jeudi 26 janvier 2012

Le cuisinier, de Martin Suter

Non, ce blog n'est pas un no-man's-land. C'est juste que là, j'ai beaucoup de choses en cours (boulot, changement de rythme, enfants, plusieurs lectures, écriture... bref, je ne m'ennuie pas !), et que du coup, j'ai du mal à trouver du temps pour écrire ici. Mais je ne voulais pas passer ce roman-ci sous silence !

Maravan est un jeune Tamoul immigré en Suisse. Grâce à Nangay, sa grand-tante restée au pays, il a appris la cuisine, les recettes, les secrets. Et son rêve est d'ouvrir sa propre entreprise de restauration. Mais pour l'heure, il travaille comme aide dans l'un des restaurants les plus réputés de Genève, le Huwyler, et ronge son frein en attendant d'avoir gagné assez d'argent pour réaliser ses projets.
Au Huwyler, il doit effectuer les tâches subalternes, mais il est bien payé et peut soutenir financièrement sa famille, restée au pays, dont Nangay qui souffre d'une maladie grave et a besoin de médicaments introuvables au Sri Lanka en proie à la guerre civile.
Et puis, au Huwyler, il y a Andréa, jeune serveuse, au restaurant depuis quelques semaines, qui, un jour, prend ouvertement son parti pour une histoire de curry raté. Après avoir tous deux partagé un repas aux effets surprenants, Andréa et Maravan décident de s'associer et fondent leur propre service de restauration à domicile, à destination des couples mariés en difficulté. C'est Love Food, un menu aphrodisiaque, qui va les amener à faire des rencontres variées qui pourront s'avérer heureuses ou problématiques pour eux.
Une histoire singulière nous est contée ici. Nous sommes à Genève, dans cette Suisse "propre", où les milieux financiers et d'affaires plus ou moins légales ne rencontrent que peu les populations moins favorisées, sauf quand les uns font appel aux services des autres. Maravan est ici un personnage qui aurait dû rester insignifiant, et qui, par son art, se rend quasiment indispensable auprès des gens riches, sinon des puissants. L'histoire commence au moment de la crise des Subprimes, en 2008, et l'actualité économico-financière télescope là une autre actualité passée, elle, sous silence ou presque à l'époque : la guerre civile qui déchire le Sri Lanka et les millions de civils qui en font les frais, en particulier les populations déplacées forcées de fuir leur pays ou les enfants enrôlés de force dans les rangs des combattants.

Ce livre a de nombreux atouts : l'histoire est prenante et le jeune Maravan touchant par l'énergie et la foi qu'il met en tout ce qu'il fait. Très respectueux des traditions de son pays d'origine et des principes de sa religion, il ne fait rien, au début au moins, qui ne soit en accord avec sa foi et sa culture. Le lecteur rencontre là un jeune homme mûr, réfléchi, sûr de lui.
Ce portrait évolue peu à peu au fil des rencontres que fait Maravan : Andréa, cette jeune Suissesse qui s'associe avec lui et n'a pas peur de faire quelques entorses à ses principes et de rompre certains engagements si c'est pour assurer la survie de son entreprise ; Makeda, éthiopienne écorchée vive navigant en eaux troubles du fait de sa profession d'escort-girl, ou encore Sandana, belle jeune femme d'origine tamoule née en Suisse, en pleine rupture avec ses parents dont elle tente de fuir l'emprise, et tant d'autres.
Il est donc ici question de couples, de sexualité (sans que jamais le récit ne verse dans l'érotisme ou la pornographie, ce dont je lui suis grée !), de choc des cultures, d'immigration, de conflits, d'économie... dans un double contexte lourd de menaces pour les protagonistes de l'histoire, les forçant à faire des choix parfois douloureux. On a parfois l'impression de les voir à un tournant de leurs vies, où les décisions qu'ils prennent les engagent entièrement et interdisent tout retour en arrière.
Seul bémol : une intrigue secondaire, sans lien avec l'histoire d'Andréa et de Maravan de prime abord, s'ajoute à l'histoire principale. Petit à petit, les deux histoires se rejoignent, bien sûr, mais la mise en place est très lente et j'avoue m'être légèrement ennuyée par moments, en tout cas avant que le rapport entre les deux histoires ne devienne plus clair. Ceci dit, cette intrigue constitue le nœud de l'histoire de Maravan et je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement entre la discrétion de Dalmann et des ses affaires d'une part, et l'opacité qui entoure ce personnage dans le récit, voire l'absence de lien entre les deux histoires d'autre part. Comme si l'auteur avait voulu ajouter au mystère de cet homme grâce à la construction même de son récit.
Lien trop ténu, ou coup de maître ?
Ceux qui ont lu ou liront ce roman auront peut-être un avis plus tranché que le mien ? Ce qui est certain, c'est que le Maravan que l'on rencontre au début du récit n'a pas grand-chose à voir avec celui de la fin de l'histoire, un peu comme si nous avions assisté à son occidentalisation...

