Jean est mort. Jean était
l'un des patients du Foyer, un parmi d'autres polyhandicapés qui
sont hébergés dans l'un des innombrables foyers existants en France
et ailleurs. Ce récit est imaginaire, mais ces personnages décrits
sont réels. Et ça fait peur, très peur, parce que ce qui est
décrit ici, c'est la violence brute, réelle, incontrôlable. Celle
qui déboule quand l'horreur de la vie quotidienne, répétitive,
abjecte, inhumaine, prend le dessus sur la vie elle-même...
Ce livre m'a fait peur,
parce qu'il décrit les penchants les plus brutaux, les plus animaux,
quand il est question de survie. Il décrit la culpabilité, la
honte. Il m'a fait peur, mais m'a aussi fascinée. Les phrases sont
courtes, incisives, violentes comme le propos qui est derrière. Le
texte est lapidaire, brutal, certes, mais aussi empreint d'une
certaine tendresse, de cette tendresse de la mère qui aime ses
enfants infiniment, mais qui peut aussi en arriver à les violenter
quand la fatigue se fait trop pesante, trop envahissante, et qu'il
faut malgré tout tenir, parce qu'il faut tout simplement continuer à
vivre. Combien de temps ?
Le récit ne donne pas de
réponse. Il laisse, au contraire, le lecteur sur cette question :
Mais combien de temps tiendra-t-elle, cette aide-soignante qui a vu
Jean mourir, qui voit chaque jour les patients se souiller, qu'elle
doit doucher, laver, faire manger, torcher, accompagner sans savoir
s'ils comprennent ou pas ce qu'elle leur dit au fur et à mesure que
s'écoulent les heures, jusqu'à la fin de sa journée, avant la
journée suivante, où elle répétera les mêmes gestes, verra les
mêmes patients, avec les mêmes troubles, les mêmes comportements
abjects... Combien de temps tiendra-t-elle avant de craquer, elle
aussi ?
En filigrane, il y a
l'épuisement professionnel, le manque de personnel dans les
établissements spécialisés, la violence institutionnelle vis-à-vis
des personnels soignants eux-mêmes. Et, par ricochet, la violence
institutionnelle vis-à-vis des patients, forcément. Comme si la
bientraitance envers les patients ne pouvait commencer qu'avec la
bientraitance de l'institution ou de ses représentants envers les
soignants.
Un récit très court,
mais qui ne laisse pas indifférent, loin de là. Et fait réfléchir
bien au-delà du récit lui-même.
Paru aux éditions
Gallimard, 2003. ISBN : 978-2-07-076751-9
...merci ( de la part de l'auteur)
RépondreSupprimerVous avez compris l'essentiel!
marie-pierre
Merci pour votre passage ici !
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