vendredi 12 novembre 2010

Personne, de Gwénaëlle Aubry

Ce roman est non conventionnel à plus d’un titre. Il s’agit d’un portrait, en vingt-six lettres, d’un homme, François-Xavier Aubry, père de l’auteur. Un abécédaire pour dire qui était cet homme, sans autre logique que celle de l’ordre des lettres de l’alphabet.

A travers le roman écrit par son père maniaco-dépressif, qu’elle découvre après sa mort, l’auteur tente de mettre de l’ordre dans le désordre. A ce titre, le choix de l’abécédaire est tout à fait pertinent en ce qu’il reflète à la fois la tentative et l’impossibilité qui’ y a à la mener à bien. La construction par « lettre » empêche toute chronologie, et donne un roman éclaté, où l’histoire est décousue, telles les pièces d’un puzzle qui ne parviennent pas à reconstituer le décor. Il est donc impossible de reconstituer l’histoire en elle-même, mais l’important semble être ailleurs.

Au niveau de l’écriture elle-même, ce roman est assez perturbant, dans la mesure où l’auteur utilise des phrases très longues, avec de nombreuses énumérations, des apartés, qui donnent parfois l’impression de fouillis et entravent la compréhension du texte. Mais là encore, ce parti-pris permet d’entrer dans la confusion des sentiments de cette femme pour son père. Elle a souffert par lui, à cause de lui, de sa maladie. Elle l’a aimé infiniment aussi. Les choix du processus d’écriture et de la construction du récit illustrent donc ici tout autant que les mots la confusion du père et les efforts que fait sa fille pour le comprendre, pour réapprendre qui il était.

C’est en définitive ce que je retiendrai de ce récit : il s’agit d’un cri d’amour d’une fille pour son père, malgré la déchéance, malgré la maladie, la souffrance et la mort. Reste la douleur et l’avenir, la reconstruction.

Paru aux éditions Mercure de France, 2009 (Bleue). ISBN : 978-2-7152-2929-7

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