mercredi 18 décembre 2019

La Route d'Armilia et autres légendes du monde obscur, de François Schuiten et Benoît Peeters




La série « Les Cités Obscures » est une sorte d’OVNI dans la bande dessinée. J’avoue avoir un peu de mal à cerner la série, tout en étant subjuguée tant par les histoires que par le dessin, envoûtant, de François Schuiten.

La Route d’Armilia raconte l’histoire de Ferdinand, parti de Mylos, en dirigeable, pour apporter au professeur Pym, dans le Grand Nord, la formule capable de remettre en route les rouages du Temps et redonner ainsi vie au monde. Mi-journal de bord, mi-bande dessinée, cette histoire est foisonnante et particulièrement imaginative. Le lecteur est d’ailleurs bien en peine de déterminer où se situe la « vérité », si tant est qu’elle existe… Le voyage a-t-il réellement lieu ? S’agit-il de l’imagination débordante de Ferdinand qui parvient à lui donner corps et vie ?
Tout ce que je peux dire, en tant que lectrice, c’est que c’est très beau, très onirique et que cet ouvrage est capable de me transporter dans un autre monde, littéralement. On est à la fois dans l’ambiance de la fin du XIXe siècle et dans un monde futuriste où il est bien difficile de déterminer l’échelle de temps. Le pari de créer un autre monde est encore une fois relevé !

Les autres légendes du monde obscur présentes dans cet ouvrage de 110 pages quand même sont de la même veine. En particulier « Mary la penchée », où il est très difficile de savoir où se trouve la normalité et où commence la bizarrerie. Ou encore « Les Chevaux de la Lune », histoire sans parole magnifiquement illustrée, où tout se joue dans les regards, les lumières et le velouté du dessin.
« La Perle » est une sorte de conte moderne qui rappelle par nombre de côtés le conte « La Princesse au petit pois », la noirceur de la Reine Mère en plus…

Les éditions Casterman ont décidé une réédition des différents ouvrages composant la série « Les Cités Obscures » et cet album fait partie de la nouvelle mouture. N’ayant pas de points de comparaison (puisque je n’avais pas lu la version originale), je ne saurais dire si la réédition est mieux que la première version. Ce que je sais (et c’est un dépliant glissé dans le livre qui me l’apprend), c’est que les auteurs ne se sont interdit aucun repentir concernant la série, y compris en remaniant complètement les histoires si besoin. En tout cas, que ce soit sur l’édition elle-même (ajout d’histoires courtes, par exemple), ou sur la fabrication (amélioration du rendu d’impression) ou même sur le contenu, cette nouvelle édition de la série est très belle et mérite vraiment d’être redécouverte.

Paru aux éditions Casterman, 2010 (Les Cités Obscures). ISBN : 978-2-203-02093-1

mercredi 11 décembre 2019

Aquablue Tome 3 : Le Mégophias, de Thierry Cailleteau et Olivier Vatine




Cela faisait un moment que je voulais investir dans la suite de cette série (à l’heure où j’écris ces lignes, il semble qu’il existe 16 tomes, j’en suis donc très loin!!!). Parce qu’elle m’interpelle, d’autant plus avec le contexte actuel de réchauffement climatique…

Ici, nous sommes de retour sur Aquablue, ou plutôt dans le ciel d’Aquablue. Un aéronef est détruit par un étrange vaisseau spatial qui sème la terreur dans l’espace.
Sur Aquablue, Nao et ses amis sont témoins de la bataille spatiale qui se déroule juste au-dessus d’eux. En effet, la Texec vient de lancer ses chasseurs contre le vaisseau inconnu, avec des résultats pour le moins dramatiques pour la compagnie de Phlebs et de Morgenstern. La bataille se joue aussi sous l’eau, mais les ordres aberrants de la Texec contraignent le capitaine du sous-marin à faire sécession et à rejoindre les habitants d’Aquablue, qui ont déjà accueilli Rabah, magouilleur en tous genres qui s’est acoquiné avec le commandant du mystérieux vaisseau pirate, connu sous le nom de Mégophias, du nom de l’animal qui lui a fourni sa carcasse.

Les habitants d’Aquablue, Nao en tête, vont donc devoir louvoyer entre différents intérêts afin de préserver leur planète des appétits de la Texec, mais aussi de l’énigmatique commandant Lochshore, dont on ne sait pas au juste quelles sont les intentions. Crimes, trahisons… tout y passe dans ce jeu de dupes où, une fois de plus, les plus puissants tentent de faire main basse sur les ressources des plus faibles, en l’occurrence ici les natifs de la planète d’adoption de Nao.

Ce troisième tome se referme sur la découverte, sous l’eau, d’une sorte de cité engloutie… dont nous ne saurons rien avant le tome 4…

Cette série, bien qu’ancienne (ce tome 3 date quand même de 1990) est vraiment intéressante. Elle reprend, en les déplaçant dans d’autres univers, les pires travers de nos sociétés en poussant leurs conséquences assez loin pour nous faire entrevoir des mondes potentiellement invivables… car gangrenés par l’appât du gain, l’absence totale de compassion et la réduction de la valeur de la vie humaine à rien du tout… En observant l’actualité, j’ai de plus en plus l’impression que ce cynisme est encore plus visible aujourd’hui qu’il ne l’était il y a bientôt trente ans. Où cela va-t-il nous mener ?

Paru aux éditions Delcourt, 1990. ISBN : 978-2-906187-55-9

mardi 3 décembre 2019

Le Fiasco du Labrador, de Margaret Atwood.




Je n’avais jamais lu, je crois, de livre de Margaret Atwood. Et si j’ai eu ce livre entre les mains, c’est qu’il faisait partie d’une offre promotionnelle sur le mode « Un livre offert pour deux livres achetés », je ne sais plus exactement à quel moment. Il faut dire que je ne suis pas spécialement rapide dans mes lectures et, surtout, que je fonctionne au coup de cœur, autant au moment de l’achat qu’au moment de la lecture et que, pour le coup, les deux ne sont pas forcément simultanés ou consécutifs. En gros, je peux avoir un coup de cœur en librairie et ne lire le livre que six ou sept ans plus tard… Les mystères insondables de mes comportements étranges en matière de lecture m’étonneront toujours…

Découverte, donc.
Et plutôt bonne, je dirais. Et pourtant, ce n’était pas gagné. Parce que ce « Fiasco du Labrador », que je croyais être un roman (j’ai omis de lire la quatrième de couverture, ou bien j’ai oublié entre le moment où je l’ai acheté et le moment où j’ai ouvert le livre, ce qui est tout aussi probable que la première option) est en réalité un recueil de nouvelles. Or je lis surtout des romans, même si j’écris moi-même pas mal de nouvelles. Mais contrairement à ce qui se passe dans les recueils de nouvelles que j’ai lus par le passé (il y en a quand même quelques-uns), les histoires racontées ici sont toutes en lien les unes avec les autres et racontent par épisodes la vie d’une seule personne à différents moment de sa vie, celle de Nell.

J’ai été pas mal déroutée lors de ma lecture, par plusieurs faits. Tout d’abord, les nouvelles ne sont pas forcément dans l’ordre chronologique. Dans la première nouvelle, Nell est déjà adulte. La seconde la voit petite fille, les autres sont des tranches de vie où on la voit grandir, devenir adolescente, jeune fille, jeune femme… jusqu’à un âge très avancé. En fait, Nell, dans ce recueil, traverse le vingtième siècle sous les yeux du lecteur.
Ce qui m’a troublée, c’est que certaines de ces nouvelles (notamment les premières) sont écrites à la première personne du singulier, et la narratrice n’est autre que Nell elle-même. Sauf qu’elle n’est quasiment pas nommée dans les premiers textes, ce qui fait que je n’ai compris qui parlait qu’à la troisième ou à la quatrième histoire, je ne sais plus. Et je n’ai compris le lien entre les différents récits que grâce aux recoupements et aux mentions des personnages secondaires qu’on retrouve dans les différentes nouvelles, du moins en partie.
Ce n’est que lorsque le point de vue narratif a changé, passant de la première personne à un narrateur omniscient que j’ai mieux compris le contexte, les personnages principaux… avant d’être de nouveau perdue quand le narrateur est redevenu une femme, mais pas la même qu’au début… Bref. C’est moi et mon « cerveau lent »… Je dois m’y faire !

J’ai toutefois trouvé que c’était un bon recueil, malgré mes égarements livresques. La qualité d’écriture est au rendez-vous, les histoires sont cohérentes entre elles et le principe d’une nouvelle par tranche d’âge permet de suivre l’évolution de l’héroïne sans se « farcir » sa vie sur le mode biographique, qui pourrait être assez ennuyeux.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire et découvrir la vie de cette femme qui traverse le siècle, depuis son enfance jusqu’à sa mort, en passant par son mariage, ses aventures amoureuses…
Une agréable découverte, oui !

Paru aux éditions 10/18, 2012. - ISBN : 978-2-264-06565-0.

samedi 2 novembre 2019

Le Cycle de Cyann : La Clé des Confins : d'Olh à IlO et au-delà, de François Bourgeon et Claude Lacroix.




« La Clé des Confins » est un ouvrage hybride très étonnant, à entrées multiples. À la fois encyclopédie et lexique, on y trouve des plans, des cartes, des recettes de cuisine, des « archives »… le tout chapeauté par le récit du Vê, personnage étrange, sorte de voyage temporel assez discret dans la série, mais qui y joue pourtant, du début à la fin, un rôle primordial. C’est finalement dans cet album que le Vê prend toute son importance, puisqu’il y explique lui-même à la fois l’histoire des mondes décrits (Olh, IlO, l’Empire…) mais aussi le comment et le pourquoi de sa décision de choisir Cyann pour être la « clé » du réseau.
« La Clé des Confins » est complétée par des extraits de bande dessinée, compléments des deux premiers albums qui, sans être essentiels à leur compréhension, en facilitent au moins la lecture…
« La Clé des Confins », c’est un titre à sens multiples, puisqu’il désigne d’une part l’ouvrage qui permet d’en savoir plus sur l’univers créé par Bourgeon et Lacroix, d’un point de vue documentaire, mais aussi où il est une histoire dans l’histoire. Le terme de « clé » désigne lui aussi plusieurs réalités : le Vê, qui raconte et donc donne des « clés » de lecture, et Cyann elle-même et le pourquoi de toute cette histoire.
C’est tout simplement bluffant d’intelligence… et très beau. Il y a même un index à la fin, pour le vocabulaire ! Brillant.

Paru aux éditions Casterman, 1997. ISBN : 2-203-38030-6.

vendredi 1 novembre 2019

Le Cycle de Cyann, tome 6 : Les Aubes douces d'Aldalarann, de François Bourgeon et Claude Lacroix




Nous retrouvons Cyann sur Marcade, en compagnie d’Eni Bolgome, laissé pour mort sur Fulguru, mais sauvé in extremis par les habitants du lieu. Et la vengeance de Cyann contre Akhmar va être très différente de ce qu’elle avait imaginé, mais non moins efficace, avec la présence d’Eni dans les parages, puisqu’Eni aimait Azurée…
Arrivée par la suite sur Procia, Cyann retrouve le Wékan et Pitance qui parviennent à la convaincre de ne pas utiliser le Réseau, où elle se ferait repérer, mais l’Entretemps, pour se rendre sur Aldalarann. Elle y arrive, en effet, et fait la connaissance de Stella, surnommée Roukette, une habitante de la planète qui la guide et la protège. Cyann lui raconte son histoire, celle d’Ilui : elle a décidé de rester sur Aldalarann.

Cyann se mêle peu à peu à la vie des Aldars, s’acclimate progressivement, adopte leurs coutumes et modes de vie. Elle est aidée en cela par Stella et Stuila, dont elle tombe amoureuse. De guide, il devient amant, puis compagnon. Cyann est enceinte et heureuse, jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’elle est enfermée dans une boucle temporelle qui fait d’elle la mère d’Ilui et la mène droit à la mort…

Dernier tome de la série, cet album montre une Cyann à la fois plus forte, plus sage, plus réfléchie… et plus fragile aussi, car plus consciente de la valeur de la vie. La sienne, celles de ceux qu’elle aime. Elle a décidé de se fixer, de vivre sa vie telle qu’elle l’entend.
La fin de l’album ouvre un futur, un avenir très différent, mais qui ne nous sera pas conté…

J’étais restée sur un mauvais souvenir, avec « Les Couleurs de Marcade », avant de me replonger dans cette série quand j’ai acheté ce tome. Finalement, je la redécouvre avec beaucoup de plaisir et de joie.
Entre fantastique et science-fiction, cette série pour adultes est à la fois complexe, mystérieuse et attirante, autant que les personnages, dans toute leur complexité, sont attachants (même les méchants, oui, oui!). Elle mérite d’être lue et relue, afin d’en comprendre au mieux les innombrables subtilités.

Paru aux éditions Delcourt, 2014. ISBN : 978-2-7560-6285-3

jeudi 31 octobre 2019

Le Cycle de Cyann, tome 5 : Les Couloirs de l'Entretemps, François Bourgeon et Claude Lacroix (bis)




Fulguru, l’une des Planètes Sauvages. Le vaisseau dans lequel Cyann s’est échappée vient de se poser, sous le regard méfiant d’un groupe de trois hommes, dont Eni Bolgome, le meurtrier d’Azurée, et d’un autre groupe formé de quatre individus, dont un robot. Cyann, Pitaine et Jipé, l’autre membre d’équipage de l’Entretemps, explorent la zone pour leur récolte mais découvrent un véritable carnage en revenant au vaisseau : Bolgome et ses deux acolytes sont morts. Les auteurs de la tuerie étant toujours là, Cyann ne doit la vie sauve qu’à Pitaine, Jipé s’étant fait décapiter alors qu’il examinait les restes des victimes.
Cyann et Pitaine embarquent, mais la jeune femme n’est pas au bout de ses surprises : Pitaine disparaît à son tour avant d’être remplacé par Pitance, une jeune femme à qui Cyann va devoir accorder sa confiance. C’est elle qui lui donne les explications attendues sur le vaisseau : celui-ci permet les déplacements spatio-temporels, sans porte. Pitaine, Jipé et Pitance ne sont que des éléments du vaisseau avec une apparence humaine et le pilote est une bestiole appelée Wékan, qui raconte un certain nombre de choses incompréhensibles au milieu desquelles Cyann doit faire le tri pour comprendre ce qui se passe autour d’elle. Le Wékan est bien plus rapide que les technologies les plus avancées, c’est la raison pour laquelle il a été choisi pour piloter le vaisseau.
Cyann arrive donc sur Olh, où elle en apprend plus sur le devenir de la sOnde depuis sont départ. Elle apprend aussi que Nacara a bien pris le pouvoir et qu’Azurée est emprisonnée et non pas morte, comme elle l’avait entendu dire. La réalité, c’est que, pour Nacara, qui en est la tutrice, condamner Azurée, dernière héritière des Olsimar après la « mort » supposée de Cyann, revenait à remettre l’héritage, et donc la gouvernance d’Olh, entre les mains de l’Empire, selon la volonté du père de Cyann (voir tome 1) qui avait pris cette disposition afin d’obliger la sOurce à protéger les vies de ses filles…
Cyann va dès lors tout faire pour retrouver Azurée et la mettre en sécurité. Mais sa petite sœur a changé, considère que Cyann l’a abandonnée et lui en veut tellement qu’elle n’aura de cesse de lui fausser compagnie et de la mettre en danger. En fait, la petite fille que Cyann a quitté deux ans plus tôt (pour elle) a maintenant l’âge de sa sœur aînée… ce qui a pour conséquence de compliquer encore leurs rapports. Pour Azurée, en effet, il s’est passé dix ans…

Bientôt, Cyann et Azurée sont face à Nacara, qui n’a d’autre choix que de les exiler pour éviter la reprise de conflits autour des détenteurs du pouvoir. Sur le point d’embarquer vers leur terre d’exil, les deux sœurs parviennent à s’échapper et à gagner Marcade, où Cyann découvre le vrai visage d’Akhmar, inspecteur de l’Empire et chargé d’éliminer toute personne qui ne peut être contrôlée. Cyann ayant la possibilité d’utiliser les portes du réseau lui pose donc un sérieux problème de sécurité. Mais elle a de la ressource.

J’avais déjà lu cet album il y a quelques temps, mais je n’avais pas vraiment fait les liens entre les différents volumes de la série. C’est ce qui motive ce nouveau billet, puisque cette nouvelle lecture rend davantage justice à la série.

Chaque fin d’album annonce le suivant, ce qu’on ne peut comprendre qu’en relisant l’album qui précède… Ici, c’est la mention de « boucle temporelle » qui annonce l’intrigue du dernier tome de la série. En attendant, les « balades »sur Fulguru, Olh et Marcade donnent une vraie cohérence à la succession des trois derniers volumes. L’intrigue se déploie et se complexifie. Les personnages, comme toujours chez Bourgeon, sont intéressants car, d’une part, il s ne sont pas tous noirs ou tous blancs, mais bien plus complexes, et d’autre part, ils évoluent au fil des albums. Cyann, en particulier, devient de plus en plus responsable et sage. Un peu comme si elle devenait enfin adulte...

