dimanche 30 octobre 2011

Tableaux, de Sébastien Chamayou



Ce petit recueil de nouvelles regroupe dix textes ayant pour point commun la contemplation d'œuvres d'art pictural. Des tableaux, comme l'indique le titre du recueil, que l'auteur s'amuse à écrire avec un point de vue pour le moins original. Selon les cas, selon les textes, le narrateur se trouve soit dans le tableau, soit en train de le regarder, et à chaque fois que l'on a un point de vue "extérieur", celui-ci fait écho à ce que vit le narrateur. Si je n'ai pas du tout accroché aux deux premières nouvelles, j'ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé les suivantes. L'auteur a un style très poétique, parfois même un peu hermétique, mais une fois passées les premières pages, j'ai pu rentrer dans ces textes avec beaucoup de plaisir.

Les nouvelles les plus réussies, pour moi, sont celles qui s'intitulent "Triptyque", en trois parties, donc. Sans doute parce qu'elles reprennent des thèmes qui me sont chers. Ces nouvelles racontent en effet la Semaine Sainte, avec pour chacune d'entre elles le point de vue d'un témoin de l'histoire. Il s'agit à chaque fois de textes introspectifs, où l'on suit les pensées du narrateur, qui décrit la scène avec ses yeux et toute la subjectivité que cela suppose.
Si je ne devais retenir qu'un seul texte, ce serait en fait ce Triptyque, que j'ai trouvé magnifiquement bien écrit. Le retour à des textes plus "terre-à-terre" a été douloureux, parce que je n'ai pas trouvé dans les derniers, ni dans les premiers d'ailleurs, la force qu'il y a dans ces trois tableaux.

J'ai donc un regard assez mitigé sur ce recueil, parce que j’avoue ne pas avoir gardé de souvenir transcendant des autres nouvelles. J’ai malgré tout beaucoup apprécié le texte évoquant l’histoire d’Antigone, ainsi que celui qui parle de Fra Angelico, qui m’ont également transportée dans un autre monde… Pour les autres, je ne saurais qu’en dire, malheureusement : les deux premières, ainsi que le poème d’ouverture, m’ont paru assez hermétiques, ou alors je suis passée complètement à côté…
Malgré ce gros bémol, je suis vraiment très, très heureuse d'avoir pu le lire, parce que rien que le Triptyque valait le coup ! J’en ai même relu les textes tellement je les ai trouvés beaux, alors que je suis peut-être passée plus vite sur d’autres… allez savoir. Il y a des fois, dans ces moments de lecture, où le lecteur est comme happé par le texte, quand l’auteur y a mis ce petit quelque chose capable de toucher au plus profond. Je crois que c’est finalement ce qui s’est passé avec ce Triptyque, ces trois textes magnifiques qui éclairent d’une autre façon l’une des pages fondatrices du Christianisme.

Un grand merci, donc, aux Agents Littéraires et à la Société des Écrivains de m'avoir envoyé ce petit livre !

Paru aux éditions Société des Écrivains, 2011. ISBN : 978-2-7483-6664-8

mercredi 26 octobre 2011

Blake et Mortimer, tome 20 : La Malédiction des trente deniers, tome 2 : La porte d'Orphée, de Jean Van Hamme et Antoine Aubin



Nous avions laissé le Professeur Mortimer en bien fâcheuse posture, à la fin du tome 1. Le tome 2 débute donc sur les chapeaux de roues, comme il fallait s'y attendre, et l'aventure ne s'arrêtera plus.
On est ici dans le classique de Blake et Mortimer, les deux héros finissant par se retrouver et par mener conjointement l'enquête dans laquelle Mortimer s'est retrouvé plongé, un peu malgré lui, mais à laquelle il n'a pas hésité à participer.

J'ai lu ce deuxième tome il y a un petit moment maintenant (juste après la publication de ma chronique sur le tome 1, donc ça date un peu), et j'avoue que c'est un bon test. En le feuilletant, l'histoire me revient, les impressions à la lecture aussi. Et j'avoue avoir été déçue : les promesses du tome 1 d'une aventure plus originale, plus prenante, plus recherchée, ne m'ont pas semblé avoir été tenues dans cette suite attendue avec impatience. J'attendais plus de surprises, plus de fantastique, plus de... plus, quoi.
Alors bien sûr, on retrouve bien le "style", même si les auteurs qui ont repris la série ont laissé leur propre personnalité. Mais l'univers Blake et Mortimer est bien là, bien présent, et la qualité du dessin et de l'intrigue y est aussi. Mais je ne sais pas, pour moi, il manque un petit quelque chose qui semblait promis par l'intrigue mise en place dans le tome 1 et qui n'apparaît pas dans le tome 2, finalement. Pourtant, c'est bien le même scénariste. La suite me semble malgré tout moins forte que ce que laissait supposer le début, un peu comme un soufflé qui se dégonfle en sortant du four. C'est bon, mais moins beau que sur la photo...
Une petite déception, donc, même si je ne saurais exactement expliquer pourquoi. L'impression que c'est finalement une bonne histoire, mais qui ne m'a apporté rien de plus que celles d'avant... alors que j'ignore pourquoi, j'attendais autre chose...
C'est peut-être pour ça que j'ai mis autant de temps à écrire ce billet...

Paru aux éditions Blake et Mortimer, 2010. ISBN : 978-2-8709-7118-5

vendredi 21 octobre 2011

Mon bel oranger, de José Mauro de Vasconcelos



Zézé est un petit garçon de 5 ans, très doué. Sans jamais avoir été à l'école, il sait déjà lire, et il est curieux de tout, des mots en particulier, qu'il demande à son oncle Edmundo de lui expliquer, même les plus compliqués. Il est très vivant, débrouillard, espiègle... il a 5 ans, et c'est un petit diablotin qui ne tient pas en place. Il est l'avant-dernier d'une fratrie nombreuse, où chacun prend en charge un plus petit que soi. Il est donc aidé particulièrement par Totoca, son grand frère, qui lui apprend beaucoup de choses, mais se sert aussi de lui quand ça l'arrange, et par Gloria, sa sœur de quinze ans, qui l'aime beaucoup et est la seule de la famille à ne pas le battre quand il fait des bêtises. Et il en fait souvent !
Son père au chômage, la famille doit déménager parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer le loyer. Ils arrivent dans une nouvelle maison, juste après Noël, et Zézé, dont l'imagination est très fertile, se prend d'amitié pour un petit pied d'oranges douces, à qui il donne un nom, à qui il parle, et qui lui répond. Zézé va enfin à l'école, où de nouvelles découvertes l'attendent, et au cours de cette année, il apprend aussi la tendresse et l'amitié auprès du Portugâ, un homme du village. Un drame va alors faire découvrir au petit garçon toute l'étendue de la douleur, de la souffrance humaine.

J'ai découvert ce roman il y a quelques jours par l'intermédiaire d'une amie qui le relit régulièrement, tant ce livre l'a marquée. J'y ai trouvé beaucoup de choses intéressantes, outre le fait que c'est très bien écrit : l'histoire d'un petit garçon vif et intelligent, la description sans pathos de la pauvreté, de la vie de famille quand elle est difficile, voire impossible, l'ambiance villageoise, la débrouillardise des gamins... Mais au-delà de la peinture sociale, ce qui est intéressant ici, c'est bien l'extraordinaire imagination de cet enfant, sa capacité à transformer le réel. Sa relation avec son petit frère, Luis, est à ce titre particulièrement bien campée. On y voit non plus le petit diable qui passe son temps à faire des tours pendables aux voisins, mais un gentil garçon très attentif à ce petit frère, très tendre, et véritablement ébahi par les capacités que ce tout petit garçon a déjà, son intelligence, sa capacité à parler... Il y a aussi sa relation particulière avec Minguinho, son pied d'oranger, qui prend une place importante, et qui est finalement une sorte de symbole de l'enfance magique qu'il vit. Cette relation va se transformer radicalement au moment du drame, révélant alors la nouvelle maturité de l'enfant. C'est donc un très beau conte initiatique qui nous est donné ici.

A partir de 11 ans.

Traduit du Brésilien par Alice Raillard.
Paru aux éditions LGF (Le livre de poche Jeunesse), 1986. ISBN : 978-2-253-02333-3
Réédition 2007. ISBN : 978-2-013-22415-4

jeudi 20 octobre 2011

Elinor Jones, tome 2 : Le bal de printemps, de Algésiras et Aurore


Dans ce deuxième volume, les relations entre les personnages évoluent rapidement. Cet opus relate le bal de printemps, sa préparation, sa réalisation, et tout ce qui se passe autour. Le lecteur fait la connaissance de nouveaux personnages, comme Queen, le meilleur ami d'Abel et le petit-fils de Macy, la vieille couturière. C'est aussi dans ce tome que s'ébauche l'un des rôles de Chao, le majordome, qui semble avoir plus de pouvoir que ne le laisse supposer ce titre. Enfin, la rivalité entre Bianca et son frère devient de plus en plus criante, conduisant au conflit que Bianca remporte, du moins temporairement.
Le dessin est toujours aussi somptueux, et s'il est plus question ici de l'intrigue sur fond de conflits de personnes que dans le premier tome qui posait les bases et les personnages, l'histoire se déroule sous les yeux du lecteur comme un enchantement menant, semble-t-il, à un véritable cauchemar.
Sans en révéler trop sur le tome 2, et en attendant le tome 3, je me dis qu'il y a là un véritable piège qui est en train de se refermer sur plusieurs personnages. Elinor, l'héroïne, si fragile, si frêle, va-t-elle s'en sortir, et comment ???
Ah oui, c'est digne des romans à épisodes, mais que voulez-vous, c'est une bande dessinée à épisodes ! Heureusement pour nous, ils ne sont qu'au nombre de trois...

Paru aux éditions Soleil (Blackberry), 2011. ISBN : 978-2-30201-601-9

vendredi 14 octobre 2011

1Q84, livre 1, Avril-Juin, de Haruki Murakami


Il y a des livres, comme ça, où 500 pages ne font pas peur. Où 500 pages, c'est bien trop peu. Où on en redemande. Encore. Parce qu'il y a des livres qui sont porteurs d'un véritable souffle épique, d'une histoire prenante, exigeante, incroyable.

1Q84 est l'un de ceux-là. La bonne nouvelle, c'est que le tome 2 est paru et que le tome 3 va suivre. Alors j'ai déjà acheté le tome 2, et je guetterai le tome 3.

Pourquoi un tel enthousiasme ? Je ne sais pas trop au juste. Et je n'ai pas réellement envie de le dire ici, c'est très intime, très personnel. Pourquoi ce billet, alors, si je ne peux pas en parler ?
Parce que ce livre, c'est l'histoire d'Aomamé, d'une part, de Tengo d'autre part. Et d'autres personnages, étranges, bizarres, attachants, aussi. Ayumi, Tamaru, la vieille femme, Komatsu, la petite amie, Fukaéri, le professeur Ebisuno... des personnages attachants, oui, mystérieux, assez incroyables et pourtant terriblement crédibles.
Ce roman, c'est aussi une autoroute bondée sans raison apparente, deux lunes au lieu d'une seule, une année bizarre, une secte, des meurtres, de la bonne conscience malgré les horreurs commises, d'autres horreurs, un roman, best-seller, même, dont l'auteur n'est pas l'auteur, des personnages inconnus qui changent de taille, des choses incompréhensibles...
En dire plus m'est impossible, parce que je n'ai lu que le premier livre. Il me faudrait connaître les trois pour être plus précise, pour mieux saisir les tenants et les aboutissants. Là, pour l'instant, je nage en plein mystère.

Alors si je suis si heureuse, c'est justement parce que je sais qu'il y a encore deux livres à lire, pour que l'histoire soit révélée, qu'elle soit complétée. Ce roman est magnifique, tout simplement. J'ai été happée dès les premières lignes par ce monde si semblable au nôtre et pourtant si éloigné.
Nous sommes au Japon, en avril 1984. Et très vite, Aomamé remarque que des petites choses ont changé. Des uniformes, des faits dont elle n'a pas connaissance... il n'y a que deux solutions : soit elle est folle, soit... c'est le monde qui l'est devenu. Elle continue à vivre, malgré ces petites bizarreries qui semblent n'avoir que peu d'influence sur le monde qui l'entoure. Et pourtant, cette influence se fait grandissante, de plus en plus prégnante. Une torsion, un décalage, dans le temps et dans l'espace, et les choses changent. Le monde change.
C'est le premier roman de Haruki Murakami que j'ai la chance de lire, et je dois dire que je suis subjuguée. Le texte est beau, bien construit (bien sûr, je ne sais pas lire le Japonais, alors je ne peux que rendre hommage à la traductrice, qui a fait un travail fabuleux), l'auteur distille les informations, et même quand on pense avoir compris, on en apprend un peu plus un peu plus loin, et ce qu'on lit éclaire tout ce qu'on a déjà vu d'un jour nouveau... J'ai parfois l'impression qu'il y a des redites, malgré tout. Mais c'est sans doute voulu : les éléments se mettent en place avec la répétition-ajout d'éléments nouveaux. Et je dois avouer que pour quelqu'un comme moi, qui a l'esprit d'escalier, ces répétitions sont particulièrement bienvenues : elles me permettent de mieux mettre en lien les différents faits. L'univers décrit est précis, envoûtant, étrange et en même temps étrangement familier. Les mots et les phrases sont vraiment d'une beauté à couper le souffle, et sans être pour autant hypnotisée par ma lecture, je dois avouer que je n'avais qu'une hâte : m'y replonger pour en savoir plus, tout en regrettant d'avancer si vite...


les matchs de la rentrée littéraire

J'ai au départ choisi ce livre dans le cadre de l'opération « Les Matchs de la rentrée littéraire », organisée par Price Minister (que je remercie vivement au passage de m'avoir permis de découvrir ce magnifique roman !). Et non seulement j'en suis très heureuse, comme vous avez pu le comprendre, mais je vais de ce pas me plonger dans la suite, parce que l'impatience me gagne : que vont devenir Tengo et Aomamé ? Où est donc passée Fukaéri ? Que va devenir la fillette recueillie par la vieille femme ?

Paru aux éditions Belfond, 2011. ISBN : 978-2-7144-4707-4.

Le billet de Clara, qui est tout aussi enthousiaste que moi, et qui conduit à d'autres !

mercredi 12 octobre 2011

Elinor Jones, tome 1 : Le bal d'hiver, de Algésiras et Aurore


J'ai découvert Elinor Jones un peu par hasard, l'an dernier, sur le blog d'Audrey Alwett, directrice des collections Strawberry et Blackberry de Soleil. J'ai fini par craquer pour cette superbe bande dessinée, parce que le style graphique me plaisait. En matière de bandes dessinées, je suis très visuelle, et l'histoire dans un premier temps m'importe moins que le dessin, parce que c'est le dessin que je vois en premier (finalement, je dois être assez basique, quelque part). Mais j'ai bien sûr lu l'histoire. Et elle m'a emballée.

Question dessin, donc, j'ai beaucoup aimé le trait et les couleurs d'Aurore, dans cette série. Les dessins sont doux, riches de détails mais non surchargés, et on sent à la fois le travail dans les détails tout en ayant une nette influence manga, sans que ça fasse non plus trop "japanisant" pour autant... Les couleurs sont aussi très belles, lumineuses et tout en nuances, créant un univers foisonnant, riche, très contrasté... au service de l'histoire, la complétant parfaitement.

L'histoire aussi m'a beaucoup plu, vous l'aurez compris. Il est ici question d'une maison de couture familiale, dans l'Angleterre du 19e siècle. Elinor arrive un jour comme couturière pour y travailler, et rejoint un groupe de 4 autres couturières, 3 jeunes femmes et une plus âgée, qui travaillent et vivent toutes dans la maison des Tiffany, où vivent Hope, la mère, Bianca la fille et Abel, le fils, ainsi que Chao, le majordome et Heng le jardinier. On rencontre aussi Aleïd, la cuisinière, qui complète l'équipe. La maison Tiffany est petite, familiale, mais s'est bâti une solide réputation de qualité à travers les trois bals qu'elle organise chaque année. Ce premier opus relate le bal d'hiver, auquel toutes les couturières se doivent de participer et de donner le meilleur d'elles-mêmes. C'est l'occasion pour Elinor de montrer ce qu'elle vaut en tant que couturière, et pour nous de mieux connaître tout le petit monde qui vit dans cette maison prestigieuse. Au fil du temps, les conflits se font jour, les alliances se découvrent, les caractères se dévoilent... au point de retourner les situations qui ne sont pas aussi simples que ce que peut penser le lecteur au premier abord.

