mercredi 8 mars 2023

Piège sur Zarkass, de Yann et Didier Cassegrain


Cette bande dessinée m’a été offerte par ma petite sœur, à l’occasion de la fête de Noël, et lui a été conseillée par son libraire.

En l'an 3001, sur la planète Zarkass, Louis, officier scientifique et Marcel, son guide, sont à la recherche d'une carcasse abîmée sur la planète. Il s'agit d'un mystérieux engin volant qui, comme d'autres identiques, perturbe l'harmonie instaurée entre la population zarkassienne et les colons humains arrivés sur Zarkass depuis l'ère matriarcale.

Ah oui ! Louis et Marcel sont... des femmes. Les prénoms sont tout simplement unisexes, afin de limiter les problèmes liés au genre. Sous couvert d'étude scientifique de la faune et de la flore de la planète, les deux femmes, escortées par Zinn, l'ami indigène de Marcel, arrivent en vue de l'épave et parviennent alors à entrer en contact avec New Pondichéry, où attend l'ambassadeur qui les a missionnées.

Au cours de cette mission, le lecteur découvre et apprend à connaître les deux héroïnes de l'histoire, ainsi que les raisons (officielles et officieuses) qui les ont poussées à l'accepter. Les deux femmes ne s'entendent pas très très bien (c'est un euphémisme), mais la suite des événements va les obliger à se serrer les coudes, tant les risques, de tous côtés, sont importants...

Cette bande dessinée, qui réunit l'intégralité des trois albums parus de la série, est basée sur un roman de science fiction, et fait partie d'un projet plus large d'Olivier Vatine, co-créateur de la série Aquablue (entre autres, ce n'est vraiment pas la seule série à son actif, loin s'en faut !). Ce projet consiste à adapter en bande dessinée un certain nombre de romans de Stefan Wul, parus entre 1956 et 1959, dont il a confié la réalisation à un duo (scénariste et illustrateur) par sous-projet, en fonction de leurs univers respectifs.

Je ne connais pas ces romans, que je n’ai pour ma part jamais eus entre les mains, mais j’ai plutôt apprécié l’adaptation. La bande dessinée elle-même est vivante, prenante, pleine de rebondissements. Les dessins sont, sinon beaux (on va dire que je n’accroche pas toujours au style graphique de Didier Cassegrain), très expressifs, et qu’ils servent parfaitement cette histoire. L’adaptation qui a été faite du roman m’a gênée sur deux points : la vulgarité du langage (mais c’est cohérent avec l’histoire, et le ton employé ici traduit sans doute celui du roman original) et le fait que les héros du livre sont devenus des femmes. J’avoue que le côté « féministe » de la création littéraire actuelle, que ce soit en matière de romans ou de bandes dessinées, me tape un peu sur le système. Même si c’est cohérent dans l’intrigue (on parle d’un système matriarcal, qui a remplacé le monde du 21e siècle), j’avoue que c’est à la longue assez lourdingue de tout voir relooké à la sauce féministe. Comme si les femmes pouvaient parfaitement se passer des hommes… alors que sans eux, les choses ne tourneraient pas plus rond que si les hommes en étaient arrivés à vivre sans les femmes… Bref.

En dehors de ce point précis, c’est plutôt une belle découverte !

Ma chère petite sœur, tu as un très bon libraire !

Paru aux éditions Ankama (Les Univers de Stefan Wul), 2017. ISBN : 978-10-335-0476-4.

mercredi 1 mars 2023

La Voix de Zazar, de Geoffroy Monde


Cette bande dessinée est un cadeau de mon frère, pour Noël, et je dois dire que l'avertissement qu'il m'en a donné (à savoir : « Ne t’arrête pas au graphisme, ça a l’air enfantin, mais le thème de l’histoire ne l’est pas du tout. ») m’a intriguée et en même temps un peu déstabilisée.