Paru aux éditions Points, 2011. ISBN : 978-2-7578-2088-9.

mercredi 11 janvier 2012

La Fabrique, tome 1 : Le Créateur destructeur, de Peb et Fox



J'ai découvert cette bande dessinée un peu par hasard, à la bibliothèque où je travaille. J'étais en train de faire de la place dans les étagères quand soudain, elle m'est littéralement tombée dessus, elle m'a tendu les bras, s'est précipitée sur moi... bref, je n'ai pas pu faire autrement que de m'installer avec elle et de l'ouvrir... Et j'ai bien fait !
Je l'avais achetée pour les étudiants, mais n'avais pas eu le temps de la lire. Ah ! Comme j'aimerais avoir le temps de lire tous les romans et toutes les bds que j'achète pour les étudiants ! Au moins, je saurais ce que je leur donne en pâture !
Trèves de bavardages, la bd.

La couverture donne à elle seule le ton... Il est ici question d'une entreprise énorme, gigantesque, dont on ne sait absolument pas ce qu'elle produit, le pourquoi de son existence... mais ce n'est pas si grave que ça au fond. Parce que le propos des auteurs est, avec beaucoup d'humour et un dessin excellent, de croquer les relations entre le patron de cette entreprise et les employés, la masse laborieuse. Évidemment, le trait est forcé, les scènes sont excessives, le PDG est odieux, absolument horrible, abject, imbu de lui-même... et si drôle ! Drôles aussi sont les employés qui se distinguent du lot, de la "masse laborieuse" : Trognon, le pauvre héros si malheureux, le syndicaliste, le cuisinier, la secrétaire, l'assistante de direction, le responsable réseaux, le DRH... ils sont tous très bien campés, et surtout hilarants, même si le propos fait vraiment froid dans le dos. L'actualité économique ne permet pas de faire totalement l'impasse sur l'aspect purement descriptif des choses, même si il faut garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas là de la réalité, mais bien d'une satyre. Évidemment, tout cela est à prendre au quatre-vingt-quinze-millième degré, on l'aura compris.

Côté dessin, c'est simple, sobre au niveau du trait, très coloré : les personnages sont croqués sous l'apparence de souris (grise pour le PDG, marron pour tous les autres), avec des traits physiques caractéristiques pour ceux qui sortent du lot, et qu'on retrouve d'une planche à l'autre. L'album est en effet construit sous forme d'histoires courtes d'une page ou deux, avec des rappels hilarants de certaines situations dans les pages suivantes. En tout cas, c'est une excellente mise à distance du monde parfois difficile des grandes entreprises, avec un trait et un ton volontairement caustiques et caricaturaux. Une bonne découverte (et une agréable pause au milieu de mon déménagement de ce jour-là, ce qui n'était pas du luxe, vous pouvez me croire !).
Ah oui, le parachute du PDG, sur la couverture, il est... doré, bien sûr !

Paru aux éditions Paquet, 2009. ISBN : 978-2-88890-303-1

jeudi 5 janvier 2012

Les Evadés, de Christian Gailly



J'avais envie de lire Christian Gailly depuis longtemps, depuis que j'avais rencontré cet auteur au détour du livre Au bon roman, il y a un peu plus d'un an. Je ne le connaissais pas du tout, ni de nom, ni par l'écriture, et j'étais curieuse de savoir pourquoi cet auteur en particulier se devait de faire partie de la sélection de la "librairie idéale"...
Je ne saurais trop dire si j'ai été déçue ou non. J'avoue que c'est difficile de se faire une opinion quand on a lu ce roman dans les conditions dans lesquelles je l'ai lu, à savoir par petits bouts, un chapitre après l'autre (normal, me direz-vous, il vaut mieux !), à plusieurs jours d'intervalle entre chaque chapitre (et là, c'est sans doute beaucoup moins normal, et vous devez commencer à comprendre où se trouve le problème).
Donc, voilà. Un roman assez court (234 pages), que j'ai lu en pointillés, alternant le désintérêt et l'envie d'en savoir plus.
Alors autant vous dire que j'ai eu beaucoup de mal à suivre l'intrigue, avec un tel rythme de lecture. Une fois n'est pas coutume, je vais donc reprendre la 4e de couverture pour que vous puissiez vous faire une idée de l'histoire qui est ici racontée :
Le jeune Jérémie Tod ressemble trop à son père. On va le lui faire payer. En pleine rue, on le fait battre par un policier. Un homme, Théo Panol, intervient. Maladroit, il tue le policier. Il est arrêté, jugé et condamné : trente ans de réclusion. Ses amis décident de le faire évader. Les chances de réussite sont à peu près nulles. Ils vont quand même essayer.

