lundi 28 février 2011

Grâce et dénuement, de Alice Ferney


Ce roman me faisait de l'œil depuis un bon moment déjà, mais, étonnamment, je n'avais pas envie de l'ouvrir. J'avais l'intuition qu'il était capable de modifier en profondeur ma perception des choses et des gens, et je n'étais sans doute pas prête à cela. Et puis voilà, j'ai pris ce petit livre et ne l'ai plus lâché. Et je vous le dis immédiatement : j'ai été très touchée par cette belle histoire et par toutes les personnes que l'on y rencontre.
J'ai été bouleversée par Angéline en particulier. La dignité de cette femme, son abnégation, le renoncement et le courage dont elle fait preuve m'ont beaucoup plu.
Le lecteur est transporté dès les premières lignes dans son univers, dans la vie de cette femme et de sa famille. On y découvre le mode de vie de ce clan gitan, l'extrême pauvreté dans laquelle ils vivent, les difficultés quotidiennes pour trouver de quoi manger, le rejet dont ils sont l'objet, l'exclusion dont ils souffrent, jusque dans les actes les plus importants de la vie que sont la naissance et la mort. A travers la vie quotidienne des membres de ce clan, nous sommes spectateurs de l'intimité de ces familles, sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le pathos. Au contraire : il se dégage de ce texte une grande pudeur, une belle retenue, sans pour autant occulter la souffrance liée à la pauvreté, à l'incompréhension et au rejet qu'ils vivent.
La deuxième belle rencontre de ce livre, c'est Esther, la gadjé, bibliothécaire passionnée. Vous me direz que ce personnage ne pouvait que me toucher... Elle offre aux enfants gitans des séances de lecture chaque mercredi matin. Ça n'a l'air de rien, raconter des histoires aux enfants. Mais là, avec ces petits qui sont rejetés partout, qui n'ont pas accès ni à l'instruction, ni aux loisirs, qui vivent entre eux, les histoires racontées par Esther sont comme l'entrée dans un autre monde. Par la lecture se crée un lien, une sorte de pont entre les Gitans et la ville où ils vivent. Il s'agit là d'une histoire d'apprivoisement mutuel, entre Esther et la petite communauté, de découverte et d'acceptation de l'autre et de ses différences.
Il y aurait encore d'autres aspects à aborder : la découverte de l'école par l'aînée des filles du clan, l'illettrisme des pères et des mères, conjugué à l'acharnement de « La Vieille » Angéline pour tenter de sortir, si ce n'est elle ou ses fils, au moins ses petits-enfants de l'ignorance dans laquelle ils vivent, le regard des voisins, les coutumes du clan, inacceptables pour l'entourage parce que totalement étrangères à ce que vivent les « sédentaires », l'extrême générosité des gitans envers les encore plus exclus qu'eux-mêmes... sans pour autant entrer non plus dans l'angélisme béat qui conduirait à avoir un regard faussé sur la réalité que vivent ces communautés nomades.
C'est donc une histoire de vie, d'amour, de naissance et de mort, de confrontation à l'autre, à son regard, l'autre forcément différent, souvent méfiant, voire hostile. Le titre m'a paru particulièrement bien choisi : ces gitans vivent dans le plus grand dénuement, effectivement, sont rejetés et doivent tout quitter à chaque fois. Mais malgré ces difficultés qu'ils vivent tous les jours, ils ne se départissent jamais de leur dignité, qui confine, effectivement, à la grâce.
Vous l'aurez compris, ce livre m'a beaucoup touchée, par la finesse de ses descriptions, par l'humanité qui s'en dégage aussi. Il est difficile de le quitter sans voir sa perception des autres changée...

Paru aux éditions J'ai lu, 2008. ISBN : 978-2-290-30275-0.

samedi 26 février 2011

La Porte d'Orphée, de Tim Kring



Pour la première fois, je finis une lecture sans trop savoir qu'en faire. J'ai plein de choses à reprocher à ce roman. L'histoire en elle-même tient la route, mais n'est pas finie. L'intrigue est ouverte, mais n'est pas fermée, ni la principale, ni la secondaire, d'ailleurs. Les personnages sont bien campés, mais à la fin du livre, je ne sais toujours pas qui ils sont.

Alors en préparant cet article, en cherchant une photo de la couverture, je me suis rendu compte qu'il s'agissait du tome 1. Ouf, il y aura donc un tome 2 normalement ! Ce qui devrait déjà éliminer un certain nombre de problèmes que je vois dans ce récit.
Oui mais voilà : tome 2 ou pas tome 2, je trouve étrange d'arriver à la fin d'une lecture sur un tel sentiment d'inachèvement.
Mais maintenant que j'ai exprimé mes réserves, voyons un peu plus le roman lui-même.

