jeudi 17 mars 2011

Souvenirs de l'Année Terrible, de Georges le Tervanick [Jules Garçon]


Ce livre a la particularité d'être un manuscrit édité plus de 100 ans après son écriture. Il relate le conflit qui opposa la France et la Prusse d'alors, en 1870.
Le récit se compose de trois parties de longueurs inégales : le récit de Dominique Thelliez, simple soldat d'une part, les lettres de Léopold Foulon, grand-oncle de l'auteur d'autre part, et de divers écrits, lettres et documents familiaux, formant la très courte troisième partie.
Je n'avais quasiment jamais entendu parler ou lu d'ouvrages à propos de cette guerre qui vit la victoire des Allemands et l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine. Et si je connaissais l'existence de ce conflit, ce récit m'a vraiment semblé être d'un autre âge, au point d'avoir eu l'impression, à divers moments de ma lecture, qu'il s'agissait d'une fiction. Entendons-nous bien : je ne remets pas en question la véracité de ce texte et des circonstances de son écriture. Je mesure simplement, après la lecture du livre, d'une part l'étendue de mon ignorance au sujet de cette guerre, dont je ne savais quasiment rien ; et d'autre part le fossé qui existe entre ce conflit et la vie de cette époque d'une part et les conflits armés actuels (depuis ceux du début du XXe siècle en gros) d'autre part.

Tout ce qui est décrit ici est de l'ordre du témoignage personnel, du vécu intime. Les deux rapporteurs, qu'il s'agisse de Thelliez ou de Foulon, ne sont que soldats, subissant le quotidien d'une guerre qu'ils n'approuvent ni ne comprennent. Ce sont de pauvres hommes qui n'aspirent qu'à dormir dans un lit, manger à leur faim et revoir leurs proches au plus vite. Le lecteur est ainsi entraîné dans le quotidien de ces soldats de 1870, avec la vie de régiment, les déplacements, les ordres, les contre-ordres, les nouvelles qui arrivent et sont démenties le lendemain... avec l'impression d'un amateurisme sans fond de la part de ceux qui prennent les décisions au regard de ce qui se joue là. Ce qui m'a semblé le plus flagrant, c'est donc ce fossé qui sépare ce conflit de la Grande Guerre (celle de 1914), dont les témoignages nous sont bien plus familiers. L'impression que j'ai eue à la suite de cette lecture, c'est une brutale prise de conscience que la nature même des conflits avaient changé entre 1870 et 1914, passant d'une sorte de « culture de la débrouille » au « professionnalisme », avec les conséquences que l'on sait.

De ce témoignage, je retiens aussi le côté très authentique, presque naïf. La description du conflit, du quotidien, de la vie dans l'armée, y compris dans ce qu'elle a de pire (cour martiale, exécutions, cachot, privations...) y est dépeinte avec beaucoup de naturel, et on sent derrière les mots l'attachement de ces hommes à leur pays, à leur famille, à leur village.
Il ne faut pas s'attendre là à un traité sur le déroulement du conflit de 1870, pas plus qu'un livre d'Histoire. On sent d'ailleurs que les deux témoins sont complètement perdus eux aussi, et qu'ils se sont contentés d'obéir, sans vraiment comprendre tout ce qui se passait autour d'eux. Il n'en reste pas moins vrai que ces pages retracent avec honnêteté un pan de notre histoire, d'un temps où les soldats étaient logés chez l'habitant, où ils s'entraînaient le matin et n'avaient pas tous des armes au début du conflit, où ils avaient la possibilité d'écrire des lettres à leurs familles et de recevoir des visites, et où les menaces venaient de la route face à eux, et non du ciel, de bombes atomiques ou d'armes bactériologiques et de destruction massive. Un autre temps, presque oublié désormais, tant les conflits qui opposent les peuples ont évolué aujourd'hui.

Un grand, grand merci aux éditions Ramsey et à BOB pour cette découverte : je suis heureuse d'avoir pu en apprendre un peu plus sur cette période difficile et troublée de notre histoire.

Paru aux éditions Ramsey, 2010. ISBN : 978-2-8122-0019-9

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je viens de finir la lecture de cet ouvrage subliment raconté qui pour moi me tient à coeur. Car le Leopold Foulon était l'arrière grand père de ma grand mère, ça remonte c'est sûr, mais c'est toujours prenant de savoir ce que nos "ancêtres" ont vécus.
    Je recomande à 100%...

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  2. Eh bien, cher Anonyme, merci pour votre passage "chez moi" et votre petit commentaire ! C'est bien aussi pour moi de savoir que des héritiers de monsieur Foulon sont toujours là ! Votre aïeul avait l'air d'avoir du caractère !

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