J'ai acheté ce livre il y a quelques mois, en mars, un peu après sa sortie. J'avais entendu parler de Claire Fourcade dans le cadre de mon travail d'aumônier à l'hôpital psychiatrique. Même si je ne suis pas directement concernée par la fin de vie, c'est une question qui habite tous les soignants ces dernières années, et dans le cadre de ma formation continue à la pastorale de la santé, nous avons été sensibilisés à cette question, aux enjeux qui se trouvent derrière, aux questions qui se posent, tant pour les patients, les premiers concernés bien sûr, que pour leurs familles et bien entendu, pour les soignants, qui sont d'ores et déjà confrontés à ces questions.
Ce que j'ignorais, parce qu'on n'en parle pas, bien sûr, c'est que l'euthanasie était une pratique qui existait en France, même si elle était interdite. Et c'est la loi Kouchner de 1999, si j'ai bien compris, qui a mis un terme à ces pratiques délictueuses et qui a promu les soins palliatifs. En relisant l'historique de cette question, je suis frappée de voir combien la proposition de loi actuelle est finalement non pas un progrès, mais un véritable retour en arrière et, finalement, un constat d'échec sociétal, puisque la question de l'euthanasie revient sur le tapis parce que les soins palliatifs ne sont pas assez développés en France, et que de ce fait, des situations inacceptables pour des patients en fin de vie qui n'y ont pas accès perdurent. Il est donc important de faire quelque chose, mais pas n'importe quoi non plus. Si l'euthanasie a été interdite, ce n'est pas par cruauté envers les plus faibles, les plus fragiles, mais par souci d'humanité. Il n'est même pas explicitement question ici de la morale chrétienne et du « Tu ne tueras pas » biblique, même si c'est cette règle-là qui sous-tend notre modus vivendi et les lois de notre société, qui permettent justement un vivre ensemble possible. Le message porté par Claire Fourcade, c'est finalement de faire attention à ne pas nous tromper de cible. L'euthanasie n'est pas une question de soin. Le soin, c'est l'attention portée au patient, à sa parole, à sa souffrance et à celle de sa famille. Il faut écouter le patient, sa fatigue, sa peur de la mort, bien légitimes. Et y apporter non seulement l'attention mais la réponse que cette parole mérite. Que peut-on faire face à cette souffrance, à ces angoisses ? Comment les accompagner jusqu'au bout, pour que la vie de cette personne soit vécue pleinement jusqu'à la fin ?
La loi Léonetti, de 2005 et la loi Clays-Léonetti de 2016 ont été des réponses adaptées à ces douloureuses questions de la fin de vie. Et si l'euthanasie et le suicide assistés reviennent sur le devant de la scène, c'est parce que ces deux dernières lois, dans leur volet « soins palliatifs », n'ont pas été suffisamment dotées de moyens, financiers et humains. Les soins palliatifs sont malheureusement le parent pauvre de notre système de santé, déjà bien mal en point en général.
Dans ce livre, Claire Fourcade fait le récit des événements concernant le projet de loi actuel sur la fin de vie, et qui comprend deux volets : soins palliatifs et euthanasie/suicide assisté. Mois après mois, quasiment jour après jour de septembre 2020 à la dissolution de l'Assemblée Nationale en juillet 2024, elle relate les différentes étapes, les rencontres avec les politiques, le groupe de travail, les désillusions. Elle raconte aussi le quotidien dans le service de soins palliatifs de Narbonne où elle exerce, les situations rencontrées, les difficultés rencontrées avec les patients, notamment quand, faute d'accès aux soins palliatifs, ceux-ci sont pris en charge trop tard pour que la confiance s'installe entre les équipes et les patients...
Finalement, le message qui est distillé derrière, c'est « nous serons là ». Nous ne laissons pas tomber les patients, ni maintenant, ni plus tard. Et parce que les soignants ne laissent pas tomber leurs patients, ils ne peuvent pas être ceux qui donneront la mort, et qui choisiront « qui doit vivre et qui peut mourir ». Même si les députés décident que c'est maintenant possible. Pas parce que la demande du patient n'a pas trouvé d'oreille pour être écoutée, mais parce qu'il est inconcevable pour un soignant d'être d'un côté celui qui « panse », qui « soigne », qui « recoud », et de l'autre celui qui administre un produit létal pour faire mourir. Euthanasier un patient, ce n'est pas le soigner. Administrer la mort n'est pas un soin. Et ne le sera jamais.
Paru aux éditions Fayard (Choses vues), 2025. ISBN : 978-2-213-73173-5.

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