L'aspect avec lequel j'ai eu le plus de mal, c'est la structure des phrases. C'est en fait ce qui m'a le plus marquée durant ma lecture, et qui explique peut-être le côté haché de mon rythme, qui correspond finalement plutôt bien avec le style de l'auteur : un style incisif, avec des phrases parfois incomplètes, des chapitres très courts, des dialogues insérés dans le texte sans point de repère pour le lecteur (oui, je suis très « classique » sur ce point, j'ai besoin de m'y retrouver visuellement pour comprendre ce que veut dire l'auteur, et la ponctuation, la graphie, la mise en page sont de ce point de vue fondamentales pour moi). Pour vous donner une idée, voici le début du chapitre deux :

Arthur Maiden conduisait bien, loin du volant , bras tendus, regard absent. A côté de lui Elisabeth sa femme examinait ses yeux, les siens, ses propres yeux dans un petit miroir. Elle était secouée mais ne disait rien. Elle se laissait conduire. Elle n'avait pas peur. Il y a des femmes comme ça, qui ont confiance. Elle avait confiance en Arthur. Ou bien alors. C'est plutôt ça. Elle se moquait éperdument de ce qui pouvait se produire. Sa figure seule la préoccupait, sa gueule comme elle disait, parlant de son visage elle utilisait le mot Gueule.

Voilà le premier paragraphe du deuxième chapitre, et vous pouvez déjà voir ce qui me gêne là, dans la construction des phrases, ces phrases tronquées, sans verbe, sans sujet, qui font plus penser à une personne qui parle qu'à quelqu'un qui écrit et raconte une histoire. J'ai bien sûr fini par m'habituer à ce style, sinon je ne serais sans doute pas allée au bout du livre, mais j'ai souvent dû relire plusieurs fois certains passage pour comprendre l'histoire, tant les ellipses sont nombreuses ici. Et ça, j'avoue que je n'aime pas du tout. Ou alors, c'est une écriture trop exigeante ? Je ne sais pas. A la lecture de ce livre, j'ai fini par me demander si je n'étais pas trop habituée à des lectures trop faciles, où le style est trop simple, et si, du coup, je n'avais pas été désarçonnée par ce roman à cause de ce style plus complexe, plus travaillé aussi.
Mais une autre chose m'a gênée : la multiplicité des personnages. J'ai eu beaucoup de mal à suivre, à comprendre qui est qui, du père, de la fille, des amis des uns ou des autres, des maris, femmes, amants ou autres... l'histoire est quelque peu alambiquée, et comme je l'ai lue en pointillés et que les chapitres sont très courts, j'ai eu beaucoup de mal à m'y retrouver. C'est sûrement un livre qui mériterait plus d'attention, plus de continuité et d'assiduité dans la lecture, contrairement à d'autres, plus faciles, qui peuvent se lire de manière discontinue sans que l'on se perde dedans...
Mais le pire, sans doute, c'est que je n'ai pas vraiment compris l'histoire... A force de lire ce roman de manière hachée, par ma faute, certes, mais aussi par la faute de l'auteur à cause de la construction de ses phrases, j'ai plus été attirée par les questions liées au style que par l'intrigue elle-même. Arrivée au milieu du livre, je me suis aperçue que je n'avais rien compris de l'histoire, ou alors par petits morceaux sans lien réel les uns avec les autres. Et ça, vous avouerez, chers lecteurs, que c'est quand même assez gênant et que ça empêche carrément de s'attacher aux personnages et de tenter de les suivre dans leurs pérégrinations. La fin m'a beaucoup plus accrochée, heureusement, et c'est pour cette raison que je ne peux pas donner d'avis définitif sur ce livre. J'ai vraiment la sensation que je ne lui ai pas accordé l'attention qu'il mérite ni le temps dont il avait besoin pour me montrer tout ce qu'il avait à me faire découvrir. Un peu comme un rendez-vous manqué, en fait. Donc une petite déception, de mon côté, mais mea culpa, c'est beaucoup par ma faute : je n'avais qu'à le lire dans de bonnes conditions ! Je pense que c'est un livre que je relirai plus tard, quand j'aurai moins d'idées parasites en tête...

Paru aux éditions de Minuit (MDouble), 2010. ISBN : 978-2-7037-2109-1

lundi 2 janvier 2012

Bonne année !

Eh oui, je viens de capter un truc, ce matin : je commence l'année à la bourre. Oui.
A la bourre pour les voeux (je les ai vus fleurir hier sur les blogs, j'ai souhaité plein de bonnes choses aux uns et aux autres en particulier, mais je ne vous ai pas souhaité une bonne année ! Ca ne va pas du tout, ça.)
A la bourre pour mes lectures : je n'avance pas du tout !!!

S'il faut donc prendre des résolutions, ce sera de lire !

Bonne année à tous !