J’ai finalement ouvert cette bande dessinée, qui est plutôt un roman graphique, je dirais, constitué de différents chapitres au graphisme effectivement épuré, et qui fonctionne visuellement sur des unités de couleurs. Par exemple, le premier chapitre, où on rencontre le personnage de Carol, est essentiellement en noir et rouge, à l’exception des moments de flashbacks… Un grand classique, me direz-vous.

Alors, de quoi ça parle, « La Voix de Zazar » ? Eh bien de Carol, justement. Il est parti sur un vaisseau spatial, en croisière, en même temps que sa femme, mais en clandestin. Et quand il se réveille de son sommeil léthargique, il découvre qu’il est seul à bord, à l’exception des cadavres qui jonchent les sols du vaisseau. Il s’aventure peu à peu de plus en plus avant dans le vaisseau, parvient à trouver de quoi survivre (et c’est assez déroutant, je dois bien le dire), puis à se faire connaître d’un vaisseau de sauvetage qui finit par le retrouver. Commence alors la période de récupération du naufragé, sa réadaptation au monde des vivants, et ce n’est pas simple non plus compte-tenu du temps où il est resté seul à bord du vaisseau fantôme, dans l’obscurité la plus complète. Il apprend aussi peu à peu ce qui s’est passé à bord du vaisseau, où sont passés les autres passagers (et sa femme en particulier), ce qu’ils sont devenus, et à qui ils doivent cette situation.

Je ne vous raconterai pas la fin, pour ne pas « spoiler » les lecteurs qui découvriraient cet album. Je vais en revanche vous donner mon avis.

C’est effectivement une bande dessinée pour adultes, et pour adultes exclusivement. Ne la mettez pas dans les mains d’enfants, ils pourraient être choqués par certaines choses, et notamment par la manière employée par Carol pour survivre seul dans le vaisseau.

Ce qui m’a semblé particulièrement intéressant, dans cette histoire, c’est le côté psychologique du personnage. Avec peu de mots, avec quelques images et un graphisme plutôt simple, l’auteur dessine un personnage perturbé, qui tente de sortir du traumatisme qu’il a vécu lors de son isolement forcé dans l’espace. Il est très souvent difficile, au cours de la lecture, de savoir à quel niveau on en est. Est-ce la réalité ? Le présent ? Le délire de Carol que nous avons sous les yeux ?

En réalité, j’ai eu l’impression de plonger directement dans l’esprit dérangé d’un homme profondément traumatisé, qui a perdu pied avec la réalité et semble s’être construit sa propre réalité, son propre monde, ce qui le pousse par la suite à aller jusqu’au bout de la vengeance… ou de l’amour, selon le point de vue que l’on adopte.

J’ai été pas mal perturbée au début par le graphisme et l’univers de l’auteur (que je ne connaissais pas du tout). L’ambiance est plutôt noire, même s’il y a par moment des bulles de respiration et de rire, mais c’est plutôt sombre et désespérant dans l’ensemble. Ceci dit, j’ai vraiment beaucoup apprécié cette bande dessinée, cette histoire… elle fait sans doute un peu écho à ce que je vis personnellement en ce moment (non, je ne suis pas partie en croisière intergalactique, rassurez-vous!) au niveau de mon travail : depuis le 1er janvier, j’ai changé de métier et je suis devenue aumônier dans un hôpital psychiatrique pas très loin de chez moi. Alors je suis amenée à rencontrer et à échanger avec de nombreuses personnes qui ont, elles aussi, vécu des traumatismes. Et comme dans cette bande dessinée, la réalité et la fiction peuvent s’interpénétrer…

Ah oui… et Zazar ? Il s’agit d’un personnage de publicité. Mais aussi de la « voix » de celui qui accompagne Carol tout au long de cette histoire… Il devait bien en avoir une, pour Carol, non ?

Paru aux éditions Atrabile. ISBN : 978-2-88923-122-5.