vendredi 31 mai 2013

La Vieille au buisson de roses, de Lionel-Edouard Martin



En novembre 2011, j'étais au salon du livre de Colmar et à cette occasion, j'ai fait le tour de quelques stands d'éditeurs que je ne connaissais pas (pour le plaisir de la découverte !). J'y avais rencontré l'éditeur de mon cousin (pour la bd Tokyo Story), et pas très loin, il y avait « Le Vampire Actif », avec seulement quelques livres en exposition. Tout petit éditeur, donc, mais un livre a tout de suite attiré mon regard, La Vieille au buisson de roses, non pas à cause de la couverture (les couvertures étaient toutes semblables il me semble, fond noir et titre en blanc et orange), mais à cause du marque-page qui y était associé. Celui de ce livre arborait une reproduction du retable de Martin Shoengauer datant de 1473, exposé à l'église des Dominicains de Colmar, intitulé « La Vierge au buisson de roses ». J'aime beaucoup ma région d'adoption, sa culture, son art, et, en plus, j'aime aussi beaucoup les marque-pages (eh oui, on ne se refait pas...).
Donc, j'ai craqué. Plus pour le marque-page que pour le bouquin, donc, mais je ne regrette pas. Même si j'ai mis plus d'un an et demi à le lire... Hem.

Donc, le roman (très court, à peine 200 pages !) raconte l'histoire de trois protagonistes : une vieille femme (dont on ignore le nom jusqu'à la fin), qui recueille un chien qu'elle nomme Diurc (qui signifie dans son esprit « duc », mais la vieille a un défaut de prononciation) et le Marquis de Cruid, linguiste amateur vivant dans un village proche de la ville de M* où habitent la vieille et son chien. Ce qui est marrant, c'est qu'au cours du roman, le chien se met à parler à la vieille, mais qu'en plus il n'est pas le seul : les plantes, les objets s'y mettent aussi... Le chien finit par convaincre la vieille que puisqu'il s'appelle « Diurc », c'est qu'il appartient à un duc, et qu'elle doit rechercher son propriétaire (ce qu'elle fait, bien sûr), afin de le restituer à son maître légitime.

J'ai eu quelques problèmes pour rentrer dans ce roman. Non pas que la lecture en est difficile, mais j'ai eu du mal à m'intéresser à cette vieille et surtout à son chien pelé, puant, bâtard... Mais l'histoire prend un tour plus incisif dans la seconde partie, et là, j'ai vraiment « accroché », me demandant quel allait être le résultat de la rencontre attendue et prévisible. Je ne vous gâcherai pas le plaisir en vous dévoilant la fin, bien sûr, mais j'ai été surprise et j'ai refermé le livre avec un sentiment d'apesanteur, comme si j'étais encore dans une sorte « d'entre-deux », dans un monde à part, quelque peu suranné, en tout cas « d'ailleurs ». Finalement, j'ai plutôt bien aimé, et ce livre m'a accompagnée quelques jours dans mes pérégrinations de salle d'attente en salle d'attente, où je l'ai retrouvé chaque fois avec plaisir... C'est bien écrit, original, pas trop long pour un esprit fatigué comme le mien actuellement... Tout ce qu'il me fallait pour apprécier un livre, quoi !

Paru aux éditions Le Vampire Actif (Les Séditions), 2010. ISBN : 978-2-917094-03-7.

jeudi 16 mai 2013

La Forêt des Mânes, de Jean-Christophe Grangé


Changement brutal, de lieu, d'ambiance, de ton, de style, avec ce second roman policier sorti du même carton que Le Meurtre de Roger Ackroyd. Ici, le ton est sec, rapide, les phrases parfois lapidaires, voire inexistantes dans leur forme classique, avec un sentiment d'urgence qui pointe à chaque ligne. Effet de style, l'auteur utilise les phrases nominales pour décrire les situations dans lesquelles il place ses personnages, comme pour mieux plonger le lecteur dans l'urgence et le stress de l'enquête. Et ça fonctionne plutôt bien.

Jeanne Korowa est une juge d'instruction parisienne de 35 ans. Elle est dépressive, vit seule, mange peu, est carencée et névrosée... mais compétence. Une affaire financiaro-politique lui est confiée, mais elle se laisse vite déborder par ses ennuis personnels et franchit les lignes déontologiques que son métier lui interdit de transgresser... De toute façon, cette enquête ne l'intéresse pas plus que cela. Celle sur laquelle son collègue François Taine travaille, en revanche, l'interpelle grandement et justifie à ses yeux les nombreuses entorses qu'elle fait aux règles qui prévalent dans son métier.

Le roman est construit en trois parties. Dans la première, le lecteur assiste à l'enquête « officielle » et aux débordements de l'héroïne. Pour ma part, j'ai trouvé cette partie un peu agaçante dans la mesure où Jeanne semble dotée de tous les pouvoirs, de tous les droits, et, surtout, de toutes les capacités. C'est un peu une héroïne de bande dessinée façon « vengeur masqué », loin des personnages que l'on rencontre d'habitude dans les romans policiers.
Dans les deuxième et troisième parties du roman, on bascule carrément dans le roman d'aventures et, pour le coup, même si c'est encore plus abracadabrantesque qu'au début, au moins, j'ai eu le sentiment que l'auteur assumait le caractère et les frasques de son héroïne (ou peut-être me suis-je attachée à elle entre les deux ?). Toujours est-il que j'ai apprécié ce côté aventureux, même si j'ai eu l'impression d'un certain manque de crédibilité parfois...
86 chapitres au total, mais heureusement pour moi, en cette période de grande fatigue, ces chapitres sont très courts et le rythme est rapide, tant celui du récit que celui de la langue. Aucun risque, donc, de s'endormir.
Malgré les quelques petites réserves évoquées plus haut, j'ai été bluffée devant les recherches que ce livre doit avoir nécessité. On en apprend pas mal sur, pêle-mêle : l'Amérique latine, l'autisme, la psychanalyse, les conflits internationaux, les juntes militaires dans l'histoire sud-américaine, le cannibalisme, la génétique, l'anthropologie, voire la paléo-anthropologie... Oui, j'ai pris plaisir à découvrir ces univers, même si c'est finalement au travers d'un périple assez improbable.
Au final, ce roman, sans être un coup de cœur, est quand même un très bon divertissement, que j'ai eu beaucoup de mal à lâcher pour dormir durant les deux jours qu'il m'aura fallu pour « dévorer » les 628 pages...

Paru aux éditions LGF, 2011 (Le Livre de Poche). ISBN : 978-2-253-15848-6.

mardi 14 mai 2013

Le Meurtre de Roger Ackroyd, d'Agatha Christie


En cherchant un livre pour les enfants, l'autre jour, j'ai ouvert deux cartons qui attendent encore que je veuille bien m'occuper d'eux. Des livres en pagaille, lus ou non, ainsi que des CD, des BD...
J'ai pris tout de suite celui-ci, en me disant que, lu ou non, c'était sans importance. Le Meurtre de Roger Ackroyd porte le n°1 dans la collection « Le Masque » et il semble qu'il s'agisse, sinon de la première enquête d'Hercule Poirot, du moins du premier livre écrit ou publié par Agatha Christie où le détective belge apparaît.

Je me suis replongée avec délectation dans ce roman (déjà lu, en fait, et, surtout, déjà vu dans la série anglaise déjà mentionnée à propos de Mort sur le Nil). Cette fois, l'intrigue se déroule en Angleterre, dans un petit village bien tranquille, où Hercule Poirot est venu s'installer pour y passer une retraite bien méritée.
Le récit est à la première personne. Il s'agit de celui du médecin du village, James Sheppard, qui raconte par le menu les détails de l'étrange affaire qui secoue le paisible village.

Madame Ferrars meurt, un an après son mari. Le lendemain, c'est le corps de Roger Ackroyd qui est retrouvé, mais cette fois-ci, il ne s'agit ni d'une gastrite (comme M. Ferrars), ni d'un suicide comme sa femme, mais d'un assassinat. On ne se suicide pas en s'enfonçant un poignard dans le cou, par derrière qui plus est...
Le docteur, qui se trouvait avec la victime peu de temps avant sa mort, est alerté par un mystérieux appel téléphonique que personne ne semble avoir passé. Il se rend sur place où il ne peut que constater le décès de son ami. Commence alors l'enquête, dans laquelle interviendra, à la demande de la nièce de Roger Ackroyd, le détective Hercule Poirot.

