mercredi 18 octobre 2023

Le Nom de la Rose, Livre Premier, de Milo Manara et Umberto Eco

 

Alors cette bande dessinée, je ne l'attendais pas. Mais alors pas du tout. J'avais déjà lu le roman d'Umberto Eco, bien sûr, et c'est un de mes romans favoris, j'avoue. De la même manière, j'ai aussi vu et revu le film de Jean-Jacques Annaud, sorti en 1986. Oui, c'est un vieux film, mais on ne se lasse que difficilement des chefs-d’œuvre !

Bref, tout ça pour dire que quand j'ai vu cette bande dessinée dans la vitrine de ma librairie préférée, je l'ai immédiatement achetée. Parce que, franchement, associer Umberto Eco et Milo Manara, il fallait y penser ! Bref.

Je ne ferai à personne l'injure de teaser (comme on dit aujourd'hui) l'intrigue (tout le monde la connaît, je suppose !). Mais j'étais curieuse de voir ce que ça donnerait en bande dessinée. Et je n'ai pas été déçue (au moins pour ce premier tome, on verra pour la suite quand elle sortira en librairie).

Au dessin, Milo Manara, connu surtout pour des bandes dessinées plutôt osées (érotiques, donc, puisqu'il vaut mieux appeler un chat, un « chat »), fait des merveilles. Beaucoup de délicatesse, de finesse dans le trait, de subtilité dans les personnages… Bref, visuellement, ça fait mouche. Et ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est que le dessinateur, sans chercher à copier les traits des acteurs du film, a glissé chez certains personnages secondaires des ressemblances permettant de mieux les reconnaître. De la même manière, il a aussi réinterprété à sa « sauce » les décors, somptueux sous son trait, il faut bien le dire.

Par ailleurs, le dessin permet d’explorer autrement certaines parties de l’intrigue, laissées bien plus dans l’ombre dans le film ou simplement évoquées dans le roman, en particulier les enluminures de l’un des premiers moines victimes de meurtre dans l’abbaye. L’imaginaire foisonnant d’Adelme d’Otrante n’a rien à envier à celui de Milo Manara, pour le coup ! On retrouve donc là la « patte » de Manara, mais sans que l’ensemble ne tourne au vulgaire.

L’esprit du roman comme celui du film est respecté, tout en jouant avec bonheur des codes de la bande dessinée qui permettent certaines libertés propres au support (tout comme le film en permettait vis-à-vis du roman d’ailleurs). Comme quoi, chaque art a son intérêt, et l’adaptation d’une œuvre majeure comme celle du roman d’Umberto Eco, si elle est risquée tant l’œuvre est connue, peut conduire, en cas de réussite, à une véritable redécouverte.

Si vous n’avez jamais entendu parler du « Nom de la Rose », vous n’avez donc plus aucune excuse pour ne pas vous y mettre : roman, film ou bande dessinée, il y a de quoi faire !

Paru aux éditions Glénat, 2023. ISBN : 978-2-344-04975-4.


lundi 16 octobre 2023

Monnaie de sang, de Patricia Cornwell


Cela faisait longtemps que je n'avais plus lu de roman de Patricia Cornwell (en tout cas de la série « Kay Scarpetta »). Tellement longtemps, que quand j’ai acheté ce roman, j’avais oublié… que je l’avais déjà. Eh oui… J’ai donc deux exemplaires de ce livre, mais comme il est bien, je vais le donner dans une des boîtes à livres du coin, histoire d’en faire profiter quelqu’un d’autre. Voilà pour le livre lui-même.

Pour l’histoire, nous sommes dans une classique enquête de Kay Scarpetta, médecin légiste, mariée à Benton Wesley, profiler du FBI. Elle est aidée par Pete Marino, policier de son état, et par sa nièce lesbienne Lucy, tête brûlée hyper-douée en informatique, mais aussi en pilotage d’engins divers et variés, allant de la Ferrari à l’hélicoptère, en fonction de ses envies.

Le jour de l’anniversaire de Kay, un meurtre est commis juste à côté de chez elle, mettant un terme aux préparatifs des vacances qu’elle avait prévu de passer avec son mari. Une fois sur place, les premières constatations montrent que ce crime n’a pas pu être commis comme il semble l’avoir été, tant les indices corporels contredisent le récit « officiel » de la police. Par ailleurs, il apparaît très vite que quelqu’un est intervenu dans l’appartement de la victime, effaçant un certain nombre d’indices et modifiant sérieusement les lieux, brouillant ainsi la compréhension des enquêteurs sur place. L’affaire est donc plus complexe qu’il y paraissait au premier abord et a des ramifications – Kay, Benton, Lucy et Pete le découvriront plus tard – plus larges que ce qui était attendu après les premières constatations.