Paru aux éditions 12 bis, 2012. ISBN : 978-2-35648-323-2.

mercredi 30 octobre 2019

Le Cycle de Cyann, tome 4 : Les Couleurs de Marcade, de François Bourgeon et Claude Lacroix.



Dans ce nouvel épisode, Cyann « débarque » directement d’Aldaal sur Marcade, la planète où se trouve le siège de la MCU, la compagnie qui exploite le Micomi sur Aldaal. Cyann découvre à son arrivée qu’elle est officiellement morte, ainsi qu’Azurée, sa sœur, et que Nacara ThilvarO, son amie, est devenue Nacara Othilvar, donc qu’elle appartient à la classe dirigeante d’Olh.
Dans l’immédiat, le premier problème de Cyann consiste à vivre sur Marcade en attendant de trouver la porte qui doit lui permettre de regagner Olh. Sur Marcade, en effet, tout s’achète, tout a un prix, y compris la plus petite conversation. Or Cyann n’appartient pas à ce système et commence par manquer de peu d’être « embrumée », c’est-à-dire précipitée dans les brumes toxiques qui couvrent le sol de la planète. Elle est sauvée de justesse par Akhmar, étranger lui aussi, qui va devenir son ami, son amant, son guide… Mais Cyann découvre fortuitement qu’il contrôle tout ce qui la concerne : ses dépenses en particulier, bien sûr, puisqu’elle est sans ressources sur Marcade, mais aussi ses déplacements…
Elle rencontre alors un peu par hasard un ancien pylônais (ouvrier travaillant à la maintenance des pylônes qui maintiennent la ville au-dessus des brumes), qui va lui fournir l’aide dont elle a besoin pour quitter Marcade.
En arrivant sur Olh, Cyann découvre qu’effectivement, tout a changé. Mais surtout que beaucoup, beaucoup de temps a passé depuis son départ pour IlO. Nacara est maintenant une vieille femme au pouvoir sans partage sur la planète.

Je n’avais pas lu cet album depuis longtemps, et j’avoue que je le redécouvre avec plaisir. Il s’agit toujours là d’une bande dessinée pour adultes, tant à cause de la violence que des images plutôt crues qui s’y trouvent, même si ce n’est pas le cœur de l’histoire. Le titre fait sans doute référence au code couleur utilisées par les habitants de Marcade pour fixer les tarifs de leurs échanges. Mais il traduit aussi les magnifiques couleurs utilisées par les auteurs pour dessiner cette planète. Les brumes, en particuliers, sont très colorées, mais se révèlent toxiques et même mortelles. Par ailleurs, les décors sont somptueux, très colorés, à l’opposé du monde créé dans « Aïeïa d’Aldaal ». Ils donnent l’illusion d’un monde où l’on peut être en sécurité… alors qu’il recèle une véritable violence intrinsèque qui le rend potentiellement plus dangereux qu’Aldaal ou IlO. À qui se fier, si tous les échanges sont taxés et payants ?

Cyann poursuit sa quête, celle de la vérité. Elle veut en particulier savoir ce qui est arrivé à Azurée, sa petite sœur qu’elle avait confiée à la tutelle de Nacara… et aussi comment le temps a pu passer à une telle vitesse sur Olh quand il s’est passé si peu de temps pour elle…
Ce volume, dans ses dernières pages, annonce le suivant : « Les Couloirs de l’Entretemps ».

Paru aux éditions Vents d'Ouest, 2007. - ISBN : 2-7493-0239-3
Réédité aux éditions Delcourt, 2014. - ISBN : 978-2-7560-6219-8.

lundi 28 octobre 2019

Iacobus, de Matilde Asensi




Ce roman porte le sous-titre « Une enquête du moine-soldat Galceran de Born ». De fait, ce n’est que dans les dernières pages que l’on comprend le lien avec le titre du livre.
Décidément, je ne suis pas fan de Matilde Asensi. Pourtant, l’histoire avait de quoi me plaire.
Galceran de Born, moine-chevalier de l’ordre des Hospitaliers, est mandaté par le Pape pour retrouver le trésor des Templiers, dont l’ordre vient d’être dissout. L’intrigue se passe au début du XIVe siècle. Galceran, surnommé le Perquisitore, est médecin et un remarquable enquêteur. Sa renommée le met en première ligne et il accepte la mission qui va le conduire de Rhodes à Avignon, puis à Paris, pour aller ensuite jusqu’à Saint Jacques de Compostelle, et même au-delà, afin de mener à bien la mission que lui a confiée le Pape.

En route, il rencontre Sara, une étrange jeune femme juive qui connaît tous les arts de la magie. Il est aussi accompagné de Jonas, dont on apprend très vite qu’il est le fils naturel de Galceran, né des amours juvéniles de ce dernier avec Isabelle de Mendoza, que Galceran s’est donné pour mission personnelle de retrouver.
Les choses, bien sûr, vont se compliquer, sinon ce roman serait un peu plat. Et j’avoue que l’intrigue est bien menée, bien écrite et très prenante. En gros, on a vraiment envie de savoir ce qu’il va advenir des personnages et de leur quête.

Seulement, je suis déçue. Du point de vue de l’évolution des personnages, j’ai simplement eu l’impression que l’auteur a repris la même trame que pour Ottavia, la religieuse qui finit par quitter son ordre pour vivre avec Farag, dans « Le Dernier Caton ». Même chose ici : Galceran quitte les Hospitaliers pour vivre avec Sara, renonçant à ses vœux.

Ce qui me gêne ici, c’est la profonde immoralité du personnage principal, qui devient, pour moi, un véritable « anti-héros », mais pas dans le sens où l’on entend habituellement ce terme. Ici, il ne s’agit pas du tout du personnage principal qui n’a rien d’un héros mais qui va quand même se retrouver dans l’obligation de résoudre l’énigme malgré lui. Non, il s’agit là d’un héros sympathique au départ, doté de facultés impressionnantes et plutôt sympathique, avec des principes élevés, qui se retrouve gagné par l’esprit du monde (tout comme Ottavia dans « Le Dernier Caton »), et dont la figure héroïque se métamorphose petit à petit en celle d’un homme banal, qui n’a plus rien de l’homme exceptionnel qu’il était au départ. Galceran use et abuse du mensonge, de la manipulation (à l’encontre de Jonas, en particulier), sans parler du fait que l’auteur lui fait vivre des choses contraires à son état de vie, tout en présentant ce reniement comme une bonne chose pour l’épanouissement de son personnage principal. Ce retournement est exactement le même que dans « Le Dernier Caton » : l’auteur, à la fin de son récit, montre le retournement de la situation comme un bien objectif, alors même que l’histoire n’est que trahison, revirements, manquements à la parole donnée et aux engagements pris… On nage donc en plein relativisme, et cet aspect m’est purement et simplement insupportable. Il est, hélas, bien dans l’esprit du monde d’aujourd’hui où l’on veut faire passer des choses intrinsèquement mauvaises pour des choses bonnes…
En creux, Matilde Asensi dit qu’il n’est pas possible d’être pleinement heureux si on ne vit pas une vie sexuelle épanouissante. De fait, elle dénature la vocation religieuse et le célibat, qui n’est sous sa plume qu’un pis-aller pour celui (ou celle) qui a donné sa vie à Dieu, jusqu’à ce qu’il (ou elle) ait rencontré l’âme sœur. C’est méconnaître totalement les conditions de vie et d’accès à la vie religieuse et, surtout, les raisons pour lesquelles des hommes et des femmes acceptent cet état de vie.
Je sais bien que l’histoire se passe au Moyen-Âge. Et sans doute aurais-je été moins catégorique si j’avais lu « Iacobus » avant « Le Dernier Caton », parce qu’au Moyen-Âge, il est possible que nombre de religieux et de religieuses n’aient pas réellement choisi d’entrer dans les Ordres. Mais là, il se trouve que Matilde Asensi utilise les mêmes ressorts pour des intrigues différentes, dont l’une se situe au début du XXIe siècle, où la crise des vocations dans l’Église, qu’il s’agisse des vocations sacerdotales ou religieuses, fait penser qu’il ne s’agit plus du tout d’un non-choix ou d’une erreur de parcours…

Alors soit il s’agit d’ignorance de la part de l’auteur, mais j’en doute fortement, si on regarde l’érudition dont elle fait preuve dans ces deux romans, soit c’est une volonté délibérée et une sorte de message que l’auteur veut faire passer.
Soit.
Je veux bien que l’écriture, y compris de fiction, soit un moyen de faire passer une idée. C’est finalement à cela que servent les livres. C’est juste dommage que ce soit le même message plusieurs fois de suite ! Je suis sûre que Matilde Asensi a bien d’autres choses à dire…

Ceci étant, j’ai beaucoup aimé la coïncidence qui a voulu que je lise ce roman où les personnages sont sur le chemin de Compostelle au même moment que le chemin que faisait ma cousine vers St Jacques… Elle postait sur Facebook des photos de son périple et, plusieurs fois, ces photos montraient les mêmes villages que ceux que traversaient Galceran et ses compagnons… Marrant, non ?

