samedi 18 février 2012

A vos caddies ! de Patrick Ledent




J'ai reçu ce recueil de nouvelles déjantées à la fin du mois de novembre 2011, pour un partenariat avec Les Agents Littéraires et les éditions Calliopées, que je remercie beaucoup pour l'envoi. J'ai été assez surprise par les textes, non pas parce que ça ne correspondait pas à ce que j'attendais, mais à cause de la qualité de l'écriture et de l'inventivité, de la variété des textes. En gros, je m'attendais à des nouvelles sans doute assez drôles sur le quotidien, mais c'est tout autre chose, et bien plus encore, qu'il nous est donné de lire là.

Tout d'abord, le style. J'ai été très surprise (et j'aime bien les surprises, surtout quand, comme ici, elles sont bonnes) : à plusieurs reprises, les textes sont conçus non pas comme des histoires que l'auteur raconte à un lecteur lambda, mais comme un monologue du personnage principal du texte s'adressant au lecteur, mais pas un lecteur parmi d'autres, non. A moi. Moi, personnellement. C'est tout bête, mais c'est la première fois que je vois ça. Cela donne un côté intimiste, "confidences pour confidences", que j'ai beaucoup apprécié, plus dans l'une des nouvelles que dans le premier et le dernier texte, je dirais.
Au niveau de l'écriture, l'auteur est érudit, il manie les mots avec beaucoup d'adresse et d'humour, dans une langue qui "sonne" très juste, me semble-t-il. Le résultat, ce sont des textes très divers dans l'intrigue et le style, mais toujours très bien écrits. Et ça, c'est quand même formidable, parce qu'en plus, il y a un côté jubilatoire dans cette écriture qui se ressent à la lecture... je ne sais pas trop comment l'exprimer, mais en gros, c'est ce que j'ai ressenti : une sorte de jubilation de l'auteur à partager avec son lecteur son univers.

Du point de vue des histoires, maintenant, il s'agit là d'un recueil de 20 nouvelles précédées et suivies de deux textes que je n'ai pas vraiment compris, encadrant les récits. C'est d'ailleurs le seul reproche que je fais à cet ouvrage. Ces deux textes, on dirait un peu une introduction et une conclusion, ou le bouclage d'une boucle, selon le point de vue, mais je n'ai pas bien compris le rapport qu'ils avaient avec les autres textes. C'est d'ailleurs marrant : sitôt arrivée à la fin, j'ai repris le recueil du début, parce que le dernier texte m'avait laissé une impression de "déjà lu mais pas comme ça"... assez étrange. J'ai donc voulu comprendre pourquoi, et en relisant le premier texte, je n'ai pas mieux compris. D'où ma petite réserve.
Les nouvelles, qui forment le corps de l'ouvrages, sont très diverses : policier, fantastique, humoristique, loufoque... tout y passe, ou presque. Les personnages et leurs histoires sont hauts en couleurs, étonnants, un peu (beaucoup pour certains) frappadingues... exactement ce que j'aime. Être surprise par l'histoire, le personnage, tellement absurde ou délirant que sa réaction ne sera jamais celle que je suppose ou que j'attends parce qu'elle serait logique ou naturelle. Ici, rien de tout cela : le lecteur est emporté dans le délire de l'écrivain et part à la rencontre de personnages tous plus étonnants les uns que les autres : l'ivrogne passionné par le poinçon du bar, le meurtrier à la recherche de la parfaite lumière du crépuscule sur la Côte d'Opale, le vampire conscient du mal qu'il fait, la fleur qui cherche à conquérir le monde, le mari très conciliant avec l'amant de sa femme... oui, les personnages sont vraiment intéressants. Mention particulière, d'ailleurs, au tueur submergé par le doute, qui est vraiment un personnage étonnant ! Mais plus que cela, dans tous les textes, l'auteur pose des questions intéressantes et le lecteur est forcément interpellé. A son tour, il se pose ces questions sur le sens du quotidien, de ce qui paraît tellement naturel et normal à tout un chacun, et qui participe d'après l'auteur à l'aliénation des masses... Je ne saurais dire lequel de ces textes m'a le plus touchée, beaucoup d'entre eux étant marquants par la peinture de la misère humaine qu'ils font, sans pour autant tomber dans le larmoyant ou le pathos. Les histoires sont brutales pour certaines, incisives, parfois violentes, mais on sent comme un regard tendre de la part de l'auteur sur ses personnages, pauvres hères en perdition dans le tumulte de leur vie, qui rend même le pire des provocateurs touchant et sympathique...

Un grand, grand merci, donc, aux éditions Calliopées et aux Agents littéraires pour cette découverte !

Paru aux éditions Calliopées, 2011. ISBN : 978-2-916608-35-8

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