L'intérêt de cette série, outre sa beauté graphique et son histoire prenante, c'est aussi qu'on est là dans les débuts de l'ère industrielle, à un moment où ce qui deviendra une des plus grandes industries textiles au monde en est à ses débuts. Je ne sais pas ce qu'il en est d'un point de vue historique : cette maison a-t-elle existé ? A-t-elle réellement fonctionné de cette manière à ses débuts ? Je ne sais pas et n'ai pas envie de chercher pour l'instant, pour laisser la magie opérer encore un peu.
Cette bande dessinée est une véritable belle découverte en ce qui me concerne, de même qu'une autre dont je vous parlerai d'ici peu, dans la même collection !

Très bientôt, le tome 2, paru en 2011 !

Paru aux éditions Soleil (Blackberry), 2010. ISBN : 978-2-30200-974-5

samedi 8 octobre 2011

Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, de Jonas Jonasson



Allan Karlsson va fêter ses cent ans. C'est à dire que la maison de retraite où il vit désormais a convoqué, par l'intermédiaire de Sœur Alice, la responsable de l'institution, Monsieur le Maire, mais aussi la presse à l'occasion de cet anniversaire hors du commun. Allan Karlsson est en effet un centenaire tout ce qu'il y a de plus alerte, doté d'un caractère bien trempé. Mais si la maison de retraite se pare de ses habits de fête, ainsi que les autres résidents plus ou moins conscients de l'événement qui se prépare, il n'en est pas de même pour le héros du jour. Car Allan n'a que faire de cette journée, qui plus est de la fête qui se prépare pour lui. Au lieu de ça, quelques minutes avant que Sœur Alice ne vienne le chercher dans sa chambre, Allan... fugue par la fenêtre. En charentaises.

Commence alors une course poursuite dans la ville, à la gare, puis dans toute la Suède, la police pensant dans un premier temps à un enlèvement, puis, au fil des pistes que laisse le centenaire derrière lui, à un complot, voire à un gang dont il serait le meneur. De situations rocambolesques en poursuites improbables, le centenaire fait défiler sous les yeux du lecteur non seulement son épopée présente, mais aussi toutes celles qui l'ont précédées, depuis sa naissance jusqu'à son fameux centième anniversaire.
Il faut dire que l'homme en a vu des choses dans sa vie et qu'il a rencontré les plus illustres hommes : Harry Truman, Mao Tse Tung, Staline, Franco... il a tout vu, tout fait, sans jamais se départir de sa simplicité et d'une seule envie : qu'on lui fiche la paix.

J'ai dévoré ce roman !!! Oui, je suis emballée. Il est parfaitement illogique, bourré de personnages tous plus improbables les uns que les autres, les incursions dans l'Histoire sont quelque peu téléphonées voire totalement absurdes, et pourtant, j'ai accroché, vraiment. Parce que ce livre est inventif. Il est plein d'espoir, plein de bonne humeur, de rêve, les retournements de situations sont légions et jusqu'à la fin, on ne sait pas vraiment ce qui va se passer, qui va gagner... les personnages hauts en couleurs sont particulièrement attachants... Je pourrais continuer longtemps comme ça tellement ce livre m'a enthousiasmée ! Si ce n'est pas encore fait, précipitez-vous : c'est un véritable roman jubilatoire !!

