mercredi 25 avril 2012

Inès, de Loïc Dauvillier


J'ai lu hier une bande dessinée qui m'a laissée dans une sorte d'état second. J'y suis revenue, une première fois, une seconde fois... sous le choc.

Inès est une très belle bande dessinée en noir et blanc, qui aborde un sujet difficile : les violences conjugales.
On y rencontre une jeune maman, son mari et leur fille d'environ 4 ou 5 ans. Le père est violent, méprisant, humiliant ; la maman culpabilise, encaisse, se rend responsable de ce qui arrive. L'histoire est découpée en 4 parties : la soirée du jeudi, la matinée du vendredi, la soirée du vendredi et le samedi matin. C'est rapide, une simple tranche de vie, une journée et demi pour voir tout basculer. Un peu comme au théâtre : unité de lieu et de temps. Et c'est vraiment efficace.

Ce qu'il y a de formidable dans la bande dessinée, c'est que la lecture se fait à plusieurs niveaux : ce qui est écrit et ce qui est dessiné, et, dans le dessin, il y a ce qu'il montre, et ce qu'il « dit » par le trait lui-même, les couleurs éventuellement, le mouvement... trois niveaux de lecture, donc, et c'est particulièrement vrai ici, où j'ai été frappée par la différence du trait en fonction de l'ambiance. C'est sans doute dû au fait que le dessin est dépouillé, avec des scènes entières ne comportant que quelques traits et un personnage, d'autres d'une violence rare où le personnage ne ressemble plus à rien, comme si ce qui en restait n'était que sa rage à l'état brut.. Une ambiance, la lumière ou l'obscurité... A l'opposé, les scènes réunissant la petite fille avec sa maman sont riantes, fleuries, les cases semblent joyeusement encombrées comme peut l'être la chambre d'une enfant avec ses jouets, on y voit et sent le bonheur de cette maman d'être avec sa petite fille, mais aussi sa douleur, ses doutes, sa responsabilité.
Le sujet est difficile, et si je l'ai trouvé traité de manière un peu rapide, un peu « facile » (notamment le moment où la maman dit « tout est de ma faute, il a raison » sans que l'auteur aille plus loin dans les raisons de cette culpabilité), j'avoue avoir été happée par ce drame qui se déroule sous nos yeux de lecteur un peu voyeur. D'ailleurs, trois autres personnages apparaissent seulement, au cours de l'histoire : un couple de voisins de palier, dont la jeune femme tente d'intervenir face aux pleurs incessants de la petite, sans jamais se rendre compte de la gravité de la situation, et un ami du père, compagnon de beuverie, bon gars qui se rend bien compte que quelque chose ne tourne pas rond, qui voit les humiliations, tente faiblement de les faire cesser et, finalement, s'en va finir la soirée ailleurs.

Finalement, cette bd va bien plus loin que ce qu'elle semble dire au départ (quand je vous disais qu'il y avait plusieurs lectures) : sous un jour simple, voire simpliste, elle pose des questions essentielles quant à l'entourage : quand intervenir ? Que sait-on vraiment de nos voisins, de ce que vivent nos amis ? Que peut-on faire, face à la perversité, à la violence ? Les voisins auraient-ils dû appeler la police ? Sur la base de quoi ? Les services sociaux ? Pour quel suivi ?
Oui, cette bande dessinée interroge, même si au premier abord, elle semble n'être qu'une histoire de femme battue de plus.
En définitive, j'ai bien l'impression que ce qui m'a choquée (dans le sens « recevoir un choc »), c'est bien l'apparente simplicité de l'histoire, sa brièveté aussi, et, surtout, la pudeur qui s'en dégage. Le courage aussi de cette femme, la conscience qu'elle a de ce qu'elle vit, de sa solitude face à cet homme, le père de sa fille, et l'état de destruction dans lequel il l'a mise, qui la rend incapable de prendre les décisions qui s'imposent pour se protéger et protéger sa petite fille. 

Une bande dessinée à lire assurément !

Paru aux éditions Glénat (Drugstore), 2009. ISBN : 978-2-35626-097-0

6 commentaires:

  1. merci pour votre joli message.

    Loïc Dauvillier

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  2. on l'a à la bibli, pas encore lu mais ça viendra.

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    1. Et ça se lit très vite ! Merci pour ton passage ici !

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  3. Brrr... je vais voir si je la trouve à la bibliothèque...

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