Olivier Mariotti, artiste peintre, expose ses œuvres dans une galerie d'art. Le soir du vernissage, il est accompagné de sa femme et de ses deux enfants, ainsi que de sa mère et de ses amis. Lors d'une coupure de courant, il aperçoit, entre deux éclairs, une ombre, celle d'un homme.
Toute la bande dessinée est construite sur ce moment-là, sur cette rencontre fugace qui libère les souvenirs d'Olivier, souvenirs qui déferlent en vagues successives. L'auteur nous donne à voir ici son enfance et sa vie d'adulte, sa relation avec ce père qu'il ne voit plus, à qui il ne parle plus, une fois adulte.
Le lecteur voit ce père passer du statut de héros tout-puissant à celui d'homme haï... puis à l'indifférence de son fils. Et pourtant, il suffit d'une ombre pour relancer l'espoir d'une rencontre, d'une possible réconciliation.
Le dessin d'Olivier Mariotti m'a posé un certain nombre de problèmes au départ. C'est un graphisme auquel je ne suis pas habituée, à la fois doux et chaud dans les tons et couleurs employés et dur dans les formes, en particulier les traits des personnages, très anguleux, quasiment géométriques. En particulier, les yeux des personnages sont totalement blancs et m'ont au départ presque fait peur, tant l'absence de pupilles les rendait presque inhumains. Et puis je me suis détachée des traits pour rentrer dans l'histoire.
Les souvenirs d'Olivier nous transportent dans son enfance, auprès de ce père immense, fort, aimant, presque invincible. La force du dessin est de nous donner à voir avec les yeux de l'enfant qu'il était à l'époque, et d'entrer directement dans son imaginaire, d'entrer dans les événements tels qu'il les voyait et les comprenait à l'époque. Le texte est peu présent, voire totalement absent dans certaines séquences, renforçant le mystère autour de ce père et le décalage entre le monde de l'adulte et celui de l'enfant. Les fréquents allers-retours dans la vie actuelle d'Olivier permettent de voir quel homme il est devenu, artiste, drôle, père et époux aimant; perturbé aussi dès qu'il s'agit de sa relation avec son père. On sent qu'Olivier tente de se dégager de l'emprise de son père sur lui, mais aussi qu'il reproduit bon nombre de comportements. Finalement, cette bande dessinée est aussi l'histoire de la construction d'un adulte et de la manière dont il compose avec son vécu., et le travail qui consiste à redonner à ses parents leur place d'être humain, en les faisant descendre du piédestal sur lequel on les a installés durant l'enfance, parce qu'il faut bien des modèles pour se construire en tant que personne. La fin pose la question de la relation présente et la laisse ouverte, permettant d'imaginer une suite, quelle qu'elle soit.
Les remerciements à la fin de l'ouvrage permettent au lecteur de retrouver les personnages de la bande dessinée, laissant penser qu'il s'agit là en grande partie d'une œuvre autobiographique. Jusqu'où l'est-elle ? Il est difficile de le savoir. En tout état de cause, c'est une bande dessinée d'une très grande sensibilité, que je suis vraiment très heureuse d'avoir eu la chance de découvrir. Cette maison d'édition « Les Enfants Rouges » me semble bien prometteuse !
Paru aux éditions Les Enfants Rouges, 2010 (Mimosa). ISBN : 978-2-35419-040-8
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