dimanche 23 décembre 2012

Joyeux Noël à tous !!!!

Eh ! Vous avez vu ça ?
Pour une fois, je ne suis même pas en retard. Moi, je vous dis, 2012 post-apocalypse est à marquer d'une pierre blanche ! (bon, il faut dire aussi que depuis quelques jours, d'autres blogueurs se mettent à souhaiter plein de jolies choses à leurs lecteurs, alors j'aurais vraiment été une quiche si je n'y avais pas pensé !)

En tout cas, je vous souhaite à tous, à vous, fidèles lecteurs qui venez régulièrement, et à vous aussi, qui passez par hasard, de très belles fêtes de fin d'année.
Que la joie de Noël illumine vos coeurs et vos familles, que la paix emplisse vos maisons, que la lumière de Noël éclaire vos visages et vos maisons !

Belles fêtes à tous, je vous retrouve en janvier (ou après, je ne sais pas : j'ai trop peu de temps pour lire (et a fortiori pour écrire sur ce que je lis et ne lis pas) en ce moment !)


vendredi 23 novembre 2012

Pour seul cortège, de Laurent Gaudé


De cet auteur, je n'avais lu qu'un seul ouvrage, Eldorado, que j'avais bien apprécié. Et puis cette année, à l'occasion des Matchs de la rentrée littéraire, j'ai eu l'occasion de lire Pour seul cortège, arrivé très tardivement dans ma boîte aux lettres (d'où cette chronique tardive elle aussi, que l'éditeur et l'organisateur m'en excusent).

Alexandre, à Babylone, danse lors d'une fête. Il est sujet à un malaise, sent que quelque chose monte en lui, c'est comme s'il en connaissait déjà l'issue, mais il refuse de le montrer et fait comme si de rien n'était. Puis il s'écroule, terrassé par un mal mystérieux qui finira par l'emporter.
Parallèlement, le lecteur suit le trajet de Dryptéis, la fille de Darius, roi des Perses vaincu par Alexandre, que l'armée de l'Empire vient chercher au fin fond de sa retraite.

Dès avant la mort d'Alexandre, les jeux de pouvoirs se mettent en place entre les héritiers potentiels, et le tumulte s'installe, la trahison devient une arme redoutable pour écarter ceux qui pourraient barrer légitimement le chemin des prétendants... jusqu'à l'atrocité la plus noire et la plus vile. La mort d'Alexandre est alors le prélude à un long périple, emmenant les protagonistes aux quatre coins de l'Empire.

Dans un premier temps, la construction du récit, à plusieurs voix, toutes à la première personne, m'a quelque peu désarçonnée, parce que j'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire, ne sachant pas trop qui parlait exactement. Mais au bout de quelques pages, j'ai été happée, entraînée dans l'histoire d'Alexandre le Grand et n'ai plus été capable de la lâcher. Il y a dans ce récit un souffle épique, un côté fantastique (au sens littéraire du terme) qui se mêle à l'Histoire et en donne un aspect inédit, alliant tragédie et mythologie, spiritualité, poésie et quête personnelle. Les âmes des morts parlent aux vivants, les protègent, les guident aussi, les vivants conversent avec elles, allant jusqu'à leur accorder plus de crédit ou d'importance qu'à certains vivants...
J'ai beaucoup aimé ce court roman (moins de 200 pages), où l'on suit des personnages complexes, attachants ou terrifiants, et finalement vraiment humains. L'écriture de Laurent Gaudé est belle, entraînante, presque envoûtante même...

Pour ce match de la rentrée littéraire, il faut donner une note au roman que l'on a lu, et j'attribuerai donc un bon 17/20 à celui-ci !
Un grand merci à Price Minister et aux éditions Actes Sud pour ce beau moment de lecture !

Paru aux éditions Actes Sud, 2012. ISBN : 978-2-330-01260-1



vendredi 2 novembre 2012

L'Arbre des possibles, de Bernard Werber


J'étais à la recherche d'un recueil de nouvelles sur le thème du temps, et la personne qui m'a conseillée m'a mis celui-ci entre les mains. J'avoue n'avoir pas compris pourquoi, après l'avoir lu, elle a pensé à ce livre-ci en particulier, parce que la thématique du temps n'y est pas du tout présente en tant que telle, mais je n'ai pas pour autant été déçue.

Ce recueil de vingt nouvelles emporte le lecteur dans l'univers foisonnant et, oserais-je le dire, délirant de Bernard Werber. Il y est question entre autres d'une école pour que les dieux apprennent à gouverner, ou bien d'objets remplacés par leurs noms, ou encore qui prennent vie et se mettent à parler, de mondes où les gens ne peuvent pas imaginer pouvoir compter au-delà de vingt, où l'on peut partir en voyage au XVIIe siècle (peut-être est-ce là que je devais chercher le thème du temps ?)... des récits où l'on part dans tous les sens, où l'imaginaire n'a pas de limite ou presque, et c'est assez réjouissant.
Pour moi qui écris un petit peu, je me dis que finalement, je peux laisser libre court à mon imagination : d'autres ont écrit des choses bien plus improbables... c'est plutôt rassurant !
Ce petit livre m'a donc fait du bien. Il se lit vite, et si j'ai trouvé les différentes histoires assez inégales, j'y ai retrouvé quand même ce que j'avais bien aimé dans « Le père de nos pères », lu il y a déjà plusieurs années (je me demande même si ce n'était pas il y a de cela plus de 15 ans maintenant !), cette capacité à rendre presque crédible quelque chose qui paraît absolument incroyable, en se basant sur des découvertes scientifiques proprement hallucinantes, qui n'en sont pas moins bien réelles pour autant. Ou comment la littérature peut se saisir des découvertes délirantes de la science pour mener une réflexion sur le monde qui nous entoure, voire extrapoler quelque peu pour dévoiler un peu du monde qui nous attend ?

Je ne dirais pourtant pas que j'ai aimé ce livre. Trop inégal, trop de choses tellement farfelues que je me suis demandé ce qu'avait fumé l'auteur. Je crois que j'ai besoin de réalisme, même dans le fantastique, pour y croire un peu. Ceci dit, c'est très divertissant et l'avantage des nouvelles et récits très courts comme ici, c'est que l'on peut reposer l'ouvrage et poursuivre avec autre choses, puis le reprendre par la suite sans être perturbé dans la lecture.

Paru aux éditions LGF (Le livre de poche), 2004 (Réédition 2010). ISBN : 978-2-253-11146-7.

mercredi 31 octobre 2012

Cadavre exquis, de Pénélope Bagieu


J'ai découvert Pénélope Bagieu sur Internet, à travers son blog. Un blog qui m'a fait plutôt rire, parce qu'il met en scène une petite renarde (Pénélope) qui raconte avec beaucoup d'humour sa vie (voyages, bouclages de bds...). Elle a publié un certain nombre de bandes dessinées ces dernières années, dont "Ma vie est tout à fait fascinante", suite d'histoires courtes en une ou plusieurs planches.
Ici, il s'agit du premier long récit en bande dessinée de l'auteur. On y rencontre Zoé, potiche d'accueil dans les salons et foires, qui a une vie privée tout aussi passionnante que son travail. Son compagnon pointe au chômage, dort en chaussettes et attend tout ou presque d'elle. Et puis, un jour, elle rencontre Thomas, écrivain à succès en manque d'inspiration. Cette rencontre va remettre Thomas sur les rails de l'écriture, et changer toute la vie de Zoé.

J'ai beaucoup aimé ce récit, le trait de Pénélope Bagieu est simple, clair, expressif sans être trop fouillé. Elle ne va pas trop chercher dans les détails, mettant l'accent sur les expressions des personnages, quitte à caricaturer un peu, à forcer légèrement le trait.
Quant à l'intrigue, elle se lit comme un roman d'amour et se transforme petit à petit pour aller vers l'ignoble, le cynisme, avec toujours autant d'humour. Il y a bien sûr Zoé et Thomas, et puis l'ex de Thomas, qui est aussi son éditrice, et le triangle amoureux s'installe, laissant présager les pires déboires. Quant à savoir pour qui, je ne vous dévoilerai pas la fin !
Une bonne lecture, bien agréable et qui détend admirablement !

vendredi 26 octobre 2012

Le tueur de temps, de Caleb Carr


Présentation de l'éditeur :

2024.
Alors que le tentaculaire réseau mondial offre toujours davantage d'informations, l'ordre international est au bord de l'explosion... La présidente américaine a été assassinée et une photo du meurtrier diffusée sur Internet accuse formellement l'Afghanistan. Mais alors que les États-Unis ont lancé une violente guerre contre le régime de Kaboul, il se pourrait que la photo soit en réalité un montage... Pour Gideon Wolfe, professeur en psychologie criminelle, une personne aussi démente que géniale a pris le contrôle de la Toile mondiale et cherche à plonger le monde dans le chaos. Sa traque le conduira jusqu'à Malcolm Tressalian. Nouveau capitaine Nemo, celui-ci est prêt à tout pour imposer une nouvelle société : falsifier l'histoire ou, à défaut, tuer le temps...

