jeudi 12 juillet 2012

Le Rêve du Celte, de Mario Vargas Llosa



Il y a des livres qu'on n'aurait jamais lu si les hasards de calendriers n'existaient pas. Pour celui-ci, c'est vraiment le cas. J'ai repéré ce roman dans ma librairie préférée quelques jours après celui où Ys annonçait son challenge Les 12 d'Ys. Du coup, je me suis engagée à y participer... sans me rendre compte de l'immense tâche qui m'attendait.
Ys, tu m'excuseras : ce billet sera peut-être le seul de ce challenge monumental que tu as imaginé : lire 12 livres dans chacune des 12 catégories que tu as créées.
Ceci dit, malgré l'étendue de mon incompétence en la matière, j'ai quand même réussi à aller au bout de ce roman-ci, et rien que pour ça, je suis ravie de m'être engagée dans cette folle aventure.

Le Rêve du Celte, c'est le titre d'un poème écrit par Roger Casement, diplomate britannique de la fin du 19e siècle, mort durant la première guerre mondiale, non au front mais pendu pour trahison. C'est ici son histoire qui nous est brillamment racontée, depuis son enfance en Grande Bretagne jusqu'à sa mort. Entre les deux, Roger Casement a vécu plus de 20 ans au Congo Belge, puis a fait plusieurs séjours en Amérique du Sud (en Amazonie en particulier, mais aussi au Brésil par exemple). En tant que diplomate, il s'est attaché à défendre les droits des populations indigènes qu'il a rencontrées sur place. Il avait en effet pu voir à quel point ceux-ci étaient opprimés, massacrés, humiliés, torturés, exploités au nom de la colonisation, tant au Congo qu'en Amazonie. Il a dû faire face, dans les deux cas, à la malhonnêteté des colons, à l'horreur de la recherche du profit à tout prix, quitte à aller jusqu'au mensonge pour gagner toujours plus d'argent... Durant sa vie de diplomate, Roger Casement n'a eu de cesse de dénoncer ces abus.

Mais ce côté brillant du personnage cache aussi une face sombre, obscure, comme chez nombre d'êtres humains (tous ?). Roger Casement, Irlandais par sa mère, n'a pu s'empêcher de comparer le joug qui pesait sur les épaules des Congolais et des indiens du Pérou avec celui qui se trouvait sur celles des Irlandais dans l'Empire Britannique. De là sa volonté de tout faire pour obtenir l'indépendance de l'Irlande, allant jusqu'à pactiser avec l'Allemagne, l'ennemie de l'ennemi...
Par ailleurs, les adversaires de Roger Casement n'ont pas un instant hésité à utiliser contre lui certains traits de sa personnalité totalement inacceptables à l'époque pour ajouter encore au discrédit qui pesait sur lui, le coupant progressivement de ses amis, de ses alliés, sapant la confiance qui le liait à eux et lui permettait d'avoir encore un espoir de voir sa peine commuée.

J'ai eu du mal à lire ce livre. Non pas à cause de la manière dont il est écrit, au contraire : il est passionnant, haletant, magnifiquement bien écrit, ne laissant aucun répit au lecteur. Le récit est construit sur une alternance entre le présent de Roger Casement (sa détention durant laquelle il attend la décision concernant sa peine et son exécution) et son passé, au Congo, en Amazonie puis en Irlande. Seulement, les faits décrits sont pour beaucoup absolument abjects, honteux, horribles, et m'ont demandé parfois du temps pour être digérés. La personnalité de Roger Casement est complexe, ses ambiguïtés nombreuses, rendant le personnage à la fois attachant et foncièrement humain. Et le talent de Mario Vargas Llosa est immense de parvenir ici à décrire ce personnage, à raconter sa vie, ses sentiments, ses troubles, avec tant de verve et d'apparente facilité. On est là entre le roman et la biographie, c'est un ouvrage qui se lit très bien mais qui nécessite d'être digéré. C'est une lecture exigeante, qui se mérite et a besoin de décanter. D'ailleurs, j'ai terminé ma lecture il y a déjà quelques jours, et contrairement à mon habitude, j'ai d'abord eu besoin de prendre du recul et de lire autre chose avant de pouvoir écrire le moindre mot au sujet de ce livre.

Je ne peux donc que remercier Ys de m'avoir permis, grâce à son challenge incroyable, de découvrir ce grand auteur qu'est Mario Vargas Llosa. Je ne connaissais absolument pas cet écrivain, et ce challenge aura été une excellente occasion ! (euh... je suis loin, mais alors très, très loin, de l'objectif du challenge ! Je crois que j'ai été très, très ambitieuse, là !)

Paru aux éditions Gallimard (Du monde entier), 2011. ISBN : 978-2-07-013289-8.


4 commentaires:

  1. Bravo et merci pour ta participation. J'espère que ça ne sera pas la seule, mais si ça l'est, je suis vraiment ravie que ce soit avec cet auteur, un de mes favoris, et ce livre que j'ai vraiment apprécié. J'espère en tout cas que les participations des autres challengeurs te donneront envie de découvrir d'autres titres parmi ces 144 !

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    1. Oh oui, j'aimerais vraiment participer un peu plus à ton challenge ! Je dois avouer que tout est bousculer pour l'instant, et que je n'ai que peu de temps pour lire, alors tant mieux si c'est avec Mario Vargas Llosa : j'aurais regretté de l'avoir manqué !

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  2. Bravo, pour l'analyse de ce roman ! C'est ce que j'attends des blogueurs quand ils font l'analyse d'un livre. Nombreux sont ceux qui n'osent pas exprimer leurs sentiments personnels. Si l'on a été bouleversé, il n'y a aucune honte à le dire. Vos propos me font penser à mes propres sentiments à la lecture de certains ouvrages qui m'ont totalement "retourné" parce qu'il s'agissait de "lectures exigentes,qui se méritaient et avaient besoin de décanter". J'emploie souvent le terme de "digérer", à la manière de Montaigne.

    Il est certain que votre billet est fait pour donner envie de lire le livre à ceux qui ne l'ont pas déjà fait.

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    1. Merci pour ce joli commentaire, et bienvenue sur ce blog ! Je tente toujours d'être honnête en écrivant mes impressions de lectures, je pense simplement que si c'est juste pour dire "j'aime" ou "j'aime pas", ce n'est pas la peine de le mettre sur un blog... :)

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