samedi 22 janvier 2011

L'Ange de Whitechapel, de Jennifer Donnelly


J'ai découvert ce roman un peu par hasard, lors d'une commande d'ouvrages pour la bibliothèque où je travaille. Le résumé de l'éditeur était tentant, et rentrait dans les thématiques abordées à l'ISSM, puisqu'il y était question des débuts de la santé publique en Angleterre, dans les premières années du 20e siècle, ainsi que des premières lois de politique sociale dans ce même pays.

J'étais loin de m'imaginer qu'il s'agissait de bien plus que cela. Je me suis d'emblée retrouvée dans un univers inconnu pour moi : les quartiers mal famés de Londres, dans l'East End, à Whitechapel en particulier. Whitechapel est en effet connu pour être le théâtre des meurtres commis par Jack l'Eventreur, et l'ambiance décrite par l'auteur est tout à fait fidèle à l'image que l'on a de ce quartier, quelques années seulement après cette série de crimes, évoqués d'ailleurs dans les premières pages du livre.
Ce roman est une merveille de 1000 pages, formidablement bien écrit, prenant d'un bout à l'autre. Il décrit la vie à Londres au début du 20e siècle, dans une société où la femme n'a pas encore le droit de vote. Une société où elle n'a pas les moyens de s'opposer aux désirs de son mari, où la contraception existe mais n'est absolument pas entrée dans les moeurs, où les douleurs de l'enfantement sont vues par les médecins comme normales, où les naissances s'enchaînent, où la mort est présente tous les jours, où les indigents meurent de maladies parfaitement évitables avec une bonne alimentation, mais qu'ils ne peuvent combattre faute de moyens pour se nourrir correctement.

India Selwyn Jones vient de terminer ses études de médecin. Elle fait partie des premières femmes à exercer cette profession. C'est une jeune fille déterminée, révoltée, ardente, convaincue, qui s'engage auprès des indigents de Whitechapel dans le dispensaire du Docteur Gifford, homme peu regardant avec l'hygiène, opposé farouchement à la contraception pour des questions religieuses, et abusant de l'engagement d'India pour son établissement. Elle rencontre Sid Malone, homme trouble et mystérieux, chef d'une bande de malfrats de l'East End. Leur rencontre est épique, mouvementée, fracassante. Leurs relations seront houleuses avant de devenir passionnées ; ils tombent éperdument amoureux l'un de l'autre, mais leurs positions sociales respectives, leurs « fantômes » à tous les deux et surtout Freddie Lytton, homme politique ambitieux, vont compliquer sérieusement leur relation et leurs projets.

Ces 1000 pages décrivent la société londonienne, des bas quartiers comme de la haute société. 1000 pages d'aventures épiques, où l'on rencontre des personnages hauts en couleur : India et Sid, bien sûr, Freddie Lytton, Wish, le meilleur ami de Freddie et d'India, Isabelle, la mère d'India, lady intransigeante et froide ; Fiona et Joe Bristow, son mari, issus tous les deux du prolétariat londonnien et ayant acquis un statut élevé dans la bourgeoisie, sans jamais oublier d'où ils viennent ; Seamus, le frère de Fiona, passionné d'alpinisme et d'aventures, et ses amis Willa et Albert Alden ; Ella, l'infirmière juive au grand coeur et sa famille nombreuse autant que généreuse ; Maggie Carr, propriétaire terrienne au pied du Kilimandjaro... Cette épopée emmène le lecteur de l'East End à Point Reyes, en Californie, en passant par l'Afrique Orientale, aux débuts de la colonisation de l'Afrique par les puissances occidentales que sont l'Angleterre, la France, l'Allemagne, l'Italie et la Belgique.

Cette lecture m'a fait du bien. Ce roman épique m'a fait penser à un autre roman d'aventures et d'amour, « Autant en emporte le vent ». La comparaison est osée, sans doute, mais si l'époque et les lieux ne sont pas les mêmes et qu'il est difficile de comparer ces deux romans d'un point de vue littéraire, le souffle épique qui se dégage de cette fresque est bien digne de celui qui anime le roman de Margaret Mitchell. J'y ai pris en tout cas autant de plaisir, avec la même envie de connaître la suite, le même enthousiasme aussi. Cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas autant amusée à la lecture d'un roman ! Une lecture facile, certes, mais passionnante et divertissante. C'est tout ce qu'on demande à un bon roman, non ?

Traduit de l'Américain par Florence Hertz.
Pocket, 2010. ISBN : 978-2-266-19191-3

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