est pas coutume : l’album commence en Allemagne, où Yoko,
Vic et Pol assurent l’enregistrement, au château de Rheinstein,
d’une œuvre pour clavecin jouée par Ingrid. Lors de
l’enregistrement, Yoko est frappée par un bruit parasite qu’elle
situe tout proche, à l’extérieur, et malgré les doutes de Vic et
Pol, décide d’aller voir. Elle y trouve un survoleur vinéen et un
mini drone qui l’invite à embarquer. C’est sur le siège
passager qu’elle voit l’image holographique de Khany lui
expliquant qu’elle doit la rejoindre au plus vite. Yoko décide
d’accepter et emmène Rosée et Emilia, à bord du survoleur,
jusqu’en Écosse où elle sait pouvoir trouver le « passage »
qui va la mener jusqu’auprès de son amie.
Près des
ruines d’un autre château (déjà exploré par Yoko dans « La
Proie et l’Ombre ») se trouve en effet une entrée aménagée
vers le monde souterrain des Vinéens, permettant à Yoko de pénétrer
dans le sous-sol discrètement. Là, arrivées en bas, les trois
terriennes apprennent rapidement qu’un drame se joue pour Khany et
les Vinéens restés sous la surface de la Terre : le Grand
Conseil de Vinéa, a bien sûr appris la destruction de la base
située sur Mars (voir « Le Secret de Khany »), à cause
du risque de destruction de la vie sur Terre. Mais les rapatriés sur
Vinéa, venant de la Terre, ont besoin d’une longue réadaptation à
leur planète-mère et de nombreux échecs ont lieu. De fait, le
Grand Conseil a donc demandé aux Vinéens présents sous la Terre de
se débrouiller seuls… et Khany et ses compagnons ont décidé de
se séparer de la tutelle de Vinéa… en coupant tout lien spatial
avec leur planète d’origine.
Mais Khany
craint que les Terriens, acculés à se terrer dans le sous-sol de
leur planète à cause des conditions climatiques qui se modifient
rapidement (le fameux « réchauffement climatique ») ne
finissent par les découvrir. Les Vinéens de la Terre ont donc
besoin de trouver un rejuge plus profond, au-delà du siphon
découvert dans « La Servante de Lucifer ».
Yoko est
confrontée à un autre problème : Têvy, la jeune hybride
sauvée sur Mars, n’a nullement l’intention de vivre sous Terre,
même si, pour l’instant, elle n’a pas vraiment le choix. Yoko
promet de réfléchir à la question, avant de s’occuper d’un
autre problème plus immédiat : Zarkâ, la « Servante »,
demande à Yoko de la rejoindre seule. Et simultanément, Yoko et
Emilia découvrent que, tout près, vit une communauté de Terriens
parlant le Gaélique (sans doute issus des anciennes tribus celtes
qui peuplaient la région dans l’Antiquité). Bien sûr, la
curiosité l’emporte et Yoko décide de franchir le siphon en
compagnie d’Iseut et de son frère Nahm. Elle découvre à cette
occasion que ceux-ci se déplacent sous l’eau grâce à d’étranges
tortues, que Yoko a déjà rencontrées sur Vinéa, lors de son
aventure sous-marine dans la Cité de l’Abîme (« Les
Archanges de Vinéa »). Il y a donc bien contact entre les deux
cultures qui vivent sous terre.
Yoko et
Emilia vont être confrontées à des ennemis qui ne sont pas
forcément ce qu’ils semblent être. D’ailleurs, qui, des
descendants des guerriers celtes, de Zarkâ ou des moines du temple
des Immortels situé dans cet univers souterrain est le véritable
ennemi ? D’autant plus que Yoko découvrira au fil des pages
de cet album foisonnant que quelque chose (ou quelqu’un?) tire les
ficelles à l’insu de tous, ou presque.
On est là
dans une aventure foisonnante, je le disais plus haut, où se mêlent
l’ésotérisme et la magie, via Zarkâ, la religion avec les moines
du Temple dont les Celtes pensent qu’il s’agit d’un endroit
maudit (et qui rappelle là que les traditions celtiques ont souvent
été christianisées, afin de ramener au Dieu des Chrétiens les
peuples « païens » évangélisés au début de l’ère
chrétienne), la technologie utilisée à des fins néfastes (et
personnifiée dans le moine Marzin, qui se prend pour la
réincarnation de Merlin) et à des fins positives, en présence de
l’intelligence artificielle dont le but semble être de pacifier la
région et de donner une terre, et un chef, à ce petit peuple celte
avant l’arrivée imminente des Vinéens en quête d’un abri plus
pérenne que leurs bases souterraines trop proches de la surface. Par
ailleurs, l’emplacement et l’univers où est installée cette
fameuse « intelligence artificielle » fait vraiment
penser au « coordinateur-robot » que Yoko a affronté
dans sa toute première aventure, « Le Trio de l’Étrange »,
ou encore au « Guide Suprême », déifié par les
survivants de Vinéa, dans « Les Trois soleils de Vinéa ».
Dans ces deux derniers cas, ces « intelligences »
s’étaient retournées contre les peuples qu’elles étaient
sensées protéger et guider. Ici, l’intelligence en question
semble tout faire concourir au bien du petit peuple celte… mais
l’avenir seul nous dira ce qu’il en est vraimen.
Une
intrigue un peu complexe, comme le sont celles des derniers albums,
où Roger Leloup fait s’imbriquer de plus en plus les différents
mondes qu’il a créés : le monde des Vinéens vivant sous
Terre, le monde des Terriens vivant à la surface et celui des
Terriens vivant sous Terre et qui semble avoir conservé des
croyances païennes tout en étant en contact avec le christianisme
d’une part et les Vinéens d’autre part…
Faut-il
voir dans cette album une critique de la religion ? Une
recherche d’équilibre entre les différents modes de pensée de
communautés qui se côtoient malgré elles, contraintes et forcées
par la tournure des événements ? En tout cas, l’humanisme de
Roger Leloup, qu’il transmet à son héroïne depuis plusieurs
décennies maintenant, reste bien le moteur et la « toile de
fond » de la série. Reste à savoir jusqu’à tout cela ira ?
L’avenir
nous le dira : un nouvel album est en préparation.
Pour cet
album aussi, comme pour les précédents, une édition en grand
format, avec un cahier de dessins et de textes permettant
d’approfondir l’univers de Roger Leloup a été réalisée. Cet
album est, comme toujours, d’une excellente facture, avec un beau
papier de qualité et un confort de lecture certain.
Paru
aux éditions Dupuis, 2017. ISBN : 978-2-8001-6953-8
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