En mai 2011, Joy
Sorman s'installe une semaine gare du Nord, pour voir. Sans jamais
monter dans un train, un RER ou un métro, elle observe la gare à
toutes les heures de la journée. Elle en rapporte ce récit, écrit
sur le vif, d'une semaine passée là où d'ordinaire on ne s'arrête
pas. (présentation de l'éditeur).
J'ai trouvé ce petit
livre (qui se lit très vite, en une demi-heure) à l'école où je
travaille. J'ai vraiment beaucoup apprécié cette petite lecture, en
plein dans mes préoccupations du moment. Non pas que je m'intéresse
aux trains (quoique à force de les prendre, je finis par y être un
peu comme chez moi), mais plutôt au temps. Le temps qui passe, le
temps de la personne, le temps que l'on a pour soi, le temps que l'on
donne aux autres, le temps de l'évolution, le temps qui manque,
l'immédiateté d'internet... et là, dès le début, c'était en
plein dans le thème :
[...] Et quand on se
pose quelque part pour ne plus en bouger il se passe des choses
invraisemblables, des choses qui surgissent parce qu'on a pris le
temps de les attendre, parce qu'on est resté.
[...] je vois sortir
de la gare une adolescente en pantalon ethnique et sandales de cuir :
elle tient un hamster par la main. C'est-à-dire que le hamster pend
dans le vide, tenu par la patte avant droite. [...] Suivent un curé
en soutane sous un chapeau de paille à larges bords et fumant une
clope roulée, puis deux soeurs jumelles octogénaires aux cheveux
rouges.
C'est au moins un film
de Peter Sellers. (p. 9 et 10).
Voilà. C'est ça que je
découvre. L'observation, le temps gratuit que l'on prend, tel un
arrêt sur image, pour regarder. C'est tellement différent de ce que
je vis chaque jour, et pourtant si quotidien (je fais beaucoup
d'allers-retours en train), c'est une sorte de redécouverte de mon
propre quotidien... Oui, vraiment, j'ai beaucoup aimé ce récit. Il
n'y a pas d'intrigue, il n'y a pas d'histoire, juste des personnages
que l'on croise une ou plusieurs fois, au fil de la semaine. On y
trouve les conducteurs de métros, le chef de la sécurité, des
voyageurs, le responsable de la vidéosurveillance, des
prostitué(e)s, des sans-abris, des agents de nettoyage... tous ceux
que l'on ne voit pas, ou plutôt, que l'on ne voit plus (sauf les
contrôleurs !), sans qui, pourtant, la gare ne serait pas tout à
fait la même, voire serait sans doute une zone de non-droit, un
endroit sale et dangereux... On y découvre aussi des espaces qui
sont d'habitude cachés aux clients, ou tout simplement dans lesquels
on ne s'arrête jamais, tellement on est pressé par un train ou un
métro à prendre. Un peu comme l'envers du décor, en somme.
C'est bien écrit, avec
de très courts "chapitres" qui racontent, dans un style
rythmé et dense, les observations de l'auteur au fil des heures et
des jours de la semaine qu'elle passe ainsi en observation.
Ce petit livre est donc
une très jolie découverte !
Paru aux éditions
Gallimard (L'Arbalète), 2011. ISBN : 978-2-07-013557-8.
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