Voir des
baleines, de Javier de Isusi
J'ai eu la
chance de recevoir cette bande dessinée il y a environ un mois, par
courrier, dans le cadre de l'opération "La BD fait sonfestival", organisée par PriceMinister (que je remercie au
passage : j'ai déjà participé deux fois à cette opération, et à
chaque fois cela a été l'occasion de découvrir des ouvrages et des
auteurs que je n'aurais sans doute jamais eu l'occasion de lire
autrement. Et dans tous les cas, les découvertes ont été
passionnantes !).
Une bande
dessinée, c'est avant tout une histoire, un rythme, une atmosphère,
servis par le texte mais, surtout, par le graphisme de l'auteur. Et
c'est souvent là que le bât blesse, parce que, le dessin, le style
de l'illustrateur, soit on aime, soit on n'aime pas. Et cela peut
gêner la lecture même si l'histoire est très bien écrite et
passionnante.
Ici, je
dois avouer que j'ai d'abord été surprise par la couleur. Le
parti-pris de l'auteur est en effet d'utiliser l'aquarelle pour le
dessin, avec pour toutes teintes du noir (parfois légèrement
bleuté), du blanc et du jaune. On pourrait penser que cela donne
quelque chose de monotone, mais il n'en est rien. Les dessins
eux-mêmes sont plutôt durs au départ, les traits des personnages
assez anguleux et le climat plutôt à la violence. C'est sans doute
l'effet recherché par l'auteur, la violence étant elle-même très
présente dans le récit avec toutefois des plages plus douces, comme
des pauses, des respirations. Le récit, graphiquement, est une
alternance de passages au présent (en jaune) et au passé (en noir
et blanc uniquement). Visuellement, on s'y retrouve donc très bien,
ce qui est un excellent point compte-tenu du récit, plutôt complexe
quand on le regarde de près.
L'histoire
débute en effet avec un homme dans la rue qui en épie un autre, le
suit, sort une arme, vise l'arrière du crâne, appuie sur la
détente... et se réveille. Un homme hanté par un crime (nous ne
savons pas encore lequel) et qui sera le "fil rouge" du
récit, le lien entre tous les personnages que le lecteur croisera
dans l'ouvrage, dévoilant petit à petit les identités, les
histoires, les peurs, les crimes.
Le lecteur
rencontre donc successivement Josu, Emmanuel et Antòn, tous les
trois liés de près au meurtre du père de ce dernier par l'ETA.
J'ai
dévoré cette bande dessinée. D'abord surprise par la quasi absence
de couleurs, j'ai très vite accroché au style graphique efficace,
précis, allant droit au but, sans fioritures. L'histoire est
simplement magnifique et elle m'a beaucoup touchée. D'un épisode
dramatique de l'histoire du terrorisme de l'ETA en Espagne, l'auteur
a su faire un drame humain en montrant non pas les armes, mais les
hommes qui ont tiré. Une histoire où on voit les personnages
évoluer au fil des années, où les liens se composent et se
recomposent au gré des aléas de l'histoire (les heures noires du
terrorisme nationaliste basque d'ETA en Espagne). Une histoire
d'évolution personnelle, de remise en question, de rédemption, de
pardon aussi où, malgré la noirceur des actes, le pardon et l'amour
de l'autre restent possibles, où l'espérance a toute sa place
malgré la difficulté à faire taire les douleurs du passé.
J'ai
vraiment beaucoup aimé les trois personnages principaux, leurs
histoires, leurs évolutions et, finalement, leurs choix de vie.
Cette bande dessinée redonne espoir parce qu'elle dit, finalement,
que quels que soient ses actes, un homme peut être pardonné s'il se
repend vraiment. Le pardon, une démarche fondamentale pour le
chrétien, qui, grâce au pardon accordé par Dieu, miséricordieux,
peut être relevé et avancer sans honte car il se sait aimé. Et qui
sommes-nous, nous, les hommes, pour refuser à nos frères ce que
Dieu accorde à chacun d'entre nous ?
Cette BD est tellement bien, tellement belle, que je voudrais lui mettre un 20/20. Mais comme je sais que la perfection n'est pas de ce monde, je me contenterai d'un 19/20, amplement mérité, selon moi ! Je laisserai aux membres de PriceMinister chargés de départager les titres le soin d'établir le classement, en espérant que celui-ci sera en bonne place !
Paru
aux éditions Rackam, 2014. ISBN : 978-2-87827-180-5.