Il y a des
livres qu'on n'aurait jamais lu si les hasards de calendriers
n'existaient pas. Pour celui-ci, c'est vraiment le cas. J'ai repéré
ce roman dans ma librairie préférée quelques jours après celui où Ys
annonçait son challenge Les 12 d'Ys. Du coup, je me suis engagée à
y participer... sans me rendre compte de l'immense tâche qui
m'attendait.
Ys, tu
m'excuseras : ce billet sera peut-être le seul de ce challenge
monumental que tu as imaginé : lire 12 livres dans chacune des 12
catégories que tu as créées.
Ceci dit,
malgré l'étendue de mon incompétence en la matière, j'ai quand
même réussi à aller au bout de ce roman-ci, et rien que pour ça,
je suis ravie de m'être engagée dans cette folle aventure.
Le Rêve du
Celte, c'est le titre d'un poème écrit par Roger Casement,
diplomate britannique de la fin du 19e siècle, mort durant la
première guerre mondiale, non au front mais pendu pour trahison.
C'est ici son histoire qui nous est brillamment racontée, depuis son
enfance en Grande Bretagne jusqu'à sa mort. Entre les deux, Roger
Casement a vécu plus de 20 ans au Congo Belge, puis a fait
plusieurs séjours en Amérique du Sud (en Amazonie en particulier,
mais aussi au Brésil par exemple). En tant que diplomate, il s'est
attaché à défendre les droits des populations indigènes qu'il a
rencontrées sur place. Il avait en effet pu voir à quel point
ceux-ci étaient opprimés, massacrés, humiliés, torturés,
exploités au nom de la colonisation, tant au Congo qu'en Amazonie.
Il a dû faire face, dans les deux cas, à la malhonnêteté des
colons, à l'horreur de la recherche du profit à tout prix, quitte à
aller jusqu'au mensonge pour gagner toujours plus d'argent... Durant
sa vie de diplomate, Roger Casement n'a eu de cesse de dénoncer ces
abus.
Mais ce côté
brillant du personnage cache aussi une face sombre, obscure, comme
chez nombre d'êtres humains (tous ?). Roger Casement, Irlandais par
sa mère, n'a pu s'empêcher de comparer le joug qui pesait sur les
épaules des Congolais et des indiens du Pérou avec celui qui se
trouvait sur celles des Irlandais dans l'Empire Britannique. De là
sa volonté de tout faire pour obtenir l'indépendance de l'Irlande,
allant jusqu'à pactiser avec l'Allemagne, l'ennemie de l'ennemi...
Par
ailleurs, les adversaires de Roger Casement n'ont pas un instant
hésité à utiliser contre lui certains traits de sa personnalité
totalement inacceptables à l'époque pour ajouter encore au
discrédit qui pesait sur lui, le coupant progressivement de ses
amis, de ses alliés, sapant la confiance qui le liait à eux et lui
permettait d'avoir encore un espoir de voir sa peine commuée.
J'ai eu du
mal à lire ce livre. Non pas à cause de la manière dont il est
écrit, au contraire : il est passionnant, haletant, magnifiquement bien écrit, ne laissant
aucun répit au lecteur. Le récit est construit sur une alternance entre le présent de Roger Casement (sa détention durant laquelle il attend la décision concernant sa peine et son exécution) et son passé, au Congo, en Amazonie puis en Irlande. Seulement, les faits décrits sont pour beaucoup
absolument abjects, honteux, horribles, et m'ont demandé parfois du
temps pour être digérés. La personnalité de Roger Casement est
complexe, ses ambiguïtés nombreuses, rendant le personnage à la
fois attachant et foncièrement humain. Et le talent de Mario Vargas
Llosa est immense de parvenir ici à décrire ce personnage, à
raconter sa vie, ses sentiments, ses troubles, avec tant de verve et
d'apparente facilité. On est là entre le roman et la biographie,
c'est un ouvrage qui se lit très bien mais qui
nécessite d'être digéré. C'est une lecture exigeante, qui se mérite et a besoin de décanter. D'ailleurs, j'ai terminé ma lecture il
y a déjà quelques jours, et contrairement à mon habitude, j'ai
d'abord eu besoin de prendre du recul et de lire autre chose avant de
pouvoir écrire le moindre mot au sujet de ce livre.
Je ne peux
donc que remercier Ys de m'avoir permis, grâce à son challenge
incroyable, de découvrir ce grand auteur qu'est Mario Vargas Llosa.
Je ne connaissais absolument pas cet écrivain, et ce challenge aura
été une excellente occasion ! (euh... je suis loin, mais alors
très, très loin, de l'objectif du challenge ! Je crois que j'ai été
très, très ambitieuse, là !)
Paru aux
éditions Gallimard (Du monde entier), 2011. ISBN :
978-2-07-013289-8.
Bravo et merci pour ta participation. J'espère que ça ne sera pas la seule, mais si ça l'est, je suis vraiment ravie que ce soit avec cet auteur, un de mes favoris, et ce livre que j'ai vraiment apprécié. J'espère en tout cas que les participations des autres challengeurs te donneront envie de découvrir d'autres titres parmi ces 144 !
RépondreSupprimerOh oui, j'aimerais vraiment participer un peu plus à ton challenge ! Je dois avouer que tout est bousculer pour l'instant, et que je n'ai que peu de temps pour lire, alors tant mieux si c'est avec Mario Vargas Llosa : j'aurais regretté de l'avoir manqué !
SupprimerBravo, pour l'analyse de ce roman ! C'est ce que j'attends des blogueurs quand ils font l'analyse d'un livre. Nombreux sont ceux qui n'osent pas exprimer leurs sentiments personnels. Si l'on a été bouleversé, il n'y a aucune honte à le dire. Vos propos me font penser à mes propres sentiments à la lecture de certains ouvrages qui m'ont totalement "retourné" parce qu'il s'agissait de "lectures exigentes,qui se méritaient et avaient besoin de décanter". J'emploie souvent le terme de "digérer", à la manière de Montaigne.
RépondreSupprimerIl est certain que votre billet est fait pour donner envie de lire le livre à ceux qui ne l'ont pas déjà fait.
Merci pour ce joli commentaire, et bienvenue sur ce blog ! Je tente toujours d'être honnête en écrivant mes impressions de lectures, je pense simplement que si c'est juste pour dire "j'aime" ou "j'aime pas", ce n'est pas la peine de le mettre sur un blog... :)
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