Traduit du suédois par Caroline Berg
Paru aux éditions Presses de la cité, 2011. ISBN : 978-2-258-08644-9

mercredi 5 octobre 2011

Magnitude 9, des images pour le Japon



11 mars 2011. Un séisme de magnitude 9, suivi d'un tsunami d'une ampleur sans précédent ravage la côte Est du Japon, avec les conséquences humaines, matérielles et nucléaires que l'on sait. Dans les heures et les jours qui ont suivi, et jusque dans les mois suivants, des centaines de dessinateurs ont accepté de travailler et d'offrir leurs oeuvres pour venir en aide, modestement, au peuple Japonais durement touché par cette catastrophe sans précédent dans son histoire (si on omet la catastrophe d'Hiroshima et Nagasaki, qui n'a rien de naturelle, celle-là).
Dans les faits, CFSL a créé un site internet intitulé "Des images pour le Japon", que je vous avais présenté ici, et les centaines de dessins reçus par les organisateurs ont permis d'une part la mise en ligne de ces oeuvres, mais aussi une vente d'originaux qui a rapporté plus de 31000€.
Les organisateurs avaient dès le départ aussi l'idée de réunir certaines de ces contributions dans un ouvrage hommage, et le résultat est à la hauteur du travail accompli.
Un livre sobre, couverture blanche et rouge uniquement, textes en préface et postface, et 250 pages laissées aux artistes pour exprimer leurs sentiments face à cette catastrophe qui semble avoir touché bien plus que les Japonais. C'est d'ailleurs quelque chose que je trouve assez étonnant, cette solidarité envers le peuple Japonais. Non pas qu'il ne faille pas les aider, bien loin de là. Mais qu'en est-il des autres pays où des catastrophes de même ampleur, voire pire, ont eu lieu ? Qu'en est-il d'Haïti par exemple ?

Sans entrer dans une polémique qui n'a pas lieu d'être, l'une des réponses se trouve sans doute dans les dessins, et notamment dans les dessins qui se trouvent sur le site, mais pas dans le livre. J'ai d'abord été plutôt déçue de ne pas les y voir d'ailleurs, puis j'ai compris. Dans les dessins qui ont été publiés sur le site, il y avait des références à Astro Boy, à Goldorak, aux œuvres de Miyazaki par exemple, et à tant d'autres que j'oublie. Tous ces héros qui ont bercé notre enfance, qui nous émerveillent encore aujourd'hui, font partie de notre vie quotidienne et de celle de nos enfants. Ils ne pouvaient pas être dans ce livre, car il aurait sans doute fallu demander des droits d'auteur. Et pas qu'un peu. La raison, c'est simplement que notre monde occidental (Europe, Amériques) est tellement imprégné de culture japonaise par les mangas (bds et dessins animés qui ont nourri notre enfance) que le Japon a une influence culturelle énorme chez nous, et ne peut donc laisser personne indifférent aux souffrances qu'il endure. C'est pour cette raison, je pense, qu'un tel élan de solidarité s'est manifesté envers ce pays meurtri, et de manière totalement spontanée.

Alors voilà, il reste un livre. Moins riche de ces références que ce que je pensais, mais magnifique. Il dit la douleur, la tristesse, l'espoir, la solidarité, l'amitié des dessinateurs du monde entier qui ont voulu, par les traits de leurs crayons, par leur peinture, leurs couleurs, dire aux Japonais qu'ils n'étaient pas seuls face aux drames qui se jouent chez eux.

