J'ai lu hier
une bande dessinée qui m'a laissée dans une sorte d'état second.
J'y suis revenue, une première fois, une seconde fois... sous le
choc.
Inès
est une très belle bande dessinée en noir et blanc, qui aborde un
sujet difficile : les violences conjugales.
On y
rencontre une jeune maman, son mari et leur fille d'environ 4 ou 5
ans. Le père est violent, méprisant, humiliant ; la maman
culpabilise, encaisse, se rend responsable de ce qui arrive.
L'histoire est découpée en 4 parties : la soirée du jeudi, la
matinée du vendredi, la soirée du vendredi et le samedi matin.
C'est rapide, une simple tranche de vie, une journée et demi pour
voir tout basculer. Un peu comme au théâtre : unité de lieu
et de temps. Et c'est vraiment efficace.
Ce qu'il y a
de formidable dans la bande dessinée, c'est que la lecture se fait à
plusieurs niveaux : ce qui est écrit et ce qui est dessiné,
et, dans le dessin, il y a ce qu'il montre, et ce qu'il « dit »
par le trait lui-même, les couleurs éventuellement, le mouvement...
trois niveaux de lecture, donc, et c'est particulièrement vrai ici,
où j'ai été frappée par la différence du trait en fonction de
l'ambiance. C'est sans doute dû au fait que le dessin est dépouillé,
avec des scènes entières ne comportant que quelques traits et un
personnage, d'autres d'une violence rare où le personnage ne
ressemble plus à rien, comme si ce qui en restait n'était que sa
rage à l'état brut.. Une ambiance, la lumière ou l'obscurité... A
l'opposé, les scènes réunissant la petite fille avec sa maman sont
riantes, fleuries, les cases semblent joyeusement encombrées comme
peut l'être la chambre d'une enfant avec ses jouets, on y voit et
sent le bonheur de cette maman d'être avec sa petite fille, mais
aussi sa douleur, ses doutes, sa responsabilité.
Le sujet est
difficile, et si je l'ai trouvé traité de manière un peu rapide,
un peu « facile » (notamment le moment où la maman dit
« tout est de ma faute, il a raison » sans que l'auteur
aille plus loin dans les raisons de cette culpabilité), j'avoue
avoir été happée par ce drame qui se déroule sous nos yeux de
lecteur un peu voyeur. D'ailleurs, trois autres personnages
apparaissent seulement, au cours de l'histoire : un couple de
voisins de palier, dont la jeune femme tente d'intervenir face aux
pleurs incessants de la petite, sans jamais se rendre compte de la
gravité de la situation, et un ami du père, compagnon de beuverie,
bon gars qui se rend bien compte que quelque chose ne tourne pas
rond, qui voit les humiliations, tente faiblement de les faire cesser
et, finalement, s'en va finir la soirée ailleurs.
Finalement,
cette bd va bien plus loin que ce qu'elle semble dire au départ
(quand je vous disais qu'il y avait plusieurs lectures) : sous
un jour simple, voire simpliste, elle pose des questions essentielles
quant à l'entourage : quand intervenir ? Que sait-on
vraiment de nos voisins, de ce que vivent nos amis ? Que peut-on
faire, face à la perversité, à la violence ? Les voisins
auraient-ils dû appeler la police ? Sur la base de quoi ?
Les services sociaux ? Pour quel suivi ?
Oui, cette
bande dessinée interroge, même si au premier abord, elle semble
n'être qu'une histoire de femme battue de plus.
En
définitive, j'ai bien l'impression que ce qui m'a choquée (dans le
sens « recevoir un choc »), c'est bien l'apparente
simplicité de l'histoire, sa brièveté aussi, et, surtout, la
pudeur qui s'en dégage. Le courage aussi de cette femme, la
conscience qu'elle a de ce qu'elle vit, de sa solitude face à cet
homme, le père de sa fille, et l'état de destruction dans lequel il
l'a mise, qui la rend incapable de prendre les décisions qui
s'imposent pour se protéger et protéger sa petite fille.
Une bande
dessinée à lire assurément !
Paru
aux éditions Glénat (Drugstore), 2009. ISBN : 978-2-35626-097-0
merci pour votre joli message.
RépondreSupprimerLoïc Dauvillier
Et merci à vous pour votre passage ici !
Supprimeron l'a à la bibli, pas encore lu mais ça viendra.
RépondreSupprimerEt ça se lit très vite ! Merci pour ton passage ici !
SupprimerBrrr... je vais voir si je la trouve à la bibliothèque...
RépondreSupprimerRapide à lire, et d'une efficacité redoutable !
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