J’ai bien apprécié ce roman, même si certains aspects m’ont gênée, comme par exemple l’insistance, surtout au début, sur la vie intime de Kay et de son mari (dont on se fiche un peu, en réalité, tant ça n’apporte que peu de choses au récit, à ce moment-là de l’intrigue en tout cas). Par ailleurs, le récit est, comme d’habitude avec cet auteur, parfaitement bien mené, laissant la surprise et le suspense jusqu’à la dernière ligne, invitant le lecteur à lire le tome suivant, bien entendu.

J’aimerais bien… le problème, c’est qu’il me manque déjà les dix tomes précédents… et voilà pourquoi je n’ai découvert le mariage de Kay et Benton que dans ce volume-là… Mais vous l’aurez compris, cela n’a au final pas beaucoup d’importance, et heureusement, pour comprendre l’intrigue de ce livre. Sinon qu’il fait appel à certains personnages des romans précédents (et que, cette fois-ci, j’avais lus ! Yaisse!).

Bref, un bon moment de lecture, qui vide bien la tête quand on est fatigué des études, de l’actualité ou du quotidien hyper-angoissant que nous vivons en ce moment. Des fois, cela fait du bien de s’évader de la réalité !

Paru aux éditions LGF, 2016 (Le Livre de Poche). ISBN : 978-2-253-16403-6.

lundi 2 octobre 2023

Dialogues des Carmélites, de Georges Bernanos

Pour une raison que j'ignore, je suis attirée par les écrits de Bernanos, tout en ayant comme une certaine appréhension à les lire, non pas parce que j'aurais peur du contenu, mais parce que j'ai l'impression de ne pas être assez « douée » pour comprendre cet auteur. Un peu comme si je n’osais pas m’attaquer à ce monument littéraire, de peur de ne pas être digne de l’auteur ou de ne pas être capable d’en saisir le sens, la saveur ou la beauté. C'est très bizarre, vous en conviendrez. Cet ouvrage ne fait pas exception à la règle : je l’ai acheté durant l’été et j’ai mis plus d’un mois (alors que je le cherchais depuis longtemps et que j’avais hâte de le lire!) avant de l’ouvrir… Bref.

En 1774, la Marquise de la Force donne naissance à une petite fille, Blanche, mais meurt en couches. Quinze ans plus tard, en avril 1789, la jeune Blanche de la Force entre au Carmel de Compiègne où elle pense trouver sécurité et bonheur dans un monde en plein bouleversement. Paris est à feu et à sang : la Révolution Française vient de commencer.

Par la suite, les révolutionnaires édictent des lois interdisant aux prêtres de célébrer la messe et confisquant les biens des congrégations religieuses, allant même, plus tard, jusqu’à mettre à mort les religieux et religieuses qui refusent d’abjurer leur foi en Christ et d’embrasser la nouvelle religion.

Quand les religieuses de Compiègne sont arrêtées, Blanche parvient à s’enfuir. La peur revient maintenant que le calme et la paix du couvent lui sont retirés. Blanche craint pour sa vie, bien sûr, mais elle sait également que ses sœurs, elles, depuis leur prison, ont peu de chance d’en réchapper…

Cet ouvrage est construit pour un scénario cinématographique. Georges Bernanos y a écrit les indications de cadrage, de décors… et le tout est présenté comme une pièce de théâtre, avec tableaux et scènes où les décors changent, les personnages évoluent, le temps passe.

D’une lecture très aisée, cet ouvrage, économe en descriptions du fait de sa construction, va à l’essentiel : ce que se disent les carmélites durant cette période bouleversée de la Révolution. Et c’est tout simplement magnifique. Magnifiquement écrit, tout d’abord, bien sûr (l’auteur est vraiment, vraiment un grand écrivain), magnifique aussi dans le contenu (c’est d’une très grande profondeur spirituelle) et dans la concision (le livre se lit très, très vite) et il est très court (154 petites pages).

C’est une lecture époustouflante, vraiment, qui parle de renoncement, de sacrifice, de la peur, bien sûr, de la mort et du courage d’y faire face. Pour le croyant, tout est là : ce à quoi nous amène la foi, c’est ça : le dépouillement, le renoncement à mener sa vie soi-même, l’acceptation d’un plus grand dessein que le mien, l’acceptation aussi de renoncer à faire ma volonté pour que celle d’Un Autre se fasse en moi et à travers moi. Jusqu’au don total, le don de sa vie, si les circonstances l’exigent.

C’est tout simplement bouleversant.


Paru aux éditions du Seuil (Points), 1996. ISBN : 978-2-02-028542-1.