J'avoue avoir été quelque peu interloquée par ce roman d'anticipation. Il est inventif, haletant, mais je n'ai pas vraiment bien compris toute l'histoire. Sans doute l'auteur a-t-il pris des raccourcis ou fait-il référence à des canons du genre, mais pour moi qui suis un peu novice dans ce genre de littérature, il n'a pas forcément été très simple de m'y plonger.
Malgré tout, j'ai quand même bien apprécié l'histoire, servie par des personnages inoubliables, un rythme effréné, palpitant et sans aucun temps mort. J'ai été propulsée dans un autre monde, même si celui-ci ne se situe que dans 12 ans... En tout cas, j'ai bien apprécié un aspect de l'histoire : la critique de la société de l'information dans laquelle nous vivons et qui est ici en quelque sorte la toile de fond du roman. Ou comment l'information peut-être manipulée, déformée, cachée aux yeux du commun des mortels. De quoi donner à réfléchir ! Parce que cet aspect-là du roman est bien actuel et tout à fait réel. Sans que ce soit forcément une bonne nouvelle...

Paru aux éditions Pocket, 2004. ISBN : 2-266-12922-8

mercredi 24 octobre 2012

Bons baisers de Cora Sledge, de Leslie Larson


Cora est une vieille femme que ses enfants ont placée en maison de retraite pour son bien. Elle est en effet obèse, totalement accro aux « petites pilules » antidépressives, n'a pas sa langue dans sa poche et donnerait n'importe quoi pour retourner chez elle. Seulement voilà : sa maison a été louée par ses enfants à un jeune couple et elle n'a pas le choix : elle doit rester là, même si elle ne supporte pas cette idée.
Vaille que vaille, elle s'adapte à la maison de retraite, fait des rencontres (parmi les pensionnaires, mais aussi parmi les membres du personnel, en particulier le kiné qui s'occupe d'elle). Au fur et à mesure que le temps passe, elle avance, ouvre les yeux, et mène l'enquête. Il faut dire que des vols sont perpétrés au sein de la maison de retraite, et Cora ne supporte pas d'être flouée ainsi. Elle trouve des alliés, soupçonne tout le monde, remarque certaines choses, et finalement note tout dans les cahiers que sa petite-fille lui offre. Ce sont ces cahiers qui nous sont restitués ici, et nous font vivre l'histoire de Cora dépeinte avec un humour débordant, caustique, mais jamais méchant.

Cora m'a touchée... elle est vraiment étonnante, cette femme, débordante d'énergie... A travers ses cahiers, c'est aussi sa vie passée qui est retracée, son histoire familiale, son enfance, son mariage, les naissances de ses enfants... Oui, une lecture agréable, qui laisse songeur quant à ce que l'on fait de nos « vieux », si je peux parler ici de manière aussi cavalière. Une lecture réjouissante en tout cas !

Paru aux éditions 10/18, 2011. ISBN : 978-2-264-05208-7
Paru également en poche aux éditions 10/18 (Poche), 2012. ISBN : 978-2-264-05795-2

lundi 22 octobre 2012

Sentinelle (Complex 2), de Bretin et Bonzon


Le pasteur Ari Fliakos a une permanence dans le sous-sol d'une des tour du World Trade Center. Tous les matins, il reçoit un appel d'une femme dont il ne connaît pas le nom, avec qui il n'a discuté qu'une seule fois par téléphone. Depuis cet échange, elle l'appelle tous les jours, très tôt, et laisse un message sur son répondeur. Le dix septembre 2001, comme tous les jours, Ari Fliakos a reçu un appel de cette femme, très étrange : après avoir prononcé des paroles dans une langue inconnue, elle a récité une liste de 2973 noms, dont celui d'Ari. Le lendemain, Ari est englouti dans la chute de la tour.
Trois ans plus tard, deux agents découvrent l'enregistrement et se lancent à la recherche de la femme qui a appelé. S'en suit une intrigue étonnante qui nous entraîne de New York à Delphes en passant par l'Amazonie. C'est que la femme, Angela, détient sans le savoir un pouvoir immense. Ce pouvoir est convoité par diverses personnes qui mettent tout en œuvre pour se l'approprier. Au cours du récit, le lecteur rencontre ainsi différents personnages tous plus intrigants les uns que les autres.

Là encore, l'histoire m'a complètement subjuguée. Et c'est d'autant plus étonnant que Sentinelle est la suite d'Eden, le volume 1 de Complex. Je n'ai du coup pas tout compris (notamment ce qui a trait au fameux Complex, dont il est question surtout dans Eden), mais j'ai malgré tout totalement adhéré à l'intrigue. En fait, j'ai bien l'impression que ces deux volumes peuvent se lire indépendamment, même si je suppose que j'ai raté un certain nombre de subtilités en commençant par le tome 2... La prochaine fois, il faudra quand même que je prenne le temps de regarder la couverture et de vérifier que c'est bien la première partie de l'histoire que j'achète !

Paru aux éditions Pocket (Pocket Science fiction), 2012. ISBN : 978-2-266-20372-2

samedi 20 octobre 2012

Replay, de Ken Grimwood


Jeff Winston meurt subitement, à 43 ans, d'une crise cardiaque. Il abandonne ainsi à son corps défendant une vie médiocre et un mariage à la dérive. Sauf qu'en réalité, il ne meurt pas totalement, puisqu'il se réveille à 18 ans, dans sa chambre d'étudiant. Sa vie recommence, presque comme avant. En fait, tout est comme avant, sauf que Jeff a gardé la mémoire des 25 années qu'il a vécues jusqu'à sa mort.

J'ai été totalement happée par l'histoire. Une histoire en forme de boucle dans le temps, où le héros, au fur et à mesure de ses répétitions (parce que ce ne sera pas le seul retour dans le temps), apprend de plus en plus et passe par des phases bien différentes dans sa vie. On le voit profiter de ses souvenirs, devenir riche, immensément riche, même, puis se retirer dans un coin perdu, faire des rencontres étonnantes... pour finir par trouver un sens à tout ça. Mais le chemin est long, très long.
C'est palpitant, bien écrit (et bien traduit !), et j'ai vraiment beaucoup aimé ce livre en forme de quête existentielle. Seul regret : j'ai eu du mal à comprendre l'intérêt de ces répétitions, même si le procédé narratif et l'inventivité m'ont conquise. Finalement, je me demande à la fin à quoi ça a bien pu servir, tout cela ? Heureusement que l'histoire est captivante !

Paru aux éditions Points, 1997. ISBN : 978-2-02-032126-6

jeudi 18 octobre 2012

La femme en vert, d'Arnaldur Indridason


J'ai découvert ce livre il y a quelques jours, et j'avoue avoir été scotchée. Plutôt par l'intrigue que par le style ou l'écriture, d'ailleurs. Sans doute que la traduction n'est pas extraordinaire dans cet ouvrage. C'est d'ailleurs dommage, parce que c'est le seul reproche que je ferai à ce livre : trop d'erreurs, de maladresses dans le français utilisé, des répétitions... et un certain nombre de lourdeurs. Du coup, j'ai l'impression qu'il est mal écrit, alors que c'est vraisemblablement un problème de traducteur...

Et le livre, me direz-vous ? Erlendur, inspecteur de police plutôt taciturne, torturé, secret et solitaire, est en charge d'une enquête concernant la découverte d'ossements dans un quartier en construction de Reykjavik. Toutes les estimations le confirment : le corps est là depuis environ 70 ans, ce qui ne facilite pas la recherche de la vérité quant à ce qui s'est passé à cet endroit. S'ajoute à cette enquête l'histoire personnelle de l'inspecteur et ses déboires avec sa fille et son ex-femme (je crois que je n'ai pas commencé par le bon tome : j'arrive en plein milieu de sa vie, j'ai certainement raté quelques épisodes !).
Pour mener cette enquête à bien, Erlendur est secondé par deux autres inspecteurs, Elinborg et Sigurdur Oli, ainsi que par des archéologues dont le travail est de dégager le corps de sa « tombe » pour en savoir plus sur les circonstances de la mort. Seulement, c'est un long travail, qui va les occuper durant quasiment tout le roman. Il faut donc chercher en parallèle, trouver des témoins... ce qui n'est pas chose aisée compte-tenu du temps qui s'est écoulé.

En parallèle, nous suivons l'histoire d'une femme et de ses enfants, une femme battue par son mari, terrorisée à l'idée qu'il s'en prenne un jour à ses enfants. Petit à petit, on en apprend davantage sur l'époque où se situe cette seconde histoire, ainsi que sur les personnages. Le passé et le présent se mêlent à l'envi, rendant les deux histoires passionnantes.

J'ai beaucoup aimé l'intrigue, les personnages (principaux et secondaires, tous très bien croqués et hauts en couleurs), l'imbrication des deux intrigues, les développements, les fausses pistes qui ne manquent pas de nous perdre au cours de la lecture.
N'était ce problème de traduction, ce serait un excellent roman !

Paru aux éditions Points, 2007. ISBN : 978-2-7578-0317-2

vendredi 7 septembre 2012

Matchs de la rentrée littéraire, c'est reparti !

