dimanche 13 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 28 : Le Temple des Immortels, de Roger Leloup




J’écris cette chronique le 20 septembre 2019, soit une dizaine de jours seulement avant la sortie du prochain album de la série. Elle ne sera publiée qu’au mois d’octobre, afin de ne pas perturber la parution des autres billets sur la série, que je souhaite publier dans l’ordre de parution des albums. Celle-ci est donc la dernière, du moins temporairement.

Une fois n’est pas coutume : l’album commence en Allemagne, où Yoko, Vic et Pol assurent l’enregistrement, au château de Rheinstein, d’une œuvre pour clavecin jouée par Ingrid. Lors de l’enregistrement, Yoko est frappée par un bruit parasite qu’elle situe tout proche, à l’extérieur, et malgré les doutes de Vic et Pol, décide d’aller voir. Elle y trouve un survoleur vinéen et un mini drone qui l’invite à embarquer. C’est sur le siège passager qu’elle voit l’image holographique de Khany lui expliquant qu’elle doit la rejoindre au plus vite. Yoko décide d’accepter et emmène Rosée et Emilia, à bord du survoleur, jusqu’en Écosse où elle sait pouvoir trouver le « passage » qui va la mener jusqu’auprès de son amie.
Près des ruines d’un autre château (déjà exploré par Yoko dans « La Proie et l’Ombre ») se trouve en effet une entrée aménagée vers le monde souterrain des Vinéens, permettant à Yoko de pénétrer dans le sous-sol discrètement. Là, arrivées en bas, les trois terriennes apprennent rapidement qu’un drame se joue pour Khany et les Vinéens restés sous la surface de la Terre : le Grand Conseil de Vinéa, a bien sûr appris la destruction de la base située sur Mars (voir « Le Secret de Khany »), à cause du risque de destruction de la vie sur Terre. Mais les rapatriés sur Vinéa, venant de la Terre, ont besoin d’une longue réadaptation à leur planète-mère et de nombreux échecs ont lieu. De fait, le Grand Conseil a donc demandé aux Vinéens présents sous la Terre de se débrouiller seuls… et Khany et ses compagnons ont décidé de se séparer de la tutelle de Vinéa… en coupant tout lien spatial avec leur planète d’origine.
Mais Khany craint que les Terriens, acculés à se terrer dans le sous-sol de leur planète à cause des conditions climatiques qui se modifient rapidement (le fameux « réchauffement climatique ») ne finissent par les découvrir. Les Vinéens de la Terre ont donc besoin de trouver un rejuge plus profond, au-delà du siphon découvert dans « La Servante de Lucifer ».
Yoko est confrontée à un autre problème : Têvy, la jeune hybride sauvée sur Mars, n’a nullement l’intention de vivre sous Terre, même si, pour l’instant, elle n’a pas vraiment le choix. Yoko promet de réfléchir à la question, avant de s’occuper d’un autre problème plus immédiat : Zarkâ, la « Servante », demande à Yoko de la rejoindre seule. Et simultanément, Yoko et Emilia découvrent que, tout près, vit une communauté de Terriens parlant le Gaélique (sans doute issus des anciennes tribus celtes qui peuplaient la région dans l’Antiquité). Bien sûr, la curiosité l’emporte et Yoko décide de franchir le siphon en compagnie d’Iseut et de son frère Nahm. Elle découvre à cette occasion que ceux-ci se déplacent sous l’eau grâce à d’étranges tortues, que Yoko a déjà rencontrées sur Vinéa, lors de son aventure sous-marine dans la Cité de l’Abîme (« Les Archanges de Vinéa »). Il y a donc bien contact entre les deux cultures qui vivent sous terre.

Yoko et Emilia vont être confrontées à des ennemis qui ne sont pas forcément ce qu’ils semblent être. D’ailleurs, qui, des descendants des guerriers celtes, de Zarkâ ou des moines du temple des Immortels situé dans cet univers souterrain est le véritable ennemi ? D’autant plus que Yoko découvrira au fil des pages de cet album foisonnant que quelque chose (ou quelqu’un?) tire les ficelles à l’insu de tous, ou presque.

On est là dans une aventure foisonnante, je le disais plus haut, où se mêlent l’ésotérisme et la magie, via Zarkâ, la religion avec les moines du Temple dont les Celtes pensent qu’il s’agit d’un endroit maudit (et qui rappelle là que les traditions celtiques ont souvent été christianisées, afin de ramener au Dieu des Chrétiens les peuples « païens » évangélisés au début de l’ère chrétienne), la technologie utilisée à des fins néfastes (et personnifiée dans le moine Marzin, qui se prend pour la réincarnation de Merlin) et à des fins positives, en présence de l’intelligence artificielle dont le but semble être de pacifier la région et de donner une terre, et un chef, à ce petit peuple celte avant l’arrivée imminente des Vinéens en quête d’un abri plus pérenne que leurs bases souterraines trop proches de la surface. Par ailleurs, l’emplacement et l’univers où est installée cette fameuse « intelligence artificielle » fait vraiment penser au « coordinateur-robot » que Yoko a affronté dans sa toute première aventure, « Le Trio de l’Étrange », ou encore au « Guide Suprême », déifié par les survivants de Vinéa, dans « Les Trois soleils de Vinéa ». Dans ces deux derniers cas, ces « intelligences » s’étaient retournées contre les peuples qu’elles étaient sensées protéger et guider. Ici, l’intelligence en question semble tout faire concourir au bien du petit peuple celte… mais l’avenir seul nous dira ce qu’il en est vraimen.
Une intrigue un peu complexe, comme le sont celles des derniers albums, où Roger Leloup fait s’imbriquer de plus en plus les différents mondes qu’il a créés : le monde des Vinéens vivant sous Terre, le monde des Terriens vivant à la surface et celui des Terriens vivant sous Terre et qui semble avoir conservé des croyances païennes tout en étant en contact avec le christianisme d’une part et les Vinéens d’autre part…

Faut-il voir dans cette album une critique de la religion ? Une recherche d’équilibre entre les différents modes de pensée de communautés qui se côtoient malgré elles, contraintes et forcées par la tournure des événements ? En tout cas, l’humanisme de Roger Leloup, qu’il transmet à son héroïne depuis plusieurs décennies maintenant, reste bien le moteur et la « toile de fond » de la série. Reste à savoir jusqu’à tout cela ira ?
L’avenir nous le dira : un nouvel album est en préparation.


Pour cet album aussi, comme pour les précédents, une édition en grand format, avec un cahier de dessins et de textes permettant d’approfondir l’univers de Roger Leloup a été réalisée. Cet album est, comme toujours, d’une excellente facture, avec un beau papier de qualité et un confort de lecture certain.

Paru aux éditions Dupuis, 2017. ISBN : 978-2-8001-6953-8

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire