J'ai une
tendresse toute particulière pour cet album. Il faut dire que c'est
le premier que j'ai lu, lors de ma première visite en solo à la
bibliothèque municipale de la ville où j'habitais alors et où
j'allais en attendant mon cours de violon, le mercredi. J'y restais
seule pendant un peu moins d'une heure, puis je rejoignais l'école
de musique située à deux pas.
Je devais
avoir environ huit ans et l'album venait sûrement de sortir, puisque
c'est le premier sur lequel je suis « tombée » au rayon
bd pour enfants. J’ai été intriguée par la couverture, qui
représente des personnages en combinaison spatiale, évoluant,
semblait-il à mes yeux d’enfant, sous l’eau, avec en toile de
fond une ville en ruines, croyais-je à l’époque, et des robots
dans le lointain.
Mais
surtout, il y avait une petite fille, sur cette fameuse couverture.
Une jolie petite fille un peu plus jeune que moi à l’époque,
blonde aux cheveux longs… c’est-à-dire l’inverse de moi qui
étais brune aux cheveux courts et rêvais d’avoir de longs cheveux
blonds.
Bref. La
couverture m’a attirée et j’ai dévoré cette bande dessinée…
sans rien comprendre à l’intrigue, sinon qu’elle était
formidable ! Eh oui !
De cette
première lecture est né mon amour pour la bande dessinée et pour
la science-fiction aussi. Rien que ça ! J’aimais déjà
beaucoup lire, mais il me semble qu’à partir de ce moment-là, ma
boulimie dans ce domaine ne s’est plus vraiment arrêtée… Mais passons.
Retour,
dans ce treizième album, sur la planète Vinéa. Khany et Yoko
survolent des îles dans la zone tempérée de la planète dans deux
aéronefs dont l’un, piloté par Yoko, abrite aussi la petite Poky,
la jeune sœur de Khany. Khany les conduit sur une île où elle a
repéré un enfant en léthargie, dans un cocon magnétique en état
de marche mais dont le métal est abîmé par l’eau dans laquelle
il a longtemps séjourné. Il y a là, pour Khany, quelque chose qui
ne cadre pas avec ce qu’elle sait de l’histoire de sa planète et
qu’elle veut comprendre, d’autant plus que la femme qui surveille
cet enfant lui a parlé d’un dieu « qui appelle des
victimes » et qui, semble-t-il, ne les rend jamais. Khany
décide d’aller voir, confiant Poky à la garde de Yoko. Mais très
vite, Yoko perd le signal de son amie et décide d’aller lui porter
secours, emmenant malgré elle la petite fille qui l’a suivie.
Yoko,
accompagnée de Poky, découvre alors que le « dieu »
dont parlait la vieille femme n’est autre qu’une machinerie faite
de main d’homme, mais se retrouve bientôt coincée dessus, face à
un homme qui semble savoir ce qu’est devenue Khany et lui propose
de le suivre pour la retrouver. Mais ils sont interrompus par
d’autres hommes, venus de la mer et Yoko n’a d’autre choix que
de les suivre : la machinerie s’enfonce dans l’eau, les
condamnant à une mort certaine. Tous se retrouvent sous l’eau
et Yoko y découvre une cité sous-marine en ruines qui sert d’abri
à ces hommes vivant sous l’eau. Peu après, la jeune Terrienne
découvre que c’est en réalité tout un peuple qui vit là, dans
les vestiges de la cité, et que son compagnon, dont elle ignore le
nom, est un Archange. Il fait partie d’un groupe de vingt, dont la
vie est liée à celle de la cité. Leur but est de soutirer à la
reine les enfants en léthargie, comme celui trouvé par
Khany au début du récit, afin de les faire grandir en sagesse et en
intelligence et d’éviter qu’ils n’aillent grossir les rangs
des mercenaires royaux que la reine utilise pour assouvir sa vengeance contre les autres cités.
Dans cette
histoire, Yoko va de surprise en surprise. La découverte de la cité
sous-marine, de l’existence des Archanges et de la reine, de
l’armée de robots et du conflit qui oppose tout ce monde dans les
fonds marins de la planète, tout cela sans que les Vinéens de la
surface en aient connaissance...
L’histoire
de la planète est bien plus complexe que ce que Khany en révélait
dans le premier volume de la série. C’est qu’il s’en est
passé, des choses, durant l’exil forcé d’une partie des Vinéens
sous Terre ! Et puis, cet exil a concerné onze vaisseaux, soit
autant d’histoires possibles… Mais là, il ne s’agit même pas
des exilés, mais de ceux qui ont survécu au cataclysme qui avait
provoqué le départ de Khany et de sa sœur vers la Terre. Autant
dire que les deux amies de Yoko ont raté pas mal d’épisodes de
l’histoire de leur planète !
L’occasion
nous est donnée, ici, de mieux connaître cette histoire et, pour
Yoko, de combattre l’injustice et le despotisme de la reine Hégora.
Elle est belle, mais violente et cruelle et Yoko va se retrouver à
lutter contre elle… alors que le combat est dès le départ très
inégal.
Je ne
dévoilerai pas tout sur la nature des personnages, mais là encore,
la cohérence du récit et son réalisme sont surprenants. Roger
Leloup a décidément un véritable don pour créer des univers
impressionnants de logique et de cohérence, avec une inventivité et
une efficacité formidables. Il laisse, de plus, la porte ouverte à
la rédemption, ce qui, même au fond de l’océan, démontre que
l’humanisme a toute sa place et est une valeur importante à ses
yeux pour permettre aux êtres, différents, de vivre ensemble en
bonne intelligence.
Bien sûr,
à huit ans, je n’avais rien vu de tout cela. Et j’avais même eu
du mal à comprendre qui était le personnage principal (je me
souviens avoir été persuadée que la Yoko dont on parlait dans
l’histoire, c’était la petite fille blonde à la peau bleue…).
Mais je sais que la magie de cette bande dessinée avait agi sur moi
et m’avait donné envie de la relire, puis de lire toutes celles
qui étaient dans les bacs de la bibliothèque. Deux ans plus tard,
une copine de catéchisme m’offrait « Les Titans » et
je commençai la collection, sans plus jamais m’arrêter...
Paru
aux éditions Dupuis, 1983. ISBN : 2-8001-0971-8
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