Price Minister organise, comme l'an dernier, Les Matchs de la rentrée littéraire 2012. J'avais découvert l'opération grâce à Asphodèle et reçu 1Q84, livre 1, que j'avais vraiment trouvé formidable (d'ailleurs, si mes souvenirs sont bons, il a eu la seconde place !). Je retente donc cette année, et le nouveau livre de Laurent Gaudé me tente bien !

Pour participer, il suffit de s'inscrire en précisant son adresse postale, l'url de son blog et le titre que l'on souhaite lire et chroniquer. A l'issue de la période de "match", le livre qui aura obtenu le plus de suffrages sera le grand gagnant !
L'an dernier, c'était Delphine de Vigan qui avait remporté le match, avec Rien ne s'oppose à la nuit.

Qui sera le vainqueur cette année ?

Pour ceux qui s'inscriraient suite à ce billet, vous pouvez être parrainés (par moi, donc). Il suffit de le préciser dans le texte de votre message d'inscription, en précisant l'url de ce billet. Le parrain reçoit un deuxième livre !

Bonne lecture, bon match !

vendredi 27 juillet 2012

Des souris et des hommes, de John Steinbeck




Il est des livres, comme ça, qui nous poursuivent longtemps avant qu'on ose enfin les ouvrir. J'ai entendu parler de celui-ci quand j'étais adolescente (cela fait donc plus de 20 ans maintenant), et je ne voulais pas le lire. Mais régulièrement, il est venu se rappeler à mon bon souvenir. Et puis, dernièrement, chez mon libraire, je suis tombée dessus dans une édition toute nouvelle, sous coffret magnétique, avec un joli marque-page en métal dessus. Et j'aime les marque-pages. Si. Beaucoup, même. Et j'ai craqué.

Et je ne le regrette pas. Ce livre est très court, très dense, et se lit très vite. C'est une sorte de monument à lui tout seul, un tableau de la vie aux Etats-Unis. George et Lennie voyagent ensemble. Ils louent leurs bras à qui veut bien leur donner du travail. George veille sur Lennie, grand gaillard tellement costaud qu'il ne se rend pas compte de sa force. Lennie, que l'on pourrait qualifier d'idiot aussi, tant sa compréhension des choses est parcellaire. La seule chose qu'il sait de manière certaine, c'est que George est son ami, que George s'occupe de lui, et qu'il ne lui fera jamais de mal.
Je ne vous ferai pas l'affront de vous raconter le début de l'intrigue : je dois être la seule dans la blogosphère à découvrir seulement maintenant ce monument de la littérature américaine.
Je vais donc juste vous dire que j'ai vraiment beaucoup aimé cet ouvrage. Les personnages y sont décrits en peu de mots, mais avec une profondeur indiscutable. L'histoire est courte, elle se déroule sur quelques jours, mais intense.
Qu'est-ce qui en fait un monument ? Je ne saurais le dire exactement. Si ce n'est que ça, pour moi, c'est typiquement le genre de livre qui me marque profondément, un peu au fer rouge, et qui restera dans ma mémoire, contrairement à un nombre incalculable de livres que je lis dans l'année (et encore plus les autres, ceux que je n'aurai jamais le temps de lire). Et ces livres qui restent, il n'y en a pas tant que ça, finalement. Des souris et des hommes fait partie du patrimoine littéraire, un peu comme 1984, Autant en emporte le vent ou Le Meilleur des mondes pour n'en citer que quelques-uns (je pense aussi à Jane Eyre ou Les hauts du Hurlevent, ou à certains auteurs Français bien sûr). Des grands classiques, quoi. Et c'est là que la question du temps (grande question que je me pose en ce moment) est prépondérante : pour savoir quels sont les chefs-d'oeuvres qui sont ou seront incontournables, il n'y a qu'à attendre. Le temps se chargera de faire le tri.

Paru aux éditions Gallimard (Folio), 2011 (trad. : 1955). ISBN : 978-2-07-044477-9

mercredi 25 juillet 2012

Princesse Sara, tome 4 : Une petite princesse !, de Audrey Alwett, Nora Moretti et Claudia Boccato




Miss Minchin a décidé de briser Sara. Mais de son côté, son riche voisin, toujours à la recherche de la fille de son ami, s'est pris d'affection pour la "petite jeune fille de la mansarde de droite" et a décidé de lui rendre la vie plus facile. De plus, à force de cruauté, les autres élèves commencent à avoir des craintes...

Ce tome 4 clôt le cycle racontant la vie de Sara à Londres, avant un second cycle qui débutera en 2012. Comme pour le tome 3, j'ai d'abord regretté le format, plus petit que les tomes 1 et 2, adopté par l'éditeur pour cette série (est-ce le cas pour tous les albums de la collection, ou seulement pour ceux-ci ?). Sinon, ce tome est bien au même niveau que les autres, même si on peut regretter qu'il soit un peu moins original que les autres. Par exemple, on y trouve très peu de références propres à la bd elle-même et à ce qui a fait la vraie originalité du tome 1 : le style Steampunk, avec les automates qui ont une place très importante au début de l'histoire. Ici, ils sont présent, mais cette place est presque anecdotique, et c'est sans doute un peu dommage.
Comme d'habitude, le dessin est superbe, assez proche du graphisme de la série animée des années 80. Les couleurs sont elles aussi magnifiques, confirmant la belle unité déjà observée dans les trois premiers tomes.
Une belle bande dessinée, donc, mais sans surprise par rapport aux autres tomes de la série.

Paru aux éditions Soleil (Blackberry), 2011. ISBN : 978-2-302-01947-8

lundi 23 juillet 2012

Les Aventures alsaciennes de Sherlock Holmes, de Christine Muller




Après un premier passage en Alsace, en 1891 (et ça, c'est de Sir Conan Doyle himself que nous le tenons), Christine Muller a fait revenir Sherlock Holmes et son ami le Docteur Watson dans notre belle région, en 1898. Hébergés à Strasbourg, chez le Docteur Jordan, les deux amis sont là officiellement pour se requinquer (spécialement Sherlock, qui a une tendance à exagérer sur la cocaïne, et qui a l'air de dépérir dans le brouillard londonien). Ils en profitent pour visiter la région, pour profiter des montagnes, des villages, et de la bonne nourriture. Et sont confrontés au passage à nombre de cas étranges, énigmatiques, qui vont mettre les neurones de Sherlock Holmes au travail.

Ces huit nouvelles s'enchaînent, se lisent vite et sont très agréables. On y retrouve un Sherlock un peu différent. Sous la plume de Christine Muller, il devient un séduisant et ombrageux détective, et l'auteur ne tarit pas à ce sujet. Elle va même jusqu'à lui trouver une "fiancée" ! Cette vision très féminine de grand détective m'a souvent fait sourire, mais dans un certain sens, je la comprends. Sherlock Holmes a en effet un côté mystérieux, ombrageux, presque mauvais garçon, très séduisant effectivement (si on aime le genre) et il ne perd rien ici, en prime, de ses capacités intellectuelles hors normes qui lui permettent de résoudre les différents mystères qui se présentent à lui.
Au total, c'est une lecture très agréable, une écriture fluide et réjouissante. J'ai passé là un excellent moment de lecture.

Paru aux édition Le Verger, 2011. ISBN : 978-2-84574-112-6.

samedi 21 juillet 2012

Paris Gare du Nord, de Joy Sorman




En mai 2011, Joy Sorman s'installe une semaine gare du Nord, pour voir. Sans jamais monter dans un train, un RER ou un métro, elle observe la gare à toutes les heures de la journée. Elle en rapporte ce récit, écrit sur le vif, d'une semaine passée là où d'ordinaire on ne s'arrête pas. (présentation de l'éditeur).

J'ai trouvé ce petit livre (qui se lit très vite, en une demi-heure) à l'école où je travaille. J'ai vraiment beaucoup apprécié cette petite lecture, en plein dans mes préoccupations du moment. Non pas que je m'intéresse aux trains (quoique à force de les prendre, je finis par y être un peu comme chez moi), mais plutôt au temps. Le temps qui passe, le temps de la personne, le temps que l'on a pour soi, le temps que l'on donne aux autres, le temps de l'évolution, le temps qui manque, l'immédiateté d'internet... et là, dès le début, c'était en plein dans le thème :

[...] Et quand on se pose quelque part pour ne plus en bouger il se passe des choses invraisemblables, des choses qui surgissent parce qu'on a pris le temps de les attendre, parce qu'on est resté.
[...] je vois sortir de la gare une adolescente en pantalon ethnique et sandales de cuir : elle tient un hamster par la main. C'est-à-dire que le hamster pend dans le vide, tenu par la patte avant droite. [...] Suivent un curé en soutane sous un chapeau de paille à larges bords et fumant une clope roulée, puis deux soeurs jumelles octogénaires aux cheveux rouges.
C'est au moins un film de Peter Sellers. (p. 9 et 10).