Paru aux éditions Gallimard (Folio Policier), 2007. - ISBN : 978-2-07-030088-4.

mercredi 23 octobre 2019

Le Cycle de Cyann, tome 3 : Aïeïa d'Aldaal, de François Bourgeon et Claude Lacroix.




Cyann est devenue « la clé » du réseau de téléportation du Grand Orbe. Après avoir rapatrié les esclaves d'IlO sur leurs planètes respectives, elle reste seule maître de ses déplacements et atterrit sur Aldaal, une planète inhospitalière où la population passe son temps à fuir la nuit mortelle. Cyann s’est matérialisée dans l’eau, à un endroit tenu par un groupe d’êtres très petits en taille, mais très agressifs et n’hésitant pas à utiliser leurs armes, tuant rapidement tout ennemi potentiel.
Cyann, faite prisonnière, ne doit son salut qu’à Aïeïa, sorte de missionnaire solitaire, qui l’achète au groupe et repart avec sa prisonnière sur son bateau, avec lequel elle sillonne les eaux et ports de la planète en quête de Micomi, contre lequel elle pourra troquer les indispensables batteries qui lui permettront de continuer son périple et d’échapper à la nuit.

Peu à peu, Cyann comprend où elle a atterrit, et, surtout, que la population de la planète Aldaal est elle aussi maintenue en esclavage pour l’exploitation du Micomi, que Cyann connaît pour avoir bénéficié de ses vertus médicinales sur Olh. Dès lors, guidée par Aïeïa et en utilisant les légendes locales, elle n’aura de cesse de comprendre ce qui se passe sur cette planète et de trouver une porte lui permettant d’aller là où elle voulait se rendre : Aldalarann, la planète d’Ilui, l’homme dont elle est tombée amoureuse et qui est mort sur IlO sous ses yeux.

L’univers d’Aldaal est tout aussi foisonnant que ceux d’Olh et d’IlO, en plus glauque. Les couleurs sont majoritairement dans les tons ocres, beiges et marrons, dépeignant un univers hostile et dur où les faibles n’ont que peu de chances de rester en vie. L’impression qui domine est celle de la destruction, de la pauvreté et de la mort, et pourtant les auteurs parviennent à faire d’Aldaal un lieu cohérent, avec ses propres mythes, ses lois et fonctionnements sociaux internes. Toutes les relations humaines, comme dans toutes les sociétés, y sont codifiées, chaque groupe humain ayant ses propres rôles et prérogatives. C’est finalement en découvrant par hasard la présence d’une patrouille de la Compagnie Urbique, qui vend le Micomi sur Olh, que Cyann entrevoit ce qui se trame sur Aldaal. Elle tente de libérer Aïeïa de l’esclavage dans lequel elle est tenue à son insu, mais celle-ci a d’autres projets… auxquels Cyann se refuse à collaborer.
Les dernières pages annoncent le prochain épisode : la MCU a son siège sur Marcade. Cyann semble s’être donné pour objectif d’en savoir plus sur ceux qui contrôlent le trafic de Micomi, d’autant plus qu’elle apprend que sa famille y est, elle aussi, impliquée...

Paru aux éditions Vents d'Ouest, 2005. - ISBN : 2-7493-0218-8.
Réédité aux éditions Delcourt, 2014. - ISBN : 978-2756062181 (Hors Collection)

mardi 15 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 29 : Anges et Faucons, de Roger Leloup




Dernier opus de la série, « Anges et Faucons » est un album différent des autres, en ce sens qu’il comporte plus de pages que les autres (64 contre 48 environ). Autre particularité : il regroupe en fait deux histoires distinctes, que l’on peut identifier dans le titre : la partie « Anges », où l’histoire est centrée sur Emilia et Bonnie, et la partie « Faucons », où Yoko est envoyée en mission par « Milord », son employeur des services secrets anglais dans « Message pour l’Éternité ».

Le début de l’album se déroule dans le passé, où Emilia utilise la machine à voyager dans le temps de son aïeul (« Le Maléfice de l’Améthyste ») pour sauver deux enfants dont elle a découvert les tombes dans « l’Enclos des anges » du cimetière où repose sa tante Gloria.
Prévenue par Bonnie, Yoko emprunte avec elle le module temporel pour venir en aide à Emilia, en octobre 1935. C’est l’occasion pour Roger Leloup de donner libre cours à sa passion pour les trains et les avions : l’accident qui doit coûter la vie aux enfants est provoqué par un train et l’intervention de Yoko, avec l’avion de la fille de Sir Archibald, l’ancêtre d’Emilia, permettra de résoudre la situation sans autre dégâts qu’une voiture écrasée par une énorme pierre.
Après leur retour, Yoko, Emilia et Bonnie découvrent « l’enclos des anges »… où de nouvelles questions se posent pour Emilia sur les effets de ses initiatives dan sle passé, qu’il vaut peut-être mieux, parfois, laisser dormir…

À peine rentrées, Yoko reçoit un appel téléphonique de « Milord », un officier des renseignements britanniques qui envoie Yoko en mission très spéciale : une « princesse égyptienne » doit être rendue à sa terre natale…
Yoko, Vic et Pol se retrouvent alors, avec Emilia, au cœur d’une intrigue où le Handley-Page « Horus » tient le rôle principal. Yoko avait participé au sauvetage de cet avion, dans « Message pour l’Éternité » Il est hébergé à la S.A.C., une entreprise écossaise qui rénove des avions de seconde main. Yoko et Emilia vont y rencontrer Dinah, la pupille du propriétaire, qui cache un lourd secret.
Mystère, ésotérisme, menaces, danger, trahison… tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette histoire une belle et prenante aventure.
Emilia y gagne une amie qui viendra habiter le cottage à Loch Castle, sous la tutelle de Cécilia, propriétaire du château.

Cet album est le dernier-né de la série. Roger Leloup est né en 1933, il a donc plus de 85 ans… et reste d’une grande tendresse envers ses héros et héroïnes. Les deux histoires racontées ici parlent bien de cette tendresse et de l’humanisme de Roger, sorte de fil rouge de tous les albums écrits au fil de ces décennies (le premier album est paru dans le magazine « Spirou », sous forme d’épisodes, de mai à septembre 1971, il y a donc pas très loin de 50 ans…).
Du point de vue du dessin, les paysages et décors, les avions, trains et voitures sont toujours superbes, précis et très détaillés, comme Roger Leloup nous y a habitué au fil du temps. À eux seuls, ces dessins sont d’une très grande précision et dignes de figurer dans les notices techniques, si vous voulez l’avis d’une non-experte…
Je suis un peu plus réservée sur les personnages, qui perdent, au fil des albums, de leur beauté, même si, dans certaines cases, ils restent très beaux, tendres et réconfortants. Je ne sais pas trop à quoi c’est dû : on ne peut pas suspecter Roger Leloup de manquer de sûreté dans son trait, sinon cela se ressentirait aussi dans les décors, les engins divers et variés… Peut-être une évolution naturelle à laquelle j’ai du mal à m’habituer, moi qui ai « grandi » avec la série, spécialement avec les albums parus à partir de 1975, donc « Les Trois Soleils de Vinéa » et les suivants…
J’ai l’impression que Roger était dans une sorte d’urgence, en écrivant cet album. Soit il n’avait pas le temps de développer et de dessiner les deux histoires, soit il voulait absolument les écrire avant, peut-être, de ne plus pouvoir le faire ? Je ne sais pas dans quel état de santé il se trouve… J’espère simplement que cet album n’est pas encore le dernier !



Comme tous les nouveaux albums depuis « Le Septième Code », celui-ci sort au début du mois d’octobre dans la version grand format. J’ai commandé cet ouvrage, mais à l’heure où j’écris ces lignes, je ne l’ai pas encore reçu… Je compléterai donc ce billet quand je l’aurai entre les mains !