Les intrigues d'Agatha Christie ont cela de bien qu'elles dégagent un charme auquel je suis loin de d'être indifférente. Bizarrement, quand je lis un de ses romans, je me trouve propulsée dans une Angleterre un tantinet vieillotte, certes, mais où j'aime bien me perdre. Je m'y vois dans un salon cossu, une tasse de thé fumant à la main, devant une assiette garnie de sandwiches ou de scones chauds, selon l'heure... Je mélange bien sûr allègrement l'Angleterre et l'Irlande, mais peu importe. J'aime cette ambiance un peu surannée, loin de l'atmosphère souvent glauque qui se dégage des romans policiers plus récents, où l'on a l'impression que plus c'est noir, et mieux c'est....
Rien de tout cela ici : le charme a encore opéré !

Paru aux éditions Librairie des Champs-Elysées, 1992 (Le Masque). ISBN : 2-7024-2317-5.

mardi 7 mai 2013

Arab Jazz, de Karim Miské


Arab Jazz, c'est un roman policier qui se déroule à Paris, dans le 19e arrondissement (et en partie dans le 18e, et en partie aux États-Unis aussi, et en plus un petit peu à Niort, mais on va dire surtout dans le 19e arrondissement).
L'histoire commence dans l'appartement d'Ahmed, dépressif chronique ne travaillant pas, vivant de l'AAH (Allocation pour Adultes Handicapés), grand lecteur de romans policiers lui-même, et qui découvre un jour sa voisine du dessus morte, suspendue à son balcon. D'entrée de jeu, le lecteur est donc plongé dans l'ambiance glauque du meurtre et il fait rapidement la connaissance de ce suspect potentiel qui a les clés de l'appartement de sa voisine pour pouvoir arroser les fleurs pendant son absence (elle est hôtesse de l'air sur des longs-courriers). Il fait aussi la connaissance des policiers en charge de l'enquête, Rachel Kupferstein et Jean Hamelot, une jeune femme juive et un Breton communiste, que tous, au commissariat, trouvent étranges, trop personnels et secrets, à l'exception de leur supérieur hiérarchique, Mercator.

L'enquête conduit très rapidement les enquêteurs à s'intéresser aux milieux religieux (juifs, musulmans, mais aussi les Témoins de Jéhovah), ainsi qu'aux amies de la victime et à leurs proches. On rencontre également au fil de l'enquête un libraire, un coiffeur, un brocanteur, des policiers ripoux d'un autre arrondissement...
Sur le coup, je me suis dit que l'auteur avait vraiment, vraiment fait fort sur les pistes à suivre. Parce qu'en plus de la piste religieuse, il y a aussi celle de la drogue, de la vengeance personnelle et de la corruption qui s'ajoutent au reste. Je me suis demandé comment l'auteur s'en sortirait de tout ce mic-mac, avec l'appréhension d'une intrigue mal terminée, de celles où le dénouement arrive trop vite et où les ficelles sont trop grosses pour être crédibles.
Alors certes, nous ne sommes pas chez Agatha Christie, où le coupable ne se révèle que dans les dernières pages. Ici, les coupables se dessinent au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue, avec des éléments qui s'ajoutent aux autres. J'avoue avoir parfois eu du mal à suivre, non pas l'intrigue, mais le raisonnement des policiers (parce qu'il y a des informations que le lecteur a du fait de sa lecture, mais que les policiers, eux, ne sont pas censés avoir, du fait de leur place dans l'histoire et du récit lui-même). Et bien finalement, je suis agréablement surprise : l'intrigue est cohérente, sans fausse note, logique et rationnelle, avec un fond de réalisme à la fin qui fait penser que non, on ne peut pas gagner sur tous les plans, mais qu'on fait du mieux qu'on peut avec les cartes qu'on a en main. C'est une philosophie qui me « parle » bien en ce moment, alors je suis bien contente de la retrouver là, même si, pour le coup, c'est assez inattendu !

Merci à mon libraire préféré, donc, de m'avoir mise sur la piste de ce bon roman policier, que j'ai trouvé divertissant, accrocheur sans être racoleur pour autant !

Paru aux éditions Viviane Hamy, 2012 (Chemins Nocturnes). ISBN : 978-2-87858-507-0