Voilà. C'est ça que je découvre. L'observation, le temps gratuit que l'on prend, tel un arrêt sur image, pour regarder. C'est tellement différent de ce que je vis chaque jour, et pourtant si quotidien (je fais beaucoup d'allers-retours en train), c'est une sorte de redécouverte de mon propre quotidien... Oui, vraiment, j'ai beaucoup aimé ce récit. Il n'y a pas d'intrigue, il n'y a pas d'histoire, juste des personnages que l'on croise une ou plusieurs fois, au fil de la semaine. On y trouve les conducteurs de métros, le chef de la sécurité, des voyageurs, le responsable de la vidéosurveillance, des prostitué(e)s, des sans-abris, des agents de nettoyage... tous ceux que l'on ne voit pas, ou plutôt, que l'on ne voit plus (sauf les contrôleurs !), sans qui, pourtant, la gare ne serait pas tout à fait la même, voire serait sans doute une zone de non-droit, un endroit sale et dangereux... On y découvre aussi des espaces qui sont d'habitude cachés aux clients, ou tout simplement dans lesquels on ne s'arrête jamais, tellement on est pressé par un train ou un métro à prendre. Un peu comme l'envers du décor, en somme.
C'est bien écrit, avec de très courts "chapitres" qui racontent, dans un style rythmé et dense, les observations de l'auteur au fil des heures et des jours de la semaine qu'elle passe ainsi en observation.
Ce petit livre est donc une très jolie découverte !

Paru aux éditions Gallimard (L'Arbalète), 2011. ISBN : 978-2-07-013557-8.

jeudi 19 juillet 2012

Le Bras du Diable, de Julie Waeckerli




Je suis tombée sur ce roman un peu par hasard, en passant devant la librairie Wackenheim à Sélestat, un samedi après-midi. C'est dans cette librairie que j'avais dédicacé La Messagère du Temps en septembre dernier, et, depuis, quand j'ai l'occasion de passer devant le magasin, je regarde souvent si un auteur est là. Le libraire m'a incitée à entrer, m'a présentée à Julie, et nous avons commencé à papoter un peu entre auteurs.

Du coup, je ne pouvais pas partir sans son livre, d'autant plus que le titre me semblait accrocheur, et que j'étais curieuse de savoir ce que Les Nouveaux Auteurs éditent.
Je me suis par la suite informée, j'ai exploré le net, trouvé le blog de Julie Waeckerli et le site officiel de son roman, bref, j'ai pu voir qu'il est encensé partout, et j'en suis vraiment très heureuse pour Julie. C'est une grande chance pour elle que de voir sa carrière d'écrivain lancée de la sorte : nombreux sont les auteurs qui rêveraient d'une telle publicité pour leur premier roman.

Mais alors, ce livre, me direz-vous ? Qu'est-ce que j'en ai pensé ?

Alors c'est toujours un exercice délicat que de chroniquer un livre d'un auteur que l'on a croisé, avec qui on a un peu échangé. Surtout quand, comme moi, on n'est pas aussi emballé que la majorité des lecteurs par le livre en question (même si j'ai passé un très bon moment de lecture).
L'histoire est celle d'un groupe d'adolescents, dans un village alsacien, en plein été. Les jeunes gens s'ennuient ferme, et décident d'organiser une séance de spiritisme qui tourne mal. Dès le lendemain, un meurtre est commis dans le village, et ce n'est que le premier d'une série aussi sanglante qu'effrayante. En parallèle, on suit l'histoire de Berti, un homme de 76 ans atteint de la maladie d'Alzheimer, dont le passé revient par bribes, sous forme de flashs, et qu'il raconte à l'une des jeunes filles de la bande, chez les parents de laquelle il est hébergé.

On a donc affaire là à une histoire policière mêlant ésotérisme et Histoire, puisqu'il est beaucoup question de la Guerre d'Algérie dans ce roman, mais aussi de torture, de violence... On y trouve des adolescents touchants dans la description de leurs premiers émois amoureux, dans leurs doutes et leurs amitiés... L'histoire est bien menée, l'intrigue vraiment bien ficelée, qui tient en haleine de bout en bout, même si j'avais deviné l'identité du meurtrier bien avant la fin (ceci dit, je ne suis pas tout à fait honnête : je n'avais pas tout deviné. Et là, je tire mon chapeau : la fin tient en haleine jusqu'au bout, ou presque). Et, ce qui ne gâte rien, c'est maîtrisé au niveau de l'écriture, même si on sent quelques faiblesses ou tics d'écriture qui m'ont quelque peu parasitée pendant ma lecture.

Alors pourquoi n'est-ce pas un coup de cœur ?
J'avoue que je m'attendais à quelque chose de plus abouti. C'est un sentiment assez bizarre, en fait, et je ne voudrais pas passer pour une insatisfaite chronique ou quelqu'un de trop exigeant. C'est juste que pour moi, il manque quelque chose. Je m'explique. Au cours de ma lecture, j'ai vu une jeune fille, et j'ai eu l'impression que ce roman s'adressait davantage à des adolescents qu'à des adultes. C'est peut-être l'intrigue qui veut ça ? Ou le fait que l'on sent dans son écriture que Julie a vingt ans (ceci dit, j'aurais aimé avoir mené un tel projet à son âge !). C'est donc sans doute le seul reproche que je ferais à ce roman, ce qui est un bien maigre reproche, me direz-vous, en ce sens que la littérature pour adolescents et jeunes adultes recèle des trésors. Il se trouve que j'avais lu les commentaires de certains membres du jury, commentaires assez dithyrambiques, et j'attendais un peu plus, j'attendais plus un roman pour adultes. Du coup, j'ai eu l'impression d'un petit manque de maturité. Mais je vais m'arrêter là, parce que vraiment, compte-tenu de la qualité du récit par ailleurs, on va dire que je pinaille...
Ce livre est, malgré ce petit bémol, un excellent thriller, que les amateurs du genre vont s'arracher. Peut-être aussi que ce qui m'a manqué, c'est justement que le thriller, ce n'est pas forcément le genre que je préfère ? La lecture est tellement subjective...
Bravo, Julie, en tout cas : pour un premier roman, c'est vraiment un coup de maître ! J'ai hâte de lire tes prochains récits : ta plume est plus que prometteuse !

Paru aux éditions Les Nouveaux Auteurs, 2012. ISBN : 978-2-8195-0191-6.

jeudi 12 juillet 2012

Le Rêve du Celte, de Mario Vargas Llosa



Il y a des livres qu'on n'aurait jamais lu si les hasards de calendriers n'existaient pas. Pour celui-ci, c'est vraiment le cas. J'ai repéré ce roman dans ma librairie préférée quelques jours après celui où Ys annonçait son challenge Les 12 d'Ys. Du coup, je me suis engagée à y participer... sans me rendre compte de l'immense tâche qui m'attendait.
Ys, tu m'excuseras : ce billet sera peut-être le seul de ce challenge monumental que tu as imaginé : lire 12 livres dans chacune des 12 catégories que tu as créées.
Ceci dit, malgré l'étendue de mon incompétence en la matière, j'ai quand même réussi à aller au bout de ce roman-ci, et rien que pour ça, je suis ravie de m'être engagée dans cette folle aventure.

Le Rêve du Celte, c'est le titre d'un poème écrit par Roger Casement, diplomate britannique de la fin du 19e siècle, mort durant la première guerre mondiale, non au front mais pendu pour trahison. C'est ici son histoire qui nous est brillamment racontée, depuis son enfance en Grande Bretagne jusqu'à sa mort. Entre les deux, Roger Casement a vécu plus de 20 ans au Congo Belge, puis a fait plusieurs séjours en Amérique du Sud (en Amazonie en particulier, mais aussi au Brésil par exemple). En tant que diplomate, il s'est attaché à défendre les droits des populations indigènes qu'il a rencontrées sur place. Il avait en effet pu voir à quel point ceux-ci étaient opprimés, massacrés, humiliés, torturés, exploités au nom de la colonisation, tant au Congo qu'en Amazonie. Il a dû faire face, dans les deux cas, à la malhonnêteté des colons, à l'horreur de la recherche du profit à tout prix, quitte à aller jusqu'au mensonge pour gagner toujours plus d'argent... Durant sa vie de diplomate, Roger Casement n'a eu de cesse de dénoncer ces abus.

Mais ce côté brillant du personnage cache aussi une face sombre, obscure, comme chez nombre d'êtres humains (tous ?). Roger Casement, Irlandais par sa mère, n'a pu s'empêcher de comparer le joug qui pesait sur les épaules des Congolais et des indiens du Pérou avec celui qui se trouvait sur celles des Irlandais dans l'Empire Britannique. De là sa volonté de tout faire pour obtenir l'indépendance de l'Irlande, allant jusqu'à pactiser avec l'Allemagne, l'ennemie de l'ennemi...
Par ailleurs, les adversaires de Roger Casement n'ont pas un instant hésité à utiliser contre lui certains traits de sa personnalité totalement inacceptables à l'époque pour ajouter encore au discrédit qui pesait sur lui, le coupant progressivement de ses amis, de ses alliés, sapant la confiance qui le liait à eux et lui permettait d'avoir encore un espoir de voir sa peine commuée.