Edit du 21 octobre : J'ai reçu l'album il y a quelques jours, la période étant compliquée, je ne l'ai lu qu'hier soir. Eh bien, je suis plutôt bluffée. Comme dans les autres « Grands formats », cet album-ci gagne réellement à être lu « en grand ». Le dessin y semble plus doux, par exemple.
Et puis, je me suis fait la réflexion suivante : les premiers albums, à force de les lire et de les relire, je les connais plus que par cœur. Je les comprends aussi bien mieux que les derniers que je n'ai lu que deux fois maximum. Or Roger Leloup n'écrit jamais des intrigues simplistes. Loin de là. Au contraire, il fait réellement vivre à ses personnages des histoires où les interactions, souvent nombreuses, complexifient les aventures, où les sentiments des uns et des autres entrent vraiment en ligne de compte et où les ressorts des intrigues sont le plus souvent masqués et ne peuvent être découverts qu'après une lecture très attentive et soutenue. Tout, en effet, est important : les dialogues, bien sûr, les textes dans les cases, évidemment, mais aussi les expressions des personnages, les décors, les détails (et ils sont nombreux) des cases...
Ce grand format possède un cahier graphique de 32 pages, comme les autres grands formats de la série et c'est un véritable bonus pour le lecteur, qui peut ainsi entrer plus rapidement dans ce qui fait le fonds de l'histoire, ce qui a déclenché son écriture (ici, les souvenirs d'enfance de l'auteur). On entre aussi plus vite dans la manière dont il a pensé l'intrigue, les difficultés techniques, liées au format BD par exemple, où la place de l'image est prépondérante et où beaucoup d'éléments doivent passer par le dessin, sinon l'intrigue risque de tourner au mauvais roman... En bref, à moins de lire et de relire les bandes dessinées des dizaines de fois pour en sortir toute la substance et toutes les subtilités, la version « grand format » est un véritable bonus pour le lecteur et pour entrer plus profondément dans l’œuvre.
Finalement, tout ce que je dis là est très basique et je le comparerais volontiers à la contemplation d'une œuvre picturale contemporaine. Il est aisé d'y mettre ce que l'on veut, d'y voir ce que l'on cherche à voir. Mais l’œuvre elle-même devient bien plus intéressante si on a l'auteur pas trop loin et qu'on peut discuter avec lui pour entrer dans ce qui fait son essence... on gagne du temps ! Et, cerise sur le gâteau, on risque moins le contresens...
Heureusement que j'ai plus de 40 ans et que j'ai grandi avec cette bande dessinée. Parce que, hormis pour « La Frontière de la vie », il n'existe d'albums grand format que pour les derniers... sauf pour « L'Astrologue de Bruges », le vingtième épisode, lui aussi doté, tel un galop d'essai, de quelques pages de croquis et de textes de la main du Maître sur l’histoire de la bande dessinée et de ses héros principaux...
Dupuis a toutefois eu la bonne idée, avec Roger Leloup, d'éditer des intégrales de la série, en format classique, mais augmentées d'un dossier conséquent sur les trois albums qui composent chaque volume. De quoi rattraper les choses et entrer davantage dans la philosophie de la série.

Paru aux éditions Dupuis, 2019. ISBN : 978-1-0347-3803-8.

lundi 14 octobre 2019

Le Cycle de Cyann, tome 2 : Six saisons sur IlO, de François Bourgeon et Claude Lacroix




Ce deuxième tome commence dans l'espace, là où s'est arrêté le premier. Cyann et l'équipage sont à bord du « Simar-IlO », le vaisseau spatial qui doit les conduire sur la planète IlO où ils ont pour mission de trouver un antidote aux Fièvres Pourpres, une épidémie qui décime les homme d’Olh, leur planète.
Mes des ennuis techniques les obligent à abandonner le vaisseau et à se poser sur IlO en deux groupes distincts. Les deux équipes sont rapidement séparées et celle emmenée par Crysane, technicienne radio, est prise en otage par des rebelles. Il faudra du temps à l’équipe menée par Cyann et Nacara pour retrouver leur trace et les rejoindre et encore plus pour comprendre ce qui se trame réellement sur IlO…

Ce deuxième tome se déroule dans un tout autre univers que le premier. IlO est une planète hostile, où il faut se méfier de chaque animal, chaque plante, chaque insecte, chaque recoin du paysage, car tout y est potentiellement dangereux.
Les personnages évoluent rapidement, en particulier Cyann, dont les responsabilités écrasantes dans cette expédition contribuent à lui mettre du plomb dans la cervelle. Sa rencontre avec Ilui la bouleverse profondément et lui fait passer un cap vers la maturité, lui donnant aussi plus de profondeur, de chaleur, et dévoilant en elle un cœur capable d’aimer, de s’émouvoir.

Le dessin est magnifique (mais toujours pas pour les enfants!), très fouillé, précis et inventif. Comme dans « La sOurce et la sOnde », c’est tout un univers qui est créé dans cette série, dont les deux premiers tomes constituent, à eux seuls, une histoire complète. Les tons sont plutôt dans les ocres, avec une végétation luxuriante, très colorée, très diverse et très inventive.
Cette histoire est accompagnée d’un troisième opus, « hors-série », intitulé « La Clé des Confins ». Je vous en parlerai dans un autre billet, très bientôt.

Paru aux éditions Casterman, 1997. ISBN : 2-203-38893-3.

dimanche 13 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 28 : Le Temple des Immortels, de Roger Leloup




J’écris cette chronique le 20 septembre 2019, soit une dizaine de jours seulement avant la sortie du prochain album de la série. Elle ne sera publiée qu’au mois d’octobre, afin de ne pas perturber la parution des autres billets sur la série, que je souhaite publier dans l’ordre de parution des albums. Celle-ci est donc la dernière, du moins temporairement.

Une fois n’est pas coutume : l’album commence en Allemagne, où Yoko, Vic et Pol assurent l’enregistrement, au château de Rheinstein, d’une œuvre pour clavecin jouée par Ingrid. Lors de l’enregistrement, Yoko est frappée par un bruit parasite qu’elle situe tout proche, à l’extérieur, et malgré les doutes de Vic et Pol, décide d’aller voir. Elle y trouve un survoleur vinéen et un mini drone qui l’invite à embarquer. C’est sur le siège passager qu’elle voit l’image holographique de Khany lui expliquant qu’elle doit la rejoindre au plus vite. Yoko décide d’accepter et emmène Rosée et Emilia, à bord du survoleur, jusqu’en Écosse où elle sait pouvoir trouver le « passage » qui va la mener jusqu’auprès de son amie.
Près des ruines d’un autre château (déjà exploré par Yoko dans « La Proie et l’Ombre ») se trouve en effet une entrée aménagée vers le monde souterrain des Vinéens, permettant à Yoko de pénétrer dans le sous-sol discrètement. Là, arrivées en bas, les trois terriennes apprennent rapidement qu’un drame se joue pour Khany et les Vinéens restés sous la surface de la Terre : le Grand Conseil de Vinéa, a bien sûr appris la destruction de la base située sur Mars (voir « Le Secret de Khany »), à cause du risque de destruction de la vie sur Terre. Mais les rapatriés sur Vinéa, venant de la Terre, ont besoin d’une longue réadaptation à leur planète-mère et de nombreux échecs ont lieu. De fait, le Grand Conseil a donc demandé aux Vinéens présents sous la Terre de se débrouiller seuls… et Khany et ses compagnons ont décidé de se séparer de la tutelle de Vinéa… en coupant tout lien spatial avec leur planète d’origine.
Mais Khany craint que les Terriens, acculés à se terrer dans le sous-sol de leur planète à cause des conditions climatiques qui se modifient rapidement (le fameux « réchauffement climatique ») ne finissent par les découvrir. Les Vinéens de la Terre ont donc besoin de trouver un rejuge plus profond, au-delà du siphon découvert dans « La Servante de Lucifer ».
Yoko est confrontée à un autre problème : Têvy, la jeune hybride sauvée sur Mars, n’a nullement l’intention de vivre sous Terre, même si, pour l’instant, elle n’a pas vraiment le choix. Yoko promet de réfléchir à la question, avant de s’occuper d’un autre problème plus immédiat : Zarkâ, la « Servante », demande à Yoko de la rejoindre seule. Et simultanément, Yoko et Emilia découvrent que, tout près, vit une communauté de Terriens parlant le Gaélique (sans doute issus des anciennes tribus celtes qui peuplaient la région dans l’Antiquité). Bien sûr, la curiosité l’emporte et Yoko décide de franchir le siphon en compagnie d’Iseut et de son frère Nahm. Elle découvre à cette occasion que ceux-ci se déplacent sous l’eau grâce à d’étranges tortues, que Yoko a déjà rencontrées sur Vinéa, lors de son aventure sous-marine dans la Cité de l’Abîme (« Les Archanges de Vinéa »). Il y a donc bien contact entre les deux cultures qui vivent sous terre.

Yoko et Emilia vont être confrontées à des ennemis qui ne sont pas forcément ce qu’ils semblent être. D’ailleurs, qui, des descendants des guerriers celtes, de Zarkâ ou des moines du temple des Immortels situé dans cet univers souterrain est le véritable ennemi ? D’autant plus que Yoko découvrira au fil des pages de cet album foisonnant que quelque chose (ou quelqu’un?) tire les ficelles à l’insu de tous, ou presque.

