samedi 4 décembre 2010

Le Bleu est une couleur chaude, de Julie Maroh

Bande dessinée ou roman graphique ? Par la présentation, la mise en page, les cases bien délimitées, nous sommes bien ici en présence d’une bande dessinée. Mais l’histoire, sa construction nous plongent dans un vrai roman d’amour.
Finalement, peu importe. Que cet ouvrage appartienne à tel ou tel genre n’est qu’accessoire.
J’ai découvert cette bande dessinée il y a quelques mois, grâce à un article de Pearl sur le projet Nuée Frivole (nuage de blogs dont je suis l’une des rédactrices, dont je vous avais déjà parlé dans les premiers billets de ce blog). Compte-tenu du thème, l’homosexualité, je l’ai acheté pour la bibliothèque où je travaille (dans le domaine social), et je n’ai pas pu m’empêcher, quand je l’ai reçue, de m’y plonger. J’ai du coup commandé un exemplaire pour moi, histoire de pouvoir lire et relire cet ouvrage sans le faire sur mon temps de travail, et donc sans culpabiliser.
Bien m’en a pris, ce livre est un petit bijou.
Graphiquement, d’abord, parce que le dessin est doux, parfois minimaliste et épuré. D’entrée de jeu, le lecteur est plongé à la fin de l’histoire. Clémentine, l’une des deux héroïnes est morte, et dès la première page, le lecteur fait connaissance avec Emma, son amie, sa compagne, son amour. Le récit alterne alors les moments du présent et la lecture d’Emma, à qui Clémentine a légué ses journaux intimes. L’auteur utilise la couleur pour le présent et le noir et blanc pour le passé, avec uniquement la couleur bleue des cheveux d’Emma au moment de leur rencontre, couleur qui donne son nom à l’album. Le dessin contraste parfois avec l'histoire, qui peut paraître parfois violente, difficile ou crue : avec ses couleurs, ses fonds dégradés, il est surtout très réaliste, extrêmement expressif et d'une grande finesse, très abouti.
Pour l’histoire, c’est essentiellement la découverte de l’homosexualité d’une adolescente de 16 ans, que l’on suit jusqu’à sa mort à 30 ans. Le propos est celui de la découverte de la différence, de l’homosexualité, de la difficulté que ressent Clémentine à accepter cette sexualité aux antipodes de ce qu’elle imaginait. Il y est question aussi du rejet par les autres, à cause de cette différence, de la honte, puis de l’acceptation de soi, du regard des autres. C’est une histoire de souffrance, finalement, mais surtout l’histoire de deux jeunes femmes qui se découvrent, s’aiment et luttent, ensemble ou l’une contre l’autre, pour vivre.

Les luttes des lobbies gays et lesbiens sont présentes dans cette bande dessinée, mais en toile de fond uniquement. La lecture est donc très équilibrée, et évite l’écueil de la revendication à tout crin, que ces revendications soient légitimes ou non. Ce n’est en effet pas du tout là la question. L’auteur se place clairement sur le plan personnel et non pas politique, même si cette question n’est pas absente du propos.  Il n'y a donc là aucun militantisme, et Julie Maroh nous offre ici toute la complexité de cette question de l’homosexualité, en dépassant les dogmes, les lois et les règles, et parle de la personne. Les ambiguïtés dans les comportements ne sont pas éludés, et finalement, on ne peut que voir en ces deux jeunes femmes des êtres humains qui se cherchent, tentent de se trouver, de s’accepter, elles-mêmes d’abord, et l’une l’autre ensuite. Rien que des personnes normales donc.
Cet ouvrage ne laisse pas indifférent. Finalement, la différence fait peur, que cette différence soit liée à la sexualité ou au handicap par exemple. Si revendication il y a, c’est uniquement pour demander que tous soient regardés d’abord comme des êtres humains, et non pas en fonction de leur handicap ou de leur sexualité.

Pour en savoir plus, vous pouvez aller voir le blog de Julie.

Paru aux éditions Glénat, 2010. ISBN : 978-2-7234-6783-4.

4 commentaires:

  1. Contente que mon article ait pu te donner envie de le lire... et surtout que tu l'ais apprécié!

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  2. Ben je voulais faire un lien vers ton article, mais il n'est pas encore publié ! Alors dès que ce sera fait, j'édite ici pour mettre un lien !

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  3. En relisant mon commentaire, je viens de réaliser qu'il pouvait être mal interprété : "contente que tu ais apprécié le livre"!
    Pour le lien, tu n'es pas obligée, fais juste comme tu préfères faire :)

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  4. Oui, j'avais bien compris le double sens ! et apprécié tant ton article que le bouquin d'ailleurs.
    Pour les liens, j'ai l'habitude d'en faire vers les sites ou autres articles qui m'ont fait découvrir un bouquin, et comme tu es la première à m'avoir parlé de cette bd, c'est bien normal !

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