Paru aux éditions Ankama, CFSL INK, 2011. ISBN : 978-2-35947-025-3

lundi 3 octobre 2011

Dans la vie, de Aïssa Lacheb



Voici un roman pour le moins déroutant. Il est construit en trois parties, dont la première et la dernière sont la transcription de deux "journaux", en premier celui d'un tueur psychopathe et en dernier le cahier d'une personne âgée d'une maison de retraite, qui l'a confié avant de mourir à un infirmier de l'établissement où elle réside.
Si je vois parfaitement bien le lien qu'il peut y avoir entre la seconde partie (le récit de la vie dans cette maison de retraite) et la troisième (le récit sans doute imaginaire, à moins que ce ne soit celui de sa propre vie ? de la vieille dame), j'avoue que j'ai eu beaucoup, beaucoup plus de mal à voir le lien avec la première partie, le journal du tueur. Sans doute suis-je trop obtue pour ça ? Tout était pourtant écrit noir sur blanc. Autant dire que le récit a fonctionné à merveille sur moi.
En fait, c'est en écrivant ces lignes que je commence seulement à comprendre. Et ça change totalement mon regard sur ce roman. Un détail, un seul, permet de faire le lien entre les trois parties : le temps. Temps de travail dans la seconde, temps libre dans la première. Temps de l'adulte dans les deux premières parties et temps de l'enfance dans la troisième. Cette interprétation-là n'est que le fruit de mon imagination, mais j'aime à penser que l'homme n'a pas reçu ce récit de la vieille institutrice par hasard. Et que ce petit cahier d'écolier raconte aussi son histoire à lui.

Alors sans entrer dans les détails, sinon ce n'est pas drôle pour ceux qui souhaiteraient lire ce livre, voici en gros de quoi ça parle.
La première partie est donc exclusivement consacrée au journal de bord d'un homme qui raconte d'abord par le menu, puis de manière de plus en plus urgente, de plus en plus fugace, les "comptes qu'il solde". C'est-à-dire les meurtres qu'il commet. Il est froid, efficace, redoutablement efficace même. Il sème les cadavres, de plus en plus de cadavres, qui s'effacent aussitôt de sa mémoire et de sa liste, et sont immédiatement remplacés par d'autres noms qui deviendront eux aussi des cadavres. Il solde. C'est à la fois simple, cruel, terrifiant et parfaitement calme, parfaitement ordonné, méticuleux. Cet homme est une machine à tuer.

La deuxième partie raconte la vie dans une maison de retraite. On y rencontre des personnes âgées, des personnes grabataires, "folles" ou pas, des malades d'Alzheimer, des soignants, une infirmière cadre dépressive, un infirmier aux petits soins pour les personnes qu'il a à sa charge, un homme à tout faire qui en a marre d'être pris pour un chien mais met un point d'honneur à faire son travail le mieux possible, jusqu'à ce qu'il arrive au point de non-retour, et surtout, dans cette véritable fourmilière qu'est la maison de retraite, un directeur vicieux, pervers et manipulateur qui n'a de cesse de tout contrôler à l'intérieur de son établissement. Il harcèle littéralement la pauvre cadre chargée des plannings, fait peur à tous, impose un système de transmissions par informatique où tous doivent absolument tout noter sous peine de représailles, ne tient pas compte des demandes de bon sens des uns et des autres, mais encourage la délation, le harcèlement, l'isolement des plus faibles... pour finir par arriver à un double drame.

Quant à la troisième et dernière partie, elle relate un fait divers mettant en scène une vieille femme de ménage de 64 ans et un collégien qui passe devant l'agence où elle fait le ménage tous les jours. Un jour, il voit de la lumière, entend l'aspirateur, mais quand il l'aperçoit, elle a l'air de dormir. Interpellé par la police qui se trouvait pas trop loin, il leur dit que la femme semble malade, les policiers interviennent et la vieille femme est sauvée grâce à ce jeune Jules. Mais l'histoire ne se termine pas là : Jules est en retard, le directeur ne croit pas à son histoire et le "colle", ses parents ne cherchent même pas à en savoir plus et approuvent la punition, si bien que le jeune garçon se dit qu'il a été puni deux fois pour des choses qu'il n'avait pas faites, et surtout pour avoir dit la vérité et permis à une vieille dame de rester en vie.

Je viens de finir ce roman magnifique, et je suis scotchée. La langue employée est étrange : très différente dans les trois parties (langage (mal) parlé dans la première, ton très neutre et très bien écrit dans la seconde et style très scolaire dans la troisième), ce qui transparaît, c'est l'horreur dans la simplicité. Simplement ça. L'horreur dans ce qu'elle a de simple, de facile, de net et de définitif.
J'ai dû patienter avant d'ouvrir ce livre, mais quelle découverte !


Un grand merci, donc, à NewsBook et aux éditions Au Diable Vauvert, pour ce magnifique partenariat !

Paru aux éditions Au Diable Vauvert, 2011. ISBN : 978-2-84626-344-3