On est là dans une aventure foisonnante, je le disais plus haut, où se mêlent l’ésotérisme et la magie, via Zarkâ, la religion avec les moines du Temple dont les Celtes pensent qu’il s’agit d’un endroit maudit (et qui rappelle là que les traditions celtiques ont souvent été christianisées, afin de ramener au Dieu des Chrétiens les peuples « païens » évangélisés au début de l’ère chrétienne), la technologie utilisée à des fins néfastes (et personnifiée dans le moine Marzin, qui se prend pour la réincarnation de Merlin) et à des fins positives, en présence de l’intelligence artificielle dont le but semble être de pacifier la région et de donner une terre, et un chef, à ce petit peuple celte avant l’arrivée imminente des Vinéens en quête d’un abri plus pérenne que leurs bases souterraines trop proches de la surface. Par ailleurs, l’emplacement et l’univers où est installée cette fameuse « intelligence artificielle » fait vraiment penser au « coordinateur-robot » que Yoko a affronté dans sa toute première aventure, « Le Trio de l’Étrange », ou encore au « Guide Suprême », déifié par les survivants de Vinéa, dans « Les Trois soleils de Vinéa ». Dans ces deux derniers cas, ces « intelligences » s’étaient retournées contre les peuples qu’elles étaient sensées protéger et guider. Ici, l’intelligence en question semble tout faire concourir au bien du petit peuple celte… mais l’avenir seul nous dira ce qu’il en est vraimen.
Une intrigue un peu complexe, comme le sont celles des derniers albums, où Roger Leloup fait s’imbriquer de plus en plus les différents mondes qu’il a créés : le monde des Vinéens vivant sous Terre, le monde des Terriens vivant à la surface et celui des Terriens vivant sous Terre et qui semble avoir conservé des croyances païennes tout en étant en contact avec le christianisme d’une part et les Vinéens d’autre part…

Faut-il voir dans cette album une critique de la religion ? Une recherche d’équilibre entre les différents modes de pensée de communautés qui se côtoient malgré elles, contraintes et forcées par la tournure des événements ? En tout cas, l’humanisme de Roger Leloup, qu’il transmet à son héroïne depuis plusieurs décennies maintenant, reste bien le moteur et la « toile de fond » de la série. Reste à savoir jusqu’à tout cela ira ?
L’avenir nous le dira : un nouvel album est en préparation.


Pour cet album aussi, comme pour les précédents, une édition en grand format, avec un cahier de dessins et de textes permettant d’approfondir l’univers de Roger Leloup a été réalisée. Cet album est, comme toujours, d’une excellente facture, avec un beau papier de qualité et un confort de lecture certain.

Paru aux éditions Dupuis, 2017. ISBN : 978-2-8001-6953-8

samedi 12 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 27 : Le Secret de Khany, de Roger Leloup




Nous retrouvons Yoko, Emilia, Rosée, Vic, Pol, Mieke et Angela en Écosse, dans le cottage que Cécilia a mis à la disposition de Yoko et de ses amis afin qu’ils aient un pied-à-terre discret. C’est apparemment là que toute la bande a élu domicile depuis « La Servante de Lucifer », et Khany connaît bien l’endroit pour y avoir retrouvé Yoko et rencontré Emilia. Là encore, Khany revient de l’espace et s’invite dans la nuit écossaise, après la destruction par Emilia d’un robot qui survolait la propriété et s’en est pris à Yoko. L’engin explose en vol et fonce droit dans le lac où Khany et Yoko vont le récupérer. Apparemment, ce robot prend Yoko pour Khany et celle-ci est inquiète pour la sécurité de son amie, d’où son arrivée nocturne.
Khany explique ainsi à Yoko qu’elle a découvert un programme lancé par Karpan (voir « Le Trio de l’Étrange » et « La Forge de Vulcain ») et dont un sujet est présent au sein d’une section d’adolescents en léthargie que Lâthy et Khany étaient chargées de vérifier. Or ce programme consiste en une purification de la terre en y éliminant microbes et bactéries, afin de permettre aux Vinéens alliés à Karpan de conquérir la surface terrestre sans danger. Ce programme a bien sûr été arrêté, car il détruirait toute vie sur Terre. Mais il était enregistré dans la mémoire d’une surdouée que, par prudence, les Vinéens ont alors maintenue en léthargie. Sauf que l’adolescente en question s’est échappée de son étui et a utilisé une navette pour se rendre sur Mars, où elle compte profiter d’un « accélérateur-lanceur » pointé vers la Terre pour y activer le programme. Le danger de voir la vie s’éteindre sur Terre est donc réel, aux dires de Khany, et celle-ci invite Yoko à se joindre à elle pour aller sur Mars récupérer l’adolescente et le programme afin de préserver leurs vies à tous.

Yoko décide d’accepter la mission, en emmenant avec elle Vic, Pol, Emilia et Rosée. Poky et Lâthy font bien sûr partie du voyage et l’équipage se met rapidement en route. Mais Yoko découvre rapidement que Khany ne lui a pas tout dit sur l’origine de l’adolescente qu’elles sont chargées de récupérer. En réalité, cette jeune fille est issue de manipulations génétiques : il s’agit d’un « être hybride aux vertus vinéennes et terriennes capable de résister aux agents pathogènes qui infestent la Terre. » Seulement cet être biologique artificiel n’est pas capable de réflexion et uniquement programmé pour exécuter le plan qui lui a été inculqué…

Les deux jeunes femmes mettent les pieds sur Mars et y sont accueillies par des robots qui les emmènent dans le sous-sol de la planète Rouge où elle vont découvrir un complexe d’origine vinéenne ainsi que le fameux lanceur. Elles y rencontrent aussi Têvy, la jeune hybride, mais Khany devient très vite l’otage de Gorka, le second de Karpan, qui poursuit le projet de son ancien maître et veut se servir de Khany pour éviter la destruction, par les Vinéens, du module qu’il va envoyer sur Terre afin d’y détruire toute vie…

Du côté visuel et graphique, c’est toujours inventif et le jeu des couleurs, entamé depuis quelques albums sur le mode du camaïeu, est vraiment magnifique. Certains personnages ont des visages un peu trop anguleux à mon goût… confirmant encore une fois que cette évolution dans le dessin n’est pas ma préférée dans la série.

Cet album est plutôt étrange et ma première pensée, quand je l’ai lu, a été qu’il commence à y avoir beaucoup de monde dans cette série. Heureusement, Roger a la sagesse de ne donner une place « active » qu’aux personnages réellement indispensables à l’intrigue, ou qui ont une raison vitale d’y être. En l’occurrence, les enfants (Rosée et Emilia) n’ont qu’une place secondaire dans l’histoire, mais les laisser sur Terre aurait été dangereux, puisque Khany était la véritable cible de l’attaque que Yoko a essuyée et que, de fait, les enfants auraient été en danger si elles étaient restées seules sur Terre…

Si l’intrigue change de lieu au fil des albums (on passe de Vinéa au sous-sol terrestre puis à Mars), les univers graphiques vinéens restent très facilement identifiables. Comme une sorte de repère visuel qui confère aussi son identité à l’histoire. Cependant, les différents « mondes » créés par Roger Leloup s’interpénètrent de plus en plus, complexifiant toujours davantage l’intrigue et l’atmosphère de la série.
Cependant, les mêmes principes restent toujours valables : malgré les circonstances qui, dans notre monde actuel et notre culture américanisée, auraient justifié un meurtre de la part de Yoko envers Gorka, c’est toujours son respect de la vie qui prime. Quand mort il y a, ce n’est pas elle qui en est la cause. Ici, en l’espèce, c’est Myna qui appuie sur le bouton qui déclenche la bombe qui tue Gorka, Yoko ne pouvant moralement pas s’y résoudre. Faut-il y voir une sorte de « pirouette » de l’auteur afin que son héroïne ne se salisse pas les mains ? Ou bien une distinction entre la morale et la conscience d’un être humain doté d’une éthique et la logique froide et pratique d’un robot, fût-il « intelligent » ?
En tout cas, Roger parle ici, en creux, du respect de la vie, et de toute vie, même de celle d’un hybride conçu à des fins meurtrières, à partir du moment où cette vie existe. Même si ce n’est sans doute pas la volonté de l’auteur, j’y vois très nettement une notion qui est importante pour nombre de croyants aujourd’hui : le respect de la vie dès sa conception et le combat pour le droit à vivre, contre l’avortement et l’euthanasie. Sans doute est-ce aller un peu loin en ce qui concerne Roger Leloup, qui s’est toujours bien gardé de lancer ses héros dans des aventures politiques, mais il est de mon droit de lectrice de faire les parallèles… tout en sachant parfaitement d’où ils viennent. C’est-à-dire de ma propre réflexion. Roger, si vous lisez ce billet, j’espère que vous ne vous méprendrez pas sur mes intentions ! :)
En tout cas, la série reste fidèle à ce qui a fait son succès et aux valeurs humanistes de Yoko : le respect de la vie, l’abnégation, le courage, qui peut aller, comme dans le cas de Khany et de Têvy, jusqu’à la volonté de donner sa vie pour sauver celles des autres…


Comme pour chacun des derniers albums, depuis « Le Septième Code », celui-ci a été l’objet d’une édition en grand format, intitulé « Esquisses d’une œuvre ». Qualité irréprochable, comme toujours !