J'ai eu du mal à lire ce livre. Non pas à cause de la manière dont il est écrit, au contraire : il est passionnant, haletant, magnifiquement bien écrit, ne laissant aucun répit au lecteur. Le récit est construit sur une alternance entre le présent de Roger Casement (sa détention durant laquelle il attend la décision concernant sa peine et son exécution) et son passé, au Congo, en Amazonie puis en Irlande. Seulement, les faits décrits sont pour beaucoup absolument abjects, honteux, horribles, et m'ont demandé parfois du temps pour être digérés. La personnalité de Roger Casement est complexe, ses ambiguïtés nombreuses, rendant le personnage à la fois attachant et foncièrement humain. Et le talent de Mario Vargas Llosa est immense de parvenir ici à décrire ce personnage, à raconter sa vie, ses sentiments, ses troubles, avec tant de verve et d'apparente facilité. On est là entre le roman et la biographie, c'est un ouvrage qui se lit très bien mais qui nécessite d'être digéré. C'est une lecture exigeante, qui se mérite et a besoin de décanter. D'ailleurs, j'ai terminé ma lecture il y a déjà quelques jours, et contrairement à mon habitude, j'ai d'abord eu besoin de prendre du recul et de lire autre chose avant de pouvoir écrire le moindre mot au sujet de ce livre.

Je ne peux donc que remercier Ys de m'avoir permis, grâce à son challenge incroyable, de découvrir ce grand auteur qu'est Mario Vargas Llosa. Je ne connaissais absolument pas cet écrivain, et ce challenge aura été une excellente occasion ! (euh... je suis loin, mais alors très, très loin, de l'objectif du challenge ! Je crois que j'ai été très, très ambitieuse, là !)

Paru aux éditions Gallimard (Du monde entier), 2011. ISBN : 978-2-07-013289-8.


mardi 26 juin 2012

La Terre des mensonges, de Anne B. Ragde




Une de mes collègues m'a mis ce livre entre les mains, en me disant que c'était drôlement bien et que si je ne connaissais pas, il était temps de m'y mettre.
Eh bien je n'ai pas regretté !

L'histoire se passe en Norvège, dans une ferme délabrée de Trondheim. Anna Neshov, mère tyrannique, est en train de mourir. Ses trois fils, leur père et Torunn, son unique petite-fille, se retrouvent alors pour la première fois pour une confrontation qui laissera éclater les drames secrets sur lesquels leurs vies ont été tissées. (Ca, c'est la présentation de l'éditeur, ou presque, mais je la trouve très bien faite alors je ne vois pas pourquoi je me priverais et m'obligerais à en réécrire une qui ne ferait que redire la même chose en moins bien...).

La Terre des Mensonges est un roman qu'on pourrait qualifier de "psychologique", je pense. On plonge dans les histoires de famille, dans les univers de ces trois fils, si différents les uns des autres. L'aîné, célibataire, responsable d'une entreprise de pompes funèbres, est un homme ombrageux, silencieux, et pourtant très attentif aux membres de sa famille. Tor, qui vit dans la ferme familiale avec sa mère et son père, est touchant dans sa solitude et ses habitudes, toutes tournées autour de sa mère et de ses bêtes (il a transformé l'exploitation laitière en exploitation porcine sous la houlette de sa mère, qui jugeait cette production plus rentable que le lait). Il apprend au cours de ces jours funestes à connaître Torunn, sa fille, qui a toujours vécu avec sa mère et débarque dans sa famille paternelle pour des raisons obscures, qui lui échappent sans doute tout autant qu'à son père. Et enfin, le cadet a quitté la Norvège depuis une vingtaine d'années, ses choix de vie n'étant pas du tout au goût de sa mère...
Ces personnages que rien ne rapproche vont pourtant se retrouver autour du lit de la mourante, puis dans sa maison. Il faut faire face aux formalités, au deuil, à l'hiver, aux fêtes de Noël qui arrivent, aux inimitiés et incompréhensions qui ont scellé les différends au point de murer les protagonistes dans leurs certitudes. C'est l'arrivée de Torunn qui va bouleverser les schémas établis et permettre à la parole de se faire jour, dénouant ainsi la situation qui pourrissait sous le joug que la mère avait mis en place.

J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce roman en forme de chronique familiale acérée. Ca se lit bien, vite, et on pénètre dans cette Norvège reculée, agricole, rurale profonde où le dépaysement est garanti. Il y a là comme une urgence, mais aussi comme un arrêt du temps. Un entre-deux, un espace où tout peut s'arrêter et d'où aucun des protagonistes ne ressortira indemne. Ce titre est le premier de la série, et je vais, je pense, tenter de trouver la suite, tant cette histoire m'a interpellée.

Paru aux éditions 10/18 (Domaine étranger), 2011. ISBN : 978-2-264-05128-8.

dimanche 24 juin 2012

Sherlock Holmes et le mystère du Haut-Koenigsbourg, de Jacques Fortier



En 2010, je suis allée une fois de plus au château du Haut-Koenigsbourg, avec des amis. La raison officielle était de faire une belle ballade, et de leur faire découvrir le château, mais la vraie était que Jacques Fortier, journaliste aux Dernières Nouvelles d'Alsace, l'un des deux quotidiens régionaux, y était pour une séance de dédicaces à l'occasion de la parution de son roman mettant en scène Sherlock Holmes et le Docteur Watson en Alsace.
J'ai donc sauté sur l'occasion et ai acheté le roman, avec la ferme intention de le lire très, très vite (j'aime beaucoup la version originale de Sir Arthur Conan Doyle, et j'avais hâte de voir ce que ça donnerait sous la plume d'un auteur régional). Comme de bien entendu, j'ai mis du temps, beaucoup de temps, à me plonger dans ce roman, mais je dirais que ça valait le coup !

Nous sommes en 1909. L'Allemagne a annexé l'Alsace et la Lorraine, et Guillaume II investit dans la ruine qu'est devenu le château du Haut-Koenigsbourg pour le restaurer et lui redonner son faste et sa splendeur d'antan.
L'intrigue est classique : un mystère entoure le château, un mystère qui remonte aux Croisades, et Sherlock Holmes, aidé de ce bon Docteur Watson, va devoir mettre tous les atouts de son côté pour le mettre à jour.

J'ai bien aimé ce roman, malgré quelques appréhensions au début. J'avais peur de ne pas retrouver le personnage de Sir Arthur Conan Doyle, peur que le récit ne soit pas à la hauteur de l'enthousiasme communicatif de l'auteur... peur d'être déçue, quoi. Et ce ne fut pas le cas. Certes, il ne s'agit pas ici de la plume de Conan Doyle, mais j'aurais sans doute été déçue si ça avait été le cas : il n'y a rien de pire à mes yeux qu'un auteur essayant de copier un autre auteur, quitte à mettre de côté sa propre personnalité. On entre là dans quelque chose qui devient insipide à force de ne pas vouloir trahir le personnage originel, et heureusement, Jacques Fortier a su éviter cet écueil en donnant à son Sherlock une personnalité qui ne dénature pas celle que lui avait attribuée Conan Doyle.
Passées les premières pages, j'ai vite été happée par l'histoire, bien montée, pleine de mystères, avec des faits étranges, des traitres, des espions... et le grand esprit de déduction du détective anglais. Mais bizarrement, tout cela m'a laissé un sentiment de tiédeur, comme si justement le modus operandi de Sherlock Holmes était quelque peu fade...
Heureusement, l'histoire est bien ficelée. Du coup, j'ai été embarquée dans l'intrigue et me suis retrouvée à Strasbourg, Sélestat, Orschwiller, au château aussi... et comme c'est justement un endroit que je connais bien, j'ai pu m'immerger dans le décor sans aucun problème. C'est là le principal atout de ce roman bien écrit par ailleurs que de permettre au lecteur de « voir » au-delà du décor habituel, d'imaginer ce que les apparences pourraient bien cacher. Pour ce qui est de l'intrigue et de la manière dont Sherlock Holmes résout le problème, j'avoue avoir été légèrement déçue, comme si cette enquête aurait pu être menée par un tout autre détective que Sherlock...

Il reste que ce livre est un bel hommage au cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Sir Arthur Conan Doyle, qui vaut malgré tout le déplacement pour le cadre somptueux de l'intrigue ! Et puis l'Alsace allemande du début du siècle est plutôt bien décrite !

Paru aux éditions Le Verger (Enquêtes Rhénanes), 2010. ISBN : 978-2-84574-084-6

mardi 29 mai 2012

357 Magnum, de Christine Boetsch-Klee




J'ai rencontré Christine au salon du livre de Colmar, dont je vous ai déjà parlé ici, à la fin du mois de novembre 2011. Elle était assise à deux chaises de la mienne et nous avons beaucoup discuté et sympathisé en attendant le lecteur. Au stand se trouvant de l'autre côté de l'allée, il y avait foule... Mais il faut dire aussi qu'il y avait Richard Bohringer et Guy Marchand. Nous ne sommes pas aussi connues qu'eux, mais se dire que l'espace de quelques heures, ils étaient à quelques mètres de nous, c'est assez marrant quand même.
Christine enseigne le Français dans le secondaire, est sociologue de formation et à ses heures perdues, comme beaucoup, elle écrit. A force de discuter avec elle, j'ai été intriguée par ses nouvelles et ai fini par acheter son recueil, parce que c'est un genre que j'apprécie de plus en plus. Je ne le regrette d'ailleurs pas. D'abord, elle me l'a bien sûr dédicacé (nous étions là pour ça !) et puis je me suis bien amusée à la lecture, même si au final, c'est assez inégal (certaines nouvelles m'ont beaucoup plu, d'autres ne m'ont pas intéressée du tout).
Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est l'esprit de ces nouvelles : noires sans être gores, drôles frisant le cynisme sans dépasser la limite pour moi acceptable, horribles sans trop en dire... La plupart sont très courtes, dans un style lapidaire et très rythme. En résumé, un bon moment de lecture.
Alors de quoi ça parle ? De la mort, de la folie, de la vie... ça bascule parfois dans le fantastique, la cruauté ou l'absurde... on y trouve un imaginaire débridé exactement comme je les aime. Le seul reproche que je ferais à ce recueil, c'est que les textes y sont presque trop courts ou manquent un peu de profondeur parfois. Mais au final, plusieurs semaines après la fin de ma lecture, il me laisse une impression très agréable, avec un petit goût de « reviens-y ».