Il s'ouvre sur un fait étrange qui se déroule dans un futur proche, en 2012. Les informations ayant trait à cet événement le relient, par une sorte de coïncidence liée aux chiffres, à l'heure et au jour précis de l'assassinat du Président John Fitzgerald Kennedy.
Après cette introduction « musclée », toute l'histoire se déroule durant le mois qui précède cet attentat, décrivant les faits qui amènent Lee Harvey Oswald à appuyer sur la gâchette, jusqu'au jour de l'attentat lui-même. On rencontre au fil des pages un agent de la CIA, Melchior, un autre du FBI, B.C., une jeune prostituée, Naz, un jeune étudiant fauché, Chandler Forrestal, des médecins, un agent du KGB, des assassins, la Mafia... que du beau monde ! Et de quoi installer une intrigue forte et mouvementée. Mais je dois avouer que je suis un peu déçue. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans l'histoire. Et pourtant, je suis plutôt bon public d'habitude. J'ai trouvé que c'était plutôt tiré par les cheveux, ennuyeux à certains moments, et même si les éléments se tiennent et que l'histoire est plutôt cohérente, je suis déçue qu'elle n'ait pas de fin. Et puis je n'ai pas tout suivi, ni tout compris. Les événements s'enchaînent, les lieux se multiplient (on passe de Dallas à Washington D.C., à Cuba ou Moscou en quelques pages), et l'action se déroule parfois dans plusieurs endroits au même moment, ajoutant à la complexité d'un récit qui n'est déjà pas simple en soi...

Hormis ces réserves, il ne faut pas dénier à ce roman un certain nombre de qualités. En particulier, l'auteur exploite la plus petite parcelle d'information, le moindre fait lié plus ou moins à la mort de JFK et au contexte de l'époque pour bâtir une intrigue complexe mais qui semble tenir la route. Je dis « semble », parce que, décidément, les histoires de complots politiques, les enjeux de politique internationale... n'ont jamais été ma tasse de thé et que, du coup, je suis quelque peu hermétique à ce type d'intrigue. Néanmoins, je dois avouer qu'en dehors de quelques passages que j'ai trouvés plutôt ennuyeux, le tout se tient plutôt bien et l'histoire tient en haleine. Je me suis attachée à certains des personnages, ce qui prouve chez moi que j'ai quand même un peu accroché. Donc mon avis écrit plus haut est plus nuancé qu'il n'y paraît de prime abord.
De plus, il y a un aspect qui ne doit pas être mis de côté et donne un intérêt certain au récit, c'est celui des facultés mentales extraordinaires d'un des protagonistes, Chandler. Au fil de la lecture, on passe donc du complot politique au fantastique... ou quand le fantastique devient explication des faits inexplicables, sans pour autant aller dans le surnaturel pour autant. On retrouve bien là la « patte » du créateur de la série fantastique « Heroes », mais j'avoue avoir été un peu déçue par cet aspect-là aussi. Il aurait mérité sans doute d'être plus développé, compte-tenu du potentiel que l'on peut ici y voir en terme d'intrigue et de surprises. Parce que quitte à avoir un héros qui a des capacités psychiques pareilles, il y avait de quoi en faire quelque chose d'autrement plus intéressant au niveau de l'intrigue. Le problème majeur étant qu'à la fin, je n'ai toujours pas compris exactement qui était Orphée...
Donc il se peut que je guette la sortie du tome 2, histoire de comprendre un peu mieux tout cela. Mais par ailleurs, je pourrais aussi être prise dans d'autres lectures qui me passionneront peut-être davantage, donc rien n'est certain, rien n'est encore écrit quant à l'aventure de ce roman dans ma bibliothèque... !

En tout cas, un grand, grand merci à BOB et aux éditions Michel Lafon pour ce partenariat !

Traduit de l'anglais par Pascal Loubet.
Paru aux éditions Michel Lafon, 2011. ISBN : 978-2-7499-1347-6

samedi 19 février 2011

Les Restos du coeur

Je suis tombée sur un message de Clara tout à l'heure parlant d'une initiative originale permettant d'aider les Restos. Personnellement, j'ai un peu de mal avec les dons d'argent en ce moment, parce que je me pose beaucoup de questions sur ce que devient l'argent au final. S'il sert à payer le train en 1ère classe pour des artistes qui ne font que le spectacle télévisé au lieu des trois concerts prévus, ça me gêne. Mais là, il n'est pas question d'argent. Juste d'un billet sur un blog.
Autre problème, faire de la pub pour cette initiative revient à faire de la pub pour deux entreprises déjà géantes dans le domaine de l'agro-alimentaire et de la grande consommation. De quoi me faire me poser des questions. Mais je me dis qu'au final, ce sont eux qui financent ces fameux repas, et qu'après tout, 10 repas pour un billet publié, c'est mieux que rien.
Ceci étant dit, voici de quoi il s'agit :
Vous trouverez plus d'informations ici.
Sinon, une autre manière d'aider : le bénévolat, les collectes alimentaires... avec des produits spécifiques : petits pots pour bébé, conserves, riz, pâtes, huile, conserves de poisson ou autres... il y a de quoi faire !