Paru aux éditions Dupuis, 2015. ISBN : 978-2-8001-6339-0

vendredi 11 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 24 : Le Septième Code, de Roger Leloup.




Quatre ans d’attente ! C’est le plus long délai, à ma connaissance, entre deux albums. Il faut dire que Roger Leloup a du affronter, durant cette période entre « La Pagode des Brumes » et « Le Septième Code » une épreuve difficile, qui a été la déformation, voire la dénaturation complète de la série aux fins d’un dessin animé pour lequel il avait au départ donné son accord. Devant le résultat et la trahison de l’esprit de la série, il a, après un certain temps de bataille sans doute judiciaire, obtenu gain de cause. Le dessin animé est sorti, mais toute mention de Yoko ou d’une quelconque référence à la bande dessinée a été supprimée, permettant à Roger de retrouver sa sérénité et sa fibre créatrice. Pour le plus grand bonheur des fans qui se sont beaucoup inquiétés, durant tout ce laps de temps.

Nous retrouvons Yoko en Amazonie, où elle pilote un hydravion sous la surveillance du propriétaire et pilote régulier de l’appareil. Pol a en effet été invité à participer à une partie d’échecs par un certain Monsieur Krüger. Les choses s’accélèrent immédiatement : la route de l’hydravion est coupée par un appareil plus petit, un biplan, piloté par Emilia (la fille du pilote de l’hydravion), qui n’a pas sa langue dans sa poche et, à 14 ans, fait preuve de beaucoup d’indépendance.
En réalité, Emilia et Yoko profitent rapidement d’un concours de circonstances pour aller explorer le sous-marin du père de M. Krüger qui, aux dires de celui-ci, recèle un trésor. Mais à leur retour, elles doivent se rendre à l’évidence : Rosée, Vic et Pol ont disparu…
Yoko et Emilia se lancent aux trousses de leurs ravisseurs et leur expédition les emmène au cœur de l’Amazonie, dans un lieu fantasmagorique où, durant les années Trente et la guerre qui suivit, le métal d’une météorite tombée à cet endroit a été exploité pour en faire des armes… L’ancienne usine sidérurgique a par la suite été réutilisée par les Russes durant la guerre froide et Yoko découvre avec horreur qu’une ogive nucléaire est toujours présente sur les lieux. Krüger veut voler cette tête nucléaire, mais l’un des soviétiques en mission sur le site, flairant le danger, a mis au point un système permettant de maintenir le site en sûreté. Avec ses compagnons, il s’est enfermé dans une chambre froide, en hibernation, chacun d’entre eux portant un code. En réunissant ces codes, on active l’ogive en question. La « clé » du dispositif étant cachée derrière une partie d’échecs, les meilleurs spécialistes du jeu ont été dépêchés sur place… sans résultat. Mais l’arrivée de Yoko, Vic et Pol, accompagnés d’Emilia, va changer la donne…

Nous retrouvons ici la Comtesse Olga, déjà rencontrée dans « L’Or du Rhin ». Elle et le père d’Emilia sont très proches, au grand dam de l’adolescente qui ne leur facilite pas la tâche. En pleine rébellion, Emilia fait malgré tout preuve de courage et d’abnégation, ainsi que d’une franche tendance à l’inconscience face au danger. Elle va devenir au fil des pages une précieuse alliée pour Yoko.


Ce nouvel album m’a fait beaucoup de bien, je dois l’avouer. J’ai eu l’impression, en l’ouvrant, de « retrouver » la Yoko d’ « avant ». Avant quoi ? Je ne sais pas trop… Tout se passait comme s’il y avait eu une sorte de vide, et pas uniquement à cause du délai de parution entre l’album 23 et le 24ème. J’ai eu l’impression d’une énergie retrouvée, d’une sorte de fièvre créatrice, ou d’une fibre créatrice, plutôt, qui revenait. Un peu comme si la présence d’Emilia dans la série était devenue vitale au créateur de Yoko pour pouvoir avancer… En tout cas, cet album est une réussite, on y retrouve nombre d’ingrédients qui ont fait le succès de la série : l’humanisme de Yoko, notamment face à la technologie qui peut être utilisée à des fins destructrices et que Yoko va s’employer à contrer, dans le respect de la vie de chacun.
Emilia apporte quant à elle un vrai « plus », avec sa fraîcheur juvénile et son enthousiasme communicatif. Elle devient à partir de cet album l’un des personnages récurrents de la série, au même titre que Vic, Pol et Rosée.

Paru aux éditions Dupuis, 2005. ISBN : 2-8001-3358-9

jeudi 10 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 23 : La Pagode des Brumes, de Roger Leloup




Suite à l’arrivée de Sin-Yi au XXe siècle, Lin-Po éprouve quelques difficultés dans son nouveau rôle de mère. En effet, la petite Sin-Yi réclame Mei-Li, l’une des suivantes de la petite épouse, et Lin-Po n’en peut plus d’être comparée à la jeune femme. Monya décide d’aller chercher Mei-Li au XIe siècle, mais Yoko, dont la grand-mère chinoise lui racontait un conte parlant de la Pagode des Brumes, se sent obligée de l’accompagner. Finalement, Lin-Po et les deux petites filles les accompagnent, Lin-Po supposant que Mei-Li refuserait purement et simplement de risquer l’aventure sans la certitude d’y survivre…

Comme toujours, les choses vont s’avérer plus compliquées que prévu. Sur le chemin qui les mène à la Pagode, Yoko apprend que le conseiller Tch’ou est sur place. C’est lui qui a décidé d’envoyer les jeunes filles à la Pagode des Brumes, c’est donc auprès de lui que Yoko, Lin-Po et Monya trouveront les réponses aux questions qu’elles se posent. Mais elles apprennent aussi qu’un dragon terrorise les caravanes qui circulent dans la Passe des Fous et que les habitants de la région ont décidé de l’empoisonner. L’action se corse quand Yoko découvre un « talisman » en cage dans sur le dos d’un chameau : une jeune fille du nom de Liao qui souffre d’un problème cardiaque, réglé par une sorte de stimulateur primitif photosensible et qui doit son statut de talisman au fait qu’elle a le pouvoir de protéger les caravanes du feu du dragon. Yoko prend la décision d’aider la jeune Liao, qui lui apprend qu’un « esprit » vit dans la Pagode et c’est cet lui qui lui a donné le pectoral la maintenant en vie. Liao est donc dépendante de l’ « esprit », mais la suite de l’histoire prouve à Yoko que non seulement le « dragon » existe bien, mais que Liao a le pouvoir de le dompter. En cours de route, elle est prise d’un malaise et Yoko va devoir suivre ses indications pour pouvoir la sauver.

L’histoire est plutôt complexe… ou bien je n’ai pas lu cet album assez souvent pour en saisir toutes les subtilités. Il faut dire que « La Pagode des Brumes » et « La Jonque Céleste » ne sont pas du tout mes albums préférés. En tout cas, l’histoire finit bien, et c’est là l’essentiel. Ce qui est étrange, c’est que ce fameux « dragon » est en réalité une sorte de robot… un peu comme si l’univers des Vinéens venait faire une incursion au XIe siècle. Ce qui, dans l’univers de Roger Leloup, est une hypothèse plausible : rappelons que les Vinéens sont sous le sol terrestre depuis au moins deux millions d’années… pourquoi un de leurs robots n’aurait-il pas pu s’échapper du sous-sol et venir semer le trouble en Chine ? En tout cas, l’ « esprit » dans la pagode et le dragon sont liés et Yoko va dès lors chercher à les réunir, afin que le dragon puisse enfin quitter la Passe des Fous et rendre sa sérénité à cette partie de la Chine.
Nous n’aurons pas de réponse à la question qui est de savoir quelle est l’origine exacte du Dragon. Mais Liao est désormais libre et, avec Yu, elle a trouvé un ami et un support indéfectible !

