Entre roman et témoignage, ce livre raconte l'histoire de Darina, enfant puis jeune fille qui vit et grandit à Beyrouth, au temps de la guerre civile (depuis la fin des années 1960 aux années 1980). L'Histoire est évoquée au gré de la vie de Darina, de ses déplacements avec ses parents, tous deux journalistes. Mais ce n'est pas un livre d'histoire. L'Histoire, la grande, n'est là que pour expliquer la descente aux enfers de cette jeune femme, élevée dans l'amour de la liberté, dans un pays où les femmes ne sont pas libres. Darina est libre, ou croit l'être, plutôt. Drogue, alcool, sexe, elle vit sa vie dangereusement, conditionnée par quinze ans de guerre et de violence. Jusqu'à sa « mort », celle qui lui permet de voir son propre carcan, et sa nouvelle naissance.
J'ai dévoré ce livre, bien écrit, au rythme effréné. On y suit Darina, sa famille, ses sœurs, au fil des bombardements, des déplacements pour échapper aux services secrets syriens, ses rencontres avec de nombreux hommes, sa vie « libérée », selon les vœux de son père, hostile à toute forme de soumission de la femme, et en particulier de ses filles... La violence est omniprésente, qu'elle soit dans la guerre elle-même ou dans la vie quotidienne, les viols, les luttes pour la survie tout simplement... Et surtout, Darina explique parfaitement bien l'enchaînement des événements, comment elle est passée du viol initial à la boulimie sexuelle, à la drogue, à l'enfermement ; comment, aussi, le fait de grandir pendant la guerre a pu modifier sa perception de la vie quotidienne, au point de rendre le silence plus angoissant encore que les balles ou les obus...
La couverture montre une belle femme brune, aux cheveux longs, vêtue de rouge, souriante, épanouie. Je suppose qu'il s'agit de Darina. Elle vit aujourd'hui en France où elle est comédienne. Ce visage est celui d'une rescapée, née une seconde fois après avoir traversé l'enfer. Elle ne parle dans ce témoignage que de cet enfer, elle a visiblement trouvé, par la suite, le chemin de la rédemption, celle qui permet la guérison et la vie.
Un très beau témoignage, qui montre une fois encore qu'il est possible de faire mieux que survivre, après avoir vécu le pire. Il est possible de revivre, de vivre, tout simplement.
Paru aux éditions Actes Sud, 2008. ISBN : 978-2-7427-7284-1.
J'ai toujours un peu de mal avec les témoignanges, mais celui-ci oscillant entre roman et ce genre peut convenir. Quel beau titre, même si l'on peut déplorer que Nina Simone ait cessé de chanter, et pour cause.
RépondreSupprimerUn beau titre, c'est vrai mais le sujet aussi a l'air passionnant, tragique et délicat à traiter.
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