Paru aux éditions Jérôme Do. Bentzinger, 2011. ISBN : 978-2-849602-70-6.

samedi 26 mai 2012

Betrayal at Lisson Grove, d'Anne Perry





Alors là, je sens que je vais avoir un peu de mal à écrire ce billet. D'abord parce que je suis dans une situation inédite : parler en français d'un livre que j'ai lu... en anglais. Et puis parce que, bien sûr, j'ai une fois de plus pris les choses par le mauvais bout : ce roman est apparemment le dernier paru dans la série Thomas Pitt. Et qui plus est le premier que je lis, tant de cet auteur que de cette série. C'est dire si je ne connais rien à l'univers d'Anne Perry, à ses héros...

Je vais quand même essayer.

Le roman débute par un meurtre et une course-poursuite dans les rues de Londres, puis dans le train et enfin sur un bateau à destination de St Malo, en France. Pitt et son assistant Gower sont sur la piste d'un meurtrier potentiellement lié à un groupe terroriste socialiste qui semble sur le point d'ourdir un complot à l'échelle européenne. On est en 1895, en plein règne de Victoria, et Pitt et son adjoint se retrouvent donc en France, sans aucune autorisation ni raison valable, puisque rien n'est prouvé quant au complot et qu'ils n'ont aucun droit d'arrêter qui que ce soit ailleurs que dans leur pays (sauf erreur de ma part, Interpol n'était pas encore créée...).
Pendant ce temps, à Londres, le supérieur direct et ami de Pitt, Victor Narraway, se voit démis de ses fonctions sous le coup d'une accusation de détournement de fonds et de trahison. Il soupçonne très vite un Irlandais d'être à l'origine de tout cela : O'Neil se vengerait de cette manière de la mort de son frère et de sa belle-sœur, vingt ans plus tôt. Reste à savoir pour quelle raison il a attendu si longtemps.
Quant à Charlotte, la femme de Thomas Pitt, accompagne Victor en Irlande, afin de sauver la carrière de son mari, compromise par la chute de Narraway.
Je n'en dis pas plus sur l'histoire pour ne pas trop en dévoiler. Mais franchement, j'ai dévoré ce roman (toutes proportions gardées : je lis bien moins vite en anglais qu'en français, alors que je ne suis déjà pas une rapide dans ma langue maternelle. C'est dire si, là, j'ai pris mon temps ! Heureusement que j'ai passé plusieurs heures dans le train récemment. J'ai ainsi pu avancer dans ma lecture !). Je l'ai dévoré, donc, et sans problèmes. Je ne suis bien sûr pas apte à juger ici des potentielles erreurs de style, mais je dirais que je n'ai eu aucun problème de lecture, les mots inconnus prenant sens grâce au contexte. On sent que c'est une riche et belle langue qui est employée ici. Pour tout dire, je me suis délectée de la musique des mots, ce qui est assez surprenant de ma part, je l'avoue. Surtout dans une autre langue que ma langue maternelle.
Quant à l'histoire, elle est prenante (c'est pour ça que je n'ai pas pu la lâcher d'ailleurs) et je me suis amusée à suivre les débuts de Charlotte Pitt dans la bonne société de Dublin ou les démêlés de Pitt avec le responsable du Royal Mail... Cependant, j'ai parfois trouvé certaines choses un peu « faciles » (le lien avec O'Neil par exemple apparaît immédiatement comme une évidence, et je n'ai pas bien saisi pourquoi). Il s'agit peut-être là des limites de mon anglais, plus que de ressorts de l'intrigue ?

En tout cas, cette expérience me conforte dans l'idée que lire en VO, c'est une excellente expérience ! Je l'avais déjà fait avec certains romans d'Agatha Christie, mais uniquement avec des livres que je connaissais déjà en français. Là, j'ai tout découvert en anglais, et sans regrets !

Paru aux éditions Headline, 2011. ISBN : 978-0-7553-7682-7

mercredi 25 avril 2012

Inès, de Loïc Dauvillier


J'ai lu hier une bande dessinée qui m'a laissée dans une sorte d'état second. J'y suis revenue, une première fois, une seconde fois... sous le choc.

Inès est une très belle bande dessinée en noir et blanc, qui aborde un sujet difficile : les violences conjugales.
On y rencontre une jeune maman, son mari et leur fille d'environ 4 ou 5 ans. Le père est violent, méprisant, humiliant ; la maman culpabilise, encaisse, se rend responsable de ce qui arrive. L'histoire est découpée en 4 parties : la soirée du jeudi, la matinée du vendredi, la soirée du vendredi et le samedi matin. C'est rapide, une simple tranche de vie, une journée et demi pour voir tout basculer. Un peu comme au théâtre : unité de lieu et de temps. Et c'est vraiment efficace.

Ce qu'il y a de formidable dans la bande dessinée, c'est que la lecture se fait à plusieurs niveaux : ce qui est écrit et ce qui est dessiné, et, dans le dessin, il y a ce qu'il montre, et ce qu'il « dit » par le trait lui-même, les couleurs éventuellement, le mouvement... trois niveaux de lecture, donc, et c'est particulièrement vrai ici, où j'ai été frappée par la différence du trait en fonction de l'ambiance. C'est sans doute dû au fait que le dessin est dépouillé, avec des scènes entières ne comportant que quelques traits et un personnage, d'autres d'une violence rare où le personnage ne ressemble plus à rien, comme si ce qui en restait n'était que sa rage à l'état brut.. Une ambiance, la lumière ou l'obscurité... A l'opposé, les scènes réunissant la petite fille avec sa maman sont riantes, fleuries, les cases semblent joyeusement encombrées comme peut l'être la chambre d'une enfant avec ses jouets, on y voit et sent le bonheur de cette maman d'être avec sa petite fille, mais aussi sa douleur, ses doutes, sa responsabilité.
Le sujet est difficile, et si je l'ai trouvé traité de manière un peu rapide, un peu « facile » (notamment le moment où la maman dit « tout est de ma faute, il a raison » sans que l'auteur aille plus loin dans les raisons de cette culpabilité), j'avoue avoir été happée par ce drame qui se déroule sous nos yeux de lecteur un peu voyeur. D'ailleurs, trois autres personnages apparaissent seulement, au cours de l'histoire : un couple de voisins de palier, dont la jeune femme tente d'intervenir face aux pleurs incessants de la petite, sans jamais se rendre compte de la gravité de la situation, et un ami du père, compagnon de beuverie, bon gars qui se rend bien compte que quelque chose ne tourne pas rond, qui voit les humiliations, tente faiblement de les faire cesser et, finalement, s'en va finir la soirée ailleurs.

Finalement, cette bd va bien plus loin que ce qu'elle semble dire au départ (quand je vous disais qu'il y avait plusieurs lectures) : sous un jour simple, voire simpliste, elle pose des questions essentielles quant à l'entourage : quand intervenir ? Que sait-on vraiment de nos voisins, de ce que vivent nos amis ? Que peut-on faire, face à la perversité, à la violence ? Les voisins auraient-ils dû appeler la police ? Sur la base de quoi ? Les services sociaux ? Pour quel suivi ?
Oui, cette bande dessinée interroge, même si au premier abord, elle semble n'être qu'une histoire de femme battue de plus.
En définitive, j'ai bien l'impression que ce qui m'a choquée (dans le sens « recevoir un choc »), c'est bien l'apparente simplicité de l'histoire, sa brièveté aussi, et, surtout, la pudeur qui s'en dégage. Le courage aussi de cette femme, la conscience qu'elle a de ce qu'elle vit, de sa solitude face à cet homme, le père de sa fille, et l'état de destruction dans lequel il l'a mise, qui la rend incapable de prendre les décisions qui s'imposent pour se protéger et protéger sa petite fille. 

Une bande dessinée à lire assurément !

Paru aux éditions Glénat (Drugstore), 2009. ISBN : 978-2-35626-097-0

samedi 21 avril 2012

Laura, de Laurent Herrou



Difficile de chroniquer cet ouvrage, particulier à plus d'un titre.
Il s'agit ici, tout d'abord, d'une réédition d'un ouvrage déjà paru en 2000 aux éditions Balland, et par ailleurs de littérature homosexuelle.
La littérature homosexuelle, je ne connaissais pas du tout, je n'en avais jamais lu. Par ailleurs, je ne lis pas non plus, ou très peu, de littérature érotique, je suis plutôt romans d'aventures, romans sociaux, ou de science-fiction, policiers... là, c'est entièrement inédit pour moi.