Paru aux éditions Dupuis, 2001. ISBN : 2-8001-2948-4

mercredi 9 octobre 2019

Le Cycle de Cyann, tome 1 : La sOurce et la sOnde, de François Bourgeon et Claude Lacroix



La planète Olh, très loin de la Terre, dans un futur indéterminé, abrite une population dont les rapports sociaux sont très codifiés. Les habitants sont divisés en trois « classes » sociales : les MajO, en haut de l’échelle sociale, qui détiennent l’argent et le pouvoir ; les MediO, groupe ayant réussi à grimper dans l’échelle sociale et bénéficiant de facilités mais pas du pouvoir ; les MinO, tout en bas de l’échelle : le peuple pauvre, laborieux et soumis à l’élite dominante, la sOnde, dont la famille Olsimar est la plus puissante des représentants. Le Seigneur Lazuli Olsimar est le père de deux filles, Cyann, la plus âgée, et Azurée. Son fils, Colbato, est mort d’une maladie qui n’attaque que les hommes sur Olh, toutes classes confondues : les Fièvres Pourpres.
En temps que chef, Lazuli Olsimar se doit de trouver une solution pour protéger la population de cette épidémie meurtrière qui endeuille son peuple.

Une quatrième « classe » complète le paysage social d’Olh, celle des DéO, sorte de clergé local qui a pour nom la Source et pour divinité l’O, élément aquatique omniprésent sur la planète, dont la présence est à la fois purificatrice et dangereuse. Les DéO négocient, à travers la question de la recherche d’un remède aux Fièvres, un plus grand pouvoir sur Olh. Mais le Seigneur Olsimar trouve une parade en annonçant sa volonté d’envoyer Cyann, sa fille terrible, sur la planète IlO afin d’en ramener le remède tant espéré.

Il faut dire que Cyann est un personnage haut en couleurs. Née une cuillère en or dans la bouche, elle n’a rien eu à faire pour obtenir la position sociale qui est la sienne, contrairement à Nacara, son amie, MinO, qui travaille dur afin de voir sa vie s’améliorer.
Cyann est cynique, égocentrique, égoïste et orgueilleuse. Elle se met facilement en danger, par bravade, défi ou orgueil… et compte sur son amie pour la tirer régulièrement des mauvais pas dans lesquels elle se met sans arrêt… et pour apaiser sa hargne envers son père, avec qui elle a les pires difficultés à communiquer. Nacara, de son côté, a besoin de Cyann pour s’élever dans l’échelle sociale, et le seul mérite de Cyann est sa fidélité à cette amitié avec une MinO…

Lazuli, Cyann et Nacara vont se retrouver en première ligne pour cette expédition sur IlO et vont devoir déjouer plusieurs complots destinés à empêcher les jeunes filles d’effectuer le voyage. C’est que, derrière cette expédition, se trouvent des enjeux de pouvoir : si la sOnde n’envoie personne sur IlO, la sOurce, elle, est prête à le faire… moyennant l’octroi de concessions importantes sur IlO. De quoi attiser les convoitises de ce clergé pas toujours très clair !

J’ai pu lire cette bande dessinée peu après sa sortie (et elle a été rééditée plusieurs fois depuis, chez plusieurs éditeurs différents), et j’ai été bluffée.
Par l’histoire, tout d’abord, qui m’a ouvert la porte d’un monde, sinon réaliste, comme chez Roger Leloup, très cohérent, extrêmement bien construit, fouillé et « documenté ».

Par les dessins ensuite, très beaux, comme toujours chez Bourgeon. Attention, il s’agit là d’une bande dessinée pour adultes : tenues et attitudes suggestives (voir la couverture de la bande dessinée, ci-dessus pour un petit aperçu), allant jusqu’à l’érotisme dans certaines planches. Mais ces scènes ne sont pas gratuites et servent l’histoire, contrairement à ce qu’on pourrait trouver dans des bandes dessinées érotiques ou pornographiques. Malgré tout, ce fait, ainsi que la violence de certaines scènes, font que cette BD (et les autres du « Cycle de Cyann ») sont à mettre exclusivement entre les mains des plus de 18 ans.

La fin de cet opus ouvre sur le suivant : Cyann, Nacara et le reste de l’équipage sont à bord du « Simar-IlO », en route pour IlO, où une toute autre aventure les attend...

Paru aux éditions Casterman, 1993. ISBN : 2-203-38857-9.

mardi 8 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 22 : La Jonque céleste, de Roger Leloup




Retour en Chine pour ce nouvel album. L’aventure commence directement dans l’avion qui emmène Yoko et Rosée à Guilin par la rencontre d’un homme, leur voisin de siège, qui est pris d’un malaise quelques secondes seulement après avoir confié à Rosée une poupée ancienne et regardé dans une boule en ivoire ajourée. À l’arrivée de l’avion, les soupçons de Yoko sont confirmés : deux hommes viennent lui parler et s’en prennent à la poupée de Rosée (pas celle que l’homme lui a confiée, qui est cachée ailleurs). Les hommes, dont l’un est archéologue, sont à la recherche d’un objet dont leur a parlé un certain Professeur Fung, historien qui a écrit un article sur Guilin. Ce professeur étant la seule piste dont dispose Yoko pour démarrer ses recherches, elle décide de se rendre chez lui pour en apprendre plus sur la Septième Dent du Dragon, dont l’homme de l’avion a parlé à Rosée juste avant son malaise. Le Professeur Fung rétablit la vérité : la Septième Dent du Dragon ne renferme pas un trésor, mais la tombe de la troisième épouse de l’Empereur Tchen Tsong. En examinant la poupée avec le professeur, Yoko découvre à l’intérieur une lentille qui, associée à la sphère d’ivoire, va permettre au Professeur Fung de localiser la fameuse Septième Dent du Dragon. Lin-Po, la jeune femme médecin du Professeur, s’éclipse alors, troublée, car elle est très touchée par l’histoire de la Troisième épouse. En effet, elle a reçu en héritage une petite maison, avec la mission de garder un tombeau, celui de Sin-Yi, la jeune épouse de l’Empereur, âgée de six ans. Son esprit est enfermé pour l’éternité dans une urne funéraire déposée dans la Jonque Céleste. La petite fille serait morte d’un accident, au XIe siècle. Yoko entrevoit la possibilité de trouver les réponses aux questions que se pose Lin-Po, en utilisant le translateur de Monya, qui y voit un caprice de Yoko et refuse d’intervenir dans une histoire qui pourrait transformer l’histoire de la Chine.
Après une nuit de sommeil, Monya rappelle Yoko et accepte de faire avec elle et Lin-Po le voyage jusqu’en Chine, en 1021, afin d’y sauver la petite Sin-Yi. Bien sûr, Pol et Vic seront du voyage, ainsi que Rosée et Mieke.

A peine arrivée, Yoko apprend d’un conseiller de l’empereur qui s’est retrouvé pieds et poings liés pour avoir voulu empêcher un crime : le meurtre de la troisième épouse… Yoko décide d’empêcher ce crime et parvient à sauver in extremis le jeune garçon qui était chargé de faire exploser la jonque de la petite impératrice, sans faire d’autres dégâts que matériels. Mais même si le danger est écarté, Yoko se rend vite compte que le complot n’est pas éventé pour autant et elle suspecte le Prince Wang d’y avoir part…
Par un subterfuge, Yoko, Lin-Po et leurs amis du XXe siècle vont parvenir à sauver la petite fille et à l’exfiltrer vers leur époque, où elle va trouver en Lin-Po la mère dont elle a besoin. Yoko et ses amis décident de rester un peu en Chine, le temps pour Sin-Yi de s’acclimater à sa nouvelle vie aux côtés de Rosée, sa nouvelle meilleure amie.

Dans cet album, le premier d’un diptyque sur la Chine du XIe siècle, l’accent est mis sur l’enfance, et c’est assez rafraîchissant, je dois bien l’avouer. Après cet album à mon sens plus noir qu’est « La Porte des Âmes », on revient à une pure aventure temporelle, faite de complots et de mystères à résoudre où Roger Leloup reste fidèle à ses principes : la mort d’un homme, fût-il le pire des criminels, est toujours un échec pour Yoko. C’est en particulier ce principe qui guide Yoko tout au long de ses aventures et qui la pousse à privilégier la vie et le pardon à l’utilisation d’armes létales qu’elle a pourtant à sa disposition via les évolutions technologiques et techniques auxquelles elle est confrontée.
C’est album n’est pas mon préféré, mais il est graphiquement magnifique. Les jeux de couleurs et de lumières sont tout simplement splendides et donnent un aspect féerique à cette jolie histoire… Roger Leloup est décidément un maître dans ce domaine et les années qui passent enrichissent chacun de ses albums : son trait, toujours aussi précis, est toujours plus beau...

Paru aux éditions Dupuis, 1998. ISBN : 2-8001-2587-X