vendredi 4 février 2011

La Première gorgée de bière, de Philippe Delerm


Je ne connaissais pas Philippe Delerm. Eh oui, ça arrive. Sauf que la même semaine, à la mi-janvier, Gwen a fait un atelier d'écriture utilisant les titres détournés de ce recueil ; une de mes collègues m'a parlé quelques jours après d'un texte qu'elle avait écrit et qui parlait exactement de la même chose que « La Première gorgée de bière » ; et enfin, mon autre collègue m'a prêté ce fameux recueil. Je ne pouvais pas passer à côté et ne pas lire cet ouvrage qui m'a fait de l'oeil toute la semaine. Et je n'ai pas été déçue.

Le sous-titre du livre : « Et autres plaisirs minuscules » est parfaitement bien choisi et décrit à lui seul le contenu de l'ouvrage. Il s'agit ici de 34 textes courts, de deux ou trois pages pour la plupart.
Philippe Delerm évoque là les plaisirs du quotidien, un peu désuets aujourd'hui pour certains. Je me demande en effet s'il y a encore beaucoup de personnes qui débarquent à Paris et se ruent sur la première cabine téléphonique, à l'heure des téléphones portables.
Toujours est-il qu'on y est. On la sent, l'odeur du croissant du matin, des pommes dans la cave. On est avec la personne qui conduit sa voiture sur l'autoroute et qui apprend la mort de Jacques Brel à l'autoradio.
L'auteur met ici en mots quelques petits plaisirs de la vie de tous les jours, des faits auxquels on n'accorde aucune importance quand ils arrivent, mais qui sont évidents quand on les lit racontés de cette manière. Les récits sont très poétiques, racontés aussi pour certains avec une certaine nostalgie, comme un monde en cours de disparition. Quand j'ai ouvert ce recueil, le temps s'est arrêté. J'étais dans une bulle, un cocon douillet et confortable... et ça fait tellement de bien !

Une vraie belle découverte, donc. Il est fort possible que je tente de me procurer d'autres des ouvrages de Philippe Delerm !

Paru aux éditions Gallimard, 1997 (L'Arpenteur). ISBN : 2-07-074483-3

jeudi 3 février 2011

Sur le sable, de Michèle Lesbre


Voici un joli roman que j'ai découvert un peu par hasard à l'ISSM. La narratrice arrive sur une plage et y rencontre un homme assis sur le sable en train de contempler une maison qui brûle à quelques pas de là. Ils vont passer la nuit assis côte à côte, sur la plage. Il a besoin de parler, elle a besoin de l'écouter, de s'évader.
Au fil des pages, le lecteur apprend l'histoire de cet homme, par l'intermédiaire de la narratrice. Construit sur un système d'allers-retours entre le présent et le passé, entre le récit de l'homme et les souvenirs de la femme, le roman est en réalité une histoire complexe d'errance, de littérature, de mort, de villes, de souvenirs. Il y est aussi beaucoup question de littérature, par l'incursion, de la part de la narratrice, de divers éléments des romans de Modiano, comme des noms de personnes ou les hôtels parisiens, qui tiennent du coup une grande place dans le récit. Ils lui donnent un goût d'irréel, comme une parenthèse dans le temps entre deux moments plus ancrés dans la réalité. La maison de la plage est comme un élément éternel ramenant toujours à elle l'homme de la plage, bien sûr, qui semble fortement lié à cette maison, mais aussi la narratrice, qui ne peut quitter les lieux avant de connaître l'histoire en entier. La question que je continue à me poser, finalement, après la lecture du roman, c'est de savoir ce que cherche réellement cette femme...

J'avoue que je reste un peu mitigée sur cet ouvrage très intimiste : l'écriture est belle, poétique, empreinte de mystère et de rêve, de délicatesse et de beaucoup de sensibilité, mais laisse un petit goût d'inachevé : l'homme reste un mystère, disparaît, laisse une piste à la narratrice pour qu'elle puisse le retrouver... Le récit reste en suspens, un peu comme l'état d'esprit dans lequel on est quand on se réveille après un rêve.

Paru aux éditions Sabine Wespieser, 2009. ISBN : 978-2-84805-071-3.