samedi 19 mai 2018

Underground Railroad, de Colson Whitehead




Une fois n'est pas coutume : je ne suis pas trop éloignée de l'actualité littéraire avec cette chronique sur l'ouvrage de Colson Whitehead paru l'an dernier. Il faut dire que j'ai eu de la chance : il était dans la hotte du Père Noël et j'ai eu la grippe, méchante maladie qui m'a clouée au lit pendant plusieurs jours sans rien d'autre à faire que de passer mes journées à lire !

L'histoire se passe en Amérique, au XIXe siècle. Cora a seize ans et est esclave dans une plantation de coton de Géorgie, avant la guerre de Sécession et l'abolition de l'esclavage.
Abandonnée par sa mère six ans plus tôt, elle survit à sa condition mais, quand Caesar, arrivé récemment à la plantation, lui propose de s'enfuir avec lui, elle n'hésite pas très longtemps avant de lui emboîter le pas.
Leur but : les États libres du Nord.
Je ne connaissais rien, ou presque, à propos de l'esclavage aux États-Unis, sinon la vision romanesque qu'en donne Margaret Mitchell dans Autant en emporte le vent, tout simplement parce que je n'avais jamais rien lu d'autre sur le sujet. J'avoue que c'est un peu light pour se faire une idée de la question. Au mois de janvier, la lecture de Bakhita m'avait fait entrer dans une vision plus réaliste de l'esclavage à laquelle j'avais pu rajouter ce que je savais, par mes cours d'histoire, sur la traite des Noirs et commerce triangulaire ainsi que sur le pillage des ressources du continent africain.
Mais j'ignore toujours beaucoup de choses sur la question du racisme et de l'esclavage aux États-Unis, en dehors de la lutte de Martin Luther King pour les droits des Noirs, ou encore du tristement célèbre Ku-Klux-Klan et de leurs actes racistes odieux. La lecture de ce livre a donc été salutaire de ce point de vue-là, puisqu'elle me permet d'ouvrir un peu mon horizon sur les horreurs que les hommes sont capables de faire subir à leurs semblables.
La distance temporelle et spatiale ainsi que l'angle abordé rendent l'histoire presque acceptable. Car si j'ai découvert là un visage dur, atroce, de ce que les hommes ont infligé à leurs frères humains simplement à cause de la couleur de leur peau, j’ai appris aussi que tout un réseau d’entraide clandestin s’est développé pour permettre aux esclaves en fuite de commencer une nouvelle vie ailleurs. Dans le roman, ce réseau clandestin est devenu une véritable voie ferrée souterraine, matérialisant de fait cette entraide, lui donnant corps, chair et existence « réelle », rendant palpable aussi les risques pris par ceux qui faisaient en sorte que ce réseau puisse vivre…

L’histoire de Cora pourrait être celle de dizaines, de centaines d’esclaves. On en rencontre d’ailleurs un certain nombre au fil du récit, depuis ceux qui échouent dans leur évasion et sont rattrapés puis durement punis par leurs maîtres jusqu’à ceux qui, trompés, tombent dans une forme de fausse liberté, une liberté surveillée où tout est fait pour garantir qu’ils n’auront pas d’enfants et ne propageront pas leur « race », en passant aussi par ceux qui n’ont plus la force, qui sont trahis, traqués, pourchassés… La fin du roman est ouverte, laissant le lecteur imaginer la suite. Que deviendra Cora dans le monde où elle va aller ? Quelles seront les difficultés qu’elle va devoir affronter ?

Ce livre est dur, dense, salutaire aussi, en ce qu’il met en lumière les travers de la société, celle d’avant l’abolition de l’esclavage, bien sûr, mais qui n’est pas sans rappeler certains aspects de la société d’aujourd’hui.
Colson Whitehead a reçu le prix Pulitzer pour ce roman plus que nécessaire aujourd’hui.

Paru aux éditions Albin Michel (Terres d'Amérique), 2017. ISBN : 978-2-226-39319-7.


samedi 12 mai 2018

Neige, de Maxence Fermine et Georges Lemoine




J'avais acheté ce petit livre à la librairie, au moment de sa sortie, attirée par l'illustration de couverture (je suis très visuelle).
Et, je ne sais pas pourquoi, j'ai oublié de le lire (oui, oui, ça m'arrive !). Il a donc fini par se perdre dans ma bibliothèque et je l'y ai retrouvé il y a quelques semaines à la faveur d'un réaménagement de ladite bibliothèque. Je l'ai enfin ouvert.

J'ai été très surprise par ce livre. Si c'est un roman, il est très court (118 pages), avec des chapitres extrêmement concis et elliptiques (certains d'entre eux font quelques lignes seulement, le plus long faisant un peu plus de deux pages). Le texte est richement illustré « à la japonaise », dans le style des estampes classiques. C’est un beau petit livre, visuellement soigné et coloré, agréable à lire et à feuilleter.

Quant au texte, il s’agit d’un récit, celui de la maturation d’un jeune japonais du XIXe siècle qui voit éclore sa vocation de poète. Il se spécialise dans son art en travaillant uniquement celui de l’écriture exigeante et difficile du haïku et en limitant les sujets de ses poèmes à la neige exclusivement.
C’est sa rencontre avec le poète officiel de la cour de l’empereur qui va le mettre en mouvement et le lancer dans la quête de la seule chose qui lui manque : la couleur. Et, bien sûr, il trouvera au près de son maître bien plus que ce qu’il était venu chercher.

J’ai lu ce livre en un peu moins d’une heure. Le style court et incisif, économe en mots comme en descriptions évoque plus qu’il ne le dit les faits, les atmosphères et les personnages, leurs actes comme leurs émotions. En fait, je pense que si un roman pouvait ressembler à un haïku, il serait sans doute dans ce style-là.
J’ai bien aimé cet ouvrage, même si je regrette son côté un peu abrupt. Pour ma part, j’ai besoin que l’auteur m’entraîne dans la tête des personnages. De ce point de vue, je suis un peu restée sur ma faim. Il n’en reste pas moins vrai que Neige est un livre très poétique, à l’atmosphère délicate, silencieuse et éthérée, comme la neige qui tombe doucement, le soir, sur la campagne endormie.

Paru aux éditions Arléa, 2010. ISBN : 978-2-8695-9925-3.