Au salon du livre de
Colmar, le 26 novembre dernier, je suis tombée par hasard, au gré
des stands des éditeurs et associations, sur une bande dessinée que
j'avais repérée sur le blog de Frédéric Vervisch, mon
cousin : Tokyo Story. C'est d'ailleurs lui qui a fait
l'illustration de la couverture.
Ni une, ni deux, j'ai
décidé rapidement de l'acheter, après avoir discuté un petit
moment avec les responsables de l'association Fugue en bulles
et je ne regrette pas mon achat.
Il est ici question,
comme son nom l'indique, du Japon, bien sûr. Sous forme d'histoires
courtes, les auteurs évoquent là un aspect du Japon, vu d'Europe.
La première histoire,
Hibakusha, raconte en quelques pages le devenir imaginaire des
survivants de la bombe atomique du 9 août 1945 à Nagasaki.
L'histoire est construite sur trois double-pages et une page simple.
Le dessin est beau, doux, en noir sur fond ocre, et dévoile au fil
des pages l'horreur de la mort, le fond s'assombrissant petit à
petit comme un ciel d'orage... c'est saisissant.
La seconde histoire,
Vague à l'âme, raconte, avec un graphisme fouillé et assez
sombre, bien qu'en couleurs, la vie au travail d'un homme de Tokyo.
De facture plus classique que la première, avec des cases et des
bulles, l'histoire se déroule simplement, jusqu'à la chute finale,
dévastatrice, que rien ne laissait présager...
Tokyo X Story est
la moins sombre des histoires de Tokyo Story. Là encore, un aspect
de la culture japonaise est mis en avant, et il s'agit là des
geisha. L'histoire pourrait se passer n'importe où. Le héros est un
grand admirateur du Japon, pratique les arts martiaux, et demande à
sa petite amie de jouer à la geisha pour lui. La chute est drôle,
et l'histoire est vraiment de très bon goût, j'ai été étonnée :
je m'attendais à tout autre chose ! C'est une très bonne surprise.
Le dessin de celle-ci est aussi le plus doux de toutes ces petites
histoires, sans céder à un réalisme à tout crin.
Hikikomori te salutant
!, l'histoire suivante, m'a posé plus de difficultés. J'ai dû
la relire pour la comprendre. Je ne suis pas une grande connaisseuse
des jeux vidéos en ligne, et c'est sans doute pour cela que j'ai eu
du mal à comprendre. Cette histoire est en effet une immersion dans
la tête d'un jeune joueur en ligne, avec ses rêves, ses fantasmes,
sa solitude... là encore, la chute est brutale, assez inattendue,
mais elle symbolise bien le contraste entre cette vie virtuelle et la
réalité simple de la vie quotidienne, avec l'inadaptation qui peut
résulter d'une trop grande addiction aux jeux vidéo... Fin
tragique, mais qui semble être plus fréquente qu'on ne le pense.
Graphiquement, le dessin est sombre, épuré, dans des couleurs
sombres et assez uniformes restituant l'ambiance glauque du jour ou
de la nuit de jeu, d'isolement... c'est très suggestif en tout cas,
et d'une grande maîtrise, très abouti.
Golgoth 666 est le
récit écrit par mon cousin et illustré par son frère. Il y a là
deux références au Japon : le titre est un clin d’œil à la série
Goldorak (que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais
qui a marqué tous les trentenaires, dont, comme mes cousins, je fais
partie), et les Yakusa, la mafia japonaise. Si j'ai été un poil
déçue par l'histoire, j'ai en revanche été subjuguée par le
dessin. Tout est en noir et blanc uniquement. Pas de gris, pas
d'entre-deux. Du noir et du blanc, des traits blancs sur fond noir
pour suggérer les motifs de la couverture, une silhouette blanche
sur fond noir ou des pieds noirs sur fond blanc pour que les éléments
se distinguent bien les uns des autres : c'est tout simplement
superbe. L'histoire, c'est celle d'une vengeance, à la hauteur du
préjudice subi par la petite Ikuko... Assez improbable, et c'est
bien cet aspect-là qui m'a gênée. A part cet aspect, l'histoire
est bien menée, originale, et on y retrouve d'une certaine façon
tout le rêve d'enfant, sa toute-puissance supposée aussi, la
frontière très ténue entre le rêve et la réalité... La fin est
grandiose, bien qu'extrêmement violente (j'ai du mal, beaucoup de mal
avec la dernière case...).
Enfin, Promotion
japonaise raconte l'histoire d'un homme qui travaille pour une
grande firme japonaise. Il a gravi les échelons et attend sa
prochaine affectation. Il est ici question, comme dans la seconde
histoire, du rapport des Japonais avec le travail. Jusqu'où le
dévouement du travailleur peut-il aller ? Quelle est la place de
l'individu, de ses désirs, de sa vie personnelle, familiale ? Ce
sont ces questions que pose cette histoire, et mon seul regret, c'est
que la fin ne soit pas suffisamment claire. Quelle a été la
décision de cet homme ? En quelques pages, on s'attache à lui, à
sa jeune épouse qui va accoucher dans les jours qui viennent, et
j'ai été presque frustrée de ne pas savoir quelle avait été sa
décision, en définitive...
Globalement, ce recueil
est une très très bonne surprise, même si je ne l'aurais peut-être
pas acheté si mes cousins n'y avaient pas écrit. Je ne regrette
rien : cette bande dessinée vaut vraiment le détour !
Paru aux éditions
Fugue en bulles, 2011. ISBN : 978-2-919633-03-6. 10€
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