Il s'agit ici de l'histoire de Laurent, l'auteur, homosexuel, donc. De ses amours, de son histoire compliquée avec Georges, et de Laura, cette femme qui apparaît un jour dans sa vie, qui est lui. Ou lui qui est elle, on ne sait pas trop. Schizophrénie, trouble de la personnalité, je ne sais pas de quoi il est question réellement, mais c'est semble-t-il de cet ordre-là, en tout cas pour moi qui suis totalement étrangère à la question de la transsexualité.
J'avoue m'être un peu ennuyée, notamment au début, à la lecture de ce texte. Il s'agit du récit de la vie personnelle de l'auteur, pour laquelle, finalement, je n'ai aucun d'intérêt. C'est cru, parfois violent, et totalement à l'opposé de ce que je vis en couple, de ce que je peux concevoir dans une relation amoureuse. Mais je dois dire qu'au fil des pages, je me suis laissée prendre par l'histoire de Laurent, ses errances, ses amours tumultueuses, sa détresse aussi. La fin du récit m'a intéressée, parce qu'on y « voit » les différents protagonistes interagir avec Laurent. Alors que dans le début de l'histoire, le lecteur n'a que le ressenti, le vécu de l'auteur, il s'agit là, à la fin, de dialogues, et j'ai bien aimé le rythme donné, qui laisse une bonne part de l'histoire dans l'ombre mais permet malgré tout de parfaitement comprendre qui est qui et ce qui se passe. D'un point de vue narratif, c'est bien vu, donc, parce que ça donne un côté pudique aux sentiments de l'auteur, qui sont déjà beaucoup exposés dans le début du récit. A mon sens, c'est la meilleure partie de l'histoire, et de loin.
Et puis, ce qui ne gâte rien : c'est plutôt bien écrit.

Le roman est suivi d'un texte intitulé Avant, sorte de journal de publication de Laura. On y lit en effet les questionnements de Laurent, ses errements dans l'écriture, dans l'attente d'une réponse des éditeurs, on y voit aussi sa relation avec Jean-Pierre, son amant de l'époque (fin 1998, début 1999) et ses doutes quant à cette relation et sa vie elle-même. J'ai été perturbée à la lecture de cette partie, bien plus qu'à la première, parce que j'ai eu l'impression d'entrer dans l'intimité de l'auteur, de me retrouver malgré moi en position de voyeur, alors que je n'avais rien demandé. Il y a quelque chose de gênant, je trouve, à se retrouver spectateur de l'intime d'un autre, qui plus est lorsque ce qui est raconté est totalement étranger au spectateur en question. En bref, je n'ai pas poursuivi la lecture de cette partie parce qu'elle m'a vraiment gênée, m'a semblé trop intime justement, comme si je n'avais rien à faire là-dedans.
Overdose.

La dernière partie du livre est un texte intitulé L'autre Paul, que j'ai mis longtemps à lire. Et, finalement, c'est sans doute la meilleure part. Celle que j'ai préférée. On est là dans la fiction, et ça fait du bien.
Paul est un jeune travesti qui se fait tabasser un soir de Noël. Le procédé narratif à deux voix est étonnant et tout à fait parlant, permettant au lecteur d'entrer plus avant dans le trouble de ce jeune homme.
Plus tard, le lecteur fait la connaissance de Valentine, une jeune fille « née pour être malheureuse », qui a quasiment assisté au suicide de sa mère et tente de se reconstruire auprès d'un jeune homme qu'elle aime passionnément, Paul.
Une nouvelle agression va tout changer dans leurs vies et réveiller un monstre jusque là bien caché... Folie ? Tromperie ? Schizophrénie ? Là encore, tout est possible, et l'issue incertaine.

Je remercie donc Thomas, des éditions E.P & LA, pour ce partenariat, qui m'a donné l'occasion de découvrir une littérature vers laquelle je ne serais jamais allée spontanément, même si, globalement, cette lecture ne me laissera pas un souvenir impérissable.

Paru aux éditions E.P & LA, 2011. ISBN : 978-2-919364-04-6.

mercredi 11 avril 2012

Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan



J'ai une tendresse particulière pour les récits de Delphine de Vigan. A chaque fois, j'ai été quasiment subjuguée, et toujours, le récit, l'écriture, le rythme des mots m'ont happée, emportée, au point de me scotcher littéralement à mon canapé et de m'empêcher de le quitter avant d'avoir terminé ma lecture. Ce livre-ci n'a pas fait exception. Et pourtant, je m'en méfiais. J'ai toujours un peu de mal avec les livres qui sont déjà des best-seller avant même d'être sortis ou presque. Je crains toujours le coup marketing et j'attends donc souvent longtemps avant de les lire. J'attends que l'attention soit détournée vers un autre livre, pour voir s'il s'agit d'un effet de mode ou si on continue à en parler. Et souvent, ensuite, j'oublie, et me souviens du titre lorsqu'il sort en poche. Ce qui explique aussi que je suis rarement déçue dans mes lectures !

Bref, ici, donc, je me méfiais aussi, mais si je ne l'ai pas lu à sa sortie, c'est aussi par manque de temps. Et puis nous l'avons commandé à la bibliothèque où je travaille (dans le social), et j'en ai lu beaucoup de bien sur les blogs. Il était aussi dans les propositions pour les matchs de la rentrée littéraire (auxquels j'avais participé en lisant 1Q84). Je n'en avais lu que du bien, et ma collègue, qui l'a lu avant moi, ne m'en a dit que du bien. Je n'avais donc plus aucune raison de le bouder.

Et je l'ai ouvert, sans pouvoir ensuite le refermer avant d'arriver à la dernière page (j'ai vraiment dû me faire violence pour aller me coucher, le soir du vendredi saint, vous pouvez me croire !).

Delphine de Vigan raconte ici avec beaucoup de détails mais aussi une certaine réserve, avec des nuances, des précisions, souvent de l'humour aussi et une immense tendresse, la vie de sa mère Lucile, depuis sa petite enfance jusqu'à son décès. Elle raconte les drames familiaux, la maladie, les suicides, la manière dont elle a vécu les crises de sa mère, la solidarité familiale, les non-dits... pour aller à l'essentiel, l'histoire d'une famille comme tant d'autres. Non pas que toutes les familles ressemblent à celle-ci, loin de là, mais toutes les familles connaissent leurs joies et malheurs, leurs personnalités troubles ou lumineuses, et, surtout, leurs difficultés, qu'elles soient d'ordre médical, financier, professionnel, mental ou personnel... On rencontre ici des personnages hors du commun, en commençant par Liane et Georges, les parents de Lucile, et leurs nombreux enfants. Ce pourrait être une famille presque normale, si elle n'était marquée par plusieurs drames successifs, parfois assez rapprochés dans le temps d'ailleurs, qui l'ont ébranlée sans pourtant la démolir entièrement. De sacrées personnalités, donc, qui font face comme ils peuvent à la souffrance, à la mort, à la maladie, et dont on se demande comment ils arrivent à ne pas sombrer plus nombreux dans la folie...
Mais globalement, il s'agit d'une histoire de famille, qui serait presque banale si ce n'était la construction du récit, ou plutôt le récit dans le récit. Parce que l'auteur nous partage, en même temps qu'elle nous fait découvrir la vie de sa famille, depuis ses grands-parents jusqu'à sa propre histoire, comment elle est parvenue à écrire ce texte, quelles étapes elle a dû traverser, quels doutes elle a dû surmonter pour aller jusqu'au bout de l'écriture. Écrire sur sa famille, je l'ai tenté aussi, et je sais à quel point c'est difficile, à quel point on peut se mettre en danger vis-à-vis de ses proches (ou moins proches, peut-être encore plus d'ailleurs, parce qu'ils sont sans doute moins bien placés pour comprendre). Finalement, ce que je retiens ici, c'est moins l'histoire de Lucile que le processus d'écriture. On perçoit très bien, à travers le récit, combien ce texte pouvait être nécessaire à l'auteur, combien il était important pour elle de l'écrire. Parce que l'écriture c'est ça, finalement, ce besoin de libérer les mots, les émotions, les cris qui, sans cela, resteraient muets, emprisonnés, étouffants, voire suffocants. Certains le font par la musique, la peinture, ici, ce sont les mots, parfois violents, mais toujours empreints de tendresse. J'ai littéralement été fascinée.
Et, du coup, j'ai envie de m'y remettre. Un gros, gros coup de cœur !

Paru aux éditions JC Lattès, 2011. ISBN : 978-2-7096-3579-0.

samedi 7 avril 2012

Récits du prêtre An-Ching, de Ying Dussaut


Ce livre me laisse une impression mitigée, une fois de plus. Et je n'aime pas vraiment ça. Mitigée, parce que tout n'est pas nul dans ce récit. Mais il me laisse une impression de non abouti, comme s'il s'agissait plus d'un premier jet que d'un ouvrage terminé, corrigé, digéré.

Dans le positif, parce qu'il y en a quand même, j'ai trouvé ce récit très documenté, et intéressant par tout ce qu'il apporte comme connaissances. De plus, il est facile à lire, sinon bien écrit, et intéressant par l'ouverture qu'il donne sur la vie dans les campagnes chinoises. En effet, de la Chine, quand on est occidental, on ne connaît que ce que l'on veut bien nous en dire : les villes surpeuplées, la loi de l'enfant unique (assouplie depuis quelques années), le communisme... bref, peu de choses, finalement. Ici, c'est une autre Chine qui nous est montrée. La Chine de la fin du 19e siècle et du début du 20e, avant Mao, avant les Révolutions culturelles, la Chine de l'Empire Mandchou.

Malheureusement, ce livre est formellement assez mal ficelé, de mon point de vue. L'éditeur parle de « boucles temporelles, chacune plongeant plus profondément dans le passé », lui conférant son « dynamisme ». Et c'est là que je ne suis pas d'accord. Parce que si ce procédé est déroutant, c'est moins, en ce qui me concerne, par son dynamisme que par la façon dont il est amené et brouille la lecture, au point de ne plus bien comprendre l'intérêt du récit.
Finalement, on ne rencontre que très peu le prêtre An-Ching dans ces 273 pages. On y rencontre surtout Lao-Shan, et plus encore Hoang-Wai. Si ces personnages importants pour An-Ching permettaient de faire lien avec ce qu'il vit, pourquoi pas ? Le problème, c'est que le lecteur connaît si peu An-Ching qu'il lui est impossible de s'attacher vraiment à lui, avant de passer aux autres. Ces « boucles temporelles », à mon avis, n'ont fait que me perdre, sans me donner une image bien précise d'An-Ching, alors que le titre laisse supposer que c'est de son histoire qu'il s'agit...

Par ailleurs, le texte lui-même est bourré de répétitions, dans les mots, les procédés d'écriture, les idées avancées (on le saura, que les étudiants en médecine aident les paysans à apprendre à lire, et que du coup, les paysans ne se font plus avoir par les collecteurs d'impôts !!)...
Enfin, j'ai trouvé aussi une grande naïveté dans le texte, comme s'il était écrit par quelqu'un qui est enthousiasmé par sa découverte et qui se fait un devoir de l'écrire, de le transmettre au lecteur, sans prendre la moindre distance avec ce qu'il voit. Tout est ainsi « merveilleux », « magnifique », « extraordinaire », avec des sortes de tics d'écriture qui, s'ils sont plutôt sympathiques dans les premières pages, se révèlent pesants par la suite. On a ainsi droit à des descriptions dithyrambiques de la campagne Chinoise, des fêtes saisonnières, des marchés annuels dans les régions du Nord... comme s'il s'agissait d'une publicité pour inciter le lecteur à y aller, à observer, comme pour le convaincre que si, c'est vraiment, vraiment extraordinaire... C'est tellement martelé que l'auteur se répète, là encore, et qu'en définitive, cela dessert l'objectif de l'auteur qui est vraisemblablement de faire connaître ces coutumes ancestrales. Ici, il y a juste indigestion, et on a hâte de passer à autre chose...

J'ai de plus en plus l'impression que nombre des romans et récits édités par la Société des écrivains manquent d'une sérieuse relecture. Je crois me souvenir que je l'avais déjà dit à propos d'un autre livre, et puis j'étais aussi tombée sur un excellent recueil de nouvelles, alors j'avais décidé de réitérer... mais je crois que cette fois-ci, la coupe est pleine. Je vais définitivement fuir cet éditeur qui n'a semble-t-il pas le temps de conseiller l'auteur dans les corrections de son récit et d'y apporter un minimum de recul, d'esprit critique. C'est dommage, parce qu'avec un peu de travail et de réécriture, avec un véritable accompagnement, ce livre aurait pu être bien plus intéressant... Merci en tout cas aux AgentsLittéraires et à la Société des Écrivains pour l'envoi, j'ai malgré tout appris plein de choses !

Paru aux éditions La société des écrivains, 2011. ISBN : 978-2-7483-7070-6.

lundi 2 avril 2012

L'homme qui ne parlait pas, de Marie-Pierre François



Jean est mort. Jean était l'un des patients du Foyer, un parmi d'autres polyhandicapés qui sont hébergés dans l'un des innombrables foyers existants en France et ailleurs. Ce récit est imaginaire, mais ces personnages décrits sont réels. Et ça fait peur, très peur, parce que ce qui est décrit ici, c'est la violence brute, réelle, incontrôlable. Celle qui déboule quand l'horreur de la vie quotidienne, répétitive, abjecte, inhumaine, prend le dessus sur la vie elle-même...
Ce livre m'a fait peur, parce qu'il décrit les penchants les plus brutaux, les plus animaux, quand il est question de survie. Il décrit la culpabilité, la honte. Il m'a fait peur, mais m'a aussi fascinée. Les phrases sont courtes, incisives, violentes comme le propos qui est derrière. Le texte est lapidaire, brutal, certes, mais aussi empreint d'une certaine tendresse, de cette tendresse de la mère qui aime ses enfants infiniment, mais qui peut aussi en arriver à les violenter quand la fatigue se fait trop pesante, trop envahissante, et qu'il faut malgré tout tenir, parce qu'il faut tout simplement continuer à vivre. Combien de temps ?

Le récit ne donne pas de réponse. Il laisse, au contraire, le lecteur sur cette question : Mais combien de temps tiendra-t-elle, cette aide-soignante qui a vu Jean mourir, qui voit chaque jour les patients se souiller, qu'elle doit doucher, laver, faire manger, torcher, accompagner sans savoir s'ils comprennent ou pas ce qu'elle leur dit au fur et à mesure que s'écoulent les heures, jusqu'à la fin de sa journée, avant la journée suivante, où elle répétera les mêmes gestes, verra les mêmes patients, avec les mêmes troubles, les mêmes comportements abjects... Combien de temps tiendra-t-elle avant de craquer, elle aussi ?
En filigrane, il y a l'épuisement professionnel, le manque de personnel dans les établissements spécialisés, la violence institutionnelle vis-à-vis des personnels soignants eux-mêmes. Et, par ricochet, la violence institutionnelle vis-à-vis des patients, forcément. Comme si la bientraitance envers les patients ne pouvait commencer qu'avec la bientraitance de l'institution ou de ses représentants envers les soignants.
Un récit très court, mais qui ne laisse pas indifférent, loin de là. Et fait réfléchir bien au-delà du récit lui-même.

Paru aux éditions Gallimard, 2003. ISBN : 978-2-07-076751-9

vendredi 30 mars 2012

Le Parfum, de Patrick Süskind



Je ne vous ferai pas l'injure de vous dire de quoi parle ce livre, il est suffisamment connu pour que je vous épargne un énième résumé. Pour ma part, je ne l'avais jamais lu, et l'ai découvert en ce début de printemps, pour des raisons professionnelles. Il était temps que je le découvre, d'ailleurs ! Je me demande encore comment j'ai fait pour passer à côté de ce récit incroyable, alors que je l'ai eu dans ma bibliothèque personnelle pendant des années... Ma sœur l'avait pris dans mes affaires pendant nos études à Brest, et n'étant pas tentée à l'époque par cette lecture, je le lui ai sans doute laissé, puisque je ne l'ai pas retrouvé. Tant mieux s'il a pu l'accompagner un moment...

J'ai particulièrement apprécié ce roman, pour des raisons variées. La première d'entre elles, c'est que je lis presque toujours deux livres à la fois (l'un d'eux traîne dans mon sac pour mes trajets en train, l'autre est chez moi, pour le soir). Et l'autre livre est loin d'être à la hauteur de celui-ci en matière de style et de littérature. C'est d'ailleurs impressionnant comme peu de choses peuvent faire la différence. Ce qui change ici et m'a vraiment plu, c'est que le style de l'auteur, descriptif sans être ennuyeux, permet de susciter non seulement des images, mais aussi des odeurs. Et à ce titre, le roman porte parfaitement bien son nom ! On se promène à travers Paris et la France du XVIIIe siècle, dans les bas-fonds, sur la place du marché, dans les beaux quartiers, en pleine campagne ou dans une petite ville de province... on y suit Grenouille et son odorat exceptionnel avec avidité, pour voir où sa quête du Parfum va l'emmener...

L'intrigue est menée de main de maître, les descriptions telles que le lecteur entre réellement dans la tête de Jean-Baptiste Grenouille, au point de quasiment renverser les valeurs chez le lecteur. Le criminel devient donc attachant, touchant, presque pardonnable... et puis le récit, horrible, est aussi drôle à certains moments, ce qui donne à cette histoire de criminel un côté un peu burlesque où l'on ne sait pas trop qui contrôle qui... Oui, ce serait peu dire que j'ai aimé ce livre ! Le pouvoir des mots est décidément impressionnant...

Traduit de l'Allemand par Bernard Lortholary.
Paru aux éditions LGF, 1988 (Le Livre de Poche). ISBN